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Familles et relations entre les générations: Autonomisation et lien social

Families and intergenerational relationships: Autonomization and social bonds

Resumo:

O discurso das políticas públicas e de muitos atores do campo do envelhecimento valoriza as atividades intergeracionais. Este objetivo parece menos tido em conta pelos idosos e muito pouco pelos mais jovens. Com base numa pesquisa qualitativa e em três pesquisas quantitativas, mostramos que intra ou intergeracional, familiar, amical ou de vizinhança, o que importa parece ser a relação, o medo da solidão. O termo “intergeracional” aparece como a construção de uma categoria administrativa usada como instrumento de comunicação.

Palavras-chave:
campo do envelhecimento; relações intergeracionais; políticas públicas

Abstract:

The discourses of the public policies and many actors involved in the field of ageing praises “inter-generation” actions. This goal appears to be less taken into account by old people and very little by the young people. Starting from one qualitative and three quantitative investigations, we showed that no matter if it is inter or intra “generational”, “familial”, friendly or neighborly, the most important thing seemed to be the relationship, the fear of loneliness. The word “intergenerational” then appears as the construction of an administrative category used as a communication tool.

Keywords:
field of ageing; intergenerational relationship; policies public

Introduction

L’opinion selon laquelle les personnes âgées (sans entrer dans le débat sémantique, nous dénommons ainsi les personnes qui se considèrent ou sont considérées comme telles, en adoptant la définition sociologique, non normative, de la vieillesse comme étant la dernière étape de la vie) sont demandeuses de relations intergénérationnelles, notamment au sein de la famille, est consensuellement répandue. A l’appui de cette affirmation, nous avons remarqué (Réguer, 2009REGUER, Daniel. Interroger les évidences: vieillissement de la population, maintien à domicile. Vie Sociale et Traitements, “Vieillir c’est vivre”, n. 99, p 18-23, janvier 2009.) une quasi exclusivité de la demande exprimée par des institutions, publiques ou privées, associations ou groupements ayant pour objet le vieillissement. A l’inverse, rares sont les mouvements de jeunesse et les institutions dans ce domaine, à exprimer le souhait de relations intergénérationnelles et dans une moindre mesure de relations familiales ascendantes. Au-delà de perspectives psychologisantes, peu d’interprétations sociologiques ont été tentées récemment pour comprendre ou expliquer l’absence de réciprocité dans l’attirance des générations ou des âges, les uns pour les autres. Trois interprétations (Attias-Donfut, 1991ATTIAS-DONFUT, Claudine. Générations et âges de la vie. Paris: P.U.F., 1991. Que sais-je? n° 2570.) pourraient éclairer les rapports entre les âges, entre les générations ou entre des personnes ayant vécu des périodes aux contextes historiques et culturels différents.

  1. Un phénomène d’âge amènerait les personnes âgées à refuser l’identité de “vieux” que leur assigne la société. Une identité construite sur le modèle de la jeunesse, ou acceptable par elle, serait plus valorisante. Le témoignage “on peut être vieux dans son corps et jeune dans l’esprit” illustre une forme de hiérarchisation sociale des âges. Elle est confortée par la réciproque de l’expression “on peut être jeune et vieux dans sa tête”. Les deux valorisent la jeunesse.

  2. Le déséquilibre supposé des souhaits intergénérationnels serait-il un “destin des générations”, l’une étant construite comme plus solidaire que les autres, par une expérience historique spécifique, supposée déterminante de comportements ?

  3. Se trouverait-on, au contraire, dans une période mouvante au contexte historique spécifique structurant si fortement les identités que les individus des nouvelles générations (les jeunes) seraient plus enclins à vivre dans l’ignorance des générations précédentes?

Les interprétations émaillées de discours incantatoires sur l’abandon supposé des personnes âgées par leur famille ne sont pas toujours complètement sans enjeux moralisateurs. Elles nous semblent coupables scientifiquement, d’une économie de validation, d’une part, du constat d’une aspiration intergénérationnelle et familiale des personnes âgées et, d’autre part, d’un dédain des jeunes pour ces relations entre les âges. Les personnes âgées aspireraient-elles à la rencontre des jeunes alors que ces derniers seraient ignorants des premiers? En nous gardant d’une sociologie qui ne verrait dans le comportement des jeunes actuels que reproduction de celui des jeunes d’hier nous devons interroger l’évidence consensuelle d’une différence de comportement des jeunes et moins jeunes, d’un changement, de pratiques des jeunes d’aujourd’hui que n’auraient pas eu ceux d’hier, devenus âgés. Notamment, depuis prés d’un demi-siècle, le discours public (Laroque, 1962LAROQUE, Pierre. Politique de la vieillesse. Rapport de la commission d’étude des problèmes de la vieillesse, Haut Comité Consultatif de la population et de la famille, La documentation française, 1962.) et concomitamment le discours des acteurs (Treaton, 1963TREANTON, Jean René. Le vieillard dans la famille, Esprit, vieillesse et vieillissement, N°817, n. spécial, mai 1963, p. 755-759.) (associations de retraités, gestionnaires publics, associatifs ou privés à but lucratif…) reflète-t-il l’opinion des personnes âgées? Au contraire, ces discours fonctionnent-ils, telle une application confuse sous jacente de la théorie de la proclamation auto réalisatrice, comme une incantation à un comportement rêvé?

Interroger l’évidence, posture scientifique de base commune à toutes les disciplines et à tous les paradigmes, est l’enjeu de cette contribution: peut-on généraliser à tous les domaines de la vie, à tous les groupes sociaux une identité, spécifique des personnes âgées, qui s’exprimerait par le souhait de relations intergénérationnelles? Nous postulons pour notre part qu’indépendance et relation sont constitutives l’une de l’autre et que la cohabitation familiale imposée d’antan ne garantissait pas toujours le bien-être social, voire l’absence de maltraitance. Le qualificatif “intergénérationnel” apparaît alors comme construction d’une catégorie administrative à usage de communication. Intra ou inter générationnelle, familiale amicale ou de voisinage, ce qui importe semble être la relation, la crainte de solitude et la difficulté accrue de recomposer sans cesse la vie sociale avec la disparition croissante, avec l’avance, en âge des collatéraux. On comprend alors l’expression d’un attachement, moins à l’institution familiale qu’aux relations qui s’y nouent.

L’intérêt social de notre questionnement permet d’éclairer l’action de ceux, professionnels, responsables retraités et gestionnaires, qui veulent mettre en oeuvre des actions intergénérationnelles. En outre, du point de vue des politiques publiques à activer, là où s’exprime une crise des financements publics, il peut être tentant de substituer l’intervention de “familles providences” (Lesemann, 1989LESEMANN, Frédéric; CHAUME, Claire. Familles-providence, la part de l’Etat. Montréal: Ed. St Martin, 1989.) à des carences d’initiatives publiques, alors que dans d’autres régions du monde des recompositions familiales et démographiques rapides peuvent appeler l’invention de politiques publiques spécifiques d’accompagnement qui ne se contentent pas de calquer celles des Etats providences, que nous avons analysées comme ségrégatives (Réguer, 2001REGUER, Daniel. Recomposition d’une vie sociale. In LEGRAND M. (sous la direction) La retraite une révolution silencieuse. Toulouse: ERES, 2001. p. 189-222.).

La spécificité de l’objet imposant de considérer l’âge et la position sociale de l’observateur, nous écarterons le discours institutionnel (politique, associatif, gestionnaire …) des matériaux, supports de notre observation. Nous mobiliserons, au contraire, le discours des populations, celui des personnes âgées. En premier lieu, il s’agira d’un matériau qualitatif constitué de l’analyse des premiers comptes-rendus des Cafés des âges organisés à l’initiative de l’association “Vieillir c’est vivre”. Nous mobiliserons alors deux enquêtes quantitatives menées à 12 ans d’intervalle dans deux communes de Seine Maritime dans lesquelles, de façon prémonitoire sur nos hypothèses actuelles, nous pointions des variables relatives à la famille et aux relations intergénérationnelles. S’y ajoutera une enquête relative aux solidarités familiales dans le processus de rupture du maintien à domicile. La multiplicité de ces enquêtes concoure au faisceau de validation de notre hypothèse.

“Vieillir, c’est vivre !”

Dans un premier temps, un travail qualitatif éclaire notre problématique. Pour ce faire, nous revisitons l’analyse des premiers Cafés des âges qui se sont déroulés au cours de l’année 2005 (Réguer, 2005REGUER, Daniel. Analyse des comptes-rendus de la première génération de cafés des âges. Rapport au conseil scientifique de “Vieillir c’est vivre”, Ronéoté, Sept. 2005. 24 p.) à l’initiative de l’association “Vieillir, c’est vivre!”. Nous l’avions réalisée à partir des comptes-rendus rédigés par les animateurs. Selon ses propres statuts, cette association a pour ambition de “créer un mouvement citoyen visant à mettre en valeur les rapports entre générations et à changer notre regard collectif sur la place des personnes âgées dans la société”. Paulette Guinchard déclarait au Monde le 7 décembre 2005: “Après mon passage au gouvernement, j’ai voulu me mobiliser pour qu’on ne considère plus la vieillesse sous le seul angle médical et que la réflexion sur le sujet ne reste pas l’apanage des professionnels. L’action de l’association s’est traduite par la rédaction de l’appel “Vieillir, c’est vivre: dites-le!” et par l’organisation des Cafés des âges. Ce sont des lieux de débats qui se veulent conviviaux, organisés autour du partage d’une boisson, tel que cela peut se produire entre amis dans un “café-bar”. Ouverts à toutes les générations (citoyens, élus, opérateurs de terrain, universitaires, retraités, associations, familles), ils visent à permettre de dégager une expression citoyenne la plus large possible. La plus grande liberté est laissée aux initiateurs de chaque Café des âges, sur les modalités d’organisation, l’autorité organisatrice, les invités, les thèmes ou les lieux. La seule recommandation est de commencer par la lecture de l’appel “Vieillir, c’est vivre: dites-le!” et de créer les conditions conviviales d’un dialogue et d’un échange.

Sur le plan méthodologique, l’analyse des Cafés des âges était facilitée par la contrainte faite aux organisateurs de rédiger un compte-rendu selon un canevas élaboré par l’association “Vieillir, c’est vivre”. Cependant, comme tout outil d’observation, ce canevas constitue un biais méthodologique. Ainsi, dans les comptes-rendus, certainement autant que dans les réunions, se sont trouvées survalorisées les thématiques abordées dans le canevas, et au premier rang desquelles se trouve “le regard” sur les personnes âgées. On n’imagine pas qu’il s’agisse d’un regard malveillant: “Au sein du Café des âges, le dialogue est au contraire très respectueux. Ainsi, notre souci méthodologique va nous amener à porter notre intérêt, non seulement sur ce qui est dit dans les comptes-rendus des Cafés des âges, mais aussi sur ce qui est non-dit. Nous nous préoccuperons autant des thématiques éventuellement ignorées que des manières de les traiter, en référence à notre questionnement sur l’institution familiale et l’intérêt exprimé par les personnes âgées pour les relations entre les générations. Dans ce sens, le canevas sera considéré davantage comme un guide d’entretien qui nous permet de saisir, dans les formulations même des acteurs, le sens qu’ils donnent à leur action. C’est ainsi, en adoptant délibérément la posture des acteurs, dont nous faisons partie1 1 Président du conseil scientifique de l’association «Vieillir, c’est vivre». que nous tenterons de comprendre leur point de vue, leur perspective d’engagement et le sens qu’ils en donnent.

A la lecture des comptes-rendus, nous avons constaté que la quasi-généralité des Cafés des âges a été conçue comme lieux d’échange et aucun ne s’est déroulé comme un colloque où seule une compétence scientifique, médicale ou une responsabilité politique est légitimée. Les lieux d’organisation ont été les plus divers. Il s’est rarement agi d’un “café” ou d’un “bar-tabac”. Cependant, cette forme a inspiré tous les acteurs par sa convivialité: le désir d’échanger des paroles. D’un point de vue méthodologique, la parole profane recueillie ne peut pourtant pas être négligée comme reproduction du sens commun, voire du discours des politiques publiques. C’est pourtant l’enjeu de notre contribution de pointer le décalage entre les deux discours.

La consigne de commencer par la lecture de l’appel “Vieillir, c’est vivre: dites-le!”, a eu pour mérite de ne pas centrer les échanges sur le savoir scientifique légitime. L’appel, cependant, n’a pas été sans orienter le discours, notamment dans le sens de la promotion des relations entre les générations. Pour autant, nous avons pu repérer, dans certains Cafés des âges, une lecture critique de l’appel qui “met beaucoup l’accent sur les vieux alors que les Cafés des âges se disent intergénérationnels”.

Le dépouillement des procès-verbaux des Cafés des âges révèle, comme on pouvait s’y attendre, une grande adéquation entre les types de participants, les thèmes abordés, les types d’organisateurs et les lieux de déroulement de l’évènement. Il s’agit, par exemple, de la question de l’utilité sociale des retraités lorsque l’organisation émane d’un centre social, alors que la thématique est plus orientée vers le handicap et la maladie lorsque l’organisation émane d’une maison de retraite.

Le thème de la famille est revenu à de nombreuses reprises dans les comptes-rendus des Cafés des âges. La famille y est présentée le plus souvent comme un lieu où peuvent s’exercer les relations intergénérationnelles, parfois avec un regard nostalgique idéalisé “à l’image de la famille d’autrefois”. C’est aussi une institution quelque peu bousculée, à une période où s’accroissent les pratiques de séparations, divorces et recompositions familiales. La famille, avec ses rites, temps et lieux formels et coutumiers de rencontres est le lieu d’échange entre des générations, sans qu’ait besoin d’être désignée la dimension intergénérationnelle des liens. Mais “l’éclatement des familles défavorise le maintien de ces liens. La grand parentalité, paternelle notamment, se trouve mise à mal dans une société dans laquelle la transmission culturelle, voire l’historicité, suit plus généralement la lignée maternelle. On ne sera pas sans remarquer l’absence de référence spécifique aux différences de genre, à une division sexuée des tâches et des pouvoirs au sein de l’institution familiale. Faut-il y voir une cause de la division que l’on remarque aussi au sein des Cafés des âges, entre les animateurs, plus souvent masculins et les participantes, plus souvent féminines?

Nous pouvons constater une forte référence au cadre familial, comme lieu de solidarité envers les plus jeunes (don, prêts…), mais aussi, parfois non sans trace de culpabilisation, du devoir d’assumer un rôle d’aidant. Une lecture fine des comptes-rendus des Cafés des âges indique que ce rôle est plus souvent le fait, peu reconnu, des femmes et, pour l’essentiel, des conjointes pourtant elles-mêmes parfois déjà âgées. Ce domaine de la famille est particulièrement intéressant à remarquer, car il constitue un lieu social, dans une société donnée, à un moment particulier de son développement, au sein duquel des relations entre les générations se nouent, au-delà des obligations imposées par la loi et des injonctions institutionnelles formelles explicites que porte le “discours intergénérationnel”. Sans nier tous les effets de constructions et de contrôles sociaux, la famille est un lieu où l’intimité imperceptible rend difficile l’observation par le regard extérieur, avec les indicateurs et outils en usage dans les sciences sociales pour d’autres objets. C’est le lieu de la pratique intergénérationnelle, parfois invisible, non décrétée, non instituée, non évaluée formellement. On comprend alors l’expression d’un attachement, moins à l’institution familiale qu’aux relations qui s’y nouent, chez les géniteurs des membres de ces familles que sont les parents et grands-parents. Cette expression de l’intime, que l’on a retrouvée dans de nombreux Cafés des âges, ne peut être envisagée comme une contradiction avec les transformations actuelles de la famille, ses décompositions et recompositions.

De ce fait, la réalité de l’intimité familiale, d’une part, et des relations plus publiques qui se jouent en dehors, sur le lieu professionnel ou de loisir, d’autre part, ne peuvent être tenues pour indicateurs l’un de l’autre. L’état de la connaissance actuelle ne permet pas d’affirmer que les relations familiales seraient à l’image des relations intergénérationnelles publiques, ou, au contraire, qu’elles les compenseraient. Ainsi, il serait inopportun de réduire le vaste champ des relations intergénérationnelles aux manifestations socialement estampillées comme telles.

Le discours intergénérationnel, est évidemment très présent dans les comptes-rendus des Cafés des âges. On n’en est pas surpris en raison de l’objet même de l’association qui les a initiés. Nous faisons de ce qui pourrait être considéré comme un biais méthodologique, une opportunité pour comprendre, d’un point de vue qualitatif, ce que les acteurs sous-tendent par cette terminologie. Conclure sur l’intérêt des personnes vieillissantes pour les actions intergénérationnelles serait tautologique. Mais là n’est pas notre objet. Le discours de l’association, l’appel “Vieillir, c’est vivre: dites-le!” unifie une référence commune sur laquelle s’expriment les participants et surtout rend cette référence visible à l’observateur.

Le discours intergénérationnel est souvent marqué par un désir de regard des jeunes générations sur les personnes âgées et l’intérêt pour ces jeunes générations de rencontrer les générations anciennes, notamment pour recevoir leur mémoire. Bien que moins fréquemment, certains Cafés des âges constatent que des “jeunes expriment une envie de rapprochement avec les personnes âgées. On trouve, dans ces réflexions sur les relations entre les générations, moins souvent de remarques réciproques, qui consisteraient à modifier le regard des personnes âgées et à valoriser les générations plus jeunes. Ce discours est cohérent avec la caractéristique d’âge de la population qui initie et fréquente plus généralement les Cafés des âges et qui centre son objet d’étude sur elle-même. Il s’agit, pour les uns, des “grands-parents”, pour les autres, des “aidants familiaux” avec des parents dépendants, il s’agit pour tous, généralement de la “génération sandwich” ou de la “génération pivot”. Si le Café des âges a échappé à l’appellation “Café géronto2 2 Diminutif de «gérontologiques». ”, qui en est le précurseur belge, il demeure, souvent, un “café intragénérationnel”, ou du moins avec une faible représentativité des jeunes générations. En outre, il est conforme au discours général sur les relations entre les générations, qui émanent plus souvent des populations les plus âgées ou des services qui les représentent. Tout fonctionne comme si, malgré tout, la demande de relations intergénérationnelles émanait des mondes sociaux liés à l’avance en âge. Mais pour cette population, dont plus de 60% de la partie féminine vit seule après 1980 ans, parfois condamnée à la solitude du domicile, n’est-ce-pas aussi tout simplement de relation, inter ou intra générationnelle, qu’il s’agit? Or, le désir de parler et d’être écouté, de ne pas se contenter d’un dialogue virtuel avec la télévision, ne peut plus s’exprimer ni dans le lieu central de socialisation qu’est le travail, ni par une relation conjugale intra familiale. Elle s’exprime d’autant plus facilement en direction de la famille élargie aux générations qui suivent, que ce sont des femmes qui ont été missionnées socialement dans la gestion de la famille. Là encore, ce ne sont qu’hypothèses, sur lesquelles la parole des acteurs ou plutôt des actrices, importe plus que tout.

A l’inverse, le besoin relationnel des enfants et des jeunes est plus facilement satisfait, par la multiplicité des collatéraux et des lieux de socialisation qu’il s’agisse de l’école, de l’enseignement supérieur, des lieux de travail ou hors travail. Il serait ainsi inexact d’interpréter le moindre désir intergénérationnel comme déni de relation intergénérationnelle, voire sous une forme moralisatrice “d’irrespect” à l’égard des personnes âgées. Ainsi, la différence constatée entre jeunes et vieux ne relève pas d’une interprétation moralisatrice liée à un supposé changement de période, mais révèle une place sociale faite aux plus âgés qui ne compense pas la raréfaction des collatéraux.

Plusieurs Cafés des âges constatent qu’il y a “de plus en plus de cloisonnement, les jeunes d’un côté, les vieux de l’autre ou une “catégorisation systématique des personnes selon leur âge, dés l’enfance. Deux remarques:

  • La place respective des hommes et des femmes dans différents lieux de la société fait question depuis de nombreuses années. N’en est-il pas de même sur des critères de formation ou de catégories socioprofessionnelles, concernant autant l’orientation scolaire que l’orientation gérontologique, la fréquentation des centres ville ou des quartiers? Ainsi, les cloisonnements sur le critère de l’âge ne sont pas seuls. Il importerait de s’en saisir, pour voir si, à travers le critère d’âge, d’autres caractéristiques sociales ne sont pas en cause.

  • Si le critère d’âge est sélectif, force est de constater qu’il n’est pas toujours au détriment des plus âgés, tant dans des assemblées d’actionnaires de groupes financiers, que dans les conseils d’administration d’associations ou de certaines fonctions politiques. Pour autant, sur le critère de l’âge, le plus souvent habillé en droit supplémentaire ou en avantage, se nouent d’autres enjeux, depuis la rentabilisation de structures touristiques hors-saison (dont la carte senior de la SNCF utilisable en période blanche), jusqu’à la gestion des milieux de carrière dans l’entreprise, sans parler des dispositifs de protection sociale. Droit à la retraite et devoir de retrait se confondent autant que l’obligation scolaire est peu à peu devenue un droit. Or, de nombreux cloisonnements résultent d’initiatives de politiques publiques sur lesquelles, par le seul fait de la loi, les citoyens ont une prise.

Vieillir est aussi associé à l’expérience. Certains Cafés des âges ont travaillé sur les rapports d’âge dans le processus de transmission: “Qu’est-ce que les jeunes ont à apprendre et les vieux à transmettre? interroge le sens commun qui, d’une part, construit une hiérarchie dans le processus de transmission et, d’autre part, désigne une moindre appétence, utilité ou capacité d’apprendre avec l’avance en âge. La question “Qu’est ce que jeunes et vieux ont à apprendre et transmettre réciproquement les un des autres dicterait une réponse moins normative. Certains Cafés des âges ont d’ailleurs emprunté la notion de “partage de la mémoire du temps comme pour montrer que l’apprentissage ou la transmission constitue un moment de partage qui ne peut s’envisager que dans l’interaction, voire la réciprocité d’une relation éducative. On voit ainsi combien la question, sa forme et ses mots, peuvent engendrer la réponse. Ainsi il importe, parfois, moins de répondre aux questions que pose la société que de lui poser des questions. Aussi, dans plusieurs Cafés des âges, sous des formes diverses, sont apparues contradictoirement des volontés de respect des “différences entre les générations en même temps que d’égalité. Ainsi, concernant les rapports d’âge, comme les rapports de communauté, de genre, et plus généralement tous rapports sociaux, la question pertinente n’est-elle pas d’interroger les conditions à réunir pour vivre ensemble (Touraine, 1997TOURAINE, Alain. Pourrons-nous vivre ensemble? Egaux et différents. Paris: Fayard, 1997.) les différences par la reconnaissance mutuelle de chacun comme sujet?

A l’idée d’échange entre les générations est aussi fortement associée l’idée d’affection, voire de tendresse ou d’émotion. Cette idée, pour certains Cafés des âges, fonde la définition de la vieillesse: “rester jeune dans le cœur. Mais on peut se demander ce que serait le fait d’être “vieux dans le cœur”, surtout lorsque le même Café des âges associe la vieillesse à “l’expérience du vécu, de la vie. Certains Cafés des âges ont remarqué l’injonction sociale de rester jeune physiquement, au moins en apparence, imposée par le sens commun dominant et les médias: “Non au vieillissement, semblent-ils dire. On voit mal la traduction sociétale ou une préconisation de politique publique de ce type de perspective. Ce type d’appel à des relations interindividuelles renvoie à une demande de pratiques sociales et peu à une intervention sociétale. “Vieillir ensemble et “Aimez-nous les uns les autres semblent être une demande fortement chargée émotionnellement de nombreux participants aux Cafés des âges. Il n’est pas étonnant alors que certains se soient donné un rendez-vous aux prochains Cafés des âges sur le thème de l’isolement.

De nombreux Cafés des âges ont enrichi leur discussion d’illustrations d’expériences de terrain, aussi riches que variées, tendant à une mixité sociale entre des générations: cohabitation d’étudiants dans des résidences de personnes âgées, implantation des établissements de personnes âgées dans des lieux facilitant les contacts intergénérations. Cependant, certains Cafés des âges ont interrogé la nécessité d’accompagner l’initiative publique par une intervention sociale complémentaire sur les pratiques. Les relations intergénérationnelles ne se décrètent pas. Ainsi, certains Cafés des âges ont constaté que “les générations s’observent et se tiennent à distance. Timidité, appréhension, méconnaissance sont évoquées plus qu’une volonté délibérée ou un mépris. D’autres Cafés des âges ont interrogé la nécessité d’un “coup de pouce pour éviter que chacun “s’évite soigneusement, pour dépasser la “peur des uns vis-à-vis des autres, ou la peur “de ne pas être à la hauteur de l’autre. S’agit-il ici de préconiser le renforcement de professionnels tels que des animateurs socioculturels ou de nouvelles professions tel que médiateurs et accompagnateurs?

Quelques remarques recueillies dans des comptes-rendus des Cafés des âges, entendent privilégier une réflexion sur les personnes, indépendamment de critères d’âge, et non sur les générations, même sous l’appellation “intergénération”. Elles révèlent une conscience de l’ambiguïté du discours intergénérationnel qui, contre son gré, peut contribuer à instituer les “générations”, avec les clichés stigmatisants qu’ils véhiculent. Ces relations formellement instituées, voire décrétées, ne risquent-elles pas d’entretenir une construction sociale de certaines populations (étudiants, résidents…) comme une population à part? Cette institutionnalisation des âges de la vie se retrouve dans certains discours: “A 60 ans, c’est le premier pas vers la vieillesse, quand on attrape les 80, on s’oriente vers la porte de sortie. On peut alors se demander si les actions intergénérations ne risquent pas de contribuer à une construction sociale de “générations” distinctes. Certains Cafés des âges ont alimenté cette réflexion en interrogeant le vocabulaire employé pour désigner les personnes dites “âgées”. Le mot “vieux” semble souvent réhabilité. Ce qui pose problème est moins le vocabulaire employé qu’une définition en négatif, voire en opposition à d’autres groupes d’âge notamment les jeunes. C’est donc à une perspective sociétale qu’invitent ces remarques sur les effets pervers des “actions intergénérations”, pointées par quelques Cafés des âges. Les acteurs risquent ainsi de produire les effets inverses de ceux escomptés, soit en entretenant la bonne conscience d’une société qui se cacherait à elle-même sa propre production sociale, soit en concourant à la construction sociale d’une génération comme une classe d’âge à part.

Nous nous sommes efforcés de repérer quelques effets pervers à attendre de certaines initiatives. La perspective intergénérationnelle n’est pas sans comporter elle-même des risques d’effets pervers. En effet, le désir de relations, familiales entre autres, nous est paru plus central dans les comptes-rendus des Cafés des âges que sa labellisation intergénérationnelle. La peur de “Rester entre vieux nous semble pouvoir être analysée comme un indicateur de dénégation du vieillissement. Il appelle la relation intergénérationnelle. Le sens unique de cette demande, que nous avons mentionné plus haut, des vieux vers les jeunes, est révélateur de la place sociale faite aux vieux dans notre société. D’autres disciplines, la psychanalyse entre autres, pourraient compléter utilement la compréhension de comportements et d’attitudes qui ne sont pas sans répondre à des pulsions de vie. Alors, à vouloir trop exclusivement centrer une action sur le désir intergénérationnel, aussi réel soit-il, l’on risque de ne point répondre à une plus simple et générale angoisse de solitude, tout aussi réelle, notamment chez les femmes, si on la mesure à l’aide d’un indicateur d’isolement.

Ce sont ces constats qui nous amenaient à conclure, lors de notre audition par la Conférence Interministérielle de la famille sur le thème “La société intergénérationnelle au service de la famille”, 8 mars 2006, (Réguer, 2006REGUER, Daniel. La société intergénérationnelle, Audition pour la conférence de la famille. Paris: Ministère délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille; délégation interministérielle à la famille, 2006. p. 137-143.) que la caractéristique centrale des personnes devient de plus en plus l’isolement au fur et à mesure de l’avance en âge et que la demande forte des personnes vieillissantes est d’abord relationnelle avant d’être intergénérationnelle. Nous pouvons ajouter en reprenant les travaux anciens d’Anne-Marie Guillemard (Guillemard, 1972GUILLEMARD, Anne-Marie. La retraite, une mort sociale, sociologie des conduites en situation de retraite. Paris: La Haye, Ed Mouton, 1972.), qu’avec l’avance en âge s’opère un repli sur l’être biologique et sur la famille (retraite-repos et retraite-famille). C’est dire, dans cette période de la vie, l’importance de la famille comme dernier rempart contre la mort sociale, famille que les personnes âgées se sont elles mêmes construites, souvent à leur image. Nous allons pourtant voir, à travers plusieurs enquêtes quantitatives que nous avons réalisées que les formes de la relation familiale préservent l’autonomie réciproque contre la nostalgie du modèle normatif de cohabitation.

Trois enquêtes quantitatives

A l’issue d’une enquête réalisée auprès d’un échantillon représentatif de 282 personnes âgées de 55 ans et plus à Sotteville les Rouen en 1993, sous la direction d’Anne-Marie Guillemard pour la partie sociologique (Villet et.al., 1993VILLET, Hervé; THOMAS, Hélène; REGUER, Daniel; GUILLEMARD, Anne-Marie; PARIS, Christian. Etude Santé, autonomie, modes de vie, logement, Panorama des travaux des Observatoires Régionaux de la Santé, ORS Haute-Normandie, n.spécial 8 p, maio 1993.), la question du choix du lieu de vie des personnes âgées attirait notre attention. A la question “Dans l’avenir, songez-vous à entrer dans l’une des structures existantes à Sotteville? Si oui laquelle?”, 38,7% des personnes déclarent ne pas savoir. Contrairement à l’évidence d’une préférence unanime pour le maintien à domicile, nous notions que 34,8% songent éventuellement à aller vivre dans “une des trois résidences”: les “foyers-logements communaux” qui sont des établissements accueillant des habitants de 83 ans en moyenne qui sont locataires (loyers modérés) d’un petit appartement comprenant au moins un coin cuisine et qui bénéficient de services collectifs ou à domicile (facultatifs); le “Centre de long et moyen séjour”, hôpital public de convalescence ou de fin de vie; la résidence “Saint-Joseph”, maison de retraite associative qui accueille des personnes le plus souvent atteintes de maladie ou de handicap dans laquelle les pensionnaires ne disposent que d’une chambre et prennent leurs repas en commun) (Mallon, 2004MALLON, Isabelle. Vivre en maison de retraite. Le dernier chez-soi. Rennes: Presses Universitaires de Rennes, Le sens social, 2004.). En revanche, à la même question, 26,5% des personnes interrogées répondent négativement.

Par ailleurs, l’enquête montrait que 3,2% des personnes sont logées à titre gratuit (ce qui ne signifie pas qu’ils soient chez un enfant), et 7,1% cohabitent avec un enfant, ce qui peut être le cas de jeunes retraités. La réalité ou l’aspiration à une cohabitation avec un parent âgé est considérée comme marginale en France. Certes, la projection dans l’avenir exprimée par l’interviewé, dépend des conditions de l’entretien. Il est plus aisé de se projeter riche, en bonne santé et jouissant d’une vie autonome dans son domicile habituel avec son conjoint, que pauvre, malade, veuf, dans la solitude supposée d’une maison de retraite ou avec le sentiment de constituer une charge et une gêne chez ses propres enfants. Pourtant, les résultats de nos propres enquêtes sont confortés par l’observation de la pratique, qu’il s’agisse de listes d’attente pour entrer en maison de retraite ou des statistiques de l’INSEE sur la cohabitation.

Pour conforter ces résultats, nous mobilisons également une étude réalisée dans la même commune (Réguer, 1997REGUER, Daniel; GRICOURT, Ciryl, Influence des éléments de perte d’autonomie dans la décision de “placement”, La Revue de Gériatrie, tome 22, n.5, p. 273-280, mai 1997.) par traitement des informations administratives recueillies auprès des 277 personnes entrées ou sorties des services de maintien à domicile (aides ménagères, emplois familiaux, télérelation, foyers logements, portage des repas, etc.) (Ennuyer, 2006ENNUYER, Bernard. Repenser le maintien à domicile - Enjeux, Acteurs, Organisation. Paris: Dunod, 2006.), au cours de l’année 1990.

Il s’agissait de mettre en évidence les caractéristiques des personnes dont le “maintien à domicile” est assuré jusqu’à la mort et de celles qui sont orientées vers des services de long séjour ou des Maisons d’Accueil pour Personnes Âgées Dépendantes ou d’autres maisons de retraite. Pour ce faire, des variables explicatives de cette orientation sont isolées: santé, sexe, statut matrimonial, type de logement, montant des ressources, environnement social, catégories socioprofessionnelles, etc. Parmi ces variables, celles relatives à la composition de la famille attire plus particulièrement notre attention. Nous postulions, en effet, que dans les familles nombreuses, il pouvait se trouver plus facilement un(e) personne descendant(e) disponible et volontaire pour assurer le maintien à domicile, voire la cohabitation intergénérationnelle. Or, nous constations que l’absence d’enfant ou l’existence de peu d’enfants était corrélée avec un maintien à domicile jusqu’au bout, dans plus de la moitié des cas. En revanche, nous constations aussi qu’au-delà de quatre enfants, le “placement” était plus fréquent. Certes, d’autres variables peuvent être associées (catégorie professionnelle, statut et type d’habitat …). Par ailleurs, nous constations, sur l’ensemble de l’échantillon, un temps d’intervention de la famille comme aidant familial, croissant avec le nombre d’enfants3 3 7,7 jours, 13,46 jours, 17,9 jours, 20, 98 jours, respectivement chez les familles de 0, 1 et 2, 3 et 4 puis 5 et plus d’enfants. . Ainsi, on peut suggérer l’existence d’une “famille providence” dont le rôle protecteur dans l’aide à domicile trouverait un prolongement dans la recherche d’un “placement” adapté pour le parent. Nous pouvons également suggérer une deuxième forme de “placement” qui résulterait d’une fatigue du soutien familial, puisque celui-ci croît avec le niveau de dépendance. Ces conclusions étaient renforcées par l’observation des familles aidantes à domicile, s’adressant aux professionnels pour trouver un “bon placement” après une période, parfois longue d’intervention auprès du parent âgé. Ce double résultat, forte intervention à domicile suivi d’une recherche de “placement”, invite à la plus grande prudence dans la sélection des indicateurs de solidarité familiale. Le “placement” ne peut être associé à l’absence de solidarité familiale, indépendamment d’un contexte culturel. C’est d’ailleurs l’objet de travaux en cours que nous menons auprès de familles maghrébines ou africaines migrantes, dans un contexte de chute démographique considérable et de relativisation des valeurs religieuses, comme nous avons pu l’observer au Québec. Des parents très âgés migrants ont témoigné de leur perception de leur cohabitation chez un enfant comme amenant à une perte d’autonomie réciproque. D’autres ont pu indiquer que le fait de quitter le village pour la capitale, éloignée parfois de près de 500 Km, pour être accueillis successivement chez les enfants pouvait constituer une source de désorientation.

Une troisième enquête, réalisée en Seine Maritime, en janvier et février 2007 avec les étudiants du département “Carrières sociales” de l’IUT du Havre, sous notre propre direction, a permis de valider les questionnaires auprès de 841 personnes âgées de 55 ans et plus. Nous constatons tout d’abord que seules 4 personnes déclarent être logées chez leurs enfants. Certes, la méthode des quotas utilisée dans une enquête de rue, a toutes les chances de minimiser le nombre des personnes lourdement handicapées qui sont susceptibles de recourir à un soutien, institutionnel ou familial. Pourtant dans l’échantillon, 25 personnes résident en foyers-logements, 77 en maison de retraite. En outre, 130 personnes sont locataires alors que 492 sont propriétaires. C’est dire que la réalité d’une cohabitation intergénérationnelle est rare. Nous ne pouvons interpréter cette situation comme le résultat d’une pratique d’individuation, d’une quête d’autonomie de la part du parent âgé vieillissant, de celle des descendants ou des deux à la fois. Pourtant, la lecture des comptes-rendus des Cafés des âges, nous éclaire sur le rapport ambiguë à la famille, fait à la fois de souhait d’autonomie et de relation. Nous suggérions d’ailleurs que cette ambiguïté apparente ne pouvait être interprétée comme une contradiction, mais au contraire comme une condition pour satisfaire les deux aspirations. Cette pratique d’autonomie, qu’illustre le souhait de “surtout ne pas être une gêne pour les enfants” est d’autant plus remarquable qu’elle est le fait de personnes qui expriment une souffrance sur le plan relationnel. Le premier problème exprimé chez les plus jeunes, en réalité dans les années qui suivent le départ en retraite, est “la fin des relations de travail” (31,4% avant 60 ans), peu à peu remplacée par “la solitude” (46,2% au-delà de 85 ans) au fur et à mesure de l’avance en âge, en réalité de l’émergence de “problèmes de santé” et du “décès du conjoint”. On remarquera enfin que “les soucis avec les enfants” ne sont le fait que de 16 % des personnes, alors que la formulation de cet item empêche de le limiter aux seules relations familiales et recouvre des réalités telles le chômage, surtout lorsqu’il est exprimé préférentiellement par les personnes les plus jeunes de notre échantillon.

Les motivations pour la pratique d’activités comportent quelques indicateurs relatifs au rapport à la famille et au désir de relation entre les générations. La motivation “pour être avec le conjoint ou la famille” n’arrive qu’en 4ème position (23,4%), après “pour passer le temps” (62,9%), “la forme et la santé” (48,6%) et “rencontrer d’autres retraités” (28,3%). En revanche, la présence seulement en 5ème position de la motivation “pour rencontrer des gens plus jeunes” (14,7%) indique le faible attrait pour des rencontres entre générations conçues pour cette seule motivation. Considérant la motivation “pour être avec le conjoint ou la famille”, on remarquera qu’il est le fait de l’ensemble des catégories professionnelles, à l’exception de celle des ouvriers.

Conclusion

Malgré l’expression forte d’une préoccupation pour les relations, la crainte de solitude, les différents résultats de nos enquêtes indiquent un faible attrait pour les relations intergénérationnelles conçu comme une fin en soi. La famille apparaît comme un lieu de la pratique intergénérationnelle, parfois invisible, non décrétée, non instituée, non évaluée formellement. On comprend alors l’expression d’un attachement, moins à l’institution familiale qu’aux relations qui s’y nouent. Le qualificatif intergénérationnel ne s’applique pas à la famille. Il apparaît alors comme construction d’une catégorie administrative à usage de communication.

  • 1
    Président du conseil scientifique de l’association «Vieillir, c’est vivre».
  • 2
    Diminutif de «gérontologiques».
  • 3
    7,7 jours, 13,46 jours, 17,9 jours, 20, 98 jours, respectivement chez les familles de 0, 1 et 2, 3 et 4 puis 5 et plus d’enfants.

Références

  • ATTIAS-DONFUT, Claudine. Générations et âges de la vie Paris: P.U.F., 1991. Que sais-je? n° 2570.
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  • REGUER, Daniel. La société intergénérationnelle, Audition pour la conférence de la famille. Paris: Ministère délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille; délégation interministérielle à la famille, 2006. p. 137-143.
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  • TOURAINE, Alain. Pourrons-nous vivre ensemble? Egaux et différents Paris: Fayard, 1997.
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Datas de Publicação

  • Publicação nesta coleção
    07 Ago 2020
  • Data do Fascículo
    Jan-Apr 2011
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