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La fabrication sociale des individus: cadres, modalités, temps et effets de socialisationI I - Ce texte est une version révisée du chapitre initialement publié sous le titre Socialisation: cadres, modalités, temps, effets. In: ROBERT, Cécile; MICHEL, Hélène. La Fabrique des Européens, Presses Universitaires de Strasbourg, Strasbourg, 2010, p. 431-444.

Resumé

L’auteur a pour but de justifier l’usage du concept de socialisation. Pour lui, pour avoir une véritable utilité sociologique et être scientifiquement un tant soit peu rentable, la notion de socialisation doit être suffisamment précise et impliquer une démarche empirique. Se contenter de dire que les acteurs d’une société sont socialisés ou qu’ils sont le produit d’une socialisation n’est qu’une manière – somme toute assez vague – de prendre le contre-pied des conceptions de l’homme innéistes ou naturalistes, mais ne suffit pas à faire de la notion de “socialisation” un concept utile, c’est-à-dire un outil qui contraint à imaginer des opérations précises de recherche, à concevoir des enquêtes qui, sans lui, n’auraient tout simplement pas été pensables. Pour ne pas faire de la notion de socialisation un concept “amorphe” (WEBER, 1964WEBER, Max. L’éthique protestante et l’esprit du capitalisme (1905). Paris: Plon, 1964., 1996WEBER, Max. Sociologie des religions (1904-1921),Gallimard, Paris, 1996.), purement décoratif ou rhétorique, qui rappellerait uniquement le caractère socialement construit des acteurs individuels, il faut donc préciser – décrire et analyser – les cadres (univers, instances, institutions), les modalités (manières, formes, techniques, etc.), les temps (moment dans un parcours individuel, durée des actions socialisatrices, degré d’intensité et rythme de ces actions) et les effets (dispositions à croire, à sentir, à juger, à se représenter, à agir, plus ou moins durables) de socialisation.

Socialisation; Institutions; Individus; Dispositions culturulles

Resumo

O presente artigo apresenta uma discussão sobre os processos de socialização na atualidade. Dando seguimento às discussões já travadas anteriormente, faz algumas afirmações relevantes do ponto de vista metodológico para os interessados em pesquisar os processos socializadores. O texto traz uma discussão acerca da importância de se contextualizar as trajetórias individuais a fim de se conseguir apropriar de maneira concreta as experiências e tomadas de posição dos indivíduos ao longo dos percursos sociais. As categorias decadres (instituições), modalidades(maneiras e formas de agir), tempo (momento de um percurso individual), e efeitos (disposições de agir, sentir e pensar) deveriam ser consideradas em todo o processo com a intenção de evitar interpretações vazias e ou retóricas acerca da incorporação das maneiras de ser. Tratando-se de uma discussão teórica e metodológica, texto busca elencar outras pesquisas que seguem o procedimento proposto. Todas as investigações citadas parecem seguir a metodologia de contextualizar o presente e o passado dos investigados a fim de alertar para os desvios e ou erros muitas vezes cometidos pelos pesquisadores. De fato, um número expressivo de pesquisas não levam em consideração os efeitos das socializações anteriores frente às novas socializações e creditam à socialização secundária um espaço de atualização de disposições adquiridas anteriormente.

Socialização; Indivíduo; Contemporaneidade; Disposições culturais

Abstract

This article debates current socialization processes. Following previous discussions, it makes relevant statements from a methodological perspective to the ones interested in researching socialization processes. The text brings a discussion on the importance of contextualizing individual paths in order to concretely appropriate experiences and positions of the individual along social pathways. Cadres (institutions), modalities(courses of action), time (moment of the individual’s path), and effects (dispositions to act, feel and think) are categories to be considered along all the process to avoid empty and rhetoric interpretations about the incorporation of ways of being. As a theoretical and methodological discussion, the article lists other studies with the same proposed procedure. All the investigations cited seem to follow the methodology of contextualizing the present and the past of the subjects to warn against possible deviations or mistakes often made by researchers. Indeed, a significant number of studies, in the face of new socializations, fail to take into account the effects of previous socializations, and thus credit the room for updating previously acquired dispositions to secondary socialization.

Institutions; Individual; Contemporaneity; Cultural dispositions

Le théorème de l’amorphisme humain, que Musil formule de façon provocante en disant que l’homme ne change pas ou ne change en tout cas que très peu intrinsèquement et reste d’une certaine façon capable à chaque époque aussi bien du cannibalisme que de la Critique de la raison pure, signifie que ce qu’il est à un moment donné dépend pour une part essentielle de ses formes d’organisation. Et une différence relativement minime dans le mode d’organisation est susceptible de se traduire par une différence considérable dans le type d’homme que l’on obtient. (BOUVERESSE, 1993BOUVERESSE, Jacques Flavien Albert. Robert Musil:l’homme probable, le hasard, la moyenne et l’escargot de l’histoire. Paris: L’Éclat, 1993.).

Hors des usages sociologiquement contrôlés, il arrive que la notion de socialisation soit associée, dans le cadre scolaire, au travail d’inculcation de règles de vie commune – codes de politesse ou de savoir-vivre en collectivité – effectué auprès de jeunes enfants. L’école maternelle distingue ainsi la “socialisation” de l’“instruction”. Elle peut aussi parfois renvoyer au phénomène de mise en commun ou d’appropriation par la collectivité d’un certain nombre de propriétés privées (Marx et de nombreux auteurs à sa suite ont parlé, par exemple, de la “socialisation des moyens de production”).

Mais en sociologie, la notion de socialisation revêt un sens spécifique. Elle désigne le mouvement par lequel le monde social – telle ou telle “partie” de celui-ci – façonne – partiellement ou globalement, ponctuellement ou systématiquement, de manière diffuse ou de façon explicite et consciemment organisée – les individus vivant en son sein. Si l’on part des individus, on peut dire que la socialisation est le processus par lequel un être biologique est transformé, sous l’effet des multiples interactions (BRUNER, 1991BRUNER, Jérôme S. Le développement de l’enfant: savoir faire, savoir dire. Paris: PUF, 1991.; DORNES, 2002DORNES, Martin. Psychanalyse et psychologie du premier âge. Paris: PUF, 2002.) qu’il entretient dès sa naissance avec d’autres individus et avec tout un monde matériel issu de l’histoire, en un être social adapté à un univers sociohistorique déterminé. De ce point de vue, les sociologies durkheimienne et wébérienne, qu’on oppose trop souvent pour des raisons prétendument pédagogiques, partagent le même grand objectif: comprendre comment des formes de vie sociales, plus ou moins durables, fabriquent des “types d’homme” différents (Max Weber), des “êtres sociaux” adaptés à une société donnée et, plus précisément encore, aux “milieux spéciaux” auxquels ils sont destinés (Émile Durkheim). En sociologue des religions attaché à rendre raison des modes de production et de reproduction des croyances, Weber a ainsi longuement analysé le caractère systématique et méthodique de l’entraînement éthique que les sectes ascétiques ont imposé à leurs membres (WEBER, 1964, 1996). Durkheim, quant à lui, a davantage mis l’accent sur le rôle de la famille et de l’école, définissant l’éducation comme “une socialisation méthodique de la jeune génération”. (DURKHEIM, 1989).

De la notion amorphe au concept utile

Toutefois, pour avoir une véritable utilité sociologique et être scientifiquement un tant soit peu rentable, la notion de socialisation doit être suffisamment précise et impliquer une démarche empirique. Se contenter de dire que les acteurs d’une société sont socialisés ou qu’ils sont le produit d’une socialisation n’est qu’une manière – somme toute assez vague – de prendre le contre-pied des conceptions de l’homme innéistes ou naturalistes, mais ne suffit pas à faire de la notion de “socialisation” un concept utile, c’est-à-dire un outil qui contraint à imaginer des opérations précises de recherche, à concevoir des enquêtes qui, sans lui, n’auraient tout simplement pas été pensables. Pour ne pas faire de la notion de socialisation un concept “amorphe” (WEBER, 1964WEBER, Max. L’éthique protestante et l’esprit du capitalisme (1905). Paris: Plon, 1964., 1996WEBER, Max. Sociologie des religions (1904-1921),Gallimard, Paris, 1996.), purement décoratif ou rhétorique, qui rappellerait uniquement le caractère socialement construit des acteurs individuels, il faut donc préciser – décrire et analyser– les cadres (univers, instances, institutions), les modalités (manières, formes, techniques, etc.), les temps (moment dans un parcours individuel, durée des actions socialisatrices, degré d’intensité et rythme de ces actions) et les effets (dispositions à croire, à sentir, à juger, à se représenter, à agir, plus ou moins durables) de socialisation.

Lorsqu’une notion comme celle de socialisation est mobilisée en tant que concept scientifique, elle impose de mener des études précises de cas. Si aucune méthode n’est a priori exclue en vue de reconstruire des cadres, des modalités, des temps ou des effets de socialisation, l’observation directe des comportements et l’entretien long, voire répété, s’imposent assez naturellement comme les moyens les plus adaptés à l’objectif visé1 1 - Dispositifs coûteux en temps, ils ne sont malheureusement pas les plus fréquemment mis en œuvre par les chercheurs. Certaines réactions à l’ouvrage Portraits sociologiques, (LAHIRE, 2002), ont été révélatrices d’un état d’esprit assez communément répandu au sein des sciences sociales. Cet ouvrage s’efforçait de penser l’articulation des différentes expériences socialisatrices et de tester le degré de pertinence de la notion de transférabilité des dispositions. Il déployait pour cela un dispositif méthodologique assez contraignant reposant sur une série de six entretiens longs – portant sur des domaines de pratiques ou des dimensions de l’existence très variés – auprès des mêmes enquêtés. Or, la remarque récurrente selon laquelle il ne serait pas possible de rééditer ce genre de dispositif très chronophage à chaque nouvelle enquête a, de mon point de vue, révélé l’impatience de chercheurs à qui l’on aimerait pourtant conseiller soit de ralentir dans leurs pratiques de la recherche, soit de travailler plus collectivement (en bénéficiant alors du cumul d’une série de temps de recherche individuels). Et s’il fallait prendre le temps de ce genre d’enquêtes pour faire avancer significativement certaines questions, quel risque prendrait-on à le faire ? Pourquoi ne pas parier sur l’allongement de la série de données pour améliorer la qualité des connaissances plutôt que sur la commodité et la rapidité des opérations empiriques réalisées ? . C’est pour cette raison que le chercheur peut raisonnablement avoir un mouvement de recul critique par rapport à des notions qui, comme celle d’“habitus national2 2 - Notion utilisée par le sociologue Norbert Elias, qui est sous-jacente à certaines analyses consacrées par Pierre Bourdieu à l’État, et mobilisée, entre autres, par l’historien Gérard Noiriel. ”, semblent désigner ce que les termes de “culture nationale”, d’“identité nationale” ou de “mentalité nationale” (qui sont moins savants et apparaissent désormais assez largement dévalués) pourraient tout aussi bien résumer sans toutefois prétendre au degré de précision auquel le concept d’habitus est censé renvoyer3 3 - De ce point de vue, un bon test que devrait s’efforcer de pratiquer chaque chercheur pour lui-même consiste à substituer aux mots savants qu’on emploie des mots plus communs pour voir ce qui est réellement perdu dans l’opération de substitution. .

Parler sérieusement de patrimoines de dispositions, suppose que l’on puisse repérer, décrire et analyser des mécanismes de socialisation bien déterminés. Il faut tout d’abord pouvoir décrire les cadres de la socialisation, avec leurs acteurs principaux et leurs grandes propriétés, qui font que le cadre familial, par exemple, se distingue des cadres scolaire, professionnel, ludique, sportif, politique, religieux, etc. Il s’agit ensuite d’étudier la manière dont s’organise et se déroule le processus de socialisation au sein de chacun de ces cadres. Il est nécessaire, enfin, de préciser les moments où ces différents processus prennent place dans l’histoire sociale des individus et mettre en évidence les effets plus ou moins durables qu’exercent sur ces derniers la fréquentation plus ou moins longue, plus ou moins précoce, plus ou moins intensive de ces différents cadres de socialisation.

Malgré le caractère séduisant de l’idée d’une socialisation étatique ou nationale, le sociologue peut rapidement buter sur l’obstacle de l’étendue (ainsi que sur le flou relatif) du cadre ainsi découpé. Par exemple, lorsque Pierre Bourdieu entend prendre en compte l’effet socialisateur de l’État en tant que grand constructeur de réalité sociale, on peut demeurer circonspect quant à la possibilité d’étudier précisément des réalités aussi gigantesques et multiformes:

Dans nos sociétés, écrit Pierre Bourdieu, l’État contribue pour une part déterminante à la production et à la reproduction des instruments de la construction de la réalité sociale. En tant que structure organisationnelle et instance régulatrice des pratiques, il exerce en permanence une action formatrice de dispositions durables, à travers toutes les contraintes et les disciplines corporelles et mentales qu’il impose uniformément à l’ensemble des agents. […] La construction de l’État s’accompagne de la construction d’une sorte de transcendantal historique commun, immanent à tous ses “sujets”. À travers l’encadrement qu’il impose aux pratiques, l’État instaure et inculque des formes et des catégories de perception et de pensée communes, des cadres sociaux de la perception, de l’entendement ou de la mémoire, des structures mentales, des formes étatiques de classification. Par là, il crée les conditions d’une sorte d’orchestration immédiate deshabitus qui est elle-même le fondement d’une sorte de consensus sur cet ensemble d’évidences partagées qui sont constitutives du sens commun. (BOURDIEU, 1993BOURDIEU, Pierre. Esprits d’état. genèse et structure du champ bureaucratique. Actes de la Recherche en Sciences Sociales,v. 96, n. 96-97, p. 49-62, 1993., p. 59).

De quelles pratiques, de quelles dispositions et de quelles catégories est-il précisément question? Derrière ce portrait suggestif du rôle de l’État dans la fabrication sociale des individus, se cache en définitive une multitude de réalités (scolaires, politiques, juridiques, administratives, statistiques, etc.), pas forcément cohérentes entre elles, qui appellent des études soignées et bien circonscrites4.

Pour des raisons similaires, associée au mot “européenne”, la notion de “socialisation” peut poser le même genre de problèmes. Si l’on entend bien parler de “socialisation européenne” et qu’on ne désigne pas par là une vague “identité européenne” ou un “sentiment européen”, alors c’est au niveau des expériences, des pratiques, des compétences ou des institutions spécifiquement européennes que l’on doit situer l’étude 5 5 - La question reste par ailleurs entière de savoir si ce que l’on appelle “européen” ne cache pas la domination d’une nation (qui peut, selon les domaines considérés, être anglaise, allemande, française ou autre) sur les autres, c’est-à-dire l’imposition de normes, de compétences ou d’institutions bien nationales à l’ensemble des nations sous couvert d’universalisation ou d’harmonisation européenne. . Tous les sondages d’opinion qui posent des questions aux citoyens des différentes nations sur leur sentiment d’être “européen”, produisant ainsi des réalités très largement d’artefact, situent dans le ciel des représentations (très variables et elles-mêmes à expliquer) l’objet de l’étude qu’il faudrait s’efforcer au contraire de ramener sur le sol raboteux des dispositifs institutionnels, des pratiques, des compétences, des habitudes et des dispositions.

Socialisations primaires et secondaires

Les études sur la socialisation ne se sont jamais vraiment organisées en un secteur spécialisé de la sociologie. Il s’agit d’une approche sociogénétique des acteurs qui concerne autant les sociologues de la religion, du politique, du sport ou du travail que ceux de l’école ou de la famille. Cependant, nombreux sont les sociologues qui, depuis les grands fondateurs de la sociologie, ont cherché à saisir comment les expériences socialisatrices les plus variées se sédimentent en manières plus ou moins durables de voir, de sentir et d’agir (qu’on les nomme propensions, inclinations, manières d’être persistantes ou permanentes, habitudes, ethos, habitus, dispositions, schèmes ou perspectives), et comment ces produits du passé, plus ou moins homogènes ou hétérogènes, incorporés par les socialisés déterminent en partie leurs actions et réactions dans divers contextes d’action présents6 6 - À la fin de l’article, on peut voir un ensemble d’études ayant comme base cette proposition d’anlyse. .

On sait que les différents moments de socialisation dans la vie d’un individu ne sont pas équivalents. La sociologie s’est efforcée ainsi de différencier les temps et les cadres de la socialisation en séparant notamment la période de socialisation dite “primaire”, essentiellement familiale, de toutes celles qui suivent et que l’on nomme “secondaires” (écoles, groupes de pairs, univers professionnels, institutions politiques, religieuses, culturelles, sportives, etc.). Cette distinction est importante en ce qu’elle rappelle que, dans les premiers moments de la socialisation, l’enfant incorpore dans la plus grande dépendance socio-affective à l’égard des adultes qui l’entourent “le monde, le seul monde existant et concevable, le monde tout court” (BERGER; LUCKMANN, 1986BERGER Peter L.; LUCKMANN, Thomas. La construction sociale de la réalité. Paris: Méridiens-Klincksieck, 1986., p. 184) et non un univers perçu comme relatif. L’impossibilité de prendre conscience des influences socialisatrices est d’autant plus grande que la socialisation est précoce et sans comparaison. On peut parler ici d’une véritable “amnésie de la genèse” (Pierre Bourdieu). Le fait que la socialisation familiale soit à la fois précoce, intense, durable et, pendant un temps plus ou moins long, sans concurrence, explique le poids de l’origine sociale (même lorsqu’elle est grossièrement appréhendée à partir de la catégorie socioprofessionnelle des parents) dans un très grand nombre de comportements ou de préférences étudiés (scolaires, professionnels, culturels, sportifs, alimentaires, esthétiques, etc.). C’est pour cette raison que l’on ne peut parler d’habitus avec légèreté pour parler de n’importe quels effets de socialisation. Parler d’habitus militant, catéchétique, pugilistique ou scolaire comme on parle d’habitusde classe, c’est faire fi de l’ambition théorique du concept d’habitus, désignant un système de dispositions durables et transférables. Les dispositions constituées sont plus ou moins fortes ou faibles, durables ou éphémères, etc. Sous l’effet de contextes durablement défavorables certaines dispositions peuvent “se fatiguer” (C. S. Peirce) par manque d’entraînement. L’habitus est donc, si l’on en respecte les définitions les plus précises, un cas extrêmement particulier dans l’ensemble possible des patrimoines de dispositions.

Même si elle détient de moins en moins fréquemment le monopole de l’éducation enfantine, la famille ne reste jamais inerte par rapport aux autres cadres socialisateurs potentiels: elle peut être plus ou moins contrôleuse en matière de “fréquentations” et de sorties (contrôlant la composition du groupe des pairs fréquentables et limitant le temps passé hors de tout contrôle familial), exercer un rôle de filtre par rapport aux médias et à diverses instances culturelles extrafamiliales et se charger plus généralement d’un travail, insensible mais permanent, d’interprétation et de jugement sur tous les domaines de la vie sociale. Même les professionnels de l’enfance et de l’adolescence (enseignants, pédiatres, psychologues, diététiciens, assistantes sociales, etc.) ne participent à la socialisation des enfants que par l’intermédiaire des parents qui ont très souvent le pouvoir d’“en prendre” et d’“en laisser”, de résister plus ou moins consciemment aux injonctions extérieures et de retraduire les normes qu’on tente plus ou moins explicitement de leur imposer en matière d’éducation des enfants. Durkheim avait déjà souligné, dans De la division du travail social (1893), le caractère total et enveloppant de l’univers familial dont les membres “mettent en commun la totalité de leur existence” alors que les membres d’une corporation ne partagent que “leurs seules préoccupations professionnelles”. La famille forme “une sorte de société complète dont l’action s’étend aussi bien sur notre activité économique que sur notre activité religieuse, politique, scientifique, etc. Tout ce que nous faisons d’un peu important même en dehors de la maison, y fait écho et y provoque des réactions appropriées. La sphère d’influence de la corporation est, en ce sens, plus restreinte.” (DURKHAIM, 1983).

Socialisation, re-socialisation

Mais la distinction entre les socialisations “primaire” et “secondaire” n’est pas sans poser problème. Elle conduit bien souvent à se représenter le parcours individuel comme un passage de l’univers familial homogène, constitutif des structures mentales et comportementales les plus fondamentales, aux multiples univers sociaux que fréquente ultérieurement un être social déjà constitué et qui résiste fortement – esprit de conservation oblige – aux forces de modification. “Le poids particulier des expériences primitives, écrivait Pierre Bourdieu, résulte en effet pour l’essentiel du fait que l’habitus tend à assurer sa propre constance et sa propre défense contre le changement à travers la sélection qu’il opère entre les informations nouvelles, en rejetant, en cas d’exposition fortuite ou forcée, les informations capables de mettre en question l’information accumulée et surtout en défavorisant l’exposition à de telles informations.” (BOURDIEU, 1980BOURDIEU, Pierre. Le sens pratique. Paris: Minuit, 1980.).

Or, différents faits empiriques viennent contrarier ce schéma. Tout d’abord, l’homogénéité de l’univers familial est trop souvent présupposée et assez rarement observée. Pourtant, que l’hétérogénéité soit relative ou qu’elle mène aux contradictions-conflits familiaux les plus exacerbés, celle-ci est toujours irréductiblement présente au cœur de la configuration familiale qui ne parvient jamais à être une “institution total” de socialisation (LAHIRE, 1995LAHIRE, Bernard. Tableaux de familles: heurs e malheurs scolaires en milieu populaires. Paris: Gallimard: Le Seuil: Hautes Études, 1995.). La famille est faite très souvent d’héritages différents, parfois contrastés, entre les conjoints qui ne partagent que très rarement les mêmes propriétés sociales (origines sociales et culturelles, positions sociales, niveau de diplôme ou type de diplôme etc.) et cela ne reste pas sans conséquence du point de vue de la socialisation des enfants.

Par ailleurs, la succession primaire- -secondaire est fréquemment remise en question dans les faits par l’action socialisatrice très précoce (et, en certains cas, de plus en plus précoce) d’univers sociaux différents de l’univers familial ou d’acteurs étrangers à l’univers familial. Il en va ainsi de l’expérience de la nourrice, de la crèche ou de l’école maternelle dont la nécessité s’est progressivement imposée avec l’accès grandissant des femmes au monde du travail. Or, il est impossible de faire comme si les programmes de socialisation implicites de ces différents acteurs ou univers sociaux étaient systématiquement harmonieux par rapport à l’univers familial. Mis en crèche très tôt, l’enfant apprend dès les premiers mois de sa vie que l’on n’attend pas exactement la même chose de lui et qu’on ne le traite pas identiquement “ici” et “là”. Peter Berger et Thomas Luckmann évoquant le cas d’une nurse issue d’un monde social très différent de celui des parents de l’enfant, envisageaient même la possibilité d’une “socialisation ratée” qui résulte “de la médiation de mondes hautement contradictoires par les autres significatifs au cours de la socialisation primaire7 7 - Une telle socialisation ne peut être dite “ratée” que par rapport aux espérances de reproduction sociale que nourrissent plus ou moins consciemment les parents. ” (BERGER; LUCKMANN, 1986BERGER Peter L.; LUCKMANN, Thomas. La construction sociale de la réalité. Paris: Méridiens-Klincksieck, 1986., p. 229-230). Or, force est de constater que l’expérience de la pluralité des mondes a toutes les chances, dans des sociétés différenciées, d’être vécue précocement.

Deux erreurs opposées – et qui se renforcent mutuellement – sont généralement commises par les sociologues qui se penchent sur ces questions de socialisation: 1) l’étude des socialisations secondaires sans prise en compte des effets de socialisation antérieurs; 2) l’étude des socialisations secondaires comme simples terrains d’actualisation ou espaces d’épanouissement ou d’expression des dispositions antérieurement acquises.

Le premier cas est favorisé par une certaine tradition interactionniste, qui ne se désintéresse pas des processus d’apprentissage, d’intériorisation et même parfois des phénomènes de constitution de compétences, de “systèmes de catégories” et de dispositions sociales, mais qui fait débuter l’étude de ces processus avec l’entrée en carrière, qu’elle soit délinquante, sportive, militante ou qu’il s’agisse de celle d’un fumeur de marijuana. Or, la “carrière” n’est que le tronçon d’une trajectoire sociale (et de socialisation) qui commence, notamment, dans des cadres de socialisation familial et scolaire8 8 - On a aussi parfois tendance à réduire l’interactionnisme à un certain subjectivisme, alors que la manière dont un auteur comme Everett C. Hugues pense la trajectoire sociale combine de façon équilibrée les points de vue objectiviste et subjectiviste. E. C. Hughes, (1996). Textes rassemblés et présentés par Jean-Michel Chapoulie. . Autant l’interactionnisme peut être attentif à détailler les processus et les différentes phases constitutives d’une carrière, autant il peut rester muet sur les conditions sociales de possibilité d’entrée en carrière. Ce sont alors toutes les dispositions sociales qui font que l’on n’arrive jamais dans un domaine d’activité ou dans une pratique totalement par hasard, et qui continuent souvent à orienter le style des pratiques, qui sont manquantes dans l’explication sociologique. La même erreur conduit à faire débuter l’étude de carrières militantes, sportives ou délinquantes avec les premiers passages à l’acte sans prendre en considération les expériences sociales antérieures qui, même lorsqu’elles semblent très éloignées des pratiques étudiées, peuvent jouer un rôle dans le cours présent de l’action.

Inversement, un dispositionnalisme trop mécaniste conduirait à sous-estimer la part de transformation ou de construction que les nouveaux cadres de socialisation peuvent engendrer. Si des dispositions peuvent être partie prenante – en interaction dynamique avec des contraintes contextuelles – de l’entrée dans une carrière spécifique, elles ne constituent pas nécessairement le tout des dispositions qui sont sollicitées par ce contexte. Il faut donc clairement distinguer les dispositions favorables à l’entrée en carrière de celles qui sont spécifiquement constituées dans le nouveau contexte d’action en question. Par exemple, en sociologie du sport, les chercheurs ont souvent davantage travaillé sur les dispositions sociales (les rapports socialement différenciés au corps) qui conduisent des pratiquants d’origines sociales très contrastées à se diriger vers tel ou tel sport que sur les processus de socialisation et les dispositions spécifiquement sportifs9 9 - C’est à rectifier cette tendance que s’est employé Julien Bertrand dans son travail de thèse, sans négliger pour autant l’étude des socialisations antérieures. (BERTRAND, 2012BERTRAND, Julien. La fabrique des footballeurs. Paris: La Dispute, 2012.). Un dispositionnalisme trop mécaniste pourrait aller jusqu’à prétendre que tout est constitué – ou du moins en germe – dès l’origine 10 10 - Une telle dérive s’observe dans certains travaux psychologiques qui affirment que “ tout est joué ” avant trois ans. On lira la critique de telles thèses dans l’ouvrage de J. T. BRUER, (2002). . La caricature d’une telle dérive dispositionnaliste est donnée par l’image de la balle de revolver dont on peut calculer précisément la trajectoire (la série des points de passage) jusqu’au point d’impact en sachant d’où elle part, quelle est la force de propulsion à laquelle elle est soumise et quel est l’angle de tir.

Cependant, même dans certaines formulations équilibrées où Pierre Bourdieu évoque la dialectique des dispositions et des contextes (institutions ou champs), tout se passe comme si les dispositions étaient constituéesindépendamment de leurs relations au contexte d’action considéré, c’est-à-dire antérieurement à sa rencontre. Les seules questions traitées sont celles de leur assouvissementdans le cadre de l’institution et de leur manipulation par l’institution elle-même, mais jamais celle de leur éventuelleconstitution au sein de cette institution:

Comment les dispositions (en tant que potentialités) se révèlenten relation avec certaines institutions ou mieux certains champs (en tant qu’espaces des possibles) ; comment les agents exploitentles institutions pour assouvir leurs pulsions […] et comment les institutions, inversement, mettent les pulsions des agents au service de leurs fins. Les différents agents investissent, en fonction de leur histoire propre, donc de leurs dispositions, les significations proposées par l’institution parmi lesquelles ils en privilégient certaines. De son côté, l’institution ou, mieux, le champ offre un espace de possibilités préconstituées ; ilrégule les dispositions, c’est-à-dire qu’il les contraint et les censure en même temps qu’il leur ouvre des voies (MAITRE, 1994, p. v-xxii, souligné par moi).

Même si la nature des cadres socialisateurs “secondaires” investis par les individus dépend en partie des dispositions sociales préalablement constituées au sein de la famille11 11 - C’est, entre autres, pour cette raison que les sociologues auraient intérêt à ne pas totalement ignorer les travaux cliniques psychanalytiques comme ceux des psychologues du développement. , les recherches menées prouvent qu’on ne peut jamais négliger leur pouvoir propre d’infléchissement ou de modification plus ou moins fort des produits de la socialisation passée, ni même leur capacité à produire de nouvelles dispositions mentales et comportementales chez ceux qui sont amenés, volontairement ou par obligation, à les fréquenter durablement. Cela se vérifie autant à propos des expériences scolaires, des univers professionnels, des réseaux de sociabilité et du cadre de la vie conjugale (BERGER; KELLNER, 2007BERGER, Peter L.; KELLNER, Hansfried. Le mariage et la construction de la réalité. Idées, n. 150, déc. 2007., p. 57-67), que des institutions sportives, religieuses ou politiques. Même réalisées dans des conditions socio-affectives différentes, les socialisations secondaires peuvent remettre plus ou moins profondément en question le rôle central de la socialisation familiale. Par exemple, les cas de “déclassés sociaux”, par le “haut” comme par le “bas”, montrent que, selon le domaine de pratiques considéré, des individus peuvent mettre en œuvre des dispositions familialement acquises ou des dispositions scolairement et professionnellement acquises (HOGGART, 1991HOGGART, Richard.33 newport street: autobiographie d’un intellectuel issu des classes populaires anglaises. Paris: Gallimard: Le Seuil: Hautes Études, 1991.). Mais l’étude des cas de grandes ruptures biographiques ou de changements significatifs de rôles sociaux (personnes en ruptures professionnelles, anciens communistes, anciens prisonniers, ex-prostituées, transsexuels, anciens membres d’ordres religieux, etc.) fait clairement apparaître que le travail de socialisation et de resocialisation est un processus continu tout au long de la vie (EBAUGH, 1988EBAUGH, Helen Rose Fuchs.Becoming an ex: the process of role exit. Chicago; Londres: The University of Chicago Press, 1988.; DENAVE, 2008DENAVE, Sophie. Ruptures professionnelles: processus, contextes et dispositions. 2008. Thèse (Doctorat en sociologie et anthropologie) - Université Lumière, Lyon 2, Lyon, 2008.;LECLERCQ, 2008LECLERCQ, Catherine. Histoires d’«ex»: une approche sociobiographique du désengagement des militants du Parti communiste français. 2008. Thèse (Doctorat de science politique) - Institut d´Études Politiques de Paris, Paris, 2008.).

En fin de compte, la question du type de structuration au sein de chaque individu des différentes expériences socialisatrices dépend du caractère plus ou moins hétérogène de ces expériences. Les individus des sociétés hautement différenciées, qui vivent en régime de concurrence éducative et se confrontent plus ou moins précocement à des normes socialisatrices très différentes, ont ainsi une plus grande probabilité d’avoir constitué un patrimoine de dispositions incorporées hétérogènes, et parfois même contradictoires, que les individus vivant dans des sociétés traditionnelles, démographiquement plus restreintes et infiniment moins différenciées (LAHIRE, 1998). Et plus le patrimoine individuel de dispositions est hétérogène et clivé, plus la question se pose de savoir quelles dispositions sont activées et quelles dispositions sont inhibées ou, tout simplement, mises en veille dans les différents contextes d’action qui se présentent, ces contextes pouvant aller du domaine de pratiques le plus large à l’interaction circonstanciée à l’intérieur d’un domaine donné.

Ce que cette prise en compte de la complexité des expériences socialisatrices et de la structure feuilletée des patrimoines de dispositionspermet de remettre profondément en cause, c’est le modèle de l’ajustement parfait des “habitus” aux contextes dans lesquels ils sont amenés à évoluer. Il y a rarement de correspondances idéales ou de complicité ontologique entre les structures mentales et comportementales incorporées et les structures contextuelles. L’enquête (LAHIRE, 2002LAHIRE, Bernard. Portraits sociologiques: dispositions et variations individuelles. Paris: Nathan, 2002. Essais & recherches.) montre que, dans tout domaine de pratiques, on observe un mélange de conditions favorables et de conditions défavorables aux dispositions de ceux qui entrent en activité. Les patrimoines individuels de dispositions et de compétences (plutôt que les habitus) sont soumis à des contraintes variables en fonction des contextes d’action et sont sollicités différemment par les différentes propriétés des mêmes contextes. C’est ce qui explique que le sentiment de coller parfaitement à l’ensemble des attentes, d’être parfaitement ajusté aux situations ou aux positions, d’être “comme un poisson dans l’eau”, d’être la situation faite femme ou l’institution faite homme, soit plutôt rare et que chaque contexte implique souvent autant de dispositions inhibées, contrariées, inassouvies, que de dispositions épanouies.

Enquêtes sur les socialisations

Comment l’héritage vient à l’héritier, surtout lorsque cet héritage est essentiellement “immatériel”, constitué de manières de voir, de sentir et d’agir, d’habitudes corporelles, de croyances, de catégories de perception et d’appréciation, d’intérêts et de désintérêts, de goûts et de dégoûts?

GOTMAN, Anne. Déshéritage, dilapidation et filiation. Wittgenstein est-il un moderne ?. Communications, n. 59,p. 149-176, 1994.

HENRI-PANABIERE, Gaele. Des héritiers en échec scolaire. Paris: La Dispute, 2010.

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Comment apprend-on à devenir balinais, fille ou femme, médecin, paludier, énarque, travailleur humanitaire, footballeur, danseuse, boxeur, fumeur de marijuana, anorexique, etc.?

BATESON, Gregory. Les usages sociaux du corps à Bali.Actes de la Recherche en Sciences Sociales, n. 14, p. 3-33, avr. 1977.

BECKER, Howard S. Outsiders: étude de sociologie de la déviance. Paris: Métailié, 1985.

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VINCENT, Guy. L’école primaire française. Lyon: PUL, 1980.

Comment intériorise-t-on les rapports au monde et à autrui propres à sa classe sociale à travers l’apprentissage de codes sociolinguistiques?

BERNSTEIN, Basil. Langage et classes sociales: codes sociolinguistiques et contrôle social. Paris: Minuit, 1975.

Par quels processus se constituent des valeurs, des visions ou des engagements politiques?

BARGEL, Lucie. Jeunes socialistes, jeunes UMP: lieux et processus de socialisation politique, Dalloz, Paris, 2009.

MATHIEU, Lilian. L’espace des mouvements sociaux. Bellecombe-en-Bauges: Croquant, 2012.

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PERCHERON, Annick. La socialisation politique. Paris: Armand Colin, 1993

Les chercheurs ont ainsi travaillé sur des aspects très diversifiés de la socialisation, tant du côté des cadres socialisateurs et des modalités de la socialisation que du côté des processus d’incorporation ou d’intériorisation vécus par les socialisés.

Referências

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  • WEBER, Max. Sociologie des religions (1904-1921),Gallimard, Paris, 1996.

Enquêtes sur les socialisations

  • 1
    - Dispositifs coûteux en temps, ils ne sont malheureusement pas les plus fréquemment mis en œuvre par les chercheurs. Certaines réactions à l’ouvrage Portraits sociologiques, (LAHIRE, 2002LAHIRE, Bernard. Portraits sociologiques: dispositions et variations individuelles. Paris: Nathan, 2002. Essais & recherches.), ont été révélatrices d’un état d’esprit assez communément répandu au sein des sciences sociales. Cet ouvrage s’efforçait de penser l’articulation des différentes expériences socialisatrices et de tester le degré de pertinence de la notion de transférabilité des dispositions. Il déployait pour cela un dispositif méthodologique assez contraignant reposant sur une série de six entretiens longs – portant sur des domaines de pratiques ou des dimensions de l’existence très variés – auprès des mêmes enquêtés. Or, la remarque récurrente selon laquelle il ne serait pas possible de rééditer ce genre de dispositif très chronophage à chaque nouvelle enquête a, de mon point de vue, révélé l’impatience de chercheurs à qui l’on aimerait pourtant conseiller soit de ralentir dans leurs pratiques de la recherche, soit de travailler plus collectivement (en bénéficiant alors du cumul d’une série de temps de recherche individuels). Et s’il fallait prendre le temps de ce genre d’enquêtes pour faire avancer significativement certaines questions, quel risque prendrait-on à le faire ? Pourquoi ne pas parier sur l’allongement de la série de données pour améliorer la qualité des connaissances plutôt que sur la commodité et la rapidité des opérations empiriques réalisées ?
  • 2
    - Notion utilisée par le sociologue Norbert Elias, qui est sous-jacente à certaines analyses consacrées par Pierre Bourdieu à l’État, et mobilisée, entre autres, par l’historien Gérard Noiriel.
  • 3
    - De ce point de vue, un bon test que devrait s’efforcer de pratiquer chaque chercheur pour lui-même consiste à substituer aux mots savants qu’on emploie des mots plus communs pour voir ce qui est réellement perdu dans l’opération de substitution.
  • 4
    - On peut ainsi considérer que le travail de Desrosières (1993), est une manière de travailler sur des grands processus de socialisation étatiques vus à partir de la question de l’histoire des formes statistiques.
  • 5
    - La question reste par ailleurs entière de savoir si ce que l’on appelle “européen” ne cache pas la domination d’une nation (qui peut, selon les domaines considérés, être anglaise, allemande, française ou autre) sur les autres, c’est-à-dire l’imposition de normes, de compétences ou d’institutions bien nationales à l’ensemble des nations sous couvert d’universalisation ou d’harmonisation européenne.
  • 6
    - À la fin de l’article, on peut voir un ensemble d’études ayant comme base cette proposition d’anlyse.
  • 7
    - Une telle socialisation ne peut être dite “ratée” que par rapport aux espérances de reproduction sociale que nourrissent plus ou moins consciemment les parents.
  • 8
    - On a aussi parfois tendance à réduire l’interactionnisme à un certain subjectivisme, alors que la manière dont un auteur comme Everett C. Hugues pense la trajectoire sociale combine de façon équilibrée les points de vue objectiviste et subjectiviste. E. C. Hughes, (1996)HUGHES, Everett C. Le regard sociologique: essais sociologiques. Paris: L´Éhess, 1996.. Textes rassemblés et présentés par Jean-Michel Chapoulie.
  • 9
    - C’est à rectifier cette tendance que s’est employé Julien Bertrand dans son travail de thèse, sans négliger pour autant l’étude des socialisations antérieures.
  • 10
    - Une telle dérive s’observe dans certains travaux psychologiques qui affirment que “ tout est joué ” avant trois ans. On lira la critique de telles thèses dans l’ouvrage de J. T. BRUER, (2002)BRUER, JohnT. Tout est-il joué avant trois ans? Paris: Odile Jacob, 2002..
  • 11
    - C’est, entre autres, pour cette raison que les sociologues auraient intérêt à ne pas totalement ignorer les travaux cliniques psychanalytiques comme ceux des psychologues du développement.
  • I
    - Ce texte est une version révisée du chapitre initialement publié sous le titre Socialisation: cadres, modalités, temps, effets. In: ROBERT, Cécile; MICHEL, Hélène. La Fabrique des Européens, Presses Universitaires de Strasbourg, Strasbourg, 2010, p. 431-444.

Publication Dates

  • Publication in this collection
    Dec 2015

History

  • Received
    14 Oct 2014
  • Accepted
    10 Mar 2015
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