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Frontieres, trajectoires et experiences de ruptures

Abstracts

Différentes trajectoires, individuelles et familiales, plutôt marquées par la mobilité sociale, professionnelle, géographique, résidentielle, et par les discontinuités, sont analysées en s'appuyant sur une enquête par entretiens approfondis dans les différents groupes qui constituent la société française, réalisée entre 2004 et 2007 par une équipe de chercheurs. Cherchant à appréhender comment les individus ou les familles jouent avec les frontières sociales et spatiales, les déplacent, les franchissent ou les construisent dans l'activité, il est apparu que l'expérience de certaines ruptures concernant des frontières spécifiques, par exemple le diplôme, auxquelles les acteurs accordent une évaluation positive, contribue à développer des dispositions à dépasser les frontières sociales, ou du moins à ne pas les naturaliser, au moins autant si ce n'est plus que la mobilité géographique ou professionnelle en elle-même. Les frontières spatiales : frontières nationales, frontières de quartier notamment sont très souvent évoquées dans les entretiens et leur perception comme le jeu avec ces frontières sont étroitement liés aux expériences, et notamment aux expériences de déplacement et de rupture.

Trajectoires; Frontières; Mobilité; Expérience; France


Este texto analisa diferentes trajetórias individuais e familiares marcadas sobretudo por mobilidade social, profissional, geográfica e residencial e por descontinuidades. Membros dos diferentes grupos que constituem a sociedade francesa foram entrevistados por uma equipe de pesquisadores entre 2004 e 2007, com o objetivo de apreender como os indivíduos ou as famílias jogam com as fronteiras sociais e espaciais, deslocando-as, transpondo-as ou construindo-as de forma ativa. Os resultados mostram que as experiências de ruptura de fronteiras específicas, como a do diploma, por exemplo, muito valorizado por certos atores, contribui para desenvolver disposições para ultrapassar as fronteiras sociais ou, pelo menos, para não naturalizá-las tanto, quando não mais, quanto as próprias mobilidades social ou profissional. As fronteiras espaciais (nacionais e de bairro, em particular) são frequentemente evocadas nas entrevistas. O fato de se percebê-las e de se jogar com elas está estreitamente vinculado às experiências, mais especificamente às de deslocamentos e rupturas.

Trajetórias; Fronteiras; Mobilidade; Experiência; França


This paper analyzes different individual and family paths rather marked by social, professional, geographical and residential discontinuities. Members of the different groups that constitute French society were interviewed by a research team, between 2004 and 2007, to seize how families and individuals play with social and spatial borders, displace them, overstep them or construct them in their activities. Our results show that breaking given borders, as that of diploma, for instance, which is much valued by some actors, helps develop tendencies to overstep social borders or at least, not to naturalize them as much or even more than social or professional mobility itself. Spatial borders (most particularly country or district borders) are often mentioned in these interviews. The fact that they are perceived and played with is closely linked to such experiences of displacement and rupture.

Paths; Ruptures; Borders; Mobility; Experience; France


EDUCATION ET SOCIÉTÉ

Frontieres, trajectoires et experiences de ruptures

Lucette LabacheI; Monique de Saint MartinII

IChargée de recherches à la Maison des sciences de l'homme, membre de l'équipe "Expériences éducatives et construction des frontières" au Centre d'étude des mouvements sociaux à Paris. Mail: llabache@free.fr

IIDirectrice d'études à l'Ecole des hautes études en sciences sociales, chercheur au Centre d'étude des mouvements sociaux à Paris. Mail: stmartin@ehess.fr

RÉSUMÉ

Différentes trajectoires, individuelles et familiales, plutôt marquées par la mobilité sociale, professionnelle, géographique, résidentielle, et par les discontinuités, sont analysées en s'appuyant sur une enquête par entretiens approfondis dans les différents groupes qui constituent la société française, réalisée entre 2004 et 2007 par une équipe de chercheurs. Cherchant à appréhender comment les individus ou les familles jouent avec les frontières sociales et spatiales, les déplacent, les franchissent ou les construisent dans l'activité, il est apparu que l'expérience de certaines ruptures concernant des frontières spécifiques, par exemple le diplôme, auxquelles les acteurs accordent une évaluation positive, contribue à développer des dispositions à dépasser les frontières sociales, ou du moins à ne pas les naturaliser, au moins autant si ce n'est plus que la mobilité géographique ou professionnelle en elle-même. Les frontières spatiales : frontières nationales, frontières de quartier notamment sont très souvent évoquées dans les entretiens et leur perception comme le jeu avec ces frontières sont étroitement liés aux expériences, et notamment aux expériences de déplacement et de rupture.

Mots clés: Trajectoires. Frontières. Mobilité. Expérience. France.

C'est notamment lorsqu'ils mettent en récit leurs trajectoires, marquées par une mobilité sociale, scolaire, professionnelle, géographique, résidentielle, plus ou moins importante, et celles de leurs familles que les individus décrivent les frontières qu'ils ont été contraints de respecter ou celles qu'ils ont cherché à franchir, à contourner ou à transgresser1 1 Les frontières peuvent également être saisies lorsque les individus confrontent l'éducation qu'ils ont donnée à leurs enfants et l'éducation qu'ils ont eux mêmes reçue. . Dans les récits, les expériences de rupture ou de stabilisation restituées renvoient en effet à différentes frontières sociales et symboliques à franchir, ou bien difficiles, voire impossibles à franchir, variables selon les trajectoires. Ces frontières sociales jouent parfois le rôle d'un " rempart " qui protège d'un risque, ou d'un (déclassement) et parfois représentent un " fossé " à franchir en quête d'échappatoire. Chaque frontière traversée marque les histoires familiales, dans un sens qui peut être plutôt positif, de promotion, pour les uns, ou plutôt négatif, de déclassement, pour d'autres.

La notion de frontière, qui n'a été que récemment conceptualisée dans les sciences sociales, s'avère essentielle à la compréhension des groupes sociaux. Les frontières d'une part, délimitent les contours des catégories sociales - la participation inégale des individus à la vie sociale - et d'autre part, ouvrent des espaces d'échange et de rencontre pour que les classes communiquent entre elles. En effet, comme Fredrik Barth l'avait souligné (1995 [1969]), la frontière sépare et rend possibles les échanges entre deux unités qui se reconnaissent mutuellement comme différentes. Cette notion constitue un outil théorico-méthodologique particulièrement pertinent pour réfléchir sur les formes désormais multiples de maintien et de recomposition de la distance entre les différents groupes sociaux et entre les individus dans des sociétés touchées par des processus plus ou moins forts de recomposition du social.

Le traçage de frontières sociales relève autant d'opérations morales et cognitives que pratiques et politiques (Tilly, 2004 ; Lamont, 2002a ; Lamont, Molnar, 2002 b). Les frontières séparent le "nous" du "eux" et interrompent, circonscrivent ou produisent de la ségrégation dans des distributions de populations ou d'activités à l'intérieur des sociétés. Ces frontières ne sont pas données, mais se construisent, se franchissent et se déconstruisent dans le temps et avec le temps. Tandis que certaines frontières déjà anciennes, sont souvent stabilisées, d'autres plus récentes, peuvent être plus flexibles et sont plus souvent remises en question. Cependant, les frontières les plus anciennes peuvent elles aussi être abolies. Enfin, tout processus de définition de frontières sociales est l'aboutissement des luttes, des conflits pour le classement et contre le déclassement (Bourdieu, 1979).

Les modes de perception et les processus de construction ou de transgression des frontières semblent fortement reliés aux trajectoires collectives -familiales ou générationnelles-, et individuelles ainsi qu'aux histoires des différents groupes d'appartenance. Ces groupes constitués selon la classe, le genre, la nationalité, ou l'origine, expérimentent en effet, plus ou moins selon les cas, des processus dynamiques (différentes formes de mobilité, ruptures, et recompositions). Si les modes de perception et les processus de construction et de transgression de frontières dépendent ainsi pour une forte part des conditions structurantes préalables, ils peuvent aussi relever, et en grande mesure dans certains cas, des dispositions des acteurs, des expériences éducatives, d'événements déclencheurs peu "prévisibles" et des contextes variables dans lesquels s'inscrivent les acteurs. Dans le contexte social actuel, marqué par une tendance à la dissolution des attaches collectives, par l'"éclatement" relatif des classes sociales (qui souvent ne sont pas repérables sous leur forme "classique"), par les mutations qualitatives de la notion et du rôle de l'état, les effets des " contingences " et des " discontinuités " variables des trajectoires sont sans doute plus visibles et plus forts qu'il y a quelques décennies.

Cherchant à appréhender ces processus de construction, d'inculcation et de fragilisation de frontières sociales hiérarchisées, une recherche a été réalisée entre 2004 et 2007 par une équipe de chercheurs dans les différents groupes qui constituent la société française ; elle s'appuie principalement sur un ensemble de 63 entretiens approfondis et parfois répétés dans 28 familles (38 parents et 25 jeunes âgés de 12 à 21 ans) à Paris, dans trois villes de la banlieue parisienne, de taille moyenne -à Gennevilliers, Noisy le Grand, et Sarcelles-, et dans deux villes de province : Strasbourg et le Havre2 2 Cette recherche a été réalisée au Centre d'étude des mouvements sociaux (CEMS) ; l'ensemble des résultats de l'étude a donné lieu à un rapport final (Saint Martin et Gheorghiu, 2007). Les analyses développées, notamment dans le chapitre VI, constituent le point de départ de cet article qui s'appuie aussi sur des analyses élaborées par les autres auteurs du rapport dans d'autres chapitres. Nous tenons à souligner la contribution des autres membres de l'équipe du CEMS : Mihaï Dinu Gheorghiu, Pascale Gruson, Denis Merklen, Barbara Bauchat, Daniella Naves de Castro Rocha, et Mariana Heredia, aux analyses proposées ici et à les remercier. . Ces entretiens ont porté principalement sur les histoires familiales et individuelles, la perception des frontières sociales, spatiales, temporelles, de genre, les expériences éducatives saisies à travers l'éducation familiale reçue et l'éducation familiale donnée. En observant la production, la reproduction, le renforcement et/ou l'affaiblissement des frontières par les membres de chacun des groupes, l'un des objectifs de cette recherche était de contribuer à une étude comparée des classes sociales dans plusieurs sociétés contemporaines (France, Roumanie, Suède, Brésil) en attachant une importance centrale à la minutie du quotidien et à l'éducation qui se fait hors du système scolaire, notamment au sein de la famille et des associations, sans cependant ignorer l'école.

Comment les membres de différents groupes ayant des trajectoires différentes, plutôt en ascension ou plutôt en déclin, avec plus ou moins de ruptures, se situent-ils face notamment aux frontières sociales, et spatiales, en faveur de leur maintien ou de leur changement? Comment jouent-ils avec ces frontières, les déplacent-ils, les franchissent-ils ou les construisent-ils dans l'activité et au cours de leurs trajectoires?

RUPTURES DE TRAJECTOIRES ET DÉPLACEMENT DE FRONTIÈRES

Si les processus de construction ou d'essai d'abolition des frontières peuvent être saisis à l'échelle d'un groupe -association, famille- ayant de fréquentes interactions, ils peuvent aussi être appréhendés à l'échelle individuelle en analysant des trajectoires marquées par plus ou moins de ruptures. Alors que les trajectoires caractérisées par un enracinement dans un lieu, et une installation dans une position établie (au sens d'Elias) (Elias, Scotson, 1965) peuvent conduire à renforcer la conscience du "nous", à construire des frontières tranchées pour marquer la séparation avec les autres groupes et à figer ces frontières, les trajectoires marquées par des ruptures et des discontinuités -échec scolaire, divorce, migration forcée d'un pays à un autre, perte d'emploi, succession d'emplois précaires- fréquentes dans les familles rencontrées, notamment dans les classes populaires et intermédiaires, pourraient bien, comme on le verra, inciter à la transgression des frontières.

Les personnes interviewées en France ont fait des expériences diverses de mobilité géographique. Personne n'habite plus à l'endroit de sa naissance, mais certains sont toujours dans la proximité des lieux d'origine, alors que d'autres ont parcouru des grandes distances et le lien avec les lieux d'origine est distendu, s'il n'est pas complètement rompu. La traversée de frontières géographiques qui sont en même temps des frontières politiques et sociales, frontières entre Etats et frontières entre les classes sociales, s'inscrit sur des durées plutôt longues qui définissent les trajectoires de ces personnes. Dans notre enquête, deux séries d'événements ont été majoritairement à l'origine de modifications des frontières : la mobilité socioprofessionnelle et la migration (qui implique souvent aussi des changements d'ordre socioprofessionnel).

Quatre trajectoires familiales et individuelles, de membres de familles des classes moyennes et intermédiaires, qui revêtent un caractère assez banal pour les unes, plus exceptionnel pour d'autres, marquées par des ruptures plus ou moins fortes, seront analysées afin de mettre en lumière le jeu avec les frontières sociales et spatiales dans leurs trajectoires3 3 Les entretiens ont été réalisés par Judit Vari (Florence), Lucette Labache (Joëlle et sa fille aînée, Rajini et Rajendra, Pauline et Bernard) et Mihaï Dinu Gheorghiu (Charlotte). . Ce qui pourra être objectivé, c'est le lien entre les expériences de ruptures, les discontinuités des trajectoires et différentes frontières sociales et symboliques franchies, ou bien impossibles à franchir, variables selon les trajectoires.

DES TRAJECTOIRES ASCENSIONNELLES PARFOIS BRISÉES

Le parcours de Florence est en mouvement ascensionnel et marqué par des discontinuités. Elle et son ancien mari proviennent de milieux populaires peu scolarisés mais font aujourd'hui plutôt partie des classes moyennes de Gennevilliers, commune de la banlieue parisienne, composée majoritairement d'ouvriers et d'employés, où ils sont employés municipaux. Cependant, si la situation de l'ancien mari paraît stable (il est devenu par concours ingénieur sub-divisionnaire à la mairie), celle de Florence l'est moins. Divorcée, mère de trois enfants (deux filles de 23 ans et 17 ans et un garçon de 14 ans), vivant seule avec les deux plus jeunes dans un HLM, Florence, 47 ans, qui a passé son enfance et son adolescence en Bretagne et est arrivée à Gennevilliers à l'âge de 21 ans, a souhaité s'éloigner de sa famille, et a connu de longues périodes d'incertitude quant à son avenir (contrats à durée déterminée, intérim, arrêt plusieurs années à la naissance de chacun de ses enfants). Si on peut considérer que sa position est aujourd'hui plus stable qu'autrefois, cette situation est récente (en 2004, elle est secrétaire dans une association proche de la municipalité et est devenue agent administratif titulaire, après avoir réussi un concours). La trajectoire de sa famille et sa propre trajectoire permettent de saisir des modalités qui construisent les frontières entre groupes sociaux, mais aussi entre elle et les autres.

Si la trajectoire familiale a été plutôt ascensionnelle, elle ne s'est pas accompagnée pour le moment de progrès importants dans les carrières scolaires. Les grands-parents de Florence n'avaient pas fait d'études, les parents très peu (CAP), et Florence, comme ses frères, a échoué au baccalauréat. Cet échec l'a profondément marquée, car elle se voit restreinte dans ses choix pour progresser dans la fonction publique et s'estime ainsi fortement pénalisée. Florence accorde une place primordiale aux diplômes, et le diplôme crée manifestement des frontières dans sa trajectoire, d'abord au moment de l'échec au baccalauréat puis au moment du choix de son conjoint qui avait fait deux années d'études supérieures après le baccalauréat, ce qui lui a plu, l'a même fascinée et lui a permis d'avoir un diplôme par procuration. L'importance accordée aux diplômes s'observe également dans les espoirs ou les projets scolaires et professionnels qu'elle a pour ses enfants. Plutôt bonne élève, sa fille aînée après une année d'études de psychologie à la faculté a décidé de se réorienter et de passer un Certificat d'Aptitudes Professionnelles de coiffure, qu'elle a réussi. Florence a d'abord eu du mal à accepter que sa fille, qui a un " super potentiel ", exerce un métier manuel et ne fasse pas de longues études, puis a accepté en pensant que c'était le choix de sa fille.

Après la séparation avec son mari, Florence a commencé à faire du théâtre, ce qui lui a permis de faire de nouvelles connaissances, de choisir des amis et de prendre conscience qu'elle existe en tant qu'individu, alors que jusque là, elle estimait n'être que la femme de son mari, ou la mère de ses enfants. Encouragée à faire du théâtre et y réussissant alors qu'elle vivait mal ses échecs antérieurs et surtout la non réussite au baccalauréat, elle a été incitée à remettre en question son statut de mère de famille et à franchir de nouvelles étapes dans sa carrière professionnelle ; elle envisage maintenant de passer un autre concours, celui de rédacteur, ce qui devrait lui permettre une amélioration de sa situation financière.

Florence qui, d'une part, a eu une trajectoire marquée par des ruptures familiales, des échecs et des réussites, une relative mobilité professionnelle, géographique puis résidentielle, -elle a déménagé plusieurs fois à Gennevilliers-, des investissements scolaires et culturels importants, et qui, d'autre part, manifeste une forte " volonté d'autonomie " (économique, familiale, vis-à-vis du mari, etc.) a pu ne pas se laisser imposer des frontières sociales trop fortes et a su aussi marquer une frontière entre elle en tant qu'individu et les autres. Pour elle l'éducation des enfants est très importante, et le diplôme est le moyen par excellence qui permet le dépassement voulu des frontières sociales. Cette forte valorisation du diplôme est toujours mise en relation - dans son discours - avec son propre échec scolaire. Cette expérience d'échec peut être interprétée comme une rupture (rupture par rapport à l'institution scolaire, à ses attentes et sans doute à celles de la famille, etc.). Et c'est précisément en tant que rupture, ou en tant qu'inflexion, que cette expérience joue un rôle important dans les dispositions à transgresser des frontières, et notamment dans la manière de proposer à ses enfants un mandat de transgression (de " progrès ").

Joëlle a eu, elle aussi, un parcours marqué par une certaine mobilité et par des ruptures. Agée de 45 ans, Joëlle, qui vit seule avec ses trois enfants (deux filles de 19 et 15 ans et un fils de 12 ans) après deux mariages et deux séparations, a perdu son père à l'âge de 7 ans. Elle a été élevée en partie par ses grands parents ; sa mère, qui a été souvent malade et a eu des difficultés pour assumer ses responsabilités familiales, est décédée lorsqu'elle avait 17 ans.

Née dans une cité de la banlieue parisienne, Joëlle a voulu très tôt en sortir. À 22 ans, elle réalise son " rêve " de s'installer à Paris, où elle a changé plusieurs fois de quartier et où elle a pu trouver un poste d'agent d'entretien dans un collège, après une longue période de " petits boulots ". Même si elle a conscience de sa condition sociale qu'elle qualifie comme " pauvre " et qu'elle assimile à celle de ses voisins habitant dans le même immeuble HLM, le fait d'avoir franchi la frontière du périphérique parisien et de pouvoir vivre dans le XIe arrondissement semble représenter pour elle une ascension sociale significative. Joëlle est très impliquée dans la vie de sa paroisse catholique, notamment dans des actions caritatives, où elle a l'occasion de fréquenter des personnes de milieux sociaux plus aisés. Cet engagement dans les activités de la paroisse qui date d'une période (le moment de sa deuxième séparation) où elle a connu une situation très difficile matériellement et psychologiquement, semble lui apporter un important support. Elle souligne que c'est grâce aux personnes rencontrées dans le cercle paroissial qu'elle a été amenée à passer le concours de la Ville de Paris. " Sans eux, je ne m'en serai pas sortie toute seule ". Ces personnes jouent un rôle important dans sa vie familiale, lui apportent des contributions matérielles procurant une aide pour la scolarité de ses enfants (pour l'achat de fournitures scolaires par exemple) et donnent aussi des conseils pour l'éducation de ses enfants, notamment pour le choix des études et des filières.

Joëlle accorde beaucoup d'importance à la scolarité de ses enfants, qu'elle espère être capables d'aller plus loin qu'elle-même et parle avec regret de ses propres échecs scolaires - qu'elle justifie en grande partie par les problèmes familiaux rencontrés - notamment le fait d'avoir été mal orientée dans sa scolarité et d'avoir échoué au moment de l'obtention de son Brevet d'Etudes Professionnelles. Le désir de rupture avec la situation actuelle s'exprime fortement dans les aspirations qu'elle porte à l'égard de ses enfants. Joëlle semble assez engagée dans la recherche de ce qui peut leur permettre de franchir les frontières sociales les séparant des classes moyennes ou aisées.

Elle cultive de grandes ambitions pour ses enfants : Brittany, Lindsey et Kevin (à qui elle a donné les prénoms d'héroïnes et de héros de la télévision à consonance anglo-saxonne et plutôt peu courants en France, pour qu'ils puissent avoir " un plus "). Joëlle aimerait les voir exercer de " bons métiers ", par exemple professeur, assistante sociale, médecin. Pour elle, la réussite professionnelle passe par le fait de travailler dans un bureau. Lorsqu'elle était femme de ménage dans des familles aisées (" bourgeoises "), elle a toujours admiré cette expression prononcée par certains membres de ces familles " Je pars ; je vais au bureau ". Elle n'a de cesse de répéter à ses enfants cette anecdote pour les inciter à amorcer le processus de distanciation d'avec leur milieu social.

Les différentes ruptures intervenues (déménagement, divorce, difficultés économiques) ont sans doute contribué à ce que Joëlle rentre en contact avec d'autres personnes (les habitants " bourgeois " du XIe arrondissement), d'autres institutions (la mairie de Paris où elle a passé son concours), d'autres réseaux (la paroisse catholique, etc.) qui ont favorisé une disposition déjà présente chez elle à dépasser les frontières (et notamment à chercher que ses enfants les dépassent).

La trajectoire actuellement empruntée par sa fille aînée Brittany semble aller dans le sens voulu par la mère. Ainsi, la jeune Brittany a ressenti une dette symbolique envers son parrain social, qui l'a soutenue pendant sa scolarité et a aidé sa famille. Elle a renoncé à des études de sociologie et sur les conseils de ce parrain qui l'encadrait, s'est engagée dans des études de droit. Actuellement en année de maîtrise, elle explique " J'aurais bien aimé faire de la sociologie. Mais monsieur B. m'a dit que c'était plus sérieux de faire du droit. Que ces études pouvaient mener vers beaucoup de carrières. Parce qu'il m'a beaucoup aidée, j'ai écouté ses conseils. Donc, je fais du droit. J'ai eu du mal à m'accrocher. Mais comme monsieur B. a beaucoup aidé ma famille aussi, je me suis accrochée. Sinon, cela aurait été la honte. Bon, dans quelques années je serai avocate. " Reconnaissante aussi envers sa mère, elle explique son désir de réussite comme un moyen de lui rendre hommage. " Ma mère a beaucoup souffert. Je l'ai vue souffrir. Elle nous a toujours dit de ne pas faire comme elle, d'aller loin dans les études, que maintenant nous avons plus les moyens qu'elle n'en avait à son âge. Ma mère a beaucoup travaillé pour nous. Donc, mon cadeau pour elle, c'est de réussir à l'école. Elle a beaucoup fait pour nous. Donc, je dois réussir mes études parce que c'est important pour elle. "

L'investissement dans les études est particulièrement important pour la fille de Joëlle et pour Joëlle elle-même, comme il l'était d'ailleurs pour Florence qui a cependant connu une déception avec les choix d'orientation de sa fille. Face à des expériences variables de mobilité et d'instabilité familiale ou professionnelle, voire à des ruptures, un certain désir d'ascension, parfois brisé, mais aussi d'enracinement semble se développer dans leurs deux familles. La consolidation des réseaux de solidarité constitués territorialement -le théâtre pour Florence, la paroisse pour Joëlle-, devient alors un enjeu important, en permettant " de disposer de réserves de type relationnel, culturel, économique, etc. qui sont les assises sur lesquelles peut s'appuyer la possibilité de développer des stratégies individuelles " (Castel, Haroche, 2001 : 30), et par là, de trouver des supports susceptibles d'apporter une protection mais aussi les encourageant à affirmer leur autonomie et à dépasser de nouvelles frontières.

UNE TRAJECTOIRE MOUVEMENTÉE

Membre actif d'une association locale multiculturelle, espace de rencontre et d'entraide, à Noisy le Grand, et mère de deux filles, Charlotte, qui a 51 ans au moment de l'entretien, a une trajectoire particulièrement mouvementée. Elle est parmi toutes les personnes interviewées, l'une de celles qui a exprimé le plus clairement le souci de ne pas se laisser imposer des frontières sociales rigides, et se présente d'ailleurs comme quelqu'un qui ne place pas de " barrières " entre elle et les autres, qui est " anti-machiste, anti-exciseuse, et anti-esclavagiste d'enfants ".

Elle raconte, non sans quelque fierté, qu'au début de sa carrière professionnelle, elle est parvenue à faire abandonner les blouses que les femmes employées devaient absolument porter dans la banque où elle travaillait. Et elle poursuit en expliquant :

" Les gens viennent vers moi parce que je n'ai pas de barrières. Je vais vous donner un exemple: beaucoup de gens travaillent tard, moi je faisais ça en 2001, 2002, quand je ne voulais pas rentrer chez moi, et bien, les femmes de ménage africaines, qui sont dans la pièce là, et bien on se parlait, je leur demandais comment elles allaient, du coup, je leur donnais des choses. Après on se tutoyait, on connaît nos prénoms, des choses qui ne se font pas, parce que moi je travaille à la Direction Générale de l'ANPE donc ce ne sont que les gros qui travaillent à la Direction Générale et il y a des choses qui ne se font pas, vous voyez ( ).

Aux arcades (à Noisy le Grand) vous voyez ce mélange des cultures, et tout est arrivé très vite en même temps, nous nous sommes mis à fréquenter des gens de tous les continents, des jeunes, des gens qui ne sont pas assez écoutés de leurs parents et nous (son nouveau compagnon et elle) on a adopté entre guillemets, avec l'accord des parents bien évidemment, une jeune Cap verdienne, celle qui vit avec l'Ukrainien, nous partons dans son pays dans trois semaines, et nous avons décidé de quitter ce milieu oh combien inapproprié à notre besoin d'échange ".

La curiosité, voire la volonté d'être proche des autres, de les aider, Charlotte les doit sans doute pour une part à ses expériences souvent difficiles et aussi aux " blessures " morales qu'elle a eues au cours de sa trajectoire dans le cadre familial ou dans d'autres cadres. Des événements ont été particulièrement marquants dans cette trajectoire et ont contribué à tracer des frontières temporelles. Ainsi, l'expérience qu'elle a faite à 18 ans, juste après le baccalauréat, lorsqu'il lui a fallu, après le décès de son père, faire du porte à porte avec sa mère pour vendre des encyclopédies, a sans doute contribué à éveiller sa " curiosité pour le genre humain " et son " envie d'aider ".

La trajectoire de Charlotte est marquée par une mobilité géographique très grande : née en 1955 au Maroc, elle a vécu jusqu'à l'âge de 7 ans " au cœur d'Alger ". La famille est revenue en France en 1963 ; le père travaillait dans la police (commandant de brigade dans des effectifs de combat), la famille devait déménager souvent et est passée de Langres, en Haute Marne, à Dijon, ensuite à Vesoul, puis à Saint-Cloud, et de là, le père étant mourant, dans un village à côté de Bourg-en-Bresse. Lorsque Charlotte se marie en 1975, elle part à Belfort puis à Besançon où sont nées ses deux filles, et ensuite à Cahors où elle réside 12 ans et demie; ensuite dans la région parisienne, en Seine et Marne puis à côté de Salon de Provence et de nouveau dans la région parisienne à Noisy le Grand.

La mobilité professionnelle est également très forte. Après avoir vendu des encyclopédies avec sa mère, elle est devenue hôtesse d'accueil, puis agent placier en banque pendant quatre ans, vendeuse de produits de beauté, de diététique, agent immobilier pendant plus d'un an à Cahors, ensuite " ce que l'on appelle préparateur mental pour les pilotes d'une usine moto " ce qui la conduisait à changer souvent d'entreprise pour accompagner les pilotes. Actuellement elle est cadre à l'Agence Nationale Pour l'Emploi à Noisy le Grand.

Plus encore que la mobilité géographique ou professionnelle, ce qui retient l'attention dans le récit de Charlotte, c'est qu'il peut restituer à la fois l'expérience de situations souvent extrêmes et de la violence : viols, tentative de suicide, situation de tension dramatique avec son ancien mari, épreuves de santé extrêmement dures, et la narration d'une journée ordinaire où elle évoque une vie de famille paisible à la maison : activités ménagères, conduite des deux filles à l'école, échanges sur le chemin avec un voisin, thé avec les filles au retour de l'école, discussion avec elles sur les événements de la journée.

Le refus des barrières, le rejet de la naturalisation des différentes frontières sociales et des frontières de genre exprimés de façon éloquente par Charlotte ne peuvent être expliqués de façon quelque peu réductrice en prenant en compte seulement son éducation plutôt bourgeoise ou même sa très grande mobilité. C'est toute sa trajectoire présentée ici de façon schématique qu'il faut prendre en compte dans sa complexité, avec les expériences de nombreuses ruptures, souvent douloureuses qu'elle évoque sous la forme de drames, mais aussi avec des moments d'attachement à la vie familiale avec ses règles et ses rites, si on veut comprendre comment Charlotte peut, selon les circonstances, maintenir en l'état différentes frontières de genre, entre groupes sociaux ou ethniques différents ou encore symboliques ou les activer plus ou moins fortement, et les transgresser.

COMMENT RECONSTRUIRE UNE POSITION " PERDUE "

La famille de Rajini et de Rajendra offre un exemple de trajectoires familiale et individuelle marquées par des ruptures et par le déclassement social, qui n'est cependant pas vécu comme inexorable. Des éléments de discontinuité ont marqué les trajectoires sociales des parents qui ont trois enfants. Originaires du Sri-Lanka, Rajini et son mari Rajendra ont obtenu en France le statut de réfugiés politiques ; leur " intégration " en France a pu se faire en partie grâce au soutien d'associations, et en partie grâce à leur inscription dans un réseau de solidarité sri lankais dans le cadre duquel ce couple s'est rencontré.

Rajini et Rajendra sont issus de familles aisées et étaient, elle, biologiste, fille de médecin, diplômée d'études supérieures réalisées au Sri Lanka et en Angleterre et lui, professeur à l'université après des études supérieures à Oxford ; tous deux habitaient dans de " beaux quartiers " au Sri Lanka. Depuis son arrivée en France, Rajendra a connu un parcours professionnel discontinu, enchaînant des activités variées, d'abord ouvrier et magasinier, puis dans la restauration, après une expérience suivie d'un échec en tant que propriétaire d'une petite agence de tourisme. Il distingue plusieurs périodes dans sa trajectoire qu'il analyse ainsi :

" Disons que j'ai eu plusieurs vies. Une vie de fils de famille choyé. Une vie d'étudiant à l'abri du besoin. Puis une vie d'universitaire avec un avenir qui ne s'est pas réalisé le moment des désillusions Puis une vie de galérien sans papiers, sans statut, sans beaucoup de choses. Puis actuellement, je ne sais pas comment dire, une vie de banlieusard sans rien d'extraordinaire. Bon, je crois que j'aurais une autre vie parce que j'ai demandé la nationalité française. Et ça, ça va changer beaucoup ma vision des choses. Je pourrais voter, faire des choses comme ça. "

Rajini, malgré plusieurs tentatives, n'est jamais parvenue à s'insérer professionnellement en France en tant que biologiste. Si, grâce à la reconversion professionnelle de Rajendra, la famille semble ne pas connaître actuellement de difficultés économiques fortes, son niveau de vie est loin d'être comparable à celui connu dans son pays d'origine. Rajendra est co-gérant d'un petit restaurant du quartier indien à Paris ; Rajini, est femme au foyer, et se consacre à l'éducation de ses trois enfants dont elle suit de près la scolarité, aux activités associatives, ainsi qu'occasionnellement à des travaux de traduction de l'anglais.

Cette famille, qui se place aujourd'hui dans une couche peu élevée des classes moyennes, a accédé depuis une dizaine d'années à la propriété de son logement situé dans un quartier populaire, classé comme zone urbaine sensible, et disqualifié par une image très détériorée, le Pavé Neuf, de la ville de Noisy le Grand. Les formes d'instabilité vécues par cette famille reposent moins sur leurs ressources matérielles actuelles que sur un parcours familial de mobilité sociale négative et sur les décalages, vécus avec malaise, entre leurs ressources socioculturelles et la position occupée dans la société française.

La façon tourmentée, selon laquelle l'instabilité de sa position " déclassée " est vécue par Rajini, se traduit dans la perception négative qu'elle exprime à l'égard du quartier du Pavé Neuf. Par son attitude d'évitement à l'égard du voisinage, Rajini semble chercher à marquer la frontière qui le sépare de sa famille. Les enfants (dont deux adolescentes) n'ont pas le droit de se promener seules, leurs camarades ne sont jamais reçus dans le domicile familial, Parlant de sa fille aînée, elle remarque : " Ses copines lui téléphonent mais elles ne viennent pas à la maison. Je ne veux pas trop Je ne veux pas avoir des histoires avec leurs parents ". Accordant une importance centrale au contrôle de ses enfants et au suivi de leur scolarité, elle cherche à se distancier des familles de son quartier qui n'ont pas les mêmes préoccupations.

" Par exemple, quand il y a eu les manifestations, les incendies de l'année dernière (automne 2005), on s'est dit : il faut encore plus protéger nos enfants, être encore plus vigilants surtout nous les mères. Mais certaines personnes n'étaient pas d'accord parce qu'ils disaient qu'on ne peut pas surveiller les jeunes toute la journée, qu'on n'était plus dans les années 50. Là, je dis que je ne suis pas d'accord parce que les parents ne veulent pas faire leur boulot. Donc, ça a fait deux camps : ceux qui voulaient plus de sévérité et ceux qui disaient que ce n'était pas la peine. Dans ce cas, je ne peux pas m'entendre avec des gens comme ça ".

Le malaise de Rajini à l'égard de sa position instable ou de certaines familles du quartier, mais aussi le désir très fort de dépassement des frontières sociales qui entourent actuellement la famille s'expriment dans son fort désir d'intégration dans la société française, ce qui se traduit par exemple dans le choix des prénoms français de ses enfants ou par son souci d'apprendre et de préparer régulièrement de la cuisine française pour y habituer ses enfants et dans les aspirations professionnelles à l'endroit de ses enfants " Je veux qu'ils fassent de brillantes études avec un niveau d'ingénieur ou de docteur ". L'avenir des enfants est envisagé dans une rupture radicale d'avec leur situation. Laetitia, brillante élève, la fille aînée, devra-t-elle s'investir dans un rôle de réparation si elle adhère au projet de son père qui la voit bien entrer dans une grande école telle que Polytechnique ou l'Ecole Nationale d'Administration ? Celui-ci estime en effet que le label grande école est le plus sûr, qu'il ouvre le maximum de portes et qu'il permet aussi l'intégration de toute la famille dans la société française grâce aux emplois prestigieux auxquels il donne accès.

LES FRONTIÈRES SPATIALES

Les trajectoires, qu'elles soient marquées par de fortes discontinuités et des ruptures, comme celles de Rajini et Rajendra ou de Charlotte, ou par des ruptures moins fortes et une forme de continuité, comme celles de Florence ou de Joëlle, s'inscrivent dans l'espace dans lequel peuvent être opérés des migrations plus ou moins anciennes entre pays, des migrations inter-régionales, des changements de villes, ou encore des changements de quartiers dans une même commune. Cet espace est traversé par des frontières géographiques, juridiques, sociales, et symboliques qui séparent ou unissent, qu'il s'agisse des frontières continentales, nationales, régionales, de quartier, ou qu'il s'agisse plus simplement des frontières qui séparent le lieu de résidence et les autres lieux proches, ou des trajets quotidiens. Ces frontières dans l'espace sont sans doute les plus visibles ou en tout cas les plus perceptibles et parmi les plus fréquemment évoquées dans les entretiens ; ce sont les frontières liées au lieu de résidence, au changement de lieu et les frontières de quartier, en lien avec les trajectoires qui retiendront principalement notre attention. Le lieu d'habitation, le quartier, la ville ou le village des origines marquent en effet des frontières assez fortes dans le récit de plusieurs des interviewés.

LE LIEU DE RÉSIDENCE ET LES CHANGEMENTS

De façon générale, le lieu de résidence apparaît en France de plus en plus comme un marqueur social ; Eric Maurin note d'ailleurs que " le marché résidentiel est peut-être le lieu où se révèlent aujourd'hui, dans leur plus cruelle netteté, les nouvelles lignes de fracture de notre société, et notamment la rupture entre les classes moyennes et les élites " (Maurin 2004 : 12). Les classements sociaux passent par des classements spatiaux.

Selon que la trajectoire a été plutôt continue ou régulière ou plutôt marquée par des discontinuités, des ruptures, le lieu d'habitation lui-même (maison ou appartement) pourra marquer une frontière plus ou moins forte entre soi, nous -la famille- et les autres. Il se pourrait par exemple que ceux dont la trajectoire a été marquée par des migrations ou par de nombreux déplacements fassent de leur habitation un lieu relativement moins fermé ou plus ouvert que ceux qui s'inscrivent dans la continuité, avec des modalités différentes selon les catégories sociales.

Et le contexte finit parfois par changer ceux-là mêmes qui se refusent à établir des frontières et qui peuvent être conduits à prendre progressivement des distances avec leurs voisins ou leurs proches.

Les changements de lieu de résidence, voulus, recherchés ou subis, aiguisent la perception des frontières et peuvent inciter à les transgresser. Sortir du " trou", comme elle désigne péjorativement la ville de banlieue dont elle est originaire (Créteil) pour une installation dans la capitale a signifié pour Joëlle, la concrétisation d'un rêve, et une réussite sociale. L'arrivée à Paris, à l'âge de 22 ans, a marqué, pour cette ancienne banlieusarde, une coupure avec son passé. Elle envisage ainsi un futur " meilleur " et une voie possible d'ascension sociale par rapport à son milieu d'origine et peut reléguer au rang du passé tous les stéréotypes dont elle a souffert lorsqu'elle était banlieusarde. Mais elle est aussi consciente de ce que ce sont plutôt les " pauvres " qui habitent dans la cité HLM du 11ème arrondissement où elle réside avec ses enfants: la comparaison avec les " bourgeois " qu'elle fréquente à la paroisse et qui exercent à ses yeux des métiers prestigieux lui fait prendre conscience de son statut économique de défavorisée.

Venir habiter Paris ou sa banlieue peut ainsi représenter une promotion sociale, constituer la réalisation d'un rêve mais n'en est pas moins difficile, par exemple dans le cas de Florence, venue de Bretagne à l'âge de 21 ans. Une frontière peut en effet pour un temps au moins s'établir entre les provinciaux, " des ploucs ", et les Parisiens qui ne se privent pas de rappeler à la provinciale l'existence de cette frontière.

Pour Pauline et Bernard, habiter au Pavé Neuf à Noisy et être enfin des locataires fiables a représenté un moment clé dans leur trajectoire. Après avoir été contraint de vendre le pavillon dont ils étaient propriétaires, suite à la confrontation au chômage d'un des membres du couple, ils ont accumulé de multiples expériences de vulnérabilité. Pauline, 43 ans, née à Montreuil, commune de la banlieue parisienne, est aide-soignante hospitalière à l'Hôtel-Dieu à Paris. Elle a connu de multiples contrats précaires : elle a exercé comme cuisinière dans un foyer d'accueil pour enfants, vendeuse dans un magasin de chaussures, démonstratrice de différents produits dans les supermarchés. Il y a maintenant une douzaine d'années (1995), elle est entrée à l'Assistance Publique-Hôpitaux en tant qu'agent technique d'entretien. En 2001, elle effectue une formation pour devenir aide-soignante et est affectée à l'Hôtel-Dieu.

Bernard, 45 ans, né dans la banlieue de Lille, arrive dans la région parisienne en 1981, à l'âge de 20 ans. Tout comme sa femme, il a eu des expériences professionnelles diverses : plongeur, aide-cuisinier, peintre, aide-mécanicien, agent de tri du courrier à La Poste, chauffeur-livreur, menuisier. Il est depuis 1999 et jusqu'à aujourd'hui employé par l'Assistance Publique-Hôpitaux de Paris comme ouvrier à l'hôpital Saint-Louis.

Le couple s'est rencontré en 1991 et a commencé à faire vie commune au cours de la même année. Ils ont trois enfants : Marie-Julie 16 ans, Ariane 12 ans et Paul 10 ans. D'abord installés en studio dans le 20ème arrondissement de Paris, Pauline et Bernard se marient en 1992 et décident d'acheter un pavillon à Nanterre. Suite au licenciement de Bernard en 1994, les dettes s'accumulent et le couple est contraint de vendre la maison. Les parents et les enfants s'installent dans un 3 pièces en HLM à Noisy le Sec. De nouveau, des difficultés financières conduisent le couple à demander l'aide de la famille. Les parents de Pauline les accueillent, puis le couple connaît d'autres types de problèmes : alcoolisme de Bernard qui part vivre dans un squat et dépression de Pauline qui se retrouve au chômage, et est hébergée dans un foyer d'accueil mère-enfants à Paris. Puis s'ensuivent plusieurs mois dans une chambre d'hôtel, toujours avec les enfants. Elle entre à l'Assistance Publique, -une assistante sociale lui avait conseillé d'envoyer son curriculum vitae à cette institution-, comme intérimaire, travaille d'abord à la buanderie puis comme technicien de surface. A la suite de sa titularisation, elle incite Bernard à présenter sa candidature à l'Assistance Publique. Il est affecté au service d'hygiène puis à l'entretien. Même si Pauline et Bernard étaient parvenus à stabiliser leur situation professionnelle, le montant des dettes qu'ils avaient à régler ne leur laissait que très peu d'argent, et ils avaient pour cette raison de graves difficultés pour accéder à un logement. Ils ont alors milité dans des associations de Droit au logement et ont fait appel à des associations caritatives. C'est finalement l'assistante sociale de l'Assistance Publique qui leur a trouvé le logement actuel de 4 pièces au Pavé Neuf à Noisy qui marque pour eux une étape importante.

Après des expériences d'expulsion de leur logement pour cause d'insolvabilité, la vie dans des squats, l'hébergement en hôtel, l'accueil dans la famille, le couple a vécu l'obtention de cet appartement en banlieue, dans un quartier défavorisé, comme une promotion sociale. D'autant plus que l'emménagement dans ce logement a eu des conséquences positives sur la vie du couple : stabilisation de leur union, sortie de la précarité professionnelle, nouvelle sociabilité, dynamisation de leur vie et sur le plan psychologique, confiance en soi retrouvée et sentiments d'épanouissement. Marie-Julie, leur fille adolescente, qui garde des séquelles de la précarité résidentielle passée, s'est bien insérée dans le quartier malgré sa triste réputation. " Je fais des cauchemars que je n'ai plus de maison, que je ne vis plus ici au Pavé Neuf. En fait, j'ai peur de déménager encore...J'aime ce quartier, même si les gens en disent beaucoup de mal. Je m'y sens bien. J'ai de nombreuses copines. Je connais beaucoup de gens. "

Par contre, Rajendra et Rajini, bien qu'ils soient propriétaires de leur appartement, souhaitent quitter le Pavé Neuf, notamment à cause de leurs enfants qu'ils voudraient voir grandir dans un lieu plus sûr et paisible. Le père avoue ses craintes que ses enfants ne soient entraînés à consommer de la drogue ou subissent des violences sexuelles entre adolescents.

" On envisage de déménager. Lorsque les enfants sont petits, on ne se rend pas compte de certaines choses. Maintenant, c'est vrai que j'ai très peur de la drogue, et puis avec ce qu'on a vu pour les manifestations du Contrat Première Embauche (CPE), toutes ces jeunes filles qui y allaient aussi, qui cassaient les magasins, qui brûlaient les voitures. Bon, je n'aimerai pas avoir à aller chercher ma fille au commissariat. Donc, avec les adolescents, il faut savoir les tenir. Comme j'ai deux grandes filles, il y a les " tournantes " (viols collectifs) : il faut les mettre à l'abri de ça. ".

Et Rajini, qui œuvre au sein d'une association pour essayer de changer l'image de son quartier, exprime aussi mais de façon plus discrète cet espoir : " Le quartier du Pavé Neuf, c'est vrai qu'il n'est pas terrible Il a mauvaise réputation Les gens ont peur de sortir la nuit. ( ) On habite ici, mais on aimerait bien habiter un autre endroit ".

Les frontières dans les trajectoires liées à l'espace sont fortement imbriquées avec l'expérience individuelle des individus. Des expériences très différentes ont ainsi été vécues par les couples Rajini-Rajendra et Bernard-Pauline qui habitent tous deux le Pavé Neuf à Noisy le Grand : dans le premier cas, le lieu de résidence est synonyme d'une chute sociale - intervenue à la suite d'une migration politique-, s'il est comparé à l'espace luxueux qu'ils occupaient au Sri Lanka avant leur période migratoire ; dans le deuxième cas, après plusieurs années d'errance résidentielle cumulée à des difficultés personnelles, l'accès à un logement dans un quartier défavorisé est au contraire vécu de manière résolument positive. Cependant, dans les deux couples, dont les trajectoires ont été, selon des modalités très différentes, marquées par de nombreuses expériences de ruptures, se manifeste fortement, plus ou moins selon les moments de la vie, la disposition à activer et déplacer des frontières.

LES FRONTIÈRES DANS LA VILLE : LE QUARTIER

L'homogénéité sociale est en fait, comme le rappelle Marco Oberti, plus forte dans les quartiers bourgeois dont la sélectivité résidentielle s'est renforcée au cours des dernières années que dans les quartiers populaires d'habitat social (Oberti, 2007 : 268). L'appartenance au milieu bourgeois passe par une forme prononcée de ségrégation urbaine. Quartiers bourgeois, volonté d'entre-soi en sont des composantes. Les classes aisées ont les moyens (économiques, informatifs, relationnels ) de choisir l'endroit où elles veulent résider, où elles peuvent se mettre à l'écart et se retrouver " entre-soi ". "Le caractère très restreint de l'espace résidentiel des hautes classes montre bien que, si les contraintes économiques pèsent peu sur elles, les contraintes sociales sont par contre très fortes" (Pinçon, Pinçon Charlot, 1989 : 30).

Dans les entretiens menés pour notre recherche auprès de membres de la bourgeoisie vivant à Strasbourg, ce sont les avantages pratiques (" c'est proche du centre-ville ", " on peut tout faire à vélo4 4 La ville de Strasbourg a développé un important réseau de pistes cyclables facilitant le mode de déplacement à vélo. ", " l'école des enfants est à côté " ), ou l'agrément qui sont mis en avant. L'extrême concentration spatiale de la bourgeoisie, des classes supérieures favorise les rencontres, impromptues ou délibérées, et peut faciliter l'insertion sociale dans un environnement social proche du sien. L'importance de l'entre-soi bourgeois se manifeste par des expressions telles que " les quartiers où l'on doit habiter ", " l'école où il faut aller ", " la bonne paroisse ". Les familles des classes aisées évoluent dans des espaces résidentiels relativement restreints. A Strasbourg, les " beaux quartiers " se situent principalement dans les quartiers de l'Orangerie (près des institutions européennes), du Conseil des Quinze et des Contades, le quartier de la Robertsau et le centre-ville. Par des frontières relativement " visibles " (parcs, rues, immeubles ), il y est facile de repérer assez précisément les " beaux quartiers ". La continuité de l'habitat dans ces quartiers favorisés permet de nouer des relations par lesquelles s'opère une insertion sociale en profondeur.

Par ailleurs, le choix des écoles manifeste que ces familles qui résident dans des " beaux " quartiers, ont une perception aiguisée des frontières et nombre de repères qui leur permettent de distinguer entre des lieux et des écoles où ne pas envoyer leurs enfants et des établissements scolaires souvent réputés qui leur semblent convenir tout à fait pour eux. Lorsque les écoles proches ne leur plaisent pas, ces familles ont la possibilité de se replier sur des lycées publics dispensant des options spécifiques : russe, classe musicale, qui permettent d'éviter la carte scolaire, qui jusqu'à aujourd'hui déterminait l'établissement scolaire que l'enfant devait fréquenter en fonction de son lieu de résidence, ou sur des établissements privés : le coût financier n'est pas un problème pour elles, même lorsque plusieurs enfants sont envoyés dans ces établissements. Elles disposent en fait des ressources (relationnelles, économiques ) nécessaires pour choisir une école qui garantisse un espace de relations assez uniforme et qui assure le minimum de diversité à l'intérieur de l'homogénéité sociale.

Dans la bourgeoisie, les familles valorisent leur appartenance à tel ou tel quartier. Elles n'ont aucune réticence à parler de leur quartier : leur choix se porte généralement sur des quartiers réputés et calmes. Habiter un beau quartier constitue un stigmate positif, valorisant le lieu de résidence et le résident lui-même.

Dans les milieux populaires, et une fraction des classes moyennes ou intermédiaires, il n'en est pas de même. Le quartier est plutôt " subi ", ou choisi par défaut. Faute de moyens financiers, le plus souvent, les interviewés sont obligés de rester dans des quartiers qui ne leur plaisent pas toujours et où ils se voient " bloqués ". Ils évoquent parfois d'une manière négative leur lieu d'habitation et aspirent souvent à quitter ce quartier.

La construction de frontières est aussi perceptible dans les propos des parents sur les fréquentations de leurs enfants et sur ce qu'ils mettent en œuvre pour les protéger. Ainsi, dans plusieurs des familles rencontrées habitant un quartier populaire, les parents évoquent les problèmes de violence, de délinquance, de drogue et les règles d'éducation qu'ils élaborent pour protéger leurs enfants des mauvaises fréquentations, ne les laissant pas par exemple jouer seuls au pied de l'immeuble, contrôlant strictement leurs heures de retour.

Etre reconnu comme habitant dans un quartier " violent " ou " dangereux " constitue un stigmate plutôt négatif et peut dévaloriser le résident. Cependant, certains individus essaient de dépasser cette catégorisation, imaginent un lieu d'habitation plus paisible et agissent de différentes manières pour changer l'image de leur quartier.

A Noisy le Grand et dans une moindre mesure à Gennevilliers, les frontières entre différents quartiers ou entre différents lieux d'habitation accueillant des fractions plus ou moins importantes de milieux populaires ou de classes intermédiaires et moyennes, et d'originaires de différents pays, sont perceptibles et souvent évoquées, et commentées dans les entretiens. Au Pavé Neuf à Noisy, la forte ségrégation de certaines populations dont certaines vivent dans des enclaves est citée par les responsables d'associations comme ayant des effets sur la scolarité des enfants.

Rajendra s'insurge contre la terminologie ethnique employée pour désigner ses enfants ainsi que ceux des autres " Indiens " : ces derniers sont appelés " Poundé ", terme qui en tamoul signifie une personne sans valeur. Le mot, sorti de son contexte d'origine, est dépouillé de tous les affects qui y sont attachés ; de ce fait, il ne provoque pas d'émotion particulière chez les jeunes qui sont ainsi nommés ou qui revendiquent ce nom. Quant aux enfants des Vietnamiens, Cambodgiens ou Laotiens, ils sont désignés du terme de " Banane ", perçu comme insultant par leurs parents. Les bénéficiaires de cette appellation, qui d'ailleurs ne la considéraient pas forcément comme stigmatisante, dans un mouvement d'appropriation, l'ont fait évoluer en " Naneba ".

Différentes frontières sociales, et spatiales, qu'elles soient choisies ou subies, apparaissent comme des marqueurs pertinents dans l'analyse des trajectoires des individus. Elles signent alors un constat de réussite, de déclassement ou de maintien d'une conscience de groupe. Les trajectoires résidentielles qui mettent en évidence les frontières les plus immédiatement repérables, montrent l'impact des migrations internationales, des déplacements au niveau national, régional, au sein de l'espace d'une ville ou d'un quartier dans la vie des sujets. Cet espace est traversé par des frontières symboliques qui séparent ou unissent, sont perçues comme prestigieuses pour les uns ou stigmatisantes pour les autres.

CONCLUSION

L'analyse esquissée ici de quelques trajectoires d'individus de différentes familles, plutôt marquées par la mobilité et les discontinuités a permis de saisir les ruptures, la production et la transgression des frontières sociales. Au moment de mettre en récit sa trajectoire, chaque personne ou famille signale et souligne l'importance d'une ou parfois plusieurs frontières plutôt que d'autres - le fait d'avoir voulu habiter à Paris pour Joëlle, le rejet du choix d'une filière professionnelle par sa fille, les diplômes et concours ou encore la séparation avec son mari pour Florence, une grande diversité de frontières déplacées mais aussi parfois acceptées pour Charlotte, le départ du Sri-Lanka et leur arrivée en France, le temps d'avant marqué par la nostalgie d'une vie confortable mais troublée par la guerre civile et le temps d'après leur installation en France, synonyme d'une chute sociale, les frontières de voisinage et de quartier au Pavé Neuf, pour Rajini et Rajendra, l'arrivée au Pavé Neuf pour Pauline et Bernard au terme de multiples expériences éprouvantes.

Se pose ainsi la question de savoir si ce n'est pas l'expérience de certaines ruptures concernant des frontières spécifiques, auxquelles les acteurs accordent une évaluation positive, qui contribue à développer des dispositions à dépasser les frontières sociales, ou du moins à ne pas les naturaliser, au moins autant si ce n'est plus que la mobilité géographique ou professionnelle en elle-même. Ce sont les frontières liées aux études et aux diplômes que les différents parents tentent le plus souvent d'activer et de déplacer en encourageant, y compris dans les groupes les plus précaires, leurs enfants à investir dans les études et à réussir, ce qui n'exclut pas parfois un sentiment de méfiance par rapport à cette école qui ne répond pas à leurs attentes. Les frontières spatiales : frontières nationales, frontières de quartier notamment sont elles aussi très souvent évoquées et leur perception comme le jeu avec ces frontières sont étroitement liés aux expériences, et notamment aux expériences de déplacement et aux expériences de rupture.

Les frontières ne sont pas des acquis. Ce sont des pratiques vécues, construites et reconstruites dans l'activité notamment au cours des expériences éducatives et des expériences de rupture. Les frontières peuvent toujours être en question ; elles peuvent être, sinon transgressées, au moins activées et déplacées, et ont d'autant plus de chances de l'être que les individus ont fait l'expérience de trajectoires marquées par des discontinuités importantes.

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  • TILLY, C. Social boundary mechanism. Philosophy of Social Sciences, v. 34, n. 2, p. 211-236, jun. 2004
  • 1
    Les frontières peuvent également être saisies lorsque les individus confrontent l'éducation qu'ils ont donnée à leurs enfants et l'éducation qu'ils ont eux mêmes reçue.
  • 2
    Cette recherche a été réalisée au Centre d'étude des mouvements sociaux (CEMS) ; l'ensemble des résultats de l'étude a donné lieu à un rapport final (Saint Martin et Gheorghiu, 2007). Les analyses développées, notamment dans le chapitre VI, constituent le point de départ de cet article qui s'appuie aussi sur des analyses élaborées par les autres auteurs du rapport dans d'autres chapitres. Nous tenons à souligner la contribution des autres membres de l'équipe du CEMS : Mihaï Dinu Gheorghiu, Pascale Gruson, Denis Merklen, Barbara Bauchat, Daniella Naves de Castro Rocha, et Mariana Heredia, aux analyses proposées ici et à les remercier.
  • 3
    Les entretiens ont été réalisés par Judit Vari (Florence), Lucette Labache (Joëlle et sa fille aînée, Rajini et Rajendra, Pauline et Bernard) et Mihaï Dinu Gheorghiu (Charlotte).
  • 4
    La ville de Strasbourg a développé un important réseau de pistes cyclables facilitant le mode de déplacement à vélo.
  • Publication Dates

    • Publication in this collection
      31 Mar 2009
    • Date of issue
      Aug 2008

    History

    • Accepted
      June 2008
    • Received
      May 2008
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