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Les Entrelacs du Théâtre in Situ, de l’Action Culturelle à l’Action Artistique: retour sur le projet Montjoie! Saint-Denis!

Résumé:

L’article questionne les notions d’action culturelle et d’action artistique en prenant appui sur le projet Montjoie! Saint-Denis!, mené en Seine-Saint-Denis (France) par les artistes chercheurs d’HOC MOMENTO, entre 2017 et 2019. À partir d’Olivier Neveux, cet article expose la manière dont l’action culturelle menée sur un territoire, en vue de la réalisation d’une création in situ, fait corps avec l’action artistique et se réalise au service de l’œuvre plutôt qu’à son détriment. Ce faisant, certains clichés sont retournés et les tendances contradictoires des politiques culturelles françaises sont mises au jour.

Mots-clés:
Théâtre in Situ; Action Culturelle; Création Collective et Collaborative; Recherche Création; HOC MOMENTO

Resumo:

O artigo questiona os conceitos de ação cultural e ação artística com base no projeto Montjoie! Saint-Denis!, realizado em Seine-Saint-Denis (França) pelos artistas-pesquisadores da associação artística HOC MOMENTO, entre 2017 e 2019. A partir de Olivier Neveux, procura-se mostrar como a ação cultural realizada em um território, visando uma criação in situ, está ligada à ação artística e desenvolve-se a serviço da obra e não em seu detrimento. Com isso, tenta-se desfazer alguns clichês e revelar as tendências contraditórias das políticas culturais francesas.

Palavras-chave:
Teatro in Situ; Ação Cultural; Criação Coletiva e Colaborativa; Pesquisa de Criação; HOC MOMENTO

Abstract:

The article questions the notions of cultural action and artistic action based on the Montjoie! Saint-Denis! project, carried out in Seine-Saint-Denis (France) by the researchers from HOC MOMENTO, between 2017 and 2019. From Olivier Neveux, this article describes the way in which cultural action is carried out in a territory, with a view to a creation in situ, is one with artistic action and is carried out in the service of the work rather than to its detriment. In doing so, certain stereotypes are turned around and the contradictory trends in French cultural policies are brought to light.

Keywords:
Theatre in Situ; Cultural Action; Collective and Collaborative Creation; Search for Creation; HOC MOMENTO

Saisissant l’occasion d’analyser une pratique de recherche-création menée à Saint-Denis depuis 2017, je propose de revenir sur une expérience qui mêle intrinsèquement action culturelle et action artistique et, ce faisant, révèle certaines contradictions idéologiques et institutionnelles des politiques culturelles françaises. Le projet Montjoie! Saint-Denis!22 1 HOC MOMENTO est une association Loi 1901, co-dirigée par Louise Roux et Frederico Nepomuceno, renforcée par plusieurs artistes récurrents, structurée en 2017 et spécialisée dans le théâtre in situ. Montjoie! Saint-Denis! est un projet de recherche création soutenu par la Maison des Sciences de l’Homme Paris Nord de 2017-2019 (Théâtre in situ et patrimoine, la dramaturgie urbaine à l’épreuve, de Rio à Alger), la Mairie de Saint-Denis (93), le Contrat de Ville (projet Politique de la Ville quartier de la Plaine) et associé à l’Université Paris 8. Mise en scène: Louise Roux, Frederico Nepomuceno; scénographie: Frederico Nepomuceno, Carolina E. Santo, Pascaline Robinot; dramaturgie: Louise Roux, Geoffrey Daret, Rafik Fetmouche; costumes: Cheyenne Actis-Grosso, Pauline Beuzebboc, Loubna Qaffou; création vidéo: Javier Lazo Barco, Moe Nishimura, Freila Ramos; administration: Emilie Audebert, Soline Morterol; jeu: Jackson Badandishi, Lison Bellanger, Camille Bernaudat, Thibault Brasseur, Sarah Brunet, Denzel Calle Gonzales, Hélène Canuet, Adrien Cortun, Geoffrey Daret, Pauline Delamare, Julie Demol, Elodie Faid, Julie Flusin, Rafik Fetmouche, Clara Gelot, Serge Guirchoun, Anne-Claire Ignace, Josemar Junior, Vincent Labie, Karina Lemarois, Mano Llegal, Nubia Lyn Enel, Swaggart Nganga, Augustin Mouret, Morgane Pommier, Evangélia Pruvot, Loubna Qaffou, Mathilde Ryo, Henri Sourdais et les étudiants de Licence 2 et 3 du Département Théâtre de l’Université Paris 8 et les apprentis de l’Académie Fratellini pour la Semaine des Arts. proposé par HOC MOMENTO après ses expériences dans la gare de Barra do Pirai (Roux; Nepomuceno, 2018ROUX, Louise; NEPOMUCENO, Frederico. Création partagée dans une ville laboratoire. Registres, Paris, Sorbonne Nouvelle, n. 5, p. 137-150, 2018.) a pour objectif principal une résidence pluriannuelle sur la friche L’Espace imaginaire, terrain vague de 5000 m2 dont l’occupation a été incitée par la mairie de Saint-Denis dans le cadre d’un appel à projet gagné par l’association Mains d’Œuvres en 2016. Lieu écologique, culturel et citoyen, l’Espace Imaginaire est actuellement investi par une 40ne de cogestionnaires - associations, artistes, voisins.

Dans ce cadre, HOC MOMENTO s’est engagé à: créer un spectacle in situ en intégrant des habitants, des étudiants et des artistes; travailler à la constitution d’un maillage territorial; mener une réflexion sur la création in situ en développant de nouvelles formes esthétiques inscrites dans le territoire et; décloisonner les milieux universitaires et artistiques en impliquant étudiants et chercheurs dans le projet de création. En deux ans, plusieurs résidences ont été menées, à l’Université Paris 8 puis à l’Espace Imaginaire, donnant lieu à 13 représentations publiques. Quatre-vingts personnes ont traversé le projet en tant que participants et environ 800 spectateurs ont assisté au spectacle.

Alors que l’expérience est toujours en cours, je m’attarderai sur les deux années de résidence écoulées en les regardant sous le prisme des notions d’action culturelle et d’action artistique. En effet, il apparaît clairement que le projet Montjoie! Saint-Denis! rassemble un nombre significatif d’ingrédients liés à l’action culturelle, ingrédients qui, cuits ensemble et assimilés, donnent lieu à une action artistique - si ce n’est à une œuvre, mais le terme sera interrogé. Le postulat des artistes-chercheurs d’HOC MOMENTO est de ne pas dissocier les deux notions, ce qui n’est pas sans révéler certaines incohérences au cœur des politiques publiques en France. Si ces axes offrent une ouverture théorique au récit d’expérience, celui-ci restera nécessairement subjectif et incomplet, tant du fait de mon implication dans le projet que de son actualité. Mais ainsi que la recherche-création assume de se trouver en faisant, la théorisation assumera de se trouver en écrivant, sans autre prétention que d’ajouter une pierre à l’édifice.

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Montjoie! Saint-Denis!22 juin 2019. Camille Bernaudat (Catherine de Médicis), Geoffrey Daret (Le Roi Dagobert), Vincent Labie et Swaggart Nganga (les ouvriers)

La pratique développée par HOC MOMENTO s’inscrit dans un régime spécifique d’identification et de pensée artistique ayant pour base la notion d’art site specific, que l’on peut définir comme une création inspirée du contexte et/ou du lieu dans lequel elle s’insère. La rencontre de ses fondateurs, en 2011, s’est faite lors d’un stage animé par le metteur en scène brésilien Antônio Araújo autour des concepts de site specific et de processus collaboratif (Fernandes, 2016FERNANDES, Sylvia (Dir.). Antônio Araújo et le Teatro da Vertigem. Aix-Marseille: PUF, 2016.). Se sont soulevées diverses questions, auxquelles les résidences in situ tentent de répondre: comment la pratique théâtrale peut-elle agir sur le contexte et comment le contexte peut-il transformer la création? Comment un processus de création partagé peut-il générer une dynamique de réhabilitation d’un espace public? Comment le processus collectif et fédérateur, une fois terminé, peut-il être prolongé par le groupe, réapproprié par les habitants? Inversement, quelle esthétique révèle cette inscription du théâtre dans la ville, dans des lieux spécifiques? L’impact de la contrainte sur la création (dramaturgie textuelle collective basée sur l’Histoire des lieux, dramaturgie spatiale fondatrice de la mise en scène) génère-t-il une autre façon d’écrire, de jouer? Enfin, comment viabiliser des expérimentations qui s’étendent sur une immersion longue, non-reproductible, reposant moins sur l’œuvre que sur le processus?

Sur l’Espace Imaginaire, trois résidences ont été menées entre avril 2018 et juin 2019, représentant en tout huit mois d’occupation du lieu par un groupe renouvelé d’une vingtaine de personnes, présentes au minimum le week-end, souvent également en semaine. Le projet s’articule autour de la notion d’occupation poétique. Il s’agit d’être dans un espace pour faire: dessiner une scénographie, construire des éléments de décor, écouter ce qui est dit pour écrire, se trouver là pour rencontrer les passants et faire converger les savoir-faire, répéter, chanter, prendre l’espace, jouer.

Le quartier de la Montjoie, dans lequel se situe l’Espace Imaginaire, appartient à la Ville de Saint-Denis (93), et plus précisément à La Plaine-Saint-Denis, qui jouxte le nord de Paris et subit actuellement de profondes transformations. Paysage de grues et d’immeubles modernes, d’anciennes usines et de quartiers populaires, auréolé d’images négatives liées notamment aux violentes émeutes de 2005, il est toutefois l’enjeu d’ambitions urbanistiques importantes. Son passé, fascinant, est déjà ambivalent. D’un côté, on découvre l’histoire, récente, faite d’usines, de gazomètres, de lieux de stockage et de constructions de la SNCF, de bidonvilles et de destruction. D’un autre, l’histoire ancienne, faite de Rois, de pèlerinages, de mythes et de pouvoir. Enfin, l’histoire présente et future, faite de ville créative23 2 “Le Réseau des villes créatives de l’UNESCO (RVCU) a été créé en 2004 pour promouvoir la coopération avec et entre les villes ayant identifié la créativité comme un facteur stratégique du développement urbain durable. Les 246 villes qui forment actuellement ce réseau travaillent ensemble vers un objectif commun: placer la créativité et les industries culturelles au cœur de leur plan de développement au niveau local et coopérer activement au niveau international” (https://fr.unesco.org/creative-cities/). , de revalorisation du quartier, d’implantation d’institutions prestigieuses (notamment le Campus Condorcet, centre de recherche de pointe) et de nouveaux symboles du temps présent (Stade de France, Jeux Olympiques, studios de télévision, etc.).

Pour appréhender ce quartier, nous avons eu recours à diverses méthodes: la dérive situationniste, la recherche dramaturgique (Lombard-Jourdan, 1989LOMBARD-JOURDAN, Anne. Montjoie et Saint-Denis! Le centre de la Gaule aux origines de Paris et de Saint-Denis. Paris: Presses du CNRS, 1989.; 1994LOMBARD-JOURDAN, Anne. La Plaine Saint-Denis, deux mille ans d’histoire. Paris: CNRS Éditions, 1994.), les entretiens avec les habitants et la participation à une concertation citoyenne. La pratique de la dérive urbaine, éprouvée avec Antônio Araújo en 2011 et déjà théorisée dans les années 1950 par Guy Debord, nous permettait d’appréhender le territoire de manière sensible en favorisant le hasard, l’errance, l’intuition et la lecture des signes. En amont des résidences, nous réalisons des dérives-pèlerinage entre la Basilique de Saint-Denis (tombeau des Rois de France) et le quartier de la Montjoie et recueillons des textes, des dessins, des objets et des impressions qui orientent la création. La Plaine Saint-Denis nous apparait très détachée du cœur historique et vivant du centre-ville, une sorte de territoire hors-sol, peu habité, construit sans lien avec le passé. Cependant, le nom du quartier, la Montjoie, nous a interpellé. Le mot, polysémique, est tout un poème. Un montjoie est un tas de pierres posé le long d’un chemin; une montjoieest une croix élevée sur le bord de la route allant de Paris à Saint-Denis, marquant au Moyen-Âge et à la Renaissance le pèlerinage vers la Basilique; le cri de guerre Montjoie! Saint-Denis! est réputé pour avoir été utilisé pendant les Croisades, et aujourd’hui encore par les royalistes.

Quelques mois plus tard, en septembre 2017, Anne Hidalgo annonce la victoire de Paris pour les Jeux Olympiques de 2024. L’implication de Saint-Denis dans le programme d’accueil des sportifs et des supporters et la proximité du Stade de France nous engagent à conduire des entretiens avec des habitants sur la venue des JO et à participer à un comité de consultation citoyen organisé par les représentants politiques et le Comité d’Organisation des JO. La rencontre citoyenne, plus proche de la communication que de la consultation (temps de parole limité, présence d’un groupe minime d’habitants, décisions déjà actées mettant en doute l’efficacité de la consultation) tout comme les entretiens révèlent une perception mitigée de la venue des JO à Saint-Denis. Malgré la mise en scène rassurante des projets urbains rendus possibles par l’événement, les dionysiens interrogés restent méfiants, de peur que l’opération ne leur profite pas, même s’ils se disent conscients de l’opportunité qu’un tel investissement représente pour le territoire24 3 Vingt entretiens ont été réalisés par des étudiants de Licence 2 et licence 3 du Département Théâtre de l’Université Paris 8, avec des habitants de Saint-Denis. Voir également à ce sujet le comité de vigilance JO 2024 Saint-Denis. Disponible sur: <http://vigilancejo93.com>. .

Plutôt que de nous focaliser sur les seuls JO ou le passé mythologique de Saint-Denis, nous décidons de les convoquer ensemble, pour mieux interroger le présent. Des questions émergent alors pour la dramaturgie. Quels sont les saints et les martyres aujourd’hui? Où va-t-on en pèlerinage? Quels sont les outils de représentation du pouvoir? Y a-t-il un lien invisible entre le symbolisme de la Basilique de Saint-Denis, symbole de la monarchie française et les Jeux Olympiques, que Paris accueille en 2024, faisant de cet événement la justification des projets de développement du Grand Paris? Comment se construisent ces mythologies collectives autour du territoire? Et comment la fiction s’entremêle-t-elle au réel pour asseoir le pouvoir?

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Montjoie! Saint-Denis! 22 juin 2019. Adrien Cortun (Denis Fertangué)

Le processus de création théâtral mené par HOC MOMENTO repose sur la création collective, la collaboration et la mixité. Les participants forment ce que nous appelons des communautés éphémères25 4 La communauté éphémère est ainsi nommée en référence, d’une part, à la notion de communauté artistique présentée par Marie-Christine Autant-Mathieu (Autant-Mathieu, 2013), et d’autre part, à celle de collectif éphémère proposée par Sophie Poirot-Delpech (Poirot-Delpech, 2016). Le groupe de participants est une communauté car il partage des valeurs, un lieu qu’il habite et dont il s’occupe le temps des répétitions. Il se réunit bénévolement grâce à un objectif artistique commun. Il n’est pas un collectif dans le sens où les décisions sont prises majoritairement par le(s) metteur(s) en scène-directeur(s) de projet, cependant que cette communauté n’a pas non plus vocation à durer dans le temps: elle se renouvelle chaque année et n’est pas l’équivalent d’une troupe. Elle est éphémère. Au sujet de cette inscription des groupes théâtraux dans l’éphémère, à la différence des communautés du XIXe-XXe siècles, voir la notion d’utopie pragmatique (Roux, 2016). (Roux, 2016ROUX, Louise. L’utopie pragmatique des collectifs théâtraux des années 2000. Des collectifs éphémères. Revue Socio-anthropologie , Paris, Publications de la Sorbonne, n. 33, p. 47-59, juin 2016.), constituées d’artistes professionnels, d’étudiants et d’amateurs, tous travaillant de façon bénévole. Le groupe participe aux différents axes de la création - écriture par improvisations, création musicale, jeu, scénographie, costume. Par ailleurs, le travail tente toujours de mettre en place un système collaboratif au sein de la communauté éphémère, en responsabilisant les participants ayant une compétence dans certains domaines (sur les différences entre collectif et collaboratif, voir Borja, 2014BORJA, Marcus. Du collectif au collaboratif: parcours de l’écriture scénique plurielle entre France et Brésil. In: DOYON, Raphaëlle; FREIXE, Guy (Dir.). Les collectifs dans les arts vivants depuis 1980. Marseille: L’Entretemps, 2014. , p. 179). Ainsi, des sous-groupes apparaissent, structurés autour des différents champs de la création. Durant les deux ans de travail autour du projet, la communauté éphémère s’est reconfigurée quatre fois. À chaque résidence, un nouveau groupe s’est constitué autour d’un noyau dur, stable. Initié dans le cadre institutionnel de la Licence Théâtre de l’Université Paris 8, le projet a accueilli au fur et à mesure des habitants, des étudiants stagiaires, des amateurs et des artistes26 5 La première résidence (janvier-mars 2018) était inscrite dans le cursus de formation de Licence Théâtre de l’Université Paris 8. Les metteurs en scènes de HOC MOMENTO y organisèrent deux cours conjoints de L2 et L3, pendant un semestre, autour de la création. Soixante étudiants, réunis par le projet, participèrent à la première version, présentée lors de la Semaine des Arts en mars 2018. Celle-ci fut notée et intégrée dans le parcours universitaire classique. La deuxième résidence (avril-juin 2018) regroupait sur l’Espace Imaginaire un noyau dur d’étudiants issus des cours (une quinzaine), trois étudiants stagiaires (les étudiants de Licence 3 doivent réaliser un stage pour valider leur Licence) et quelques habitants ou artistes bénévoles (6). La troisième résidence (septembre-octobre 2018) regroupait à peu près le même groupe, moins certains étudiants et habitants (en tout, 12 participants dont 2 habitants), plus un artiste brésilien ayant travaillé avec HOC MOMENTO au Brésil. Pour la quatrième résidence (avril-juin 2019), le groupe fut reconfiguré, certains étudiants ayant changé de cursus ou ayant épuisé leur désir de prolonger le projet. Il comportait: 8 étudiants de Paris 8 (2 ayant été présents à toutes les résidences, d’autres ayant participé à la première), 1 habitant (ayant suivi tout le parcours de Montjoie! Saint-Denis!), 2 étudiants de Sciences-po Paris, 8 artistes bénévoles (dont 1 ayant suivi tout le projet). Nous rejoignirent dans le cadre de leur stage de Licence à Paris 8 une costumière et une administratrice. Pour les étudiants impliqués, seule la première session fut notée. Le reste fut parfois validé comme stage, souvent totalement bénévole et volontaire. Les trois résidences menées sur l’Espace Imaginaire le furent dans le cadre d’une action associative et de recherche (soutien de la Maison des Sciences de l’Homme), détachée de l’Université. . Il est possible d’observer à quel point le savoir-faire des participants oriente la création, toujours renouvelée. Une scène inventée grâce à un savoir spécifique (cracher du feu, maîtriser la langue des signes, jouer d’un instrument de musique) ne peut pas être reprise lors de la résidence suivante si la personne détentrice du savoir n’est plus là. Chaque version du spectacle présentée à la fin d’une résidence, bien que reprenant une structure commune, est singulièrement différente. La combinaison entre l’hétérogénéité des groupes et le travail de terrain constitue la matière première de la création théâtrale et c’est au travers du foisonnement de ces différences que le processus de création prend forme en laissant à chacun une place pour s’exprimer.

Autour de ce noyau gravite un ensemble de participants et de collaborateurs ponctuels qui construisent la création par leurs apports singuliers. Il s’agit tout d’abord des habitants, cogestionnaires de l’Espace Imaginaire qui partagent leurs savoir-faire: constructions (cantine mobile, porte théâtralisée, char à vélo, etc.), prise en charge du moment festif (mise en place d’un feu en vue d’un moment convivial post-représentation, fabrication de pizzas, barbecue), participation à la scénographie. Celle-ci, évolutive et monumentale, construite de façon quasiment pérenne sur le site habité par tous, offre la possibilité d’un investissement ponctuel, concret et valorisant pour ceux qui ne souhaitent ou ne peuvent s’impliquer dans la communauté éphémère. Cette forme d’implication fut développée pour la réalisation de lanternes utilisées dans la quatrième version du spectacle: des ateliers ont été mis en place avec l’association Les Poussières et ont impliqué habitants, groupes d’enfants et jeunes adolescents. Le processus engage effectivement des associations du territoire, qui collaborent tantôt pour la dramaturgie (Mémoire vivante de la Plaine), tantôt pour la scénographie (Déchets d’art, Les Poussières), tantôt pour la communication et le relais des appels à participation (Maison de quartier, le Pont commun), tantôt pour la confection des repas lors des représentations (la Marmite du Sénégal). Ainsi, c’est au biais des rencontres avec les acteurs associatifs, les artistes et les forces présentes sur le territoire que se tisse la création, nourrie du contexte et de ses contraintes.

Le lieu de résidence et de représentation est lui-même hybride: l’Espace Imaginaire abrite des ateliers de réparation de vélo et de construction, une ruche, une serre, un kiosque solidaire, un coiffeur, un four à pain, etc. Cette dimension influe sur la création et sur ce qu’elle génère. L’action menée suppose une définition de la culture qui outrepasse le domaine artistique. C’est notamment à ce titre qu’elle rejoint l’action culturelle, liée en France à la construction de l’identité et rassemblant officiellement depuis la loi NOTRe sur lesDroits culturels les arts, le sport, le tourisme, etc. dans l’optique du développement des publics (a priori non touchés par la fréquentation des lieux culturels) et de l’aménagement du territoire (en priorité des territoires défavorisés, dit politiques de la ville dans le milieu urbain, ou Culture-agriculture dans le milieu rural)27 6 Depuis 2015, les droits culturels visant à reconnaître à chacun sa liberté de vivre son identité culturelle conçus comme “l’ensemble des références culturelles par lesquelles une personne, seule ou en commun, se définit, se constitue, communique et entend être reconnue dans sa dignité”, selon la Déclaration de Fribourg sur les droits culturels de 2007, ont été adopté par la loi NOTRe. “La responsabilité en matière culturelle est exercée conjointement par les collectivités territoriales et l’État dans le respect des droits culturels énoncés par la Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles du 20 octobre 2005”, article 28A de la Loi NOTRe. . Le spectacle a d’ailleurs par deux fois été programmé dans le cadre de la Croisière sur la Plaine, événement d’un jour organisé par la Présidente de l’Espace Imaginaire, Mélanie Gaillard, qui propose de naviguer dans le quartier en partageant un banquet, des ateliers théâtre, des parades, des spectacles présentés dans différents lieux, espaces culturels ou rues du quartier. Montjoie! Saint-Denis! s’inscrit donc dans une démarche plus vaste d’activation de l’espace public. Une fois amené à l’espace de la scène, l’Espace imaginaire devient le protagoniste de l’œuvre théâtrale sous le prisme d’une mise en scène urbaine. Pour les habitants, les passants occasionnels et les travailleurs, le tissu urbain est perçu comme créatif, ludique et évolutif. Les habitations artistiques proposées par HOC MOMENTO cherchent à déborder le temps du spectacle et à ce qu’une nouvelle vie s’empare de la ville.

Il s’agit bien de retisser une mémoire commune et de pérenniser l'intérêt des jeunes, habitants, étudiants et artistes, pour leur quartier en leur proposant de participer à son histoire. Par l’habitation construite collectivement de l’Espace Imaginaire, ils inventent eux-mêmes leur manière d’occuper les lieux et construisent ensemble leur mémoire collective. Ainsi, sur du long terme, il s’agit de travailler à une insertion humaine du quartier.

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Montjoie! Saint-Denis! 22 juin 2019. Geoffrey Daret (Dagobert), Rafik Fetmouche (Louis XIV), Camille Bernaudat (Catherine de Médicis) et Evangelia Pruvot (Marie-Antoinette)

Cette manière de procéder, si elle comprend certains ingrédients de l’action culturelle, ne se suffit pas en elle-même. Nous cherchons à influer sur le contexte, certes, mais nous laissons également ces pratiques modifier notre façon de créer et notre esthétique. L’objectif de ces résidences est clair: faire un théâtre ambitieux, qui ne rabat aucune de ses exigences artistiques du fait de l’action culturelle. Ce détail est d’importance, au vu de la multiplication des actions culturelles en France depuis la modification de la Loi NOTRe en 2015 et plus encore depuis le plan La culture près de chez vous adopté début 201828 7 Ce plan, traduction des droits culturels en acte selon la ministre Françoise Nyssen, favorise l’irrigation de l’action culturelle sur les territoires et tend à la rapprocher de l’économie sociale et solidaire, avec une enveloppe de 6,5 millions d’euros déconcentrés supplémentaires, et une montée en puissance des crédits jusqu’en 2022. . Globalement, on observe en France depuis les années 2000 une nette réorientation de la politique culturelle. Depuis les années Lang (1980), le théâtre public subventionné avait pour vocation de financer la recherche, la création et l’innovation et d’absorber la marge d’erreur inhérente au théâtre d’art, s’accordant à penser que la création faisait exception dans l’économie globale. A l’ère du néolibéralisme, l’utilité du théâtre reconnue par Emmanuel Macron se résume, selon Olivier Neveux, en trois aspects. Premièrement, le divertissement, régi par les lois du marché, éventuellement aidé par l’État qui regarde le retour sur investissement avec des cahiers des charges très précis. Deuxièmement, la production de valeurs, largement financée par les subventions publiques et focalisée sur quelques grands noms, qui telles les grandes marques permettent “d’inventer une nouvelle grammaire de l’influence internationale; et la culture en fait partie” (Macron apud Neveux, 2019, p. 61). Troisièmement, le théâtre permet de faire lien, de favoriser le vivre ensemble, de “faire la morale (donner le moral et moraliser), […] [telle l’] antichambre sympathique d’une éducation nationale déconsidérée” (Neveux, 2019, p. 61). Ce que souligne le chercheur dans son essai Contre le théâtre politique, c’est bien la contradiction idéologique d’une classe politique qui démantèle progressivement les services publics tout en revalorisant l’action culturelle, pansement illusoire pour territoires défavorisés29 8 Il est d’ailleurs intéressant d’observer que certains appels à projets de la Direction Régionale des Affaires Culturelles (DRAC) sont fléchés vers les quartiers et/ou territoires prioritaires, comme si la culture pouvait pallier le manque de moyens injectés dans l’éducation nationale, la police ou le logement… Neveux souligne la filiation d’une telle politique avec le Parti Travailliste britannique, et cite Claire Bishop décrivant les années 1990 où “[...] l’intérêt pour la culture se justifiait de l’idée qu’elle créait l’apparence de l’inclusion sociale, même si le gouvernement continuait en même temps à éroder les institutions qui en assurent la mission - l’éducation et la santé. D’où la contradiction propre à l’art participatif, qui répond aux attentes des artistes en raison de son indépendance à l’égard du marché tout en exerçant une fonction Potemkine pour les gouvernements qui les financent” (Neveux, 2019, p. 62). . La conséquence de cette politique culturelle serait la disparition du théâtre d’art et la généralisation du théâtre instrumental.

L’artiste de théâtre doit en quelque sorte expier son art, potentiellement trop complexe, égocentrique et dispendieux, ainsi qu’apporter la preuve de sa contribution au vivre-ensemble. Il palliera, ou tentera de pallier, les échecs politiques; il adoucira les fractures sociales. Que les créateurs, plutôt que les œuvres, créent du lien. Qu’ils s’identifient un peu plus aux travailleurs sociaux - que les politiques s’échinent à précariser et à rarifier. L’histoire ici est ironique. Elle se rejoue telle une farce cruelle. Car les travailleurs sociaux ont été, entre autres, largement méprisés et déconsidérés par le milieu de l’art et de la culture (Neveux, 2019NEVEUX, Olivier. Contre le Théâtre Politique. Paris: La Fabrique éditions, 2019., p. 47-48).

Et certes, on ne peut ignorer l’intérêt qu’ont les pouvoirs publics à financer au lance-pierres un lieu autogéré comme l’Espace Imaginaire ou un projet comme Montjoie! Saint-Denis! qui favorisent le vivre-ensemble, l’insertion sociale et la visibilité du quartier à bas prix et à coup de bénévolat. Il est intéressant de relever également que Montjoie! Saint-Denis! n’entre pas dans les cases définies par la Direction Régionale des Affaires Culturelles (DRAC) pour l’Aide au Projet (anciennement Aide à la Création) soumise aux conditions de vente du spectacle et aux apports de coproducteurs (c’est-à-dire, les théâtres institutionnels). Ainsi, dans la définition des tutelles, la création est intrinsèquement dépendante de la tournée. Une œuvre échappant à la vente échappe également à la possibilité d’être produite. Le travail de création mené avec des amateurs passe automatiquement du côté de l’action territoriale et la production (costumes, scénographie, rémunération de professionnels) est très faiblement financée30 9 Pour prétendre à l’Aide à la Création, un spectacle doit recevoir le soutien d’institutions théâtrales engagées dans la production et la diffusion du spectacle. Un minimum de dix dates de représentation doit être prévues au moment de la demande de subvention. Disponible sur: <https://mesdemarches.culture. gouv.fr/loc_fr/mcc/requests/LIEUX_SOUTI_independants_03/>. Les projets d’action culturelle sont donc subventionnés en grande partie par les politiques de la Ville, les collectivités ou, au niveau de l’Etat (DRAC), par le plan Culture et lien social et par les résidences artistiques, culturelles et territoriales en milieu scolaire. Ces financements sont ciblés sur la rémunération d’ateliers et n’incluent pas la production de spectacle. Dans la définition des DRAC, les volets Création et Action territoriale sont strictement séparés, sous-entendant clairement une distinction de principe entre l’action culturelle et le théâtre d’art (la notion d’action artistique n’étant jamais employée en France). Par ailleurs, il est question de restitution et non de spectacle à la fin d’un projet d’action culturelle, mettant bien en valeur l’absence d’ambition artistique de ce type de subvention. . Certes, il existe aujourd’hui des commandes, des appels à projets, des marchés publics pour les projets urbains - relativement peu au fait des nécessités, des temps et des doutes de la création. La jonction entre l’art et la ville s’opère de plus en plus souvent - surtout dans les villes créatives - au risque du marketing territorial(Boltanski; Esquerre, 2017BOLTANSKI, Luc; ESQUERRE, Arnaud. Enrichissement, une critique de la marchandise. Paris: Gallimard, 2017. (Coll. Essais).) et d’une culture de l’événementiel visant à la promotion d’un territoire davantage à celle de l’art et de la culture. Pour les artistes impliqués dans la création in situ, ce genre de récupération n’est jamais loin. Le renoncement non plus. C’est pourquoi est-il indispensable de nommer ce qui appartient à l’action artistique, voire ce qui fait œuvre, “[...] la grande absente, l’ignorée, reléguée au vieux modernisme, au millénaire dernier” (Neveux, 2019NEVEUX, Olivier. Contre le Théâtre Politique. Paris: La Fabrique éditions, 2019., p. 62), afin peut-être de pouvoir la redéfinir, l’arracher à cette oppressante opposition entre sa définition comme objet universel, éternel - et donc rentable - et l’acte éphémère, non reproductible - et donc non rentable.

L’œuvre en question - le spectacle Montjoie! Saint-Denis! - s’est construite - et continue de se construire - en plusieurs étapes, et ce en vertu de la contrainte temporelle. Sans que cela ait été anticipé, l’expérience nous a permis de découvrir une manière d’approfondir la recherche tout en ouvrant la création au public. Quatre versions du spectacle ont été jouées, dont trois à l’Espace Imaginaire. La première s’est déroulée à l’Université Paris 8 en lien avec deux cours de Licence du Département Théâtre. Les 60 étudiants impliqués ont présenté une restitution autour du mythe de Saint-Denis et des JO lors de la Semaine des Arts de l’Université Paris 8. Une partie de ce groupe, délocalisée à l’Espace Imaginaire, a travaillé à la première version du spectacle en juin 2018. Une deuxième version fut présentée en octobre et une troisième en juin 2019, que nous considérons aboutie - mais perfectible. Ce calendrier troué a rendu possible, dans la discontinuité des résidences et la reconfiguration des groupes, de parachever un travail de qualité. Ainsi, l’œuvre a été créée par différentes communautés éphémères, qu’on pourrait rassembler sous le terme de collectif transfiguré - le groupe, d’une résidence à l’autre, n’est pas identique - et transfigurant - comme évoqué plus haut, il influence la création, la remodèle.

Le lieu de création est lui aussi transfiguré et transfigurant. L’Espace Imaginaire, à chaque nouvelle résidence, évolue. De nouvelles constructions modifient l’espace de jeu, des objets disparaissent, d’autres apparaissent, l’espace partagé, mouvant, nous oblige à réinventer sans cesse la scénographie et la mise en scène, déambulatoire. Le spectacle n’est donc ni tout à fait le même ni tout à fait un autre, comme la femme rêvée de Verlaine… Mais comme pour le poème, son image se précise dans la tête des artistes, et ce faisant, il prend forme.

La forme imposée par l’in situ dans cet espace de 5000 m2, est sans doute ce qui nous intéresse le plus. Quel style d’écriture théâtrale saura s’y adapter? Quel style de jeu? Quelle scénographie? Ici, choix et contraintes s’entrelacent. Pour occuper un tel espace, il faut un groupe d’acteurs nombreux, des costumes et des objets scéniques surdimensionnés, des scènes qui tiennent compte du ciel ouvert et des grues qui s’y détachent. La mise en scène doit intégrer des estrades pour surélever les acteurs, qui jouent parfois à plusieurs mètres les uns des autres, afin de transfigurer le lieu et faire éclater la frontalité - il ne s’agit pas de théâtre de rue dans le sens où l’on recréerait une scène de théâtre dans l’espace public, mais de la recherche de formes scéniques innovantes, épousant l’espace qu’il nous est donné d’occuper.

La décision de centrer la dramaturgie sur le mythe de Saint-Denis est à la fois un choix artistique et un choix contraint. Les scènes qui jalonnent cette légende sont presque toutes des scènes publiques: prêche, arrestation, jugement, décollation, miracle, martyre… Elles permettent de jouer haut, grand et large sans forcer le trait. Les situations données aux acteurs peuvent se dérouler dans un espace surdimensionné. Le spectacle entremêle la réalité et la fiction sans souci de réalisme. Le personnage principal, Denis Fertangué, président du Comité International Olympique, coordonne la transformation du territoire dionysien en vue des Jeux Olympiques 2024. Pour accélérer les travaux, il dirige un chantier nocturne à l’orée de la Basilique de Saint-Denis, ce qui provoque un effet indésirable: les Rois de France, réveillés par les coups de pioche, sortent de leur tombe pour sauver leur tombeau. Ils l’obligent à stopper les JO. Lors d’un discours médiatique de grande audience, Denis Fertangué fait volte-face: il tombe le masque, annule les JO et annonce, à la place, 31 jours de banquet pour décider ensemble du futur du monde. Le peuple se réjouit, ainsi que les Rois qui réapparaissent miraculeusement en supporters de Denis. Mais la mascarade n’est pas terminée. Acculant le leader à faire choix du menu, les Rois excitent les adeptes et les mènent à la discorde avant de proposer un délicieux cochon de lait à la broche. Denis serait le porcelet. Un grand carnaval prend place alors, organisé par les Rois: des clowns, un char, de la musique… La confusion règne. Le temps fuse de manière rétroactive. La manipulation a fonctionné. Denis revient encagé par des bourreaux tandis que ses adeptes, reniant son leader, l’accusent d’avoir volé l’argent des JO… Les Rois jugent alors Denis pour avoir voulu abolir l’ordre du monde. On lui coupe une tête qui ne tombe pas, tel qu’il fut fait à Montmartre au Premier évêque de Paris, Saint-Denis31 10 Le mythe de Saint-Denis, Patron des Rois de France, est fameux. Jugé puis décapité à Montmartre, le Saint récupéra sa tête coupée et marcha vers Saint-Denis. Sa légende fut renforcée en même temps que la Basilique, tombeau des Rois de France, fut construite. . L’acteur se lève et marche, la tête dans la main, et rejoue le mythe. La boucle est bouclée.

La mise en scène et la dramaturgie sont immersives. Toutes les scènes du spectacle impliquent le public, qui achève la mise en scène par sa présence: il est une vision des Rois de France (qui croient à un pèlerinage puis à une armée romaine); un auditoire de la scène médiatique; un groupe d’adeptes du nouveau prophète; puis de badauds-spectateurs du carnaval, du jugement et de la mise à mort en place publique. Le public, debout ou assis, libre dans ses mouvements, complète la scénographie circulaire. En effet, tout se joue dans une arène - celle des jeux gladiatoires, de la foire, du jugement et de la place publique. Au départ spontanément situés à l’orée du cercle, les spectateurs sont plus tard invités à y entrer. Sans participation directe, le public construit toutefois la fiction et donne à la représentation un air de foire moyenâgeuse (évidemment fantasmée). Il est pris dans le cercle tandis que la toile de la manipulation du pouvoir se resserre. Durant toute la seconde partie du spectacle, les vingt acteurs sont présents et jouent de tous côtés, le martyre, entouré des spectateurs, se trouvant au centre.

Ces derniers, par ailleurs, sont parfois devenus experts. Certains, voisins ou cogestionnaires de l’Espace Imaginaire, ont vu le spectacle à chaque nouvelle édition. Des enfants du quartier connaissent les répliques et les chansons par cœur et montent sur les estrades prévues pour les acteurs pour annoncer la suite - là, on va lui couper la tête!. À ce titre, la gratuité des représentations et la liberté d’action offerte aux spectateurs non assignés à un siège, libres de partir quand ils le veulent et observant le spectacle de la - ou les - place(s) qu’ils choisissent, jouent un grand rôle. En fonction du point de vue adopté et de son interprétation de l’espace, le public se situe variablement dans l’arène et le spectacle change, à la fois pour lui et pour l’acteur qui doit l’intégrer à son jeu et modifier, en direct, la mise en scène. Parfois il n’est question que d’adresses et de placements, parfois de bien plus. Pour exemple, je narrerais une représentation particulière où la participation des spectateurs fut inattendue, et incroyablement poétique. Tandis qu’après sa décapitation, l’interprète de Denis Fertangué se relevait et s’éloignait, tournant le dos à ses bourreaux, un groupe d’enfants issu du public s’est rapproché, lui a pris la main et l’a accompagné jusqu’à la fin du spectacle. L’image initiale s’en est trouvée totalement modifiée. Le martyre fut en quelques sorte réhabilité grâce à l’intelligence sensible des enfants, soulageant de leur tendresse l’injustice de cette mise à mort. Jamais nous n’aurions prédit un tel acte.

Ainsi sommes-nous attentifs, dans l’immersion que propose la mise en scène, à ne pas contrôler la place et le regard, conscients que

[...] l’émancipation du spectateur, c’est la possibilité d’un regard du spectateur qui ne soit pas celui qui a été programmé […] L’émancipation, c’est aussi de savoir que l’on ne met pas sa tête dans la tête des autres, qu’on n’a pas à anticiper l’effet. J’ai dit ce que j’avais à dire et les gens en ont fait ce qu’ils en ont voulu (Rancière, 2009RANCIÈRE, Jacques. Et tant pis pour les gens fatigués: Entretiens. Paris: Éditions Amsterdam, 2009. P. 593-604., p. 593, 603 et 604).

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Montjoie! Saint-Denis! 22 juin 2019. Pauline Delamare (le clown Citius) et Karina Le Marois (le clown Altius)

La méthode créatrice, on l’aura compris, repose sur la contrainte. Contrainte thématique liée au territoire, contrainte formelle liée au lieu de résidence, contrainte financière, de calendrier, etc. Cette méthode se rapproche aussi de celle à la devinette, celle des “enfants [qui] réussissent par chance et recommencent par méthode” décrite par Rancière dans Le maître ignorant (Rancière, 1987RANCIÈRE, Jacques. Le maître ignorant. Paris: Fayard, 1987. ). Comme pour les écrivains de l’OULIPO qui se définissent comme des “rats qui construisent eux-mêmes le labyrinthe dont ils se proposent eux-mêmes de sortir” (OULIPO, 1973OULIPO. La Littérature Potentielle. Paris: Gallimard , 1973.), la contrainte se retourne en opportunité pour inventer de nouvelles formes esthétiques.

La forme qui émerge de notre labyrinthe d’impossibles n’a pas pour but d’éclairer les spectateurs ni de les conscientiser. La dramaturgie est trouée, les scènes s’entrechoquent, certaines images poétiques n’ont pas de sens à déchiffrer - même pour nous - et certains personnages parlent en alexandrin ou empruntent leur vocabulaire à l’ancien français. Le spectacle nous déborde. Les enjeux de l’in situ sont si grands, nos moyens et nos connaissances en la matière si petits, que nous ne parvenons pas à tout maîtriser. Et c’est tant mieux. Le spectacle critique la mise en scène du pouvoir à travers les JO et l’idéologie qu’ils charrient en opérant une hypothétique comparaison avec l’Empire romain (et son fameux panem et circences) et l’établissement des figures mythiques pour asservir les foules. Il le fait en étant, au fil des scènes, de plus en plus fou et onirique. Il ne cherche pas la reconnaissance ou l’explication, mais plutôt la poésie et l’étrangeté outrancière du clown, le lyrisme - soi-disant obsolète - de l’inspiré, la beauté du rêve. Si l’attention est portée sur le territoire et les habitants au moment du faire, il n’y a aucune orientation du discours ou de la forme du fait du quartier ou du public supposément attendu.

Ainsi pourrait-on dire que nous empruntons à l’action culturelle quant à la fabrication et au moyen de production de l’œuvre, qui, dans sa réalisation, ne s’intéresse qu’à l’art du théâtre. Et que c’est parce que les contraintes liées à cette action culturelle nous semblent activantes pour l’art théâtral, que nous la perpétuons. Le choix de travailler hors de soi - de la boîte noire et des limites financières du professionnalisme, des idéologies qui les sous-tendent - nous libère et, ce faisant, nourrit artistiquement la création. L’action culturelle devient-elle alors action artistique?

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Montjoie! Saint-Denis! 22 juin 2019. Tous les acteurs chantant la chanson Céphallocomptine en portant les lanternes construites par l’association Les Poussières avec des enfants du Centre de Loisir et des lycéens. Scène d’ouverture

L’action culturelle, pourrait-on s’indigner, s’en trouve dévoyée de son but et utilisée par les artistes pour réaliser des œuvres qu’ils n’auraient pas les moyens de créer autrement. L’action culturelle et l’action artistique visent l’émancipation, et non l’invention de formes esthétiques. Ne doit-on pas mesurer sa réussite à la participation des habitants? À l’absence de hiérarchie et de leadership au sein du groupe? À l’autonomisation des participants? Si ces modes de validations prévalent, le résultat du projet sera, sommes toutes, plutôt négatif. Peu d’habitants du quartier ont participé au processus en tant qu’acteurs, les communautés éphémères étant majoritairement constituées d’étudiants ou d’amateurs ayant déjà une pratique du théâtre. Certains participants ont pris une autonomie dans la création, d’autres ont attendu les directives pour agir, émanant souvent des metteurs en scène. Le processus est-il alors émancipateur? J’entends surgir de ma propre tête cette autocritique et je pose différemment la question. Ce processus nous a-t-il appris quelque chose, qu’un autre processus n’aurait pas permis? Tel acteur qui ne l’avait jamais fait auparavant a écrit les paroles d’une chanson devenue emblématique du spectacle, telle a appris à porter sa voix et à se grandir pour jouer dans cet espace immense, tel autre a transmis ses connaissances en guitare flamenco, tel encore a obtenu un vif succès en traduisant le discours médiatique de Denis Fertangué en lingala, sa langue natale mal maîtrisée, grâce à l’accompagnement d’un autre participant bilingue… Ce processus a certainement ouvert des possibles - la possibilité de faire naître une œuvre théâtrale, une représentation du monde “soustrait[e] aux règles du vrai et du faux”, c’est-à-dire une expérience du “fictif” (Neveux, 2019NEVEUX, Olivier. Contre le Théâtre Politique. Paris: La Fabrique éditions, 2019., p. 248) - par l’implication volontaire d’individus dans une action artistique convergente. Il a créé cette “chose commune placée entre les deux intelligences [qui] est le gage [du pouvoir d’]égalité” (Rancière, 1987RANCIÈRE, Jacques. Le maître ignorant. Paris: Fayard, 1987. , p. 56). Et c’est cela qui compte.

Referências

  • AUTANT-MATHIEU, Marie-Christine (Dir.). Créer, ensemble, Points de vue sur les communautés artistiques (fin du XIXe-XXe siècles). Montpelliers: L’Entretemps, 2013.
  • BOLTANSKI, Luc; ESQUERRE, Arnaud. Enrichissement, une critique de la marchandise. Paris: Gallimard, 2017. (Coll. Essais).
  • BORJA, Marcus. Du collectif au collaboratif: parcours de l’écriture scénique plurielle entre France et Brésil. In: DOYON, Raphaëlle; FREIXE, Guy (Dir.). Les collectifs dans les arts vivants depuis 1980. Marseille: L’Entretemps, 2014.
  • FERNANDES, Sylvia (Dir.). Antônio Araújo et le Teatro da Vertigem. Aix-Marseille: PUF, 2016.
  • LOMBARD-JOURDAN, Anne. Montjoie et Saint-Denis! Le centre de la Gaule aux origines de Paris et de Saint-Denis. Paris: Presses du CNRS, 1989.
  • LOMBARD-JOURDAN, Anne. La Plaine Saint-Denis, deux mille ans d’histoire. Paris: CNRS Éditions, 1994.
  • NEVEUX, Olivier. Contre le Théâtre Politique. Paris: La Fabrique éditions, 2019.
  • OULIPO. La Littérature Potentielle. Paris: Gallimard , 1973.
  • POIROT-DELPECH, Sophie (Dir.). Des collectifs éphémères. Revue Socio-anthropologie, Paris, Publications de la Sorbonne, n. 33, juin 2016.
  • RANCIÈRE, Jacques. Le maître ignorant. Paris: Fayard, 1987.
  • RANCIÈRE, Jacques. Et tant pis pour les gens fatigués: Entretiens. Paris: Éditions Amsterdam, 2009. P. 593-604.
  • ROUX, Louise. L’utopie pragmatique des collectifs théâtraux des années 2000. Des collectifs éphémères. Revue Socio-anthropologie , Paris, Publications de la Sorbonne, n. 33, p. 47-59, juin 2016.
  • ROUX, Louise; NEPOMUCENO, Frederico. Création partagée dans une ville laboratoire. Registres, Paris, Sorbonne Nouvelle, n. 5, p. 137-150, 2018.
  • 1
    HOC MOMENTO est une association Loi 1901, co-dirigée par Louise Roux et Frederico Nepomuceno, renforcée par plusieurs artistes récurrents, structurée en 2017 et spécialisée dans le théâtre in situ. Montjoie! Saint-Denis! est un projet de recherche création soutenu par la Maison des Sciences de l’Homme Paris Nord de 2017-2019 (Théâtre in situ et patrimoine, la dramaturgie urbaine à l’épreuve, de Rio à Alger), la Mairie de Saint-Denis (93), le Contrat de Ville (projet Politique de la Ville quartier de la Plaine) et associé à l’Université Paris 8. Mise en scène: Louise Roux, Frederico Nepomuceno; scénographie: Frederico Nepomuceno, Carolina E. Santo, Pascaline Robinot; dramaturgie: Louise Roux, Geoffrey Daret, Rafik Fetmouche; costumes: Cheyenne Actis-Grosso, Pauline Beuzebboc, Loubna Qaffou; création vidéo: Javier Lazo Barco, Moe Nishimura, Freila Ramos; administration: Emilie Audebert, Soline Morterol; jeu: Jackson Badandishi, Lison Bellanger, Camille Bernaudat, Thibault Brasseur, Sarah Brunet, Denzel Calle Gonzales, Hélène Canuet, Adrien Cortun, Geoffrey Daret, Pauline Delamare, Julie Demol, Elodie Faid, Julie Flusin, Rafik Fetmouche, Clara Gelot, Serge Guirchoun, Anne-Claire Ignace, Josemar Junior, Vincent Labie, Karina Lemarois, Mano Llegal, Nubia Lyn Enel, Swaggart Nganga, Augustin Mouret, Morgane Pommier, Evangélia Pruvot, Loubna Qaffou, Mathilde Ryo, Henri Sourdais et les étudiants de Licence 2 et 3 du Département Théâtre de l’Université Paris 8 et les apprentis de l’Académie Fratellini pour la Semaine des Arts.
  • 2
    “Le Réseau des villes créatives de l’UNESCO (RVCU) a été créé en 2004 pour promouvoir la coopération avec et entre les villes ayant identifié la créativité comme un facteur stratégique du développement urbain durable. Les 246 villes qui forment actuellement ce réseau travaillent ensemble vers un objectif commun: placer la créativité et les industries culturelles au cœur de leur plan de développement au niveau local et coopérer activement au niveau international” (https://fr.unesco.org/creative-cities/).
  • 3
    Vingt entretiens ont été réalisés par des étudiants de Licence 2 et licence 3 du Département Théâtre de l’Université Paris 8, avec des habitants de Saint-Denis. Voir également à ce sujet le comité de vigilance JO 2024 Saint-Denis. Disponible sur: <http://vigilancejo93.com>.
  • 4
    La communauté éphémère est ainsi nommée en référence, d’une part, à la notion de communauté artistique présentée par Marie-Christine Autant-Mathieu (Autant-Mathieu, 2013AUTANT-MATHIEU, Marie-Christine (Dir.). Créer, ensemble, Points de vue sur les communautés artistiques (fin du XIXe-XXe siècles). Montpelliers: L’Entretemps, 2013.), et d’autre part, à celle de collectif éphémère proposée par Sophie Poirot-Delpech (Poirot-Delpech, 2016POIROT-DELPECH, Sophie (Dir.). Des collectifs éphémères. Revue Socio-anthropologie, Paris, Publications de la Sorbonne, n. 33, juin 2016.). Le groupe de participants est une communauté car il partage des valeurs, un lieu qu’il habite et dont il s’occupe le temps des répétitions. Il se réunit bénévolement grâce à un objectif artistique commun. Il n’est pas un collectif dans le sens où les décisions sont prises majoritairement par le(s) metteur(s) en scène-directeur(s) de projet, cependant que cette communauté n’a pas non plus vocation à durer dans le temps: elle se renouvelle chaque année et n’est pas l’équivalent d’une troupe. Elle est éphémère. Au sujet de cette inscription des groupes théâtraux dans l’éphémère, à la différence des communautés du XIXe-XXe siècles, voir la notion d’utopie pragmatique (Roux, 2016).
  • 5
    La première résidence (janvier-mars 2018) était inscrite dans le cursus de formation de Licence Théâtre de l’Université Paris 8. Les metteurs en scènes de HOC MOMENTO y organisèrent deux cours conjoints de L2 et L3, pendant un semestre, autour de la création. Soixante étudiants, réunis par le projet, participèrent à la première version, présentée lors de la Semaine des Arts en mars 2018. Celle-ci fut notée et intégrée dans le parcours universitaire classique. La deuxième résidence (avril-juin 2018) regroupait sur l’Espace Imaginaire un noyau dur d’étudiants issus des cours (une quinzaine), trois étudiants stagiaires (les étudiants de Licence 3 doivent réaliser un stage pour valider leur Licence) et quelques habitants ou artistes bénévoles (6). La troisième résidence (septembre-octobre 2018) regroupait à peu près le même groupe, moins certains étudiants et habitants (en tout, 12 participants dont 2 habitants), plus un artiste brésilien ayant travaillé avec HOC MOMENTO au Brésil. Pour la quatrième résidence (avril-juin 2019), le groupe fut reconfiguré, certains étudiants ayant changé de cursus ou ayant épuisé leur désir de prolonger le projet. Il comportait: 8 étudiants de Paris 8 (2 ayant été présents à toutes les résidences, d’autres ayant participé à la première), 1 habitant (ayant suivi tout le parcours de Montjoie! Saint-Denis!), 2 étudiants de Sciences-po Paris, 8 artistes bénévoles (dont 1 ayant suivi tout le projet). Nous rejoignirent dans le cadre de leur stage de Licence à Paris 8 une costumière et une administratrice. Pour les étudiants impliqués, seule la première session fut notée. Le reste fut parfois validé comme stage, souvent totalement bénévole et volontaire. Les trois résidences menées sur l’Espace Imaginaire le furent dans le cadre d’une action associative et de recherche (soutien de la Maison des Sciences de l’Homme), détachée de l’Université.
  • 6
    Depuis 2015, les droits culturels visant à reconnaître à chacun sa liberté de vivre son identité culturelle conçus comme “l’ensemble des références culturelles par lesquelles une personne, seule ou en commun, se définit, se constitue, communique et entend être reconnue dans sa dignité”, selon la Déclaration de Fribourg sur les droits culturels de 2007, ont été adopté par la loi NOTRe. “La responsabilité en matière culturelle est exercée conjointement par les collectivités territoriales et l’État dans le respect des droits culturels énoncés par la Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles du 20 octobre 2005”, article 28A de la Loi NOTRe.
  • 7
    Ce plan, traduction des droits culturels en acte selon la ministre Françoise Nyssen, favorise l’irrigation de l’action culturelle sur les territoires et tend à la rapprocher de l’économie sociale et solidaire, avec une enveloppe de 6,5 millions d’euros déconcentrés supplémentaires, et une montée en puissance des crédits jusqu’en 2022.
  • 8
    Il est d’ailleurs intéressant d’observer que certains appels à projets de la Direction Régionale des Affaires Culturelles (DRAC) sont fléchés vers les quartiers et/ou territoires prioritaires, comme si la culture pouvait pallier le manque de moyens injectés dans l’éducation nationale, la police ou le logement… Neveux souligne la filiation d’une telle politique avec le Parti Travailliste britannique, et cite Claire Bishop décrivant les années 1990 où “[...] l’intérêt pour la culture se justifiait de l’idée qu’elle créait l’apparence de l’inclusion sociale, même si le gouvernement continuait en même temps à éroder les institutions qui en assurent la mission - l’éducation et la santé. D’où la contradiction propre à l’art participatif, qui répond aux attentes des artistes en raison de son indépendance à l’égard du marché tout en exerçant une fonction Potemkine pour les gouvernements qui les financent” (Neveux, 2019, p. 62).
  • 9
    Pour prétendre à l’Aide à la Création, un spectacle doit recevoir le soutien d’institutions théâtrales engagées dans la production et la diffusion du spectacle. Un minimum de dix dates de représentation doit être prévues au moment de la demande de subvention. Disponible sur: <https://mesdemarches.culture. gouv.fr/loc_fr/mcc/requests/LIEUX_SOUTI_independants_03/>. Les projets d’action culturelle sont donc subventionnés en grande partie par les politiques de la Ville, les collectivités ou, au niveau de l’Etat (DRAC), par le plan Culture et lien social et par les résidences artistiques, culturelles et territoriales en milieu scolaire. Ces financements sont ciblés sur la rémunération d’ateliers et n’incluent pas la production de spectacle. Dans la définition des DRAC, les volets Création et Action territoriale sont strictement séparés, sous-entendant clairement une distinction de principe entre l’action culturelle et le théâtre d’art (la notion d’action artistique n’étant jamais employée en France). Par ailleurs, il est question de restitution et non de spectacle à la fin d’un projet d’action culturelle, mettant bien en valeur l’absence d’ambition artistique de ce type de subvention.
  • 10
    Le mythe de Saint-Denis, Patron des Rois de France, est fameux. Jugé puis décapité à Montmartre, le Saint récupéra sa tête coupée et marcha vers Saint-Denis. Sa légende fut renforcée en même temps que la Basilique, tombeau des Rois de France, fut construite.
  • Ce texte inédit, révisé par André Mubarack, est également publié en portugais dans ce numéro.
  • Rédactrices responsables: Verônica Veloso, Maria Lúcia Pupo et Anna Mirabella

Publication Dates

  • Publication in this collection
    09 Mar 2020
  • Date of issue
    2020

History

  • Received
    23 July 2019
  • Accepted
    13 Dec 2019
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