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Contribution a l'etude des atrophies nucleaires progressives

Le développement progressif chez un sujet jeune de paralysies multiples des nerfs moteurs crâniens frappant surtout les nerfs bulbaires et d'une paralysie atrophique des muscles du cou, l'abolition des reflexes tendineux des membres supérieurs, l'existence de fibrillations musculaires dans les territoires interesses, l'absence de tout signe d'atteinte des voies pyramidales, l'intégrité absolue des divers modes de sensibilité, réalisaient chez le malade dont nous apportons ici l'observation un tableau de polio-encéphalite inférieure et de poliomyélite antérieure progressive. L'evolu-tion fut fatale au bout de deux années.

L'examen anatomique montra une dégénérescence nucléaire progressive frappant essentiellement, mais sans électivité absolue, les noyaux d'origine des nerfs moteurs crâniens et des cornes antérieures de la moëlle. Cette dégénérescence s'accompagne de télangiectasies dans les territoires atteints, de lésions des nerfs crâniens et des ganglions rachidiens mais sans réaction inflammatoire ni gliale.

Si, par certains points, cette observation est à classer dans le grand cadre des atrophies nucléaires progressives, la coexistence de lésions cellulaires et d'un processus télangiectasique développé dans un territoire connexe lui confère, croyons-nous, un caractère particulier et soulève un certain nombre de problèmes de pathologie générale.

Schm. . . Edmond, 25 ans, séminariste, entre à la Salpétrière le 27 Mai 1948 pour des troubles bulbaires. En 1945, alors qu'il faisait ses études au Séminaire, il presente une fatigabilité intellectuelle inhabituelle. Lorsqu'il lisait un livre, arrive au bas de la page, il ne se rappelait plus ce qu'il avait lu au debut. En outre, au réveil, il éprouvait pendant quelques minutes un sentiment de désorientation. Cependant c'est en 1946 que s'installent les premiers troubles neuroiogiques objectifs. Le premier en date a été une paralysie faciale gauche apparue progressivement, puis des troubles de la voix qui devient rauque et puis s'assourdit. Enfin, il presente à la marche une fatigabilité des membres interieurs. L'evolution de ces troubles est lente et le malade ne peut poursuivre ses études. En 1948, il éprouva une eertaine maladresse des membres supérieurs. Dans ses antecedents, rien à signaler sinon une fièvre typhoide à l'âge de 3 ans. Sa mise au monde fut normale, sans forceps ni réanimation. C'est le 3e enfant d'une famille de quatre; ses deux frères et sa sceur sont bien portants.

L'examen à son entrée rnontre un sujet três amaigri. On note d'emblee une paralysie faciale gauche, une langue atrophique à droite, une aphonie, des fibrillations du peaueier du cou, une atrophie du sterno-cleido-mastoïdien gauche, du trapeze gauche, une parésie amyotrophique des muscles postérieurs du cou. Une analyse détaillée des paires crâniennes allait nous montrer: Parésie avec atrophie de l'hémilangue gauche; tirée hors de la bouche, la langue est déviée vers la gauche, rentrée dans le plancher buccal la langue est déviée à droite. Voix três assourdie. Parésie de l'hémivoile droit: lors de la phonation ou à l'attouchement le voile est nettement attiré en haut et à gauche. Pas de tachycardie. Une gene à la deglutition des solides sans signe du rideau. Audition normale; nystagmus horizontal spontané dans le regard à droite comme à gauche, dès que l'oeil fran-chit la ligne médiane. Pas de deviation spontané des index tendus. à l'épreuve calorique, avec 10 cc d'eau à 25°C, on obtient un nystagmus horizontal net tant à droite qu'a gauche mais ne devenant pas rotatoire en P3 Cette absence de nystagmus provoque de forme rotatoire témoigne de troubles vestibulaires Centronix. Une paralysie faciale périphérique gauche predominant sur le facial inférieur (impossibilite de souffler, de siffler), l'occlusion de l'orbiculaire gauche est moins forte à gauche. Il existe des secousses fibrillaires dans les rjeauciers du cou et dans l'orbiculaire droit. Le moteur oculaire externe est normal des deux côtés. Le trijumeau moteur est atteint à gauche: bouche oblique ovalaire, atrophie du masséter gauche. Aucun trouble sensitif dans le doniaine du trijumeau cutané ou muqueux, l'abolition du réflexe cornéen gauche est imputable à la paralysie faciale. Au niveau des muscles oculaires, il h'existe aucune paralysie extrinseque. La pupille droite, irrégulière, est en myosis léger. Les reflexes photomoteurs sont faibles et le réflexe à la convergence des pupilles est égalernent faible. L'examen du fond d'oeil montre à droite une papille hyperêmiée à bords nasal et supérieur flous; le flou est plus accentué dans les inêmes secteurs à gauche mais le bord temporal des deux papules est net. L'odorat n'est pas perturbé.

On note une atrophie des muscles postérieurs du cou et de la paroi thoracique postérieure, les épaules sont décollées, les sus-épineux atrophies. Il existe des fibrillations musculaires au niveau des bras. Outre les fibrillations des peauciers déjà signalées on note des fasciculations musculaires au niveau du trapeze et du sterno-cleido-mastoidien gaúches. Le trapeze gauche est par moments le siège d'une crampe tonique de courte durée.

La force musculaire est normale au niveau des membres, tant supérieurs qu'inférieurs. Les réflexes des membres supérieurs sont abolis souf le tricipital gauche; le stylo-radial droit est ébauché mais três faible. Les réflexes rotuliens sont três faibles, alors que les achilléens sont normaux. Le réflexe cutané-plantaire se fait en flexion des deux côtés. Les réflexes cutanés-abdominaux et crémastériens sont normaux.

Il n'existe aucun trouble sensitif ou de la série cérébelleuse. Les sphincters sont normaux.

L'examen viscéral le plus attentif ne montre rien d'anormal. La tension artérielle est à 115-70 mm Hg. L'uree sanguine est à 0,40 gr./1000, la glycémie à 0,87 gr./1000. La réaction de Bordet-Wassermann est négative dans le sang. La formule sanguine sans particularités. Les radiographics du crane et du rachis cervical sont normales. Le 3 Juin 1948, on décide, malgré le flou des bords papillaires, de pratiquer une prudente ponction lombaire. Celle-ei en position couchée montre, au tube de Strauss, une tension à 50 cm d'eau. Le liquide est clair, contenant 2,4 éléments; albumine 0,20 gr./1000; réaction de Pandy négative; Bordet-Wassermann négatif.

Le malade est mis à un traitement par le cyanure de mercure intra-veineux. Cinq jours après le début du traitement, il présente brusquement une abondante hémorragie intestinale de sang rouge, qui se renouvellera une fois encore. Cette hémorragie, malgré son abondance, ne semble pas mettre ses jours en danger, mais s'accompagne d'une anxiété manifeste. Transfusion de 250 cc. La thérapeutique mercurielle est alors abandonnée et la colite hémorragique rétrocède rapidement.

À un examen pratiqué dans la deuxième quinzaine de Juin, les constatations sont les mênies; toutefois, on constate l'existence d'une parésie du droit supérieur droit et, au niveau de la paroi postérieure du pharynx, d'une signe du rideau avec attraction vers la droite. Il seinble exister d'autre part une hypermétrie légère dans les épreuves classiques du doigt sur le nez, du talon sur les genoux, qui disparaitra par la suite. Il existe toujours un oedème papillaire bilateral predominant à gauche. Le malade est soumis à un traitement radiothérapique qui ne modifie en rien la situation d'ensemble, pas plus qu'un traitement anti-infectieux par le salicylate de soude et le bismuth.

Le 21 Juillet, son état s'aggrave brusquement. Il ressent une angoisse intense, accompagnée d'une douleur rétro-sternale qui n'irradie pas et ne s'accompagne pas de sensation de striction thoracique. Le visage est cyanosé, couvert de sueurs, le pouls bat à 160; il n'y a pas de troubles du rythme respiratoire. Cet accès dure une heure, laissant un fond d'angoisse, puis, se renouvelle. Il est vu par le Dr. J. J. Welti, qui compare son état à celui d'une embolie pulmonaire grave, mais conclut à la vraisemblance de troubles d'origine bulbaire. Le lendemain, après une courte accalmie, le tableau redevient aussi dramatique et pour la prèmiere fois s'installe une dyspnée sine materia. La malade meurt dans la matinée, malgré la thérapeutique, analeptiques cardiaques et. oxygène.

L'évolution s'est montrée apyrétique sauf lors de la poussée de colite mercurielle, et la journée qui précèda la mort, où la température monta à 38,2ºC.

Étude macroscopique - Encéphale de volume normal, sans déformation ni engagement. Congestion veineuse méningée. Appareil ventriculaire normal. Hyperémie généralisée mais prédominant dans la substance grise du pont et du bulbe, où les noyaux des nerfs crâniens sont mal discernables. Mcelle plutôt atrophiée, cornes antérieures petites; grosse hyperémie de la substance grise.

Examen histologique - Le tronc cérébral est coupé en série; de nombreux fragments de l'axe encéphalo-médullaire, des racines et ganglions sont inclus ou coupés à congélation pour une étude systématique (Nissl, Mallory, Holzer, hématéine, trichrome de Masson, Bielschowsky, Gros et Perdrau).

1) Tronc cérébral - Le tableau histologique est caractérisé par une dégénérescence neuro-ganglionnaire frappant un grand nombre de noyaux des nerfs crâniens, sans réaction gliale notable, sans signe inflammatoire, mais avec formation de télangiectasies dans les territoires atteints.

Lésions cellulaires: Elles revêtent un type d'atrophie progressive voisine de la "maladie chronique de la cellule" de Nissl et Spielmeyer. Comme tous les élements ne sont pas au même point de dégénérescence, on en suit facilement les divers stades. En un premier temps, sans que le noyau soit modifié, la tigroïde se rassemble en grosses mottes fortement colorées. Puis l'hyperchromie se généralise, la tigroïde devient indiscernable, la cellule s'allonge, s'étrecit, se "sclérose", cependant que les dentrites, épais, tortueux, anormalement colores, deviennent visibles sur une grande longueur et exagèrent encore cet aspect; les neurofibrilles s'épaississent et entrent en coalescence; le noyau ne tarde pas à se déformer dans le même sens que la cellule; il apparait foncé, triangulaire puis rubanné; le nucléole tant qu'il est discernable n'est pas spécialement volumineux, mais assez fréquemment il se dédouble. À un degré de plus la cellule n'apparait au Nissl que comme une tache allongée, d'un bleu foncé, où l'on ne peut plus reconnaitre aucune structure. Enfin, qu'elles se vacuolisent ou non, les cellules deviennent fantomatiques et disparaissent. Un point assez particulier est à signaler: l'existence, surtout dans les zones peu atteintes, de cellules binucléées.

Étude topographique: La dégénérescence frappe essentiellement les noyaux des nerfs crâniens, mais à des degrés variables. Le noyau de la III paire est peu touché, plus du côté gauche où cellules à grands éléments sont le plus attaints; quelques cellules binucléées dans la zone à petites cellules. Le IV est pratiquement indemne. Le VI présente à gauche quelques cellules en dégénérescence débutante. Le V moteur est très atteint, le nombre des cellules considérablement réduit, presque autant à droite qu'à gauche; de ce côté la racine descendante est partiellement lésée. Le noyau du VII a pratiquement dispam à gauche; à droite on ne retrouve que quelques cellules éparses, rarement normales dans le noyau ventral. Le VIII est bien moins touché: dans le tubercule acoustique, quelques cellules en voie de sclérose; dans le noyau de Deiters, une diminution légère du nombre de cellules sans grosse modification structurelle. Les noyaux ambigu et dorsal du vague sont modérément lésés; on les reconnait facilement, mais nombre de cellules sont déjà atteintes. Le noyau ventral du vague est presque indiscernable. Les noyaux du XII sont de tous les plus atteints; il ne reste pratiquement plus une cellule normale Le noyau du funiculus teres indemne à droite, est en voie de disparaître à gauche (figs. 1 et 2).



Les autres noyaux du tronc cérébral sont moins touchés. Certains sont indemnes: noyau rouge, locus niger, locus ceruleus, noyaux du pont, arcuatum, noyau latéral du bulbe. D'autres présentent des signes de sclérose cellulaire: substance réticulée, olive supérieure, noyau du corps trapézoïde, noyau central inférieur et noyau du raphé surtout; ces deux derniers étant indiscernables sur certaines coupes. Les olives bulbaires, malgré leur fragilité classique, sont peu modifiées, quelques cellules en voie de sclérose et, fait paradoxal, essentiellement dans la fame ventrale. Les noyaux de Goll et de Burdach de même sont aisément reconnaissables et les cellules en vraie dégénérescence peu nombreuses.

Lésions associées: Cette dégénérescence cellulaire ne s'accompagne d'aucun signe inflammatoire; ni périvascularite, ni corps granuleux, ni nodules microgliques, ni neuronophagie. La microglie a légèrement proliféré dans les territoires dégénérés, la macroglie présente un protoplasme un peu plus coloré qu'il n'est de règle. Les gliofibrilles par contre, d'allure cicatricielle, marquent au Mallory et au Holzer l'emplacement des noyaux détruits.

Les grandes voies sont normalement myélinisées, faisceau pyramidal, pédoncules cérébelleux, bandelette longitudinale postérieure et faisceau central; à signaler seulement en quelques points une dégénérescence métachromatique de l'oligoglie, irrégulière et modérée. Par contre, sur aucune des coupes myéliniques ne peut être reconnu le trajet intra-cérébral des nerfs crâniens.

Vaisseaux: Les télangiectasies constituent le second aspect du tableau anatomique. Dans tout le territoire atteint les capillaires sont distendus de telle sorte que les zones dégénérées peuvent être reconnues à l'oeil nu. Ces ectasies se caractérisent, d'autre part, par l'augmentation du calibre des capillaires dont le diamètre est de 20, 30 fois ou plus, plus large que la normale; d'autre part par leur allongement, qui se traduit d'abord par des coudures des capillaires, puis par un déhanchement en baionnette, enfin par la formation de glomérules dont a continuité ne sera visible que selon certaines incidences et qui sur d'autres coupes apparaîtront comme la multiplication de capillaires monstrueux enchevêtrés ou parallèles (fig. 3). Ces télangiectasies, sur la nature et la pathogénie desquels nous reviendrons, s'accompagnent de petites hémorragies diapédètiques en manchons avec pigmentation des cellules nerveuses avoisinantes. Le peloton vasculaire le plus volumineux, de la taille d'une lentille, siège dans la protubérance, à hauteur du noyau du facial gauche. De plus petits sont disséminés dans le pont et dans la calotte bulbaire. La paroi des capillaires, à part leur distension, est peu modifiée et les imprégnations argentiques montrent une structure normale; quelques fibres réticulées disséminées sur l'endothélium mais pas de collagène ou d'élastine.


Outre ces télangiectasies, ¡l faut noter un état de vasodilatation et de stase portant également sur capillaires et veinules et beaucoup moins localisé; cet aspect semble en liaison avec les phénomènes asphyxiques terminaux. Enfin, dans le pont, il faut signaler que 2 ou 3 petits vaisseaux prennent une allure angiomateuse débutante.

2) Moëlle - Les lésions sont plus étendues qu'on ne le pouvait attendre, et très analogues à celles du tronc cérébral.

Les lésions cellulaires sont intenses; elles frappent essentiellement les cellules des cornes antérieures, qui dégénèrent de façon identique à ce qui a été plus haut décrit. Les zones de dégénérescence sont étendues, mais irrégulières et sur les coupes étagées tantôt elles prédominent d'un côté, tantôt de l'autre sans qu'un segment cervical, dorsal ou lombaire paraisse plus spécialement touché et sans qu'un groupe soit plus éléctivement atteint qu'un autre. Les cellules de la colonne de Clarke, indemnes par place, ont disparu unilatéralement en d'autres; les lésions de même type y sont irrégulières. Les cellules de la corne postérieure, indiscutablement moins atteintes, ne sont pas indemnes. Il est exceptionnel de ne pas trouver dans chaque groupe des éléments en dégénérescence atrophique plus ou moins accentuée. La glie a réagi plus nettement que dans l'encéphale: prolifération macrogliale qui prend un type progressif; nodules microgliaux.

L'atteinte vasculaire est très marquée; outre une énorme vaso-stase, dans la substance grise, les aspects télangiectasiques sont développés. Des coupes longitudinales de la moëlle mettent spécialement bien en évidence l'allongement et les coudures des capillaires (fig. 4).


La myéline n'est pas absolument normale; on note une pâleur marginale péripherique avec, par place, début de spongiose; les cordons postérieurs prennent mieux l'hématoxyline que les cordons antérieurs et latéraux. Les méninges sont légèrement épaissies: les chromatophores y sont abondants.

3) Cervelet - Il est beaucoup moins touché. Dans les lamelles vermiennes et juxtavermiennes, il faut signaler la dégénérescence granuleuse des cellules de Purkinje avec quelques déserts cellulaires; quelques cellules de Purkinje binucléées, Noyaux dentelés, grains et couche moléculaire sont indemnes, sans modifications vasculaires importantes. Dans le pédoncule cérébelleux moyen, quelques suffusions hémorragiques probablement agoniques. La myélinisation est normale.

4) Diencéphale - Les cellules sont peu modifiées; dans le pulvinar et le globe pâle, quelques cellules isolées en dégénérescence. Vaso-dilatation; quelques petits foyers hémorragiques microscopiques dans le thalamus et l'hypothalamus. Dans le chiasma optique, grosse congestion, télangiectasie capillaire; petite hémorragie dans la partie droite du chiasma.

5) Hemispheres - La dilatation veineuse et capillaire est surtout marauée dans ies meninges et les couches profondes du cortex. Le cortex montre quelques figures de sclerose cellulaire dans les 2e et 3e couches; dans la region cen-trale les couches profondes sont également légèrement touchées. Dans la substance blanche il faut signaler un gonflement de l'oligoglie, métachromatique par places, et une légère pâleur diffuse des fibres radiées.

6) Appareil ventriculaire - Les cellules épendymaires se colorent mal, clles sont chargées de grains pigmentaires. Quelques minimes hémorragies sous-épen-dymaires et des globules rouges dans la cavite ventriculaire, les plexus choroides sont gorgés de sang; leurs cellules sont pigmentées.

7) Racines et nerfs crâniens - La plupart des nerfs crâniens et les racines antérieures sont nettement lésées. La myéline, fragmentée, poudreuse en certains points, n'apparait en d'autres que sous forme de boules ou de tubes moniliformes; l'atteinte est d'ailleurs irrégulière sur l'axe d'un même nerf. Les cylindraxes sont très irrégulièrement atteints sur les racines examinées; certains présentent de rares images de fragmentation, d'amincissement, d'irrégularite de calibre; d'autres ne contiennent plus que quelques contingents épars de fibres nerveuses.

En raison de l'inclusion en bloc du trone cérébral à la celloïdine on n'a pu obtenir de bonne imprégnation argentique des nerfs crâniens. Le périnèvre est légèrement hypertrophié: les dilatations vasculaires entrainent de rares hémorragies intra-nerveuses; les pi-granula sont trop développés pour un sujet de cet âge. Sont à mettre à part les nerfs des 3e et 4e paires, nettement moins touchés, les imprégnations desquels montrent peu de diminution du nombre des cylindraxes.

Les racines postérieures sont lésées également, mais à un degré moindre que les antérieures; en particulier la myéline y est mieux conservée.

8) Ganglions rachidiens - Les lésions y sont intenses: dégénérescence de nombreuses cellules ganglionnaires, atrophie ou hypertrophic avec vacuolisation, coalescence des neurofibrilles, hyperpigmentation, pycnose des noyaux, sclérose capillaire; le volume des ganglions est très petit et le nombre des cellules réduit.

En resumé: Il s'agit d'une dégénérescence nucléaire progressive frappant es-sentiellement mais sans électivité absolue les noyaux d'origine des nerfs moteurs crâniens et des cornes antérieures de la moëlle. Cette dégénérescence s'accompagne de télangiectasies dans les territoires alteints, avec lésions des nerfs et des ganglions rachídieus mais sans réaction inflammatoire ni gliale.

DISCUSSION ET COMMENTAIRES

Rapports anatomo-cliniques - La correspondance est satisfaisante entre tableau clinique et lésions anatomiques. Sans doute les dégénérescences sont-elles plus étendues, touchent-elles plus de noyaux qu'on aurait pu l'atteridre; en particulier la prédominance unilatérale est plus marquée cliniquement qu'histologiquement. Ici est soulevé le problème difficile du rapport entre nombre de cellules en état de fonctionncment et troubles cliniquement décelables. Néanmoins les noyaux les plus touchés ont entrainé les signes les plus nets et les plus précoces. L'extension à la moëlle, aux racines, explique aisément l'abolition quasi généralisée des réflexes. L'absence de troubles sensitifs est probablement en liaison avec la lenteur du processus dégénératif. Les troubles vestibulaires centraux peuvent être en corrélation avec l'atteinte du système réticulé de la calotte pontique. Les troubles bulbaires terminaux, analogues à ceux de la maladie de Charcot, s'expliquent aisément par l'atteinte nucléaire et ont aux-mêmes entrainé la vaso-stase terminale.

L'hypertension du liquide céphalo-rachidien, le flou du fond d'ceil qui avait orienté vers un diagnostic de tumeur, sont d'interprétation plus délicate; sans doute sont-ils dûs aux troubles vasculaires avec télangiectasia et aux hémorragies péri-capillaires.

Les rapides accidents hémorragiques intestinaux après traitement par le cyanure de mercure doivent faire penser à une fragilité capillaire viscérale du même ordre que celle remarquée dans le tronc cérébral.

Place nosographique - Il est certain que notre cas est, par certains points., à classer dans le grand cadre des atrophies nucléaires progressives oü ophtalmoplégies progressives, maladie de Duchenne, poliomyélite anté-rieure chronique ne traduisent que des predominances régionales et ne sont en fait que des asymptotes cliniques. II n'est que de reprendre les articles originaux de Duchenne ou les revues générales les plus recentes tel que Particle de van Bogaert dans l'edition de 1949 du "Nouveau Traité de Médecine", pour remarquer que les formes localisées sont l'exception et les formes étendues à plusieurs étages la règle.

Il est certain, d'autre part, que le siège des dégénérescences est analogue à celui des formes les plus hautes de la maladie de Charcot où, à côté des noyaux moteurs des nerfs crâniens, sont également el à un moindre degré touchés noyaux sensitifs, substance réticulée et noyau du raphe, alors que le système cérébello-dento-olivaire est pratiquement indemne. De même l'atteinte des nerfs et ganglions a été aussi bien signalée dans la maladie de Charcot que dans les poliomyélites chroniques.

Cependant, il ne s'agit évidemment pas d'une sclérose latérale amyotrophique et les atrophies nucléaires progressives sont encore trop mal connues en leur étiologie pour qu'on puisse décider si un cas atypique en fait partie où non. Tout ce que l'on peut affirmer c'est que les syndromes sont topographiquement de même classe, et que les problèmes étio-logiques soulevés sont de même ordre; celui en particulier de la prédominance lésionnelle du système moteur.

Certains caractères donnent à notre cas un type particulier. Déjà l'âge du malade, sa cachexie assez rapide, l'evolution progressive à début et prédominance latérale. Mais le fait essentiel qui distingue notre cas est la coexistence des lésions cellulaires et des télangiectasies, développées dans un territoire connexe. Nous avons vérifié cinquante deux cas de sclérose latérale, poliomyélites chroniques et maladie de Duchenne sans trouver d'aspect superposable: Ia stase est plus ou moins marquée dans les cas où la mort survient par asphyxie mais elle porte autant sur les veinules que sur les capillaires. Des pelotons capillaires, de type involutif, dans le sens de Cerletti, sont notés dans une dizaine de cas dans les zones atrophiées mais ils restent de très petit volume. Enfin dans 4 cas la prolifération capillaire est nette et localisée aux noyaux en voie de dégénérescence; elle s'associe à des lésions cellulaires de type sclérose hyperchromatique mais n'entrainent pas l'allongement et les coudures paradoxals que l'on peut voir dans le cas présent.

Même si ces télangiectasies ne représentaient que l'exagération de ces phénomènes, elles méritent discussion car elles dépassent les réactions vasculaires des modifications rétrogrades ou transynaptiques. Quelle est leur nature? Peut-on les classer dans le type "passif" de Cerletti? Nous ne le pensons pas; la disproportion entre le degré de l'atrophie et celui de l'allongement capillaire est trop grande pour qu'une simple plicature post-atrophique les explique; le facteur mécanique n'est done ici qu'accessoire. Très probablement done un allongement actif des capillaires joue le rôle principal dans la formation de ces télangiectasies, comme on en voit dans les gliomes ou à leur marge, dans certaines affections frappant le mésenchyme (malaria, typhus) et dans certaines intoxications.

Quels sont les rapports entre ectasie et lésions parenchymateuses? Que l'une soit la conséquence de l'autre parait done peu satisfaisant. On est amené à penser à une noxe agissant à la fois sur les élements nerveux et le système capillaire ce qui nous rapproche des faits de prolifération capillaire à la zone limite des étais spongieux, et de la conception de Konovalof sur la pathogénie du syndrome wilsonien.

Pathogénie — Quelle est la nature de cette noxe? Très probablement un trouble de la respiration cellulaire, un dysmétabolisme portant sur un des synapses d'un système enzymatique. Três probablement encore il ne s'agit ni du système Warburg ni du système cytochrome car les points les plus fragiles aux troubles de ces modes respirat'nres sont ici les moins touchés. Aller plus loin serait aventureux.

La cause de ces troubles doit être discutée. L'origine infectieuse ne peut être exclue, mais est peu probable; rien dans le tableau clinique, revolution, les signes biologiques, les réactions histologiques ne plaide pour elle. Il s'agit d'un processus toxique où facteurs dysgénétique, exogène, endogène, doivent être examinés et où, très probablement, comme dans l'ethylisme, dans les avitaminoses, dans les porphyries, ils sont intriqués.

Un faisceau de signes est en faveur d'un trouble dysgénétique ou tout au moins d'une prédisposition morbide: âge du malade, topographie grossièrement systématisée des dégénérescences, type d'atrophie, présence de quelques cellules binucléées, dissémination et prédominance pontine des télangiectasies. Tous ont été décrits au cours d'affections familiales ou héréditaires, aucun n'est pathognomonique, mais leur groupement est assez troublant. On sait, d'ailleurs, qu'un facteur dysgénétique est hautement probable dans la maladie de Charcot où, sans admetlre pleinement la théorie de Schaeffer, il est difficile de repousser au moins l'idée d'une fragilité particulière de certains groupes cellulaires ou systèmes. On sait d'autre part que les télangiectasies et angiomes peuvent prendre un type dysgénétique, voire familial, avec des formes de passage vers la maladie de Rendu ou les phacomatoses. On sait enfin que dans une même famille - et van Bogaert en a rapporté des exemples - on peut voir alterner syndromes abiotrophiques et malformations vasculaires. Les troubles du gène peuvent être séparés ou associés. C'est pourquoi dans notre cas nous sommes tentés de voir une viciation précoce d'un système enzymatique et d'autant plus précoce que système nerveux et vasculaire sont tous deux touchés.

Un facteur exogène pourrait être naturellement incriminé. Mais ni intoxication, ni carence particulière n'ont pu être mis en évidence chez notre malade. Il est plus tentant de penser à une avitaminose, en raison des lésions nerveuses et vasculaires associées, telles qu'on les trouve dans les syndromes de Korsakoff ou telles qu'elles ont été décrites dans les encéphalopathies hémorragiques apparues dans les camps de concentration; mais il serait hardi d'affirmer que carence ou intoxication dans notre cas aient eu un rôle essentiel dans le trouble enzymatique comme ils en jouent dans les observations de guerre.

L'important de ce trouble endogène est qu'il agit à la fois sur les capillaires et sur la vitalité cellulaire. La topographie particulière des lésions permet de voir sous un nouveau jour la notion de pathoclise en accord à la fois avec la conception de Vogt et avec celles basées sur l'angioarchitectonie.

C'est pourquoi nous avons considéré que la publication de cette observation pouvait avoir quelque intérêt non seulement en raison de son tableau anatomo-clinique particulier mais aussi des problèmes de pathologie générale qu'elle soulève.

Hôpital de la Salpêtrière - Paris, France.

  • Contribution a l'etude des atrophies nucleaires progressives

    Raymond Garcin; Ivan Bertraxd; Jean Ghuneu
  • Publication Dates

    • Publication in this collection
      06 Feb 2015
    • Date of issue
      Sept 1952
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