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De l'acte de création à l‘acte révolutionnaire: le cas Schoenberg

Do ato da criação ao ato revolucionário: o caso Schoenberg

From the act of creation to the revolutionary act: the Schoenberg case

Del acto de la creación al acto revolucionario: el caso de Schoenberg

Abstracts

La réception des œuvres d'Arnold Schoenberg dans la Vienne d'avant la Première Guerre mondiale est foudroyante. Les scandales se succèdent et la musique atonale du compositeur avant-gardiste vient bouleverser la sensibilité morale, esthétique et politique de son époque et de sa culture. En transgressant les lois de la musique tonale, Schoenberg transgresse la loi au sens politique du terme. C'est parce qu'une nécessité intérieure le pousse à ne pas se contenter du savoir établi que Schoenberg a pu marquer l'histoire de son style et subvertir le pouvoir.

Mots clés:
Acte; cause du désir; rapport au savoir; art dégénéré; Arnold Schoenberg


A recepção das obras de Arnold Schoenberg em Viena, antes da Primeira Guerra Mundial, foi impressionante. Os escândalos se sucedem e a música atonal do compositor de vanguarda vem perturbar a sensibilidade moral, estética e política de seu tempo e sua cultura. Ao transgredir as leis da música tonal, Schoenberg transgride a lei no sentido político do termo. Por causa de uma necessidade interna que o leva a náo se contentar com o conhecimento estabelecido, Schoenberg foi capaz de marcar a história de seu estilo e subverter o poder.

Palavras-chave:
Ato; causa do desejo; relação com o conhecimento; arte degenerada; Arnold Schoenberg


The reception of Arnold Schoenberg's works in Vienna before the First World War was staggering. Scandals succeed one another and the atonal music of the avant-garde composer upset the moral, aesthetic and political sensitivity of his time and his culture. By transgressing the laws of tonal music, Schoenberg transgresses the law in the political sense of the term. It was due to an inner necessity that drove him to be not content with established knowledge that Schoenberg was able to mark the history of his style and subvert power.

Key words:
Act; cause of desire; relation to knowledge; degenerate art; Arnold Schoenberg


La recepción de las obras de Arnold Schoenberg en Viena, antes de la Primera Guerra Mundial, fue asombrosa. Los escándalos se van dando y la música atonal del compositor de vanguardia llega a alterar la sensibilidad moral, estética y política de su tiempo y su cultura. Al transgredir las leyes de la música tonal, Schoenberg infringe la ley en el sentido político del término. Debido a una necesidad interna que lo impulsa a no contentarse con el conocimiento establecido, Schoenberg pudo marcar la historia de su estilo y perturbar al poder.

Palabras claves:
Acto; causa de deseo; relación con el conocimiento; arte degenerada; Arnold Schoenberg


Introduction : un succès de scandale

Le compositeur Arnold Schoenberg fait partie de ces artistes qui ont marqué l'Histoire de leur style et révolutionné leur discipline par leur acte de création. Il est considéré comme l'acteur nécessaire d'une révolution du langage musical, mais aussi comme le compositeur dont les scandales furent les plus retentissants de l'art du vingtième siècle (Buch, 2005Buch, E. (2005). A l'épreuve du scandale. Politix, 18(71), 107-120.). Le 30 janvier 1905, la Montagspresse réagit à la création du compositeur Arnold Schoenberg Pelleas und Melisande. Le journal dénonce une œuvre qui ignore toutes lois de la logique musicale, et conseille l'enfermement d'Arnold Schoenberg dans un asile d'aliénés. Le public viennois perçoit sa musique comme une déviation morale et politique menaçant l'ensemble de l'ordre social. Ses œuvres sont qualifiées de “bruit”, “attentat”, “non-musique”, “torture”, “agression physique”, tandis que le compositeur est considéré comme un “terroriste”, “anarchiste”, “fou”, “imposteur”, “charlatan” (Buch, 2005Buch, E. (2005). A l'épreuve du scandale. Politix, 18(71), 107-120.). La menace leur paraît suffisamment grave pour que certains concerts dégénèrent jusqu'à évacuation du théâtre par les forces de l'ordre.

En quoi la musique nouvelle d'Arnold Schoenberg bouleverse-t-elle la sensibilité morale, esthétique et politique de son époque et de sa culture ?

Dans un premier temps, nous montrerons comment l'acte de création du compositeur subvertit le pouvoir politique, puis dans un second temps nous nous intéressons à la subversion opérée dans le champ de la musique.

Subversion du pouvoir politique

Platon, dans La République, met en exergue l'exigence de maîtriser la musique et de la mettre au service du courage et de la vertu, en excluant les effets nostalgiques et amollissants. Il formalise ces prescriptions en référence aux conceptions métaphysiques et éthiques du beau qu'il développe dans le Timée et dans le Philèbe. Du fait des effets objectifs des différents modes musicaux, il souligne l'importance d'en maîtriser l'usage aux fins de l'unité politique et de la formation du citoyen (Donegani, 2004Donegani, J.-M. (2004). Musique et politique : Le langage musical entre expressivité et vérité. Raisons politiques, 14(2), 5-19. https://doi.org/10.3917/rai.014.0005.
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). Platon comme Aristote dans Politique mettent en évidence la fonction éducative de la musique, si bien que l'engagement artistique des gouvernants leur paraît primordial.

E. Michaud, dans son livre Un art de l'éternité, envisage l'art comme une question centrale de l'entreprise nazie, comme ce qui donnerait forme à l'idéal de la race. Le national-socialisme opposait la musique de manière manichéenne : la musique allemande et la musique dégénérée. L'art dégénéré (Entartete Kunst) désignait ce qu'ils considéraient comme l'anti-art, l'art impur, par rapport à ce qui serait l'expression raciale purifiée du vrai art allemand. L'art moderne a été ainsi nommé, et persécuté en conséquence, au moyen d'une politique culturelle de contrôle systématique, de radiations, d'exils forcés, de déportations, d'autodafés, de confiscations, d'expositions d'art dégénéré (Landa, 2004Landa, E. (2004). L'art “dégénéré” et le projet culturel nazi : Finitude et quête de l'éternité. Le Coq-héron, 177(2), 161-165. https://doi.org/10.3917/cohe.177.0161.
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). Si la musique n'avait pas été la première des préoccupations du nouveau régime, les Journées musicales du Reich (Reichmusiktage) qui se déroulèrent en mai 1938 à Düsseldorf, considérée comme la capitale de la musique, furent l'occasion de présenter une exposition de propagande visant à dénoncer la musique dégénérée. Le régime prescrivait une bonne musique, composée par un Allemand pure race, qui réponde à l'idéal de clarté et de sensibilité, qui caractérisait l'esthétique traditionnelle des grands maîtres allemands (Schnapper, 2004Schnapper, L. (2004). La musique “dégénérée” sous l'Allemagne nazie. Raisons politiques, 14(2), 157-177. https://doi.org/10.3917/rai.014.0157.
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). Ainsi, le régime nazi élève la musique tonale au rang de modèle unique, et s'appuie plus particulièrement sur l'opéra pour mettre en scène les symboles archétypaux de l'idéologie nazie, tels que la puissance, le courage et la supériorité raciale. La musique s'écartant de ces critères était taxée de dégénérée, terme dont l'absence de définition précise permettait d'interdire toute œuvre suspecte. Cependant, ces critères pseudo-esthétiques venaient à s'effacer devant des considérations politiques et raciales. Le régime nazi pratiquait une politique d'exclusion systématique. La suspicion portait davantage sur l'homme, ses opinions politiques, son origine juive, plutôt que sur sa musique. Dans un premier temps, la musique n'apparaissait que peu dangereuse lorsqu'elle n'était pas vocale. Ainsi, seuls les compositeurs ni juifs ni ouvertement marxistes, se revendiquant d'une musique nouvelle, furent l'objet, d'hésitations ou d'opinions divergentes parmi les dirigeants. C'est pourquoi Webern, sans doute l'un des compositeurs le plus engagé de sa génération, fut d'abord protégé (Schnapper, 2004Schnapper, L. (2004). La musique “dégénérée” sous l'Allemagne nazie. Raisons politiques, 14(2), 157-177. https://doi.org/10.3917/rai.014.0157.
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).

L'entreprise du national-socialisme concerne l'être humain tout entier. Il prétend pouvoir réformer le système politique, mais aussi la partie intime de l'existence de chacun, pour laquelle l'artiste doit avoir un rôle éducatif. Le régime traite l'art de la même manière que la politique : tout comme la politique doit se libérer des idées démocratiques et bolchéviques, la création artistique doit se débarrasser des esprits destructeurs de la nation. La politisation de l'art est revendiquée, et il paraît difficile à un artiste de prétendre exercer son art dans le cadre du régime sans faire de politique : comme le déclarait le chef d'orchestre Furtwängler : “Celui qui croit que la politique et l'art n'ont rien à voir et que les questions d'art pourraient ne pas être examinées sous l'angle du renouveau spirituel du nouveau peuple, ne comprend rien au national socialisme” (Schnapper, 2004Schnapper, L. (2004). La musique “dégénérée” sous l'Allemagne nazie. Raisons politiques, 14(2), 157-177. https://doi.org/10.3917/rai.014.0157.
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).

Lacan compare l'écrivain au révolutionnaire et à ceux dont la pensée rénove l'être. Ils sont les seuls hommes de la vérité qu'il nous reste (Lacan, 1966b, p. 858Lacan, J. (1966b). La science et la vérité. In Écrits (pp. 855-877). Paris, FR: Seuil.). L'écrivain, nous dit Lacan, est celui qui marque de son style la langue (Lacan, 1966b, p. 858Lacan, J. (1966b). La science et la vérité. In Écrits (pp. 855-877). Paris, FR: Seuil.). Certains artistes modifient par leurs œuvres le discours courant, dominant ou du moins ses figures, de la rhétorique à l'idéologie. D'autres bouleversent la sensibilité morale, esthétique, voire politique, d'une époque, d'une culture, d'une civilisation voire au-delà. Les œuvres peuvent agir sur les profondeurs du goût (Lacan, 1966a, p. 765Lacan, J. (1966a). Kant avec Sade. In Écrits (pp. 765-790). Paris, FR: Seuil.), même pour ceux qui ignorent leur existence.

Michel Lapeyre se propose de repérer un autre type de créateur. De l'antiquité jusqu'à la postmodernité, certains auteurs modifient la structure du langage lui-même et ses utilisations comme matrices des liens sociaux. On pourrait ainsi mettre en évidence quelques auteurs qui ont contribué au passage de la structure au discours et permis le basculement d'un discours à l'autre. Homère et les tragiques grecs permettent la mise en place du discours du maître. Michel Lapeyre propose Goethe pour le discours de l'hystérique et le discours de la science ou bien le discours de la science dans ses rapports au discours de l'hystérique. Bertolt Brecht serait le paradigme du passage du discours de l'universitaire au discours de l'analyste (Lapeyre, 2011, p. 58Lapeyre, M. (2011). Psychanalyse et création : La cure et l'œuvre. Toulouse, FR: Presses Universitaires du Mirail.). Si certains artistes ont modifié par leurs œuvres, le discours dominant d'une époque, le compositeur Arnold Schoenberg fait partie de ces créateurs qui ont marqué l'Histoire de leur style, qui ont révolutionné leur discipline par leur acte de création.

Lorsqu'un réel en jeu pour un seul sujet trouve un destin universel, valable pour la communauté des hommes tout entière, on peut s'attendre à ce qu'il y ait un effet révolutionnaire. Ce qui fait révolution, c'est le passage d'une vérité singulière, à un savoir sur le réel : “le réel dialectisé entre savoir et vérité devient une figure du destin qui vaut pour une époque (Kong, 2013, p. 61Kong, P. (2013). Batman à Cerisy, la révolution du sujet. In Marx, Lacan : L'acte révolutionnaire et l'acte analytique (pp. 37-63). Paris, FR: Eres.)”. Pour Marx, la révolution a des effets seulement si elle arrive au bon moment, entre nécessité et rupture (Lippi, 2013, pp. 86-87Lippi, S. (2013). Destin et improvisation : Démocrite, Marx et la cure. In Marx, Lacan : L'acte révolutionnaire et l'acte analytique (pp. 79-94). Paris, FR: Eres.). Par exemple, lorsque Descartes propose une nouvelle conception du sujet fondée sur le sujet de la certitude, la communauté des hommes est alors déjà prête à renoncer au sujet des savoirs mythiques et religieux et à accueillir son invention. Ainsi, ce qui se révélait être jusque-là l'idée d'un seul homme, est élevé à l'universel et entraine une rupture épistémologique, une révolution dans la civilisation (Kong, 2013, p. 48Kong, P. (2013). Batman à Cerisy, la révolution du sujet. In Marx, Lacan : L'acte révolutionnaire et l'acte analytique (pp. 37-63). Paris, FR: Eres.). La musique de Schoenberg est subversive et révolutionnaire parce que son langage musical ouvre vers l'inconnu et l'incertitude.

L'œuvre musicale ne se confond pas avec un simple reflet du monde, pourtant son matériau entretient un rapport nécessaire avec la réalité sociale. La portée politique d'une œuvre n'est pas dépendante des positions politiques de son auteur qu'elle transcende toujours, car sa valeur ne réside en définitive que dans son contenu de vérité : “[L'œuvre] prend, fait et cause pour la vérité de la société contre l'individu qui se rend compte de la non-vérité de cette société et qui est lui-même cette non-vérité (Adorno, 1979, p. 61Adorno, T. W. (1979). Philosophie de la nouvelle musique. Paris, FR: Gallimard.)”. Adorno met en évidence que l'enjeu de la musique nouvelle est l'émancipation du sujet lui-même. La musique atonale produit ses propres lois hors de toute articulation à une structure sous-jacente extra-musicale et généralisable. Ainsi Hegel écrit dans Esthétique : “[…] Dans l'art, nous n'avons pas affaire à un jeu simplement agréable et utile, mais au déploiement de la vérité (Adorno, 1979, p. 4Adorno, T. W. (1979). Philosophie de la nouvelle musique. Paris, FR: Gallimard.)”. L'expression musicale est avant tout éthique et spirituelle. La musique est un enjeu et un moment de vérité dans la mesure où elle n'a plus vocation à exprimer un consensus politique, même si elle est en quête d'un ordre et recherche une règle (Donegani, 2004Donegani, J.-M. (2004). Musique et politique : Le langage musical entre expressivité et vérité. Raisons politiques, 14(2), 5-19. https://doi.org/10.3917/rai.014.0005.
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).

A. Schoenberg avait l'intuition des événements de 1933 et du régime nazi, le 4 mai 1923 il écrivait à Wassily Kandinsky : “Mais à quoi l'antisémitisme aboutira-t-il, si ce n'est à la violence ? Est-ce si difficile à prévoir” (Stuckenschmidt et al., 1993, p. 382Stuckenschmidt, H. H., Poirier, A., & Hildenbrand, H. (1993). Arnold Schoenberg. Paris, FR: Fayard.)? A. Schoenberg perçut dans l'effondrement de toutes les valeurs durant la guerre, une impuissance de la pensée, et de l'invention. Le président de l'Académie, qui lui avait confié jusque-là une classe de composition musicale, ne lui cachait plus qu'il était désormais indésirable (Stuckenschmidt et al., 1993, p. 382Stuckenschmidt, H. H., Poirier, A., & Hildenbrand, H. (1993). Arnold Schoenberg. Paris, FR: Fayard.). La démarche d'A. Schoenberg fut de rejoindre la communauté religieuse qu'il avait quittée à Vienne le 21 mars 1898 lors de son baptême. Trente-cinq ans plus tard, à Paris, A. Schoenberg se reconvertit au judaïsme. Marc Chagall était l'un de ses témoins (Stuckenschmidt et al., 1993, pp. 382-383Stuckenschmidt, H. H., Poirier, A., & Hildenbrand, H. (1993). Arnold Schoenberg. Paris, FR: Fayard.). Au moment où l'antisémitisme le force à quitter l'Europe, ce ne sont plus des réflexions théologiques fondamentales qui préoccupent A. Schoenberg, mais plutôt des réflexions pratiques (Merlin, 1999Merlin, C. (1999). Moïse et Aaron de Schoenberg, opéra biblique. Germanica, 24, 79-95. https://doi.org/10.4000/germanica.2252.
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). Il se lie avec les milieux sionistes actifs et milite pour la solidarité internationale des juifs, écrivant notamment une lettre ouverte à ses confrères musiciens restée sans réponse. Il publie, en 1938, un Four Point Programm for Jewry où il imagine un plan pour faire sortir de leur pays les sept millions de juifs menacés. Il propose que les seize millions de juifs dans le monde participent à hauteur d'un mark par mois jusqu'à ce que le dernier juif menacé soit mis à l'abri. Selon ses calculs, la tâche prendrait moins de cinq ans. A. Schoenberg va jusqu'à invoquer les contingences logistiques : moyens de transport, secrétariat… Par la suite, il dénonce l'abomination de l'holocauste avec Un survivant de Varsovie op. 46 créé en 1947.

Le langage musical de Schoenberg était considéré comme subversif, et son système de pensée s'opposait radicalement à l'idée que se faisait Hitler de l'art allemand, qui se résumait, comme il l'avait déclaré au congrès de 1934, à : “ être allemand, c'est être clair”. L'atonalité était considérée comme le produit d'une conspiration juive. Schoenberg était d'un point de vue politique conservateur, même s'il n'a jamais affiché d'opinions politiques marquées (Schoenberg, 2002, pp. 385-386Schoenberg, A. (2002). Le style et l'idée. Buchet-Chastel/Libella.), mais l'atonalité, au même titre que l'abstraction en peinture, était considérée comme révolutionnaire, et toute musique composée par un juif, quel que fût son style, était automatiquement considérée comme dégénérée (Schnapper, 2004Schnapper, L. (2004). La musique “dégénérée” sous l'Allemagne nazie. Raisons politiques, 14(2), 157-177. https://doi.org/10.3917/rai.014.0157.
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). Le dépassement des lois de composition de la musique tonale était assimilé à une faute politique et morale.

Si l'acte de création d'Arnold Schoenberg fut l'objet de nombreuses attaques par le régime politique, ce fut aussi le cas pour le public et la critique. Nous allons à présent nous intéresser à la subversion que les idées nouvelles d'A. Schoenberg produisent dans le champ de la musique.

Subversion de la musique tonale

Le système tonal fonde la musique classique. Il s'est pro- gressivement imposé au cours de l'histoire de la musique (Parrochia, 2006Parrochia, D. (2006). Naissance et destruction d'un espace sonore. In Philosophie et musique contemporaine ou Le nouvel esprit musical (pp. 13-44). Paris, FR: Presses Universitaires de France.). Il n'est pas naturel comme ont pu le penser certains musiciens ou musicologues, mais s'est construit au fil des siècles. Ce système accorde une suprématie aux modes majeurs et mineurs, tandis que les modes ecclésiastiques sont effacés. Il privilégie l'esthétique de l'équilibre, des symétries et des proportions tout en laissant une part de fantaisie et de liberté. Toute pièce tonale s'inscrit obligatoirement dans une certaine tonalité, même si à partir de celle-ci, de brèves incursions peuvent être effectuées dans des tonalités voisines.

Le système tonal, né dans le courant du XVIe siècle, permet l'accomplissement des grandes œuvres classiques. Mais dans la deuxième partie du XIXe siècle, ce système va être déconstruit (Parrochia, 2006Parrochia, D. (2006). Naissance et destruction d'un espace sonore. In Philosophie et musique contemporaine ou Le nouvel esprit musical (pp. 13-44). Paris, FR: Presses Universitaires de France.). La musique romantique tolère au fur et à mesure de plus en plus de dissonances, jusqu'à les intégrer comme une nécessité expressive. Elle s'autorise des sonorités nouvelles et des accords inédits. Une certaine incertitude harmonique va se constituer grâce à l'utilisation d'accords particuliers qui ne sont pas rattachés à une tonalité précise. Le point de départ se fait en 1857 avec le premier accord de l'opéra de Tristan et Isolde de Wagner (Gillie, 2014Gillie, C. (2014). “L'accord de Tristan” ; l'impossible accord du voile et de la voile. Topique, 128(3), 61. https://doi.org/10.3917/top.128.0061.
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). Cet accord a la particularité de changer de signification en fonction du contexte : il peut relever de cinq tonalités extrêmement éloignées. On peut aussi citer le premier accord du Prélude à l'après-midi d'un faune de Debussy. La déconstruction de la tonalité se fera grâce à une conception moins harmonique et plus linéaire de la musique. Cette déconstruction s'inscrit aussi dans le contexte de l'époque : cette période de la fin du XIXe siècle et du début du XXe correspond à une mutation dans la culture occidentale, notamment concernant les sciences et la technique. Les sujets mythologiques ne sont plus d'actualité, les dieux se retirent pour laisser la place à la science qui pénètre dans l'intimité. L'intérêt porté par les compositeurs du XIXe siècle d'une part à la musique folklorique, mais aussi à des musiques non occidentales participe aussi à la fin du système tonal. Le début du XIXe siècle est notamment marqué par le dodécaphonisme introduit par A. Schoenberg puis développé par Berg et Webern.

Durant les premières années de sa carrière, A. Schoenberg défendait le fait que ses œuvres étaient une prolongation de la tradition, puis à partir de décembre 1908, il assuma publiquement un discours de rupture. Le style de Schoenberg va marquer une mutation radicale et par conséquent un tournant décisif dans l'histoire de la musique, puisque ses idées nouvelles excèdent le cadre de la musique tonale. Son intention n'était d'autres que de surmonter toutes les limitations d'une esthétique dépassée, affirme-t-il en janvier 1910, en prologue à la création des premières œuvres atonales de l'histoire, les Trois pièces pour piano op.11 (Buch, 2005Buch, E. (2005). A l'épreuve du scandale. Politix, 18(71), 107-120.).

A. Schoenberg se confronte très tôt au fait que ses œuvres ne sont pas toujours bien accueillies par son public. Le 19 février 1907, un critique du Neues Wiener Tagblatt prend parti pour le public hostile à Schoenberg. Il lui donne raison de siffler afin de “se défendre” d'un “attentat à ses nerfs auditifs”. Il dénonce les œuvres du compositeur qui conduiraient à “rayer des manuels toutes les lois de l'harmonie connues jusqu'à présent”. Le 6 juillet 1912, dans la Deutsche Militär Musikerzeitung la critique accuse les lieder de l'op. 15 d'être le comble du “malsain” et de l'“impossible”, en ajoutant que pour écrire de la musique “on ne saurait se passer à ce point de règles et de lois, car alors […] il n'y a plus de musique du tout (Buch, 2004Buch, E. (2004). Au nom de la Loi : Schoenberg et les critiques. Raisons politiques, 14, 21-40.)”. Il faut qu'il existe une sensibilité commune entre l'artiste et son spectateur pour qu'une œuvre puisse rencontrer du succès. Néanmoins, A. Schoenberg semble avoir l'idée que plus le créateur se lie à l'universel, plus son art pourra toucher un large public et trouver une adresse (Schoenberg et al., 1995, pp. 27-28Schoenberg, A., Busoni, F., Kandinsky, W., & Münter, G. (1995). Schoenberg-Busoni, Schoenberg-Kandinsky : Correspondances, textes. Genève, Suisse: Contrechamps.).

A. Schoenberg se considère comme l'acteur nécessaire d'une révolution du langage musical. Il met en exergue le caractère conventionnel de la musique tonale, face à toute une tradition qui avait fondé la légitimité de ce système sur un ordre divin ou naturel incontestable (Buch, 2003Buch, E. (2003). Métaphores politiques dans le Traité d'harmonie de Schoenberg. Mil neuf cent. Revue d'histoire intellectuelle, 21(1), 55-76.). Les écrits d'A. Schoenberg nous permettent de repérer une mutation dans son rapport au savoir nécessaire à l'invention d'un système compositionnel inédit. Schoenberg a étudié rigoureusement les lois de la composition musicale et la musique des anciens, avant de se rendre compte qu'elles ne lui permettaient pas d'écrire une musique capable d'exprimer le réel de ses sentiments. Il n'a eu d'autre choix que de bousculer les savoirs des compositeurs qui le précédaient et d'inventer son propre style. Son génie lui a permis de transformer et de subvertir la musique tonale (Guillen & Askofaré, 2018Guillen, A.-S., & Askofaré, S. (2018). Élever l'impuissance à l'impossible : L'acte de création du compositeur Arnold Schoenberg (1874-1951). Cliniques méditerranéennes, 97(1), 135-144. Cairn.info. https://doi.org/10.3917/cm.097.0135.
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). Les nouvelles lois de la composition musicale que Schoenberg a élaborées se caractérisent par la dissolution de la tonalité, l'émancipation de la dissonance et une attention extrême portée à la combinatoire du son synonyme de matériau (Cohen-Levinas, 2002Cohen-Levinas, D. (2002). On revient toujours. Pardès, 32-33, 95-104. https://doi.org/10.3917/parde.032.0095.
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).

La subversion de la musique tonale relève d'un positionnement éthique. Le style d'A. Schoenberg déconstruit le langage de l'Autre dont il dépend, radicalement antérieur et extérieur à lui, et remet en cause toutes techniques et lois générales admises par tous. Il est évident pour lui qu'il ne doit pas attendre sa réponse des maîtres du passé ou bien des lois de la musique tonale, et qu'il ne peut compter que sur lui et quelques-uns de ses semblables pour forger de nouvelles règles. A. Schoenberg ne trouve pas dans l'Autre les signifiants capables d'exprimer le réel de son être. Il détruit la langue, pour s'en reconstruire une qui lui permettrait de rendre compte de sa singularité. A. Schoenberg s'appuie à la fois sur sa technique, mais aussi sur sa puissance d'invention. Avoir de la technique ne se limite pas à imiter, sinon “c'est la technique qui vous possède”. La technique sans invention n'est qu'un “trompe-l'œil, elle ne recouvre rien de solide, tout est du vernis brillant adroitement appliqué” (Schoenberg, 2002, pp. 282-283Schoenberg, A. (2002). Le style et l'idée. Buchet-Chastel/Libella.). Les véritables œuvres ne sont pas celles qui relèvent d'un savoir ou d'une technique parfaite, mais plutôt nous dit Buffon, celles dans lesquelles l'homme y dépose une part de lui-même, offre sa vision singulière du monde, et partage avec l'autre sa propre vérité (Buffon, 1835Buffon, G.-L. L. (1835). Discours sur le style. In Oeuvres complètes. Pourrat frères.). Sa musique est une énigme dont il est le seul à détenir le secret. Son style lui assure le fait qu'il ne peut être réduit au savoir ou à la jouissance de l'Autre. Il lui permet de mettre à l'abri sa singularité, tout en ne faisant pas complètement voler en éclat le lien social, si ce n'est par ses scandales. Le style demande à ce que le lien entre le singulier et l'universel soit sans cesse renouvelé. Il témoigne de l'obligation dans laquelle chacun se trouve d'avoir à inventer, à s'inventer soi-même jusqu'à renouveler le lien social par sa création individuelle.

Ainsi, c'est à partir de sa division de sujet qu'A. Schoenberg fait acte de création. L'acte, comme le dit Lacan dans l'Etourdit, est un moment d'existence. Il s'emploie à définir l'acte dans son rapport à la structure du sujet : l'acte convoque le signifiant qui se répète et opère une coupure en raison de laquelle le sujet surgit différent, sa structure s'en trouve modifiée. Pour autant, l'acte dépasse toujours le sujet. Du plus modeste au plus révolutionnaire, du plus banal au plus créateur, l'acte sans arrêt prête à interprétation (Soler, 1999, pp. 106-107Soler, C. (1999). Le politique de l'acte. Inédit.). Il s'interprète toujours en ce qui concerne la cause : lorsque l'on demande pourquoi il fait ça ? La réponse prend bien souvent la forme d'un à cause de... Il s'agit de chercher le sujet, non pas dans ses dits, mais pour ce qui est de ce qui ne se dit pas : la cause de son désir (p. 108). Il n'y a pas de cogito dans l'acte : l'objet est actif, tandis que le sujet est subverti. Il ne peut tout simplement pas dire j'acte. Il n'y a pas de je. L'acte transforme le sujet, transforme ce je. Il inscrit la cause ou l'objet dans le réel. L'objet n'est pas absent du symbolique, l'objet y est représenté par le langage, par le signifié. Mais la parole ne permet pas d'inscrire l'objet dans le réel, contrairement à l'acte. L'acte est le surgissement d'un dire et dans cette épreuve, un certain réel peut être atteint (Badiou, 2013, p. 75Badiou, A. (2013). Lacan : L'antiphilosophie 3 1994-1995. Paris, FR: Fayard.). Lacan propose une formule qui le distingue du statut du sujet et du symbolique : “L'acte inscrit dans le réel ce qui était inscrit dans le symbolique” (Soler, 1999, p. 24Soler, C. (1999). Le politique de l'acte. Inédit.). Il nous dit que l'acte, c'est la position du sujet, mais en tant qu'inscrite dans le réel, c'est-à-dire sans recours au sujet-supposé-savoir. Le sujet n'est pas la cause de son acte, c'est l'acte lui-même qui est du côté de la cause et dépasse toujours le sujet.

Par son thème et son mode de composition, Moïse et Aaron constitue un fil conducteur dans l'histoire de vie d'A. Schoenberg. L'œuvre traite les questions récurrentes concernant son rapport à la modernité, ses réflexions sur les violences dont il est contemporain. Mais la question du sens est aussi au cœur de ses préoccupations et de cet opéra. Il pose la question de la responsabilité des hommes dans l'histoire du monde à travers Moïse (Gruson, 2010, pp. 76-77Gruson, P. (2010). Schoenberg, tradition vers modernité. In Le siècle de Schoenberg (pp. 49-78). Paris: Hermann.). A. Schoenberg pose aussi à travers cette œuvre, la question de la vérité. Moïse reproche à Aaron d'avoir trahi l'idée même de Dieu en le représentant par une idole. Moïse brise les Tables de la loi, car il ne comprend pas que l'on soit obligé de falsifier la vérité dès que l'on veut l'exprimer. Dans cette œuvre, A. Schoenberg se retrouve face à ses choix musicaux, mais aussi politiques : sa subversion de la musique tonale prend une valeur politique dans l'après-coup (Cohen-Levinas, 2002Cohen-Levinas, D. (2002). On revient toujours. Pardès, 32-33, 95-104. https://doi.org/10.3917/parde.032.0095.
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). La recherche de la vérité se fait au prix d'une rupture radicale avec un héritage et une tradition. L'acte de création de Schoenberg dans son processus interne et sa dynamique accompagne l'histoire sociale et politique.

Conclusion : un acte archipolitique

Tout comme César franchit le Rubicon, Schoenberg, par son acte de création, franchit les principes des règles de compositions et renverse l'ordre établi par la musique tonale, mais pas seulement, puisqu'à l'époque où le national-socialisme revendiquait la politisation de l'art, l'artiste n'a d'autre choix que de prendre position face au pouvoir en place. Le pouvoir politique se croit capable d'asservir le langage musical à l'idéologie, posant par-là la possibilité d'un lien nécessaire et lisible entre la musique et le monde (Donegani, 2004Donegani, J.-M. (2004). Musique et politique : Le langage musical entre expressivité et vérité. Raisons politiques, 14(2), 5-19. https://doi.org/10.3917/rai.014.0005.
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). Le franchissement du Rubicon marque un avant et un après, il est considéré comme un acte archipolitique qui pour Nietzsche casse en deux l'histoire du monde (Badiou, 2013, p. 16Badiou, A. (2013). Lacan : L'antiphilosophie 3 1994-1995. Paris, FR: Fayard.). La loi de Rome interdisait à quiconque de franchir ce fleuve avec une armée, sauf autorisation expresse du Sénat. En traversant sans autorisation le Rubicon avec ses troupes, César viole donc cette loi. Il lance un défi mortel au Sénat qui dirige la République. De même, en transgressant les lois de la musique tonale, Schoenberg transgresse la loi au sens politique du terme.

Le rapport au savoir et à la cause du désir d'A. Schoenberg lui ont permis d'enfoncer les barrières esthétiques du passé et de son époque, ainsi que de transmettre de manière singulière la composition à ses élèves. A. Schoenberg a su marquer l'histoire de son style et a été à l'origine d'un courant nouveau. Tandis que les critiques étaient acerbes, de nombreux musiciens se sont intéressés à ses propositions et ont par la suite défendu ses idées. Si A. Schoenberg a su transformer et subvertir les lois de la composition traditionnelle, c'est parce qu'une nécessité intérieure le poussait à ne pas se contenter du savoir établi. En cessant de compléter l'Autre, A. Schoenberg rencontre sa division et ce qui la cause : l'objet a. La création est une participation au mouvement réel des choses, de ce qui résiste constamment à la prise dans les rets du langage. Tout comme dans l'acte où le sujet s'évanouit, dans la création aussi c'est l'objet qui est actif, alors que le sujet est subverti (Lapeyre, 2011, p. 41Lapeyre, M. (2011). Psychanalyse et création : La cure et l'œuvre. Toulouse, FR: Presses Universitaires du Mirail.). Ce qu'il s'agit de faire valoir pour le créateur, c'est un objet comme cause de désir.

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Referências

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Editora/Editor: Profa. Dra. Sonia Leite

Publication Dates

  • Publication in this collection
    19 July 2021
  • Date of issue
    Apr-Jun 2021

History

  • Received
    20 Mar 2020
  • Accepted
    14 Oct 2020
Associação Universitária de Pesquisa em Psicopatologia Fundamental Av. Onze de Junho, 1070, conj. 804, 04041-004 São Paulo, SP - Brasil - São Paulo - SP - Brazil
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