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Morcellement du corps et chirurgie bariatrique. De l’organique au corporel dans leur rapport aux logiques structrurelles

Body fragmentation and bariatric surgery. From the organic to the corporeal in their relationship to structural logics

Fragmentação do corpo e cirurgia bariátrica. Do orgânico ao corpóreo em sua relação com a lógica estrutural

Fragmentación corporal y cirurgía bariátrica. De lo orgánico a lo corpóreo en su relación con las lógicas estructurales

Les auteurs, cliniciens et chercheurs en psychopathologie, développent un phénomène psychique transtructurel rencontré chez des patients obèses opérés d’une chirurgie bariatrique: des fantasmes et des délires de morcellement corporel. C’est à partir d’un cas clinique de névrose et un autre de psychose, que l’impact psychique de la chirurgie bariatrique sera étudié, avec la mise en lumière d’une altération de l’image du corps et de ses sensations qui serait à l’origine de ce phénomène de morcellement.

Mots clés:
Corps; chirurgie bariatrique; morcellement corporel; névrose; psychose


The authors, clinicians, and researchers in psychopathology, developed a trans-structural psychic phenomenon found in obese patients who have undergone bariatric surgery: fantasies and delusions of body fragmentation. The psychic impact of bariatric surgery was studied based on a clinical case of neurosis and another one of psychosis, highlighting an alteration of body image and its sensations which would be at the origin of this phenomenon of fragmentation.

Key words:
Body; bariatric surgery; body fragmentation; neurosis; psychosis


Resumos

Os autores, clínicos e pesquisadores em psicopatologia, desenvolvem um fenômeno psíquico transestrutural encontrado em pacientes obesos submetidos à cirurgia bariátrica: fantasias e delírios de fragmentação do corpo. Com base em um caso clínico de neurose e outro de psicose, será estudado o impacto psíquico da cirurgia bariátrica, destacando uma alteração na imagem do corpo e suas sensações, que estariam na origem desse fenômeno de fragmentação.

Palavras-chave:
Corpo; cirurgia bariátrica; fragmentação do corpo; neurose; psicose

Los autores, clínicos e investigadores en el campo de la psicopatología, desarrollan un fenómeno psíquico transestructural encontrado en pacientes obesos sometidos a la cirugía bariátrica: fantasías y delirios de fragmentación del cuerpo. Desde un caso clínico de neurosis y otro de psicosis, se estudiará el impacto psíquico de la cirugía bariátrica, destacando una alteración de la imagen corporal y de sus sensaciones, que serían el origen de este fenómeno de fragmentación.

Palabras claves:
Cuerpo; cirugía bariátrica; fragmentación del cuerpo; neurosis; psicosis


[…] il faudra à ce corps les excès imminents de notre chirurgie pour qu’éclate au commun regard que nous n’en disposons qu’à le faire être son propre morcellement, qu’à ce qu’il soit disjoint de sa jouissance.

(Jacques Lacan, 1967/2001, p. 351Lacan, J. (2001). De la psychanalyse dans son rapport à la réalité. In Autre Écrits. Le Seuil, “Le champ freudien”. (Travail original publieé en 1967).)

Avant-propos

Nos rencontres cliniques auprès de patients atteints d’obésité et en demande de chirurgie bariatrique, nous ont plongés dans une clinique du corps qui nous a interrogés sur la prédominance du psychisme dans l’obésité. Cette interrogation s’est précisée lorsque nous avons été confrontés au fait que nos patients ne pouvaient rien en dire de leur corps-symptôme, si ce n’est l’élaborer à partir d’une plainte sur ses limites physiques et de revendiquer la chirurgie bariatrique comme thérapeutique.

Les techniques chirurgicales bariatriques consistent à moduler et/ou amputer des organes sains du système digestif, afin de produire des effets restrictifs et métaboliques induisant une perte de poids. Notre intervention dans ce service spécialisé nous a permis de constater que les changements relatifs à cette opération n’étaient pas sans conséquence, qu’ils étaient à l’origine de symptômes organiques, mais également psychiques.

Sur le plan psychique, nos patients opérés — névrosés et psychotiques — ont été confrontés à des symptômes, des cauchemars, des fantasmes et des délires qui ont en commun de faire surgir la dimension morcelée du corps. La particularité de ce constat clinique est d’être une réaction psychique transtructurelle nous permettant de soutenir l’hypothèse d’une atteinte à la dimension psychique du corps par la chirurgie bariatrique, principalement en lien avec ses répercussions organico-psychiques, qui tendrait à confirmer un soubassement psychopathologique de l’obésité.

Dans la névrose, nous avons repéré que les fantasmes conjoints au morcellement apparaissent lorsque la perte de poids implique des changements physiques. Notre hypothèse est qu’ils seraient liés à une désintégration de l’imaje, cette conjoncture entre l’image et le je opérée lors du stade du miroir, à l’origine de la dimension unifiée du corps — contre son morcellement originaire. En conséquence, le sujet ferait face à une régression topique à ce stade. Dans la psychose, la décompensation de la dimension morcelée du corps survient peu après l’intervention, nous la supposons relative au défaut structurel de symbolisation, à l’origine d’un vécu de l’acte opératoire sur le mode de l’intrusion, et des changements internes sur celui de la persécution.

Ce travail se propose de développer nos hypothèses cliniques à partir des trois dimensions du corps — Réel, Imaginaire et Symbolique — dans sa rencontre avec la chirurgie bariatrique.

Sa première partie porte sur la construction psychique du corps, à partir du concept lacanien de “stade du miroir” (Lacan, 1966, pp. 93-100Lacan, J. (1966). Le stade du miroir comme formateur de la fonction du Je, telle qu’elle nous est révélée dans l’expérience psychanalytique. In Écrits (pp. 93-100). Le Seuil, “Le champ freudien”.); la seconde sur l’impact psychique de la chirurgie bariatrique, mis en lumière par l’analyse d’un cas clinique de névrose et de psychose.

Le passage du corps morcelé au corps unifié: une opération psychique

Le corps, tel que la psychanalyse le conçoit, est co-dépendant du langage, plus spécifiquement, il est un effet de langage en tant que primairement parlé par l’Autre. Il porte en lui les traces représentatives de ses désirs, de ses soins, … qui ont fait sens pour le sujet en devenir, jusqu’à s’inscrire comme des signifiants à l’origine de la structuration du rapport à son corps. C’est ainsi que dans une clinique du corps, ce dernier se lit tel un parchemin aux inscriptions hiéroglyphes à traduire. Ce sont ces traces langagières qui l’habitent, et qui ont une prédominance sur sa tridimensionnalité, ce corps comme créature imbriquée dans les registres du Réel1 1 Le Réel est un concept lacanien qui représente l’impossible, ce qui ne peut s’attraper par les mots et échappe au symbolique. En ceci, le Réel s’oppose à la réalité. Afin d’éviter toute confusion, dans cet écrit, le Réel lacanien sera écrit avec un R majuscule. , de l’Imaginaire2 2 L’Imaginaire relève, avant tout, de l’appréhension par le sujet de son image dans le miroir. Lacan la réfère au stade du miroir qui est le moment où le pré-sujet va se saisir de son image comme venant le représenter. C’est le passage de l’image à l’ima-je, accessible par l’Autre et l’assomption au symbolique. et du Symbolique3 3 Le Symbolique est corrélatif du langage, c’est un système de représentation qui fonde un ordre symbolique dans la réalité psychique du parlêtre. .

Le corps Réel correspond à l’irreprésentable du vivant, ce sont ses organes, sa chair, ses os, ce qui le constitue et en impulse sa dynamique. Lors d’une intervention chirurgicale, c’est précisément cette dimension qui est touchée. Dans la réalité psychique de l’être parlant, cette dimension est voilée par l’imaginaire qui a une prépondérance sur la représentation corporelle imagée. Le corps imaginaire est celui qui se construit à partir du “stade du miroir” et relève de l’identification du sujet à une image spéculaire authentifiée par l’Autre comme venant le représenter, mais qui dépend, au préalable, du symbolique. En tant que tel, l’accès à ce stade rend compte des prémices de la métaphore paternelle, et fait du corps symbolique, le lieu des signifiants qui ont marqué le sujet d’une vérité sur son rapport à l’Autre et à son désir.

La liaison du sujet à son corps s’effectue lors du stade du miroir qui représente le moment où l’infans,4 4 Nous empruntons le terme infans au psychanalyste Sàndor Ferenczi pour désigner “celui qui ne parle pas”. Il provient de in farer, l’étymologie latine de enfant. entre 6 et 18 mois, accède à la symbolisation de la forme de son corps — sa gestalt — par identification à son image dans le miroir. De prime abord, sa néoténie le positionne dans une incapacité à se représenter comme autre de l’Autre, il est à la fois totalité et morcelé, notamment par la diversité des traces laissées sur son corps. En effet, à l’origine l’infans est une “collection incohérente de désirs — c’est là le vrai sens de l’expression corps morcelé — et la première synthèse de l’égo est essentiellement alter ego, elle est aliénée” (Lacan, 1955-56/1981, p. 50Lacan, J. (1981). Le séminaire. Livre III. Les psychoses. Le Seuil, “Le champ freudien”. (Travail original publieé en 1955-56).).

Le processus relatif au passage du corps morcelé en unitéd’infini en un-fini — à partir de la symbolisation de la forme du corps, s’établit dans un premier temps par l’identification de l’Autre qui se positionne comme tiers dans la rencontre entre l’infans et son image: “cette image, c’est toi”. Cette nomination comme authentification triomphante face au vide de l’image, permet au pré-sujet d’investir le spéculaire infiltré de la nomination et du désir de l’Autre. L’image accolée au désir va devenir son idéal-du-moi, et la forme à laquelle il va s’identifier, son moi-idéal. Collatéralement, de ce leurre spéculaire va se soustraire une ébauche de son moi résultant de ce “don de l’amour de l’Autre maternel” (Sauret, 2008, p. 61Sauret, M.-J. (2008). Mélancolie et lien social, Essaim, 20.) qui fera que “le sujet s’aimera à la mesure de l’amour qu’il a reçu” (Ibid.).

[…] le stade du miroir est un drame dont la poussée interne se précipite de l’insuffisance à l’anticipation — et qui pour le sujet, pris au leurre de l’identification spatiale, machine les fantasmes qui se succèdent d’une image morcelée du corps à une forme que nous appellerons orthopédique de sa totalité, — et à l’armure enfin assumée d’une identité aliénante, qui va marquer de sa structure rigide tout son développement mental. (Lacan, 1966, p. 97Lacan, J. (1966). Le stade du miroir comme formateur de la fonction du Je, telle qu’elle nous est révélée dans l’expérience psychanalytique. In Écrits (pp. 93-100). Le Seuil, “Le champ freudien”.)

Ce stade représente l’étape qui va permettre à l’infans d’accéder à une forme orthopédique de sa totalité, une ébauche de son moi qui correspond au passage du morcellement corporel à l’unité. Rappelons que pour Freud, le moi “n’est pas seulement un être de surface mais lui-même la projection d’une surface […]. Le Moi conscient est avant tout un Moi corporel” (Freud, 1923/1968, p. 238Freud, S. (1968). Le moi et le ça. In Essais de psychanalyse. Payot, “Petite bibliothèque”. (Travail original publieé en 1923).), celui construit dans et par le miroir. Dans la construction psychique du corps, ce stade est l’étape d’une division par identification à l’imago, dont la fonction est “d’établir une relation de l’organisme à sa réalité, — ou, comme on dit, de l’Innenwelt à l’Umwelt” (Lacan, 1966, p. 93Lacan, J. (1966). Le stade du miroir comme formateur de la fonction du Je, telle qu’elle nous est révélée dans l’expérience psychanalytique. In Écrits (pp. 93-100). Le Seuil, “Le champ freudien”.), du monde intérieur à l’environnement. L’imago du corps est cette enveloppe qui le contient, sa dimension imaginaire à laquelle le sujet va s’aliéner.

La projection dans l’image d’une ébauche pré-communicationnelle du moi induit la “permanence mentale du Je” (Ibid.). C’est ainsi que l’image devient imaje, sa condensation avec le je inscrit le sujet dans le lien social, incluant le petit autre comme partenaire. Cette rencontre avec le miroir se soutient de celle avec l’altérité: le champ de l’autre s’ouvre en même temps que le miroir découvre. En conséquence, Lacan en détermine son achèvement par l’inauguration de “la dialectique qui dès lors lie le je à des situations socialement élaborées” (Ibid.), l’assomption de l’imaje comme identité aliénante, cette armure assumée qui protège le sujet de sa rencontre avec l’A/ autre.

Le stade du miroir œuvre à l’élaboration d’une unité corporelle fictive qui délivre au sujet l’impression d’a-voir un corps. Car de prime abord, l’infans se situe du côté de l’être, il est un organisme soumis à des excitations physiologiques et à l’Autre. En tant que tel, le sujet n’est pas corps, c’est l’inscription psychique de l’illusion de sa possession, par son unification, qui le situe du côté de l’avoir du corps. L’être est premier car l’avoir implique une action, une inter-action avec l’extérieur qui en passe par la rencontre avec l’image dans le miroir.

L’ avoir du corps qui relève de son unification — représentative du nouage entre l’organique et le psychique —, rend compte des premiers effets de la métaphore paternelle. En conséquence, ce stade est précisément ce qui achoppe dans la psychose, et la séquence imagée de l’infans rencontrant son image dans le miroir pourrait se représenter ainsi: l’infans qui découvre son image dans le miroir, ne se retourne pas pour regarder cet Autre hors du miroir qui viendrait l’authentifier, lui permettre de se reconnaître en place de sujet. Comme développé précédemment, la fonction de cet Autre est primordiale dans sa rencontre avec l’image, il est le tiers organisateur qui permet l’identification par la nomination, avec pour aboutissement, de condenser l’image et le je — l’imaje —, et d’ouvrir à l’altérité. Ainsi, ce manque de vérification symbolique face à ce qu’il regarde, plonge l’infans dans une image vide de sens, non-dialectisable, manquant le filtre du désir de l’Autre pour l’apprivoiser.

Lacan nous précise que “si la relation qui s’établit à l’image spéculaire est telle que le sujet est trop captif de l’image pour que ce mouvement (retournement de la tête vers l’Autre le faisant communiquer avec l’image spéculaire) soit possible, c’est que la relation duelle pure le dépossède de sa relation au grand Autre” (Lacan, 1962-63/2004, p. 142Lacan, J. (2004). Le séminaire. Livre X. L’Angoisse. Le Seuil, “Le champ freudien”. (Travail original publieé en 1962-63).). Ainsi, la synthèse de l’unité corporelle à travers le spéculaire produite par l’aliénation à l’imaje et à l’Autre, est mise en échec. Dans la psychose, sera pris pour un corps ce qui n’est qu’un désordre, le corps morcelé par une collection incohérente de désirs insignifiants.

L’image dans le miroir à laquelle le sujet psychotique est fixé, n’est pas prise dans une aliénation imaginaire en tant qu’il n’est pas enchaîné aux signifiants, mais bien spectateur d’un monde signifiant insignifiant, pur signifié d’un Autre tout-puissant qui laisse ses désirs incohérents. Ainsi, dans la psychose, le corps qui se construit sans support imaginaire et symbolique, peut se révéler à la conscience dans sa dimension Réel et inclure de la persécution. C’est ce que nous retrouvons chez notre patiente Clémence, âgée d’une vingtaine d’années lorsque nous la rencontrons au cours de son hospitalisation dans un service de médecine pour anorexie et alcoolisme. Durant la consultation, elle nous fait part de ses persécutions organiques qu’elle situe comme à l’origine de son anorexie, “lorsque j’avale de la nourriture, je la sens descendre dans mon tube digestif”, ce qui la conduit à n’absorber que du “liquide”. Clémence rajoute que les sensations qu’elle ressent relèvent d’une “intrusion” d’objets étrangers — la nourriture —, et surtout, “d’objets dangereux” pour son organisme. Ses propos reflètent remarquablement ce corps dans la psychose qui n’est pas substantialisé par les signifiants, c’est-à-dire qui n’est pas voilé par l’imaginaire mais bien Réel, c’est son “tube digestif” qu’elle ressent. La nourriture n’est également pas signifiantisée, ce sont des objets qui la mettent en danger. Le destin de ce symptôme anorexique dans la psychose, nous permet de saisir les effets de l’inopération de l’élection imaginaire du corps. Ce dernier est sans ancrage imaginaire, et en tant que Réel, il persécute notre patiente.

Ce développement nous ramène à la fonction de l’imaginaire qui est d’être une construction fantasmatique qui permet de poser un voile sur le corps Réel. Ainsi, l’atteinte de ce dernier par la technique bariatrique devrait produire des effets sur sa dimension imaginaire.

Les effets psychiques de la chirurgie bariatrique

Le terme bariatrique se décompose à partir de l’étymologie grecque en baros pour poids et iatros pour médecin. La chirurgie bariatrique, communément appelée chirurgie de l’obésité, comprend des techniques qui amputent ou dévient les organes du système digestif pour obtenir une perte de poids. Ces cinquante dernières années, différentes techniques ont vu le jour. En 2021, les plus effectuées en France sont la gastrectomie longitudinale — plus communément appelée la sleeve — et la dérivation gastrique avec anse de Roux en Y — dénommée le by-pass.

La sleeve est une chirurgie dite restrictive dont la technique consiste à découper et à retirer de l’organisme les deux tiers de l’organe stomacal.5 5 Sa contenance post-opératoire se situe entre 60 millilitres et 250 millilitres. Le patient opéré d’une sleeve se trouve contraint de s’alimenter en faible quantité, c’est la restriction alimentaire qui précipite la perte de poids. Le by-pass — traduit en français par court-circuit gastrique — est une chirurgie mixte qui combine à la fois des effets restrictifs — similaires à la sleeve — et de la malabsorption. Avec cette technique, l’organe stomacal est sectionné6 6 Après un by-pass, la contenance de l’organe stomacal se situe entre 100 millilitres et 250 millilitres. , mais sa différence avec la sleeve est qu’il n’est pas retiré de l’organisme mais laissé flottant. Sa partie réduite est rattachée à l’intestin grêle, lui-même court-circuité. La particularité du by-pass est d’induire un syndrome de malabsorption qui précipite des symptômes digestifs accentuant la perte de poids.

Ces techniques chirurgicales ont en commun de conditionner une restriction alimentaire et des effets métaboliques permettant d’impulser, sur du court-terme, une importante perte de poids pouvant aller jusqu’à 20 kilos en deux mois. En conséquence, la transformation physique que cette perte engage est très rapide, alors que l’obésité est souvent présente depuis de nombreuses années.

Dans la névrose, nous présumons que la rapidité de ces transformations serait à l’origine d’une distorsion entre l’image du miroir et l’imaje, vecteur de sa désintégration. En parallèle, le court-circuitage du symptôme porté sur l’oralité, qui, comme tout symptôme, a une fonction pour le sujet, principalement celle de contenir l’angoisse, en produirait sa résurgence, précipitant une réification du corps. La combinaison de ces deux facteurs provoquerait des fantasmes et des cauchemars de morcellement corporel, dans lesquels l’unité imaginaire du corps apparaît comme déconstruite.

Dans la psychose, nous avons mis en exergue l’achoppement du stade du miroir, le sujet n’est pas aliéné à l’imaje mais captif d’une image vide, dépourvue de substances désirantes et signifiantes, c’est la suprématie de la dimension Réel du corps. En tant que tel, nous soutenons que son atteinte par la chirurgie bariatrique serait à l’origine des délires en lien avec le morcellement corporel, au regard de la castration organique effectuée par ces techniques.

C’est à partir du cas clinique de Line et de Toni, que nous proposons de mettre à l’épreuve l’hypothèse selon laquelle les répercussions organicopsychiques relatives à la chirurgie bariatrique conditionneraient, dans la névrose, une disjonction de l’image et du je qui précède le passage du corps unité au corps morcelé, dans la psychose, une décompensation du corps originairement morcelé.

Line: du corps-carapace au corps-morcelé

Lorsque nous rencontrons Line, elle est âgée de 31 ans. D’une petite taille et pesant près de 160 kilos, elle se situe, pour le médical, à un stade d’obésité sévère. Elle envisage une seconde intervention de chirurgie bariatrique, suite à “l’échec” de sa précédente, qui lui avait permis de perdre 110 kilos.

Line rattache son obésité à un événement traumatique survenu dans l’enfance, l’abus sexuel perpétré par son cousin lorsqu’elle avait 8 ans. Sa prise de poids débute peu après, elle la situe comme à l’origine de la construction d’un corps “carapace” qui lui permet de se protéger des hommes, de leur faire “peur”, voire même, de “rivaliser avec eux”. Line revendique son corps-obèse, dont elle fait une “force”, mais le cache sous des vêtements amples, entretenant une allure masculine. Très clairement, “je fais l’homme”, nous dira-t-elle, et dans ses relations amoureuses, elle sera orientée vers des hommes qu’elle nous décrit avec un manque de virilité.

Pour Line, la fonction de son corps-obèse est protectrice, c’est sa carapace, sa force qui la protège de toute rencontre avec l’Autre sexe. Toutefois, à certaines périodes de sa vie, des régimes drastiques lui ont fait perdre beaucoup de poids. Elle aborde des alternances entre de l’anorexie pouvant s’étendre sur plusieurs mois, et de l’hyperphagie, précipitant des pertes/reprises de poids qui auraient distendu sa peau, ce qui la conduit à nous énoncer: “je n’ai pas de corps”. Relevons que ce propos s’ancre sur un paradoxe, au regard de la revendication précédente relative à la fonction de son corps-carapace.

Nous recevons Line en consultation un mois après son intervention de chirurgie bariatrique. Cette dernière s’est bien passée, et Line commence, déjà, à ressentir les effets de sa transformation. Elle nous fait part d’un changement récent, son affirmation au-delà de son corps, plus précisément, par “les mots”. C’est désormais en eux qu’elle puise sa force. Ce constat lui provient d’une récente altercation avec un homme qui l’a conduite à se protéger par les mots, et non plus avec son corps-carapace. Depuis qu’elle remarque que ses paroles peuvent la protéger, voire même la réparer, Line se questionne sur le rapport qu’elle a entretenu avec son corps ces dernières années, “pourquoi l’ai-je autant bousillé?”.

Chez Line, la perte de poids allant de pair avec les changements physiques, est rapide. Elle se présente à la consultation suivante méconnaissable, portant des vêtements près du corps, des talons aiguilles, particulièrement maquillée, nous faisant remarquer qu’elle sort de chez le coiffeur. Line veut nous montrer sa nouvelle image, elle veut aussi se faire voir. Depuis sa métamorphose, elle se sent être “une femme à part entière”.

Néanmoins, Line nous manifeste que son hyperféminité vise à cacher son corps qui ressemble à des “morceaux de viande”. Comme elle nous l’énonce, ses vêtements moulants lui permettent de resserrer ses “morceaux de peau morte”, ce corps qui lui échappe, notamment depuis qu’elle ne contrôle plus sa perte de poids et fait face à des changements physiques conséquents.

Line nous fait part d’un récent événement qui a bouleversé son quotidien. Un rapprochement physique avec un homme a réactivé le souvenir de la scène de son viol qui, depuis, hante ses pensées. Elle ne peut plus être “touchée”, toute proximité corporelle lui est insupportable, car “lorsqu’on me touche, ça s’enflamme à l’intérieur. Je sens que ma peau me détruit à petit feu…”.

En perdant ses kilos, Line aurait perdu sa carapace, “je ne me sens plus sous protection”. Sur son corps nu se sont révélées les traces de l’événement traumatique, dont la réminiscence lors du rapprochement avec cet homme nous paraît rendre compte de la résurgence de l’angoisse, corollaire de ses pensées obsédantes tournées vers la scène de son viol.

Line ne supporte plus d’être approchée, ni de voir son corps. Elle a retiré tous les miroirs de son domicile. Pour elle, “personne ne peut comprendre” ce qu’elle vit. Si elle continue de tromper son entourage avec son hyperféminité, elle n’est pas dupe, “ce que vous voyez, ce n’est pas ce qu’il y a sous mes vêtements”, elle sait qu’il est possible de cacher le pire derrière l’apparence.

Mon corps n’est plus moi”. Ses propos nous paraissent convoquer cette déliaison entre l’image et le je, à l’origine de la désintégration de l’imaje, en tant que son corps n’est plus identifié au moi. Line ferait face, psychiquement, à une régression topique au stade du miroir, basculant de l’unification corporelle au morcellement. L’altération de la dimension imaginaire de son corps se repère dans ses paroles qui concernent un corps fait de morceaux de peau morte, de viande (représentative de la chair), c’est la prédominance de sa dimension Réel.

La résurgence de l’angoisse lors de la réactivation du traumatisme sexuel, a produit chez Line la rencontre avec un corps étranger. “J’ai l’impression de me faire violer chaque jour par un corps qui n’est pas le mien”. La scène de son viol qui hante ses pensées depuis quelques semaines, va se transformer… Line nous exprime être désormais en proie à des images obsédantes dans lesquelles elle s’imagine se “découper avec un couteau mes bouts de peau qui pendent”. Ses images diurnes migrent dans ses cauchemars où elle se voit s’“arracher la peau des cuisses avec un couteau”.

Line qui fait face à l’angoisse sans carapace, est confrontée au morcellement de son corps. Ce dernier monopolise l’ensemble des consultations, tout tourne autour de “ce monstre” qui la “dégoûte”. Elle exprime ses regrets sur l’intervention: “je ne pensais pas me retrouver dans cet état… Dans le miroir, je ne vois plus rien. Je sais que mon corps est meurtri”. Ses vêtements moulants qui lui permettent de “rassembler sa peau morte”, contiennent également son corps meurtri qui se décompose.

Chez Line, relevons que si avant la chirurgie bariatrique, elle se détruisait de l’intérieur en s’alimentant en excès, depuis qu’elle ne peut plus manger et qu’elle fait face à une conséquente perte de poids, elle s’imagine se détruire de l’extérieur en se lacérant la peau, “je suis devenue un lambeau de peau vivante”. Line qui n’avait pas de corps mais jouait avec son imaje — de la masculinité à l’hyperféminité —, ferait face à une désintrication de l’image et du je. Les formulations: “dans le miroir, je ne vois plus rien”, ou bien, “je ne reconnais plus mon corps”, nous paraissent renvoyer à la désintégration de l’imaje à l’origine de son sentiment d’êtrangeté7 7 Ce néologisme qui condense l’être à l’étrange, nous permet d’insister sur le corps originaire que nous avons situé du côté de l’être, celui d’avant le stade du miroir. rattaché à l’angoisse.

Même dans l’expérience du miroir, un moment peut arriver où l’image que nous croyons y tenir se modifie. Si cette image spéculaire que nous avons en face de nous, qui est notre stature, notre visage, notre paire d’yeux, laisse surgir la dimension de notre propre regard, la valeur de l’image commence de changer — surtout s’il y a un moment où ce regard qui apparaît dans le miroir commence à ne plus nous regarder que nous-mêmes. Initium, aura, aurore d’un sentiment d’étrangeté qui est la porte ouverte à l’angoisse. (Lacan, 1962--63/2004, p. 104Lacan, J. (2004). Le séminaire. Livre X. L’Angoisse. Le Seuil, “Le champ freudien”. (Travail original publieé en 1962-63).; c’est nous qui soulignons)

Désormais, Line n’est plus cette femme “à part entière”, comme elle avait pu l’énoncer au début de sa perte de poids, mais “une moitié de femme” qui cache “un monstre” sous ses vêtements. Nous sommes tentés de penser que ce monstre équivaut à sa rencontre avec le Réel de son corps qui se révèle dans ses fantasmes et ses cauchemars, à partir de son image morcelée faite de “morceaux de viande” et de “peau qui pend”. Mais ce serait oublier que dans la chronologique de ses représentations psychiques, ces images devenues obsédantes ont été secondes, qu’elles ont remplacé celles de la scène de son viol. Line avait mis en relation sa prise de poids avec cet événement, et cette évolution tendrait à confirmer la fonction de son corps-obèse qui serait d’être un pare-feu contre le trauma, au regard de sa reviviscence lors de la perte de son corps-carapace. En conséquence, l’ensemble de ces éléments nous conduit à la fonction du symptôme chez Line, avec un soubassement psychopathologique de l’obésité, dont la déclaration serait un mécanisme de défense, une survie psychique.

Toni: de l’anorexie à l’autophagie

Nous rencontrons Toni deux mois après son intervention de chirurgie bariatrique. Il est âgé de 41 ans, et nous explique que sa prise de poids a débuté il y a 4 ans, suite à un accident de ski. Il aura peu de séquelles, mais des douleurs diffuses et intenses l’ont conduit à mettre un terme à son emploi. Il énonce que depuis cet accident, dans sa vie, “tout est pire”, et qu’il prend un antidouleur et un antidépresseur.

C’est peu après son intervention de chirurgie bariatrique que Toni s’est senti mal: “j’étais perdu, je ne savais plus quoi faire”. Il nous fait part de ses inquiétudes concernant son état car depuis, il a l’impression de “perdre la tête” et remarque qu’il a des “trous de mémoire”. Parallèlement, ses douleurs corporelles se sont exacerbées: “elles me détruisent la santé et le corps, je ne les comprends pas”.

Toni se met à devenir étranger à ce qu’il ressent, jusqu’à avoir la sensation “de vivre dans un corps étranger” qu’il ne “reconnaît plus”. Il nous délivre une représentation altérée de son organisme, relevant que “même si je n’ai plus d’estomac, j’ai la boule au ventre”. La structure psychique de Toni transparaît dans cette phrase qui soutient ce manque de métaphore que nous pouvons retrouver dans la psychose, tout aussi, elle nous permet de préciser le pseudo-fantasme accolé à l’acte chirurgical: pour Toni, cet acte l’a privé d’estomac mais pas de son angoisse, sa boule au ventre est là.

Au fil des consultations, nous remarquons que Toni présente des symptômes d’anorexie. Depuis qu’il ne ressent plus la faim8 8 L’amputation d’une partie de l’organe stomacal précipite une diminution d’une hormone orexigène, la ghréline, avec pour conséquence, la suppression des sensations de faim. , il ne parvient plus à s’alimenter correctement, ce qui le conduit à se comparer à “une machine sans émotion” qu’il doit alimenter “avec du carburant”, la nourriture. Il nous explique que ses difficultés alimentaires se sont potentialisées lors de la réintégration de la “nourriture en morceaux9 9 Durant le premier mois post-opératoire, l’alimentation est principalement liquide et/ou mixée. Les aliments solides sont réintégrés progressivement. , qu’il fait face à des blocages et est en proie à des sensations organiques qui le persécutent, “quand je mange, je sens mes intestins qui se resserrent et qu’à l’intérieur ça se coupe”. Ses propos nous mènent, d’une part, à ceux de notre patiente Clémence cités précédemment, qui ne tolère que l’ingestion de liquide car les aliments lui font ressentir son tube digestif, d’autre part, à cette étrangeté du corps qui renvoie Toni à des sensations de coupures internes qui nous paraissent équivaloir à la castration organique effectuée par la chirurgie bariatrique. Ce parallèle s’étaye sur le défaut de métaphore mis en exergue par notre patient, son organisme perpétuerait la coupure, signe de l’a-symbolisation.

Chez Toni, l’étrangeté de son corps serait relative à la résurgence de sa dimension Réel qui le morcelle et le persécute. Notre hypothèse se précise lorsqu’il nous énonce ne plus parvenir à “avaler les morceaux”, et que désormais, c’est avec ses propres “morceaux de viande” qu’il se nourrit, ses “bouts de peau” qui représentent l’intérieur de ses lèvres, qu’il arrache puis avale. Toni ira jusqu’à nous montrer sa nouvelle façon de (se) bouffer, de se détruire, soutenant sa nouvelle pratique d’un constat: “je me bouffe de l’intérieur”.

Cette pratique autophage nous renvoie, littéralement, à la dimension morcelée du corps que nous supposons décompensée par la chirurgie bariatrique. Si pour Line, les fantasmes de morcellement corporel interviennent après la perte de poids et se portent sur la découpe de ses “bouts de peau qui pendent”, c’est-à-dire l’extérieur de son corps comme reflet de l’image, pour Toni, c’est peu après l’intervention que son intérieur se met à lui délivrer des sensations qu’il ne peut appréhender. Ses intestins qui se resserrent et se coupent, représentent la chair de laquelle désormais il se nourrit, le revers Réel de la peau morcelée de Line. Ce qui nous permet d’établir l’emprise de la dimension Réel du corps chez Toni, sans consistance imaginaire, qui met en exergue cette impossible dialectisation à l’endroit du corps à l’œuvre dans la psychose.

Conclusion

Le morcellement corporel après une chirurgie bariatrique est un phénomène psychique transtructurel qui nous paraît se conjoindre à la résurgence de l’angoisse chez des patients qui font face à des changements organiques, psychiques et physiques radicaux. Bien que cet article soit axé sur l’impact de la chirurgie bariatrique sur le corps Réel et imaginaire, il convient de prendre en considération deux éléments importants qui ont participé à la lecture de nos cas cliniques, ainsi qu’à la construction de notre hypothèse: la portée fonctionnelle du corps-symptôme dans l’obésité, qui, comme ce fut le cas pour notre patiente Line, peut faire office de protection à la fois physique et psychique, également, de l’abolition du symptôme basé sur l’oralité.10 10 Chez une majorité de nos patients, nous avons repéré la prépondérance de deux symptômes : la compulsion alimentaire et la faim sans faim-ni-fin. Après la chirurgie bariatrique, l’alimentation est drastiquement réduite par la restriction organique. Ainsi, les patients ne peuvent assouvir leurs compulsions alimentaires, compulsions dont l’excessivité nous paraît se référer à une modalité de jouissance. En conséquence, la chirurgie bariatrique impacte la fonction du corps mais également du symptôme pour le sujet obèse, ce qui pourrait expliquer les nombreuses décompensations psychiques post-opératoires.

Pour en revenir à la spécificité de ce phénomène psychique transtructurel, nous avons relevé une distinction entre la névrose et la psychose, qui concerne la dimension du corps impactée par la chirurgie bariatrique. Chez Line, notre patiente névrosée, nous avons pu repérer la réactivation d’un traumatisme originaire — la scène de son viol — après une perte de poids conséquente, venant signer, parallèlement, la perte de son corps-carapace. Cette scène s’est inscrite comme une image obsédante, puis a été remplacée par des scènes dans lesquelles elle s’imaginait découper sa peau qui pend, faire des morceaux de son corps. Ainsi, du côté de la névrose, ce serait la dimension imaginaire du corps qui serait touchée, celle qui concentre les fantasmes, l’imaje en tant qu’image et je — l’aliénation au moi —, c’est-à-dire l’extérieur: cette peau morcelée.

Dans la psychose, le sujet manque du filtre de l’imaginaire pour superposer un fantasme sur son corps et ancrer l’imaje. En conséquence, la technique bariatrique impacterait directement sa dimension Réel, l’organisme, c’est-à-dire l’intérieur du corps: cette chair morcelée. Chez notre patient Toni, son délire intervient peu après l’intervention, et porte sur des sensations de coupures internes lorsqu’il s’alimente, précipitant une anorexie, puis l’ingestion de sa chair comme nouvelle nourriture. Sa pratique autophage nous renvoie littéralement aux bouts de peau comme morceaux de corps Réel, représentatifs du corps primitif décomposé car non-unifié par le langage.

À partir de la distinction établie entre les répercussions psychiques dans la névrose — extérieur, imaje, imaginaire — et la psychose — intérieur, organisme, Réel —, nous pouvons soutenir que l’imaginaire fait bien office de pare-feu contre le Réel. C’est ainsi que dans la névrose, bien que la chirurgie intervienne sur le Réel du corps, collatéralement, c’est sa dimension imaginaire qui est impactée, et nous présumons que sa désintégration est à l’origine de la régression topique, avec des fantasmes de morcellement qui renverraient à ce corps d’avant le stade du miroir, originairement morcelé. Dans la psychose, le sujet n’ayant pas le filtre de l’imaginaire pour composer de son vivant avec la dimension Réel de son corps, son atteinte par la technique en raviverait son morcellement.

Ce constat nous semble soutenir une seconde hypothèse, celle du soubassement psychopathologique de l’obésité. Il s’avère que cette conjecture s’est renforcée à partir de notre expérience clinique au sein d’un service de cancérologie, dans lequel nous avons rencontré des patients atteints de cancer digestif, dont la plupart venaient d’être opérés d’une tumeur au côlon ou à l’estomac. Nous avons constaté que les colectomies11 11 Une colectomie correspond à l’ablation d’une partie ou de l’ensemble du côlon. ou les gastrectomies12 12 Une gastrectomie est une ablation d’une partie ou de la totalité de l’estomac. En chirurgie bariatrique, elle correspond à la sleeve, dont la terminologie française est gastrectomie longitudinale. réalisées chez ces patients ne donnaient pas lieu aux répercussions psychiques que nous retrouvons chez nos patients obèses qui ont eu recours à une technique chirurgicale similaire pour perdre du poids, qu’elles ne provoquaient pas de décompensation psychique en lien avec le morcellement corporel, ni de troubles alimentaires de type anorexique. En conséquence, il nous paraît opportun de considérer l’importance de la dimension psychopathologique dans l’obésité, notamment dans les propositions thérapeutiques et le développement des parcours médicaux.

  • 1
    Le Réel est un concept lacanien qui représente l’impossible, ce qui ne peut s’attraper par les mots et échappe au symbolique. En ceci, le Réel s’oppose à la réalité. Afin d’éviter toute confusion, dans cet écrit, le Réel lacanien sera écrit avec un R majuscule.
  • 2
    L’Imaginaire relève, avant tout, de l’appréhension par le sujet de son image dans le miroir. Lacan la réfère au stade du miroir qui est le moment où le pré-sujet va se saisir de son image comme venant le représenter. C’est le passage de l’image à l’ima-je, accessible par l’Autre et l’assomption au symbolique.
  • 3
    Le Symbolique est corrélatif du langage, c’est un système de représentation qui fonde un ordre symbolique dans la réalité psychique du parlêtre.
  • 4
    Nous empruntons le terme infans au psychanalyste Sàndor Ferenczi pour désigner “celui qui ne parle pas”. Il provient de in farer, l’étymologie latine de enfant.
  • 5
    Sa contenance post-opératoire se situe entre 60 millilitres et 250 millilitres.
  • 6
    Après un by-pass, la contenance de l’organe stomacal se situe entre 100 millilitres et 250 millilitres.
  • 7
    Ce néologisme qui condense l’être à l’étrange, nous permet d’insister sur le corps originaire que nous avons situé du côté de l’être, celui d’avant le stade du miroir.
  • 8
    L’amputation d’une partie de l’organe stomacal précipite une diminution d’une hormone orexigène, la ghréline, avec pour conséquence, la suppression des sensations de faim.
  • 9
    Durant le premier mois post-opératoire, l’alimentation est principalement liquide et/ou mixée. Les aliments solides sont réintégrés progressivement.
  • 10
    Chez une majorité de nos patients, nous avons repéré la prépondérance de deux symptômes : la compulsion alimentaire et la faim sans faim-ni-fin. Après la chirurgie bariatrique, l’alimentation est drastiquement réduite par la restriction organique. Ainsi, les patients ne peuvent assouvir leurs compulsions alimentaires, compulsions dont l’excessivité nous paraît se référer à une modalité de jouissance.
  • 11
    Une colectomie correspond à l’ablation d’une partie ou de l’ensemble du côlon.
  • 12
    Une gastrectomie est une ablation d’une partie ou de la totalité de l’estomac. En chirurgie bariatrique, elle correspond à la sleeve, dont la terminologie française est gastrectomie longitudinale.

Bibliographie

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  • Sauret, M.-J. (2008). Mélancolie et lien social, Essaim, 20
Editor/Editor: Prof. Dr. Nelson da Silva Jr.

Publication Dates

  • Publication in this collection
    15 Aug 2022
  • Date of issue
    Apr-Jun 2022

History

  • Received
    29 Jan 2022
  • Accepted
    04 May 2022
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