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Les systemes d'information comme institutions

CRM as institution - imaginary, legitimacy and appropriation

Abstract

In this paper, we explore the idea that an IS could act as an institution in itself, if its legitimacy is well established, even the knowledge of the system is weak. This is in line with some theory of appropriation, and against the cognitive approach of the reason action theory. But we explore also one condition to gain legitimacy, which is that the system and proposed usage fit to the imaginary of the adopting population. Imaginary plays also a role along the appropriation process acting as a kind of pre-knowledge.

CRM; Information Systems; Institution


CRM; Information Systems; Institution

Les systemes d'information comme institutions

CRM as institution - imaginary, legitimacy and appropriation

Christophe Benavent

University of Paris Ouest Nanterre La Défense

Address for correspondence Address for correspondence Christophe Benavent University of Paris Ouest Nanterre La Défense Avenue de la. République,. 92001 Nanterre. Cedex. 06 11 35 76 56, France E-mail: christophe.benavent@u-paris10.fr

ABSTRACT

In this paper, we explore the idea that an IS could act as an institution in itself, if its legitimacy is well established, even the knowledge of the system is weak. This is in line with some theory of appropriation, and against the cognitive approach of the reason action theory. But we explore also one condition to gain legitimacy, which is that the system and proposed usage fit to the imaginary of the adopting population. Imaginary plays also a role along the appropriation process acting as a kind of pre-knowledge.

Keywords: CRM, Information Systems, Institution

INTRODUCTION

Au sein des entreprises et entre elles, les systèmes d'information jouent un rôle essentiel non seulement dans la production et la transmission, ce qui est leur fonction première pour améliorer l'efficience des processus de gestion, mais forment aussi le cadre institutionnel de la décision. Ils peuvent jouer un rôle quasi-institutionnel et réguler les comportements.

C'est ainsi que les systèmes de CRM au-delà d'une meilleure circulation de l'information entre la firme et le client, devient de cadre même de l'action de la firme et des comportements de ses consommateurs. Que ce soit le secteur de la banque, ou celui du transport, sans compter les opérateurs de communication, les règles du système deviennent les règles de l'ensemble. Ainsi le niveau de qualité de service, le degré de stimulation, le pilotage de la force de vente, la définition des offres sont guidés par le système lui-même et les règles qui y sont incluses. La question se pose de savoir s'il n'est que le support de règles où qu'il a lui-même une valeur institutionnelle.

Notre proposition va dans ce dernier sens. Le système d'information devient en lui-même une institution par le processus d'appropriation qui conditionne sa légitimité auprès des parties prenantes : clients, tierces-partie et acteurs internes de l'entreprise.

Cette proposition forte s'inscrit dans la perspective ouverte par Orlikowski et Barley (2001) qui se sont interrogés sur les relations entre le champs des technologies de l'information et celui des sciences de l'organisation cherchant à identifier ce que l'un peut apprendre de l'autre. Le rôle de l'agent humain au sein d'un environnement institutionnel, aussi bien que les contraintes et les « affordances » des technologies considérées comme un système matériel. Cette contribution s'inscrit dans cette perspective et la prolonge avec une proposition centrale, celle qu'il ne s'agit pas seulement d'envisager les technologies comme incluses dans le contexte institutionnel, mais de les considérer en tant que telle comme des institutions.

Elle n'est pas exclusive du point de vue qui considère que les caractéristiques techniques des technologies, mais aussi économique, contribuent à définir les institutions. C'est ainsi que dans la mesure où elle permettent de réduire les coûts de transaction elle peuvent favoriser de nouveaux modes d'organisations, de même certaines propriétés d'externalité conduisent à redéfinir avec plus ou moins de difficultés les institutions existantes. C'est en partie le point de vue matérialiste des institutions qui servira de point de départ à notre analyse. De manière réciproque un large corps de recherche a développé d'abord une approche socio-technique, puis plus spécifiquement d'agence, qui rend compte du fait que la technologie enrôlée dans les stratégies d'acteurs est en partie définie par les institutions.

Ce qui fait de la technologie une institution procède de sa légitimation. Dans notre réflexion nous associerons la question de la légitimité à celle de l'appropriation. Dans la mesure où le légitime se conçoit comme une acceptation sociale, d'un droit particulier, celui de faire droit. Pour être appropriée la technologie nécessite d'être légitimité, et sa légitimité se fait dans l'appropriation. Une énigme se pose. Certaines innovations semblent être adoptées sans raison fonctionnelle, sans connaissance même. Une autre raison gouverne leur adoption. Ce qui n'est pas encore approprié et ce qui n'est pas encore légitime candidate à cette condition dans la mesure où il possède une qualité au moins, celle d'appartenir à l'imaginaire de ceux qui l'adopte. L'imaginaire agissant comme une pré-connaissance qui joue un rôle double : celui de produire des jugements de valeurs dans des situations de faible information, et d'orienter le processus de légitimation.

Dans cet essai nous considérons essentiellement un type de système d'information, celui des système de gestion de la relation client et des techniques qui lui sont attachées. Il nous fournira des exemples pour mieux comprendre comment utiliser le cadre théorique proposé et orienter de futures recherches empirique. L'enjeu étant de comprendre que les outils du CRM, entendu au sens le plus large ne se limitent pas à la fonction, mais deviennent le cadre même d'exercice de la fonction, fournissant par ailleurs les doctrines qui guident l'action et son usage. Notre réflexion restera cependant théorique.

1 UN POINT DE VUE MATÉRIALISTE DES SYSTÈMES D'INFORMATION

Avant toute autre considération, il est nécessaire de s'attacher à la dimension matérielle des systèmes d'information. Comme le relève récemment Leonardi et Barley, les TI comme artefact, produit du génie, de l'ingénierie, ont été l'objet d'une attention moins grande que les pratiques, les usages, le contexte social.

Les examiner comme artefacts, c'est prendre en compte la manière dont les spécificités techniques déterminent ou au moins influencent les comportements des agents. Du point de vue de ces auteurs, des approches telles que la théorie de la richesse des médias (Daft and al; 1986, 87) ou celles de la synchonicité (Dennis, Fuller, et Valacich; 2008), même si elles tentent d'appréhender les propriétés des techniques, leur niveau d'abstraction élevé efface la matérialité des artefacts, et ce en quoi leurs propriétés conditionnent, déterminent, contraignent l'adoption, les usages, l'appropriation. Richesse informationnelle optimale du média ou syntonie de ces médias et leur ajustement au rythme de la communication, la technique se révèle dans son effet et pas dans son possible.

Le propre du fait techniques est son indétermination. Si la conception de l'objet ou de la machine est conduite dans l'intention de produire une fonctionnalité, les choix successifs dessinent un champs de potentialités, des degrés de liberté pour les acteurs.

Quelle est l'étendue de ce champs et quels variétés de comportements possibles laissent-ils aux acteurs? Un cas remarquable que nous avons observé dans le secteur de la distribution est celui d'une entreprise qui implémentant un outil de Siebel dans le but initial d'analyser les comportements de ses clients et d'identifier les clients fidèles, c'est aperçu que le système permettait aussi de détecter les clients sous-consommateurs dans telle ou telle catégories de produits et de leur proposer ainsi des offres spécifiques permettant de conquérir ces clients et d'accroitre la part de marché dans les catégories visée. Dans le même esprit, le cas du SMS est largement cités : cette fonctionnalité technique et interne a depuis connu un large succès. Entre la fonction planifiée et la fonction d'usage des différences substantielles peuvent être observées.

Ce n'est pas sans raison qu'un débat s'est ouvert avec l'introduction de la notion « d'affordance » que l'on peut définir comme ce qui est offert à l'utilisateur indépendamment ce que qu'il perçoit lui être proposé. Cette notion désormais populaire vient de la psychologie (Gibson, 1979) et a été popularisé par et Norman (1988). un accord se constitue sur l'idée que les propriétés propres de la technologie ne permettent pas forcement de comprendre leur usage, c'est l'héritage de Down et Mohrs, des ambiguïtés subsistent quand à sa nature.

Même se restreignant à ce qui est possible, ce possible est défini lui-même par les capacité de l'utilisateur, même si celui-ci n'en a pas conscience. L'affordance reste une relation, qui plus est est situé dans un contexte d'usage que définissent les connaissances des utilisateurs et les propriété de la technologies, y compris celles dont l'usage n'a pas été prévus par les concepteurs. L'avantage du concept ceci dit est de rendre compte qu'il y a des éléments propres au dispositif techniques. Encore que ce point de vue puissent être discutés, dans la mesure où les artefact sont le produit d'une intention humaine. Les affordances peuvent être programmées par le design.

Mais même dans cette perspective, la notion d'affordance garde un intérêt particulier dans la mesure où elle consacre une autonomie de la technologie à l'égard de ses concepteurs, et de ses utilisateurs. C'est la signification profonde d'une conception matérielle de la technologie. Elle offre des possibilités, mais imposent aussi des contraintes, indépendamment de ses usagers, mais aussi de ses concepteurs. L'artefact dans la nature même de son objet ne révèle ses propriétés que dans la relation aux tiers, qui peuvent en découvrir des propriétés nouvelles, et compte tenu de leurs propres déterminations en trouver des usages inattendus.

L'économie matérielle des systèmes d'information se révèle ici d'un système de sélection de ce qui est offert aux usagers. La compétition joue moins par la fixation d'un prix sur le marché, mais souvent par des effets de réputation et la constitution de conventions. C'est une hypothèse classique de l'écologie des population. Cet effet légitimise l'usage de certaines technologies et en assure le succès. Parmi ses propriétés importantes les externalité de réseaux jouent un rôle primordial. Avec un tel modèle c'est une perspective évolutionniste qui se dessine. Entre les usagers et les technologies un mouvement continu d'offres de nouvelles pratiques et de sélection de certaines anime la vie des technologies.

2 L'INSTITUTIONNALISATION DES SI

L'institution en matière d'analyse du management des SI est une idée fortement enracinée. Elle bénéficie d'une influence forte de Giddens, mais les thèses de l'isomorphisme ne sont pas oubliée, ni la théorie de l'acteur. Elle mérite un examen particulier et notamment celui de son caractère institutionnel. Ce terme est souvent utilisé de manière lâche, se confondant parfois à la bureaucratie, résumée à un principe hiérarchique, et s'adossant sur des éléments culturels.

De nombreuses formes sociales sont décrite comme des institution : le mariage, la famille, l'Etat, la Justice, la médecine, ...Les matériaux et les structures de ces formes sociales sont diverses, mais leur point commun est de détenir une propriété particulière, celle de pouvoir prétendre à un droit, donné par la collectivité, la légitimité.

On définit couramment l'institution comme un ensemble de relations qui agissent comme des règles, des normes, et les croyances qui s'y rapportent. Elles sont durables, c'est sans doute leur principale propriété, durable et stable même si elles évoluent. Les courant institutionnalistes ont mis l'accent sur différents aspect (Scott, 1987). Leur ancrage se fait dans l'histoire ( Scelsnik). Elles contraignent l'action de manière universelle. L'institution est commune à tous, sa règle s'impose à tout, à moins de faire la révolution. Cependant et c'est sans doute un de ses traits les plus caractéristique., elle maintient son existence par celui de sa légitimité. Une institution qui perd sa légitimité est une institution qui va a la ruine, où ne redevient qu'une des multiples organisations qui se soumette à l'ordre institutionnel. La règle sans légitimité n'est qu'un dictat.

Revenons à une définition de la légitimité, désormais classique dans le champs de la théorie des organisations , celle proposée par Suchman en 1995. La légitimité est l'acceptation sociale d'un objet. Une acceptation qui comprend un triple volets pragmatique, moral et cognitif. Une chose est socialement acceptée pour autant qu'elle correspond aux catégories cognitives en vigueur, qu'elle s'accorde aux valeurs usuelles, et qu'elle soit utile. Cette approche se distingue assez nettement par sa généralité d'un point de vue plus européen dont Weber a forgé la théorie : celle d'un droit particlier, le droit d'avoir droit, notamment au pouvoir. La légitimité d'une chose est donc cette propriété particulière d'un objet, d'une norme, d'un ensemble de règle qui est accepté par tous et à laquelle la collectivité accorde des droits spécifiques. Il n'en reste pas moins que cette légitimité demeure mystérieuse dans sa provenance. Par quel processus est-elle accepté par tous ? Par quel voies ce droit se définit. Voici une vaste question dont nous ne donnerons pas de réponse générale et complète, mais pour laquelle des éléments particuliers peuvent être introduits en s'interrogeant sur la question de l'appropriation et de l'innovation.

En limitant notre observation à l'adoption des systèmes de CRM, on ne peut qu'être frappé en examinant la littérature et en observant les faits par un double constat. Le premier est l'adoption progressive mais systématique de ces outils dans les systèmes de gestion marketing, le second leur échec fréquents. L'argument utilitariste ferait de la contribution à la performance le moteur de la diffusion de ces systèmes, mais comme de nombreuses enquêtes le relève les taux d'échec sont de l'ordre de 50% (http://blogs.zdnet.com/projectfailures/?p=4967 ). On serait tenté d'argumenter en évoquant les phénomènes d'isomorphisme institutionnels, mais se référer à des pressions normatives, qu'elles soit mimétique, ou XXX. Ne résoud pas le problème.

3 L'IMAGINAIRE DES SI.

On sait depuis longtemps que l'adoption d'une innovation ne se confond pas à son appropriation, l'adoption de l'usage ne dit rien de cet usage. Qu'une technique soit utilisée, ne dit pas comment elle le sera. Le détournement d'usage des innovations technologiques, a conduit certains à concevoir l'innovation comme une traduction ( Latour). Dénombrer ceux qui adoptent une innovation devient alors moins important que de savoir comment l'innovation est adoptée, de quelle manière les utilisateurs s'approprient ou enrôlent l'objet nouveau.

La définition la plus courante de l'appropriation désigne l'action de faire soi ce qui était autre. Elle inclut le transfert de propriété, libre ou forcé, le titre de propriété, mais signale surtout un processus de subjectivisation. L'objet qui appartient à d'autres, ou simplement n'a pas encore de place de l'espace subjectif de nos catégories, nos représentations, nos routines, nos actions, nos fantasmes, nous est assujetti, jusqu'à parfois devenir une part de nous même.

Ce n'est pas par hasard que l'appropriation de l'espace est une thématique fréquente, on ira voir avec intérêt le travail de Perla Serfaty sur ce sujet. La psychologie de l'environnement est une vieille thématique, mais d'une actualité toujours aussi présente en marketing comme en témoigne Richard Ladwein, Bernard Cova ou Gael Bonnin. Ses modalités sont multiples, de l'espace familier aux territoires du voyage, au bureau comme dans le salon.

L'instance du territoire n'épuise pas le fait de l'appropriation, elle traite de la prise de pouvoir sur les objets, peu de d'identification. L'appropriation en plus d'insérer un objet dans l'espace personnel, construit des liens à soi, qui contribuent à ce que le sujet s'identifie dans ces objets, les investit d'affects, en fait des objets transitionnels, riches de symboliques et devenant parfois si intimes qu'ils deviennent une partie de soi : le tatouage en témoigne de manière éclatante.

L'appropriation peut ainsi aussi se définir comme processus de production de sens en connectant l'objet et ses propriétés. L'appropriation se réfère alors comme un rapport à l'abstrait et au complexe, et pourrait s'analyser comme un processus de tangibilisation. Une double stratégie d'accommodation et d'assimilation est mise en œuvre accompagnée d'actions destinées à produire du sens. Tactiques de tests, de cartographie, d´essais, de catégorisation, d'expérimentation, de représentation, d'explorations, vont inclure l'objet dans un tissu de signification tel que certains l´interprètent comme une narration, le sense making devient alors un story telling. On s'approprie bien notre passé ainsi, en en faisant des histoires.

Dans la perspective de Vygotsky l'appropriation est le processus de reconstruction des schèmes d'utilisation lors d une activité. Cette approche met l'accent sur l'action, et principalement sur la répétition. S'approprier une autre connaissance, c'est en répéter l'usage. L'exemple du sport en est la parfaite illustration : s'approprier un geste c'est le répéter à l'infini jusqu'à atteindre une sorte de perfection que les aléas remettent en cause constamment. Cette conception a l'avantage de prendre en compte les objets appropriés au travers des contraintes qu'ils imposent à l'action, manifestant un plus grand pragmatisme. Elle reconnaît aussi dans l'action le fait que les objets soient altérés par les usagers, modification de l'objet lui-même ou de son mode opératoire, de sa destination ou de son environnement de travail, l'appropriation est aussi un ajustement.

Revenons à notre point initial qui portait sur l'innovation. Adoption, Appropriation, Légitimation en sont les trois temps principaux. Si le premier concerne une économie où l'innovation est un bien qui s'évalue en terme de bénéfices attendus et de coûts engagés pour en bénéficier, une économie de l'adoption, et le dernier comme un processus qui rend acceptable et accepté un nouvel objet dans l'écologie sociale, une sociologie de l´institutionnalisation. Le temps de l'appropriation est celui d'une subjectivisation. C'est par l'expérience que l'objet nouveau va prendre place dans l'usage jusqu'à devenir une part de soi.

On remarquera que pour certains auteurs, Silverstone principalement, dans le processus d'appropriation, une des premières étapes réside justement dans la légitimation. On peut s'interroger sur ce point. Si dans le modèle canonique de Rogers la légitimation apparaît comme une des étapes les plus tardive,

Le modèle d'appropriation proposé par Silverstone (1992) comprend trois grande phase

  • model

  • Appropriation: taking possession (commodity-> Object)

  • Objectivisation: giving meanings through spatial disposition and objects interaction...

  • Incorporation in everyday routines and control activities.

  • Conversion: legitimation of usage.

L'imaginaire matériel de l'appropriation

Patrice Flichy (2001) , dans un ouvrage remarqué, réinscrit l'imaginaire du net dans les structure de l' imaginaire américain que constituent la nouvelle frontière, la communauté et l'individu. Bref la structure du Western reste quand les formes changent.

L'effort de comprendre comment se structure l'imaginaire est sans doute bien utile pour dénoncer ce qu'il y a d'utopique, ou d'idéologique dans les discours produit par les acteurs et les contempteurs des technologies de l'information et de leurs applications à l'économie, mais reste finalement d'un intérêt limité pour le gestionnaire. Dans l'ouvrage de Flichy, une chose est d'un intérêt plus remarquable : en reprenant les catégories produites par Paul Ricoeur, celle de l'utopie et de l'idéologie, qui sont deux faces du même imaginaire social s'articulant autour de la question de l'autorité, l'une ayant pour fonction de la conforter et l'autre de la contester, il construit un modèle fécond pour comprendre comment l'innovation technique s'inscrit où non dans la réalité sociale. D'une certaine manière, le réel n'existe pas sans imaginaire social. C'est ainsi rejoindre Godelier dans son affirmation de la primauté du réel sur le symbolique et dessiner une alternative à la théorie de l'acteur réseau de Latour qui, si elle a l'avantage et l'originalité de placer humains et objets (techniques) sur un même plan, oublie que la réalité ne se confond pas à l'actuel.

Le grand mérite de Flichy est finalement de rappeler l'importance de l'imaginaire social dans l'adoption, et mieux encore l'appropriation des technologies de l'information par la société et ses acteurs. Pour allez vite sans imaginer l'utopie du client, de la conversation, de la relation, nous n'aurions pas les technologies du marketing. Sans cette utopie, l'idéologie qui se forge dans les cabinets, les séminaires, les congrès, n'aurait pas construit cette nouvelle réalité des marchés.

L'imaginaire des Tic est une chose évidente à première vue. De suite on se souvient de Hal, et plus récemment de matrix, avec un poil de culture en plus on pensera au babylone babies de Dantec, la production de genre est riche en la matière, sans compter leur père à tous Orwell. Qu'elle soit cinématographique ou romanesque la production des images des technologies de l'information est volumineuse, elle dit nos fantasmes, nos espoirs, les peurs, et cette manière dont nous donnons une forme à des idées. Mais qu'est-ce que l'imaginaire? Un catalogue d'image? Une sorte de bestiaire? Un musée rêvé? Mythologies, archétypes, grammaire , nombreux ceux qui ont tenté d'en mettre à jour les structures Jung, Eliade, Caillois, Bachelard, Durand pour jeter quelques noms dans le désordre. Et dans leur suite on pourrait se demander quel est l'imaginaire des technologies de l'information?

Dans la compréhension dont les technologies sont appropriées par la société et par ses acteurs, il faut donc accepter que l'adoption d'une technique ne se fait pas en fonction de son utilité, c'est l'hypothèse rationnelle du TAM, mais en fonction de sa légitimité, laquelle se forge dans le jeu des imaginaires. Nous en revenons dans une certaine mesure à la perspective Weberienne. Il n'est pas de pouvoir sans légitimité, et quand bien même Weber aurait donner à la forme rationnelle légale, la plus forte des légitimités, c'est bien l'idée que la légitimé se fonde dans un imaginaire, utopique et/ou idéologique qui est produite depuis bien longtemps.

Voilà qui peut nourrir une réflexion neuve quand au statut des technologies de l'information et leur rôle dans les système de gestion. Elles ne sont pas de purs construits sociaux comme une large littérature le défend, leur réalité se forge dans leur matérialité, ces éléments concrets qui au regard des acteurs, muni d'un certain imaginaire, leur permettent de mettre en œuvre ce que l'on appelle des affordances. Ne serait-ce pas le sens profond du slogan de «Vous l'avez rêvé, Sony l'a fait! » ?

Mais plus encore, elles se constitueraient comme institutions, imposant par la légitimation de leurs être, des règles acceptables par tous. Au-delà de la question de la place de la légitimité dans le processus d'appropriation, c'est cette hypothèse qui va au-delà du travail de Flichy que nous devons explorer. L'usage des technologie dépend moins de leurs fonctions et leur performance que de leur caractère institutionnel, c'est à dire d'apparaître de manière légitime comme la manière de faire appropriée dans un contexte donné.

Un bel exemple de cette théorie se manifeste aujourd'hui avec Twitter. Nul ne sait véritablement ce qu'apporte la technique, et même en l'utilisant on peut s'interroger raisonnablement sur son intérêt. Mais on perçoit clairement dans les discours, les commentaires, à la fois ces éléments utopiques d'une communication libérée de presque toute formes, alternatives aux formats dominants ( on renvoie aux oppositions entre Twitter et Facebook) mais aussi ces éléments idéologiques qui se concrétise dans ces multiples livres de recettes et injonctions en tout genres. Voilà qui légitime d'ajouter le bouton t sur de nombreux sites, et qui par un mécanisme de mimétisme (isomorphique au sens de Powell et Di Maggio) construit et renforce l'institution. Twitter est non seulement un objet technique et fonctionnel qui pénètre les multiples objets du net, c'est aussi une règle de comportement ( renvoyer par ce canal ce qui semble intéressant), une règle d'évaluation ( la valeur des information dépend du nombre de RT), mais aussi un signe, disons, de maturité. Quand à l'usage il est encore largement peu déterminé et n'est le fait que du groupe dominant en terme 'activité ( 10% des usagers génèrent 90% du traffic).1 1 http://blog.comscore.com/2009/05/twitter_traffic_quadruples.html; http://sysomos.com/insidetwitter/appendix

Quand à l'usage, c'est la matérialité de la technologie, qui le constituera par ce qu'elle offre, la particularité de cette technologie, est que ce qu'elle offre n'est pas encore tout à fait définies puisque ces « affordances » se construisent tous les jours par l'arrivée sur le marché de nouveaux gadgets, de nouvelles applications, de nouvelles intégrations. Ce qui est remarquable dans le cas est que l'adoption se produit bien avant que soit réalisée sa véritable utilité.

4. CONCLUSION

La réflexion menée dans cette contribution aboutit à proposer un cadre d'analyse de l'institutionnalisation des SI qui s'appuie sur les quatre concepts évoqué jusqu'à présent et qui peut être formulé de la manière suivante.

Les technologies de l'information, et les systèmes CRM ne sont sont pas des objets donnés en tant que tels, mais des artefacts qui dessinent un champs de potentiel et de contraintes virtuelles qu'actualisent les acteurs pour autant qu'ils les adoptent. Objets mal connus, et difficilement évaluable par une raison substantielles, ils font l'objet d'un double processus d'appropriation et de légitimation qui se renforcent l'un et l'autre.

L'appropriation est ce processus de subjectivisation qui requiert que l'objet encore indéfini soit au moins jugé comme légitime dans l'usage envisagé, et c'est par les interaction, l'expérimentation, que peu à peu il s'intègre dans les activités.

Parallèlement les usages et l'objet sont légitimés dans la mesure où les actions prennent sens dans l'imaginaire courant qu'il soit utopique ou idéologique. Et nous n'excluons pas loin de là, que justement cette légitimation s'accompagne d'une forte production idéologique et utopique. Les deux topiques ne s'excluant pas mais par une dialectique politique constituent justement le légitime. Une légitimité que le l'appropriation généralisée renforce.

Une telle grille d'analyse semble correspondre assez bien à l'évolution de cette pratique du CRM qui s'est construite depuis les années 80 dans le double mouvements, pas encore achevée, du développement des artefacts techniques, et d'un imaginaire oscillant entre l'idéologie forgée par les cabinets de conseils, et « l'utopie » des révolutionnaires du marketing. Une imaginaire en constante évolution dont il reste à caractériser de manière plus précise les structures et les mouvements, même si on peut discerner assez précisément des phases caractéristiques : le rêve de la relation et l'ordre de la surveillance, l'idéologie du One-to-one et l'utopie de la connaissance client, la chimère du social et la doctrine du web2.0, l'illusion des nuages et le dogme du Saas.

Manuscript first received: 01/06/2009

Manuscript accepted: 01/08/2009

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  • Address for correspondence
    Christophe Benavent
    University of Paris Ouest Nanterre La Défense
    Avenue de la. République,. 92001 Nanterre.
    Cedex. 06 11 35 76 56, France
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  • Publication Dates

    • Publication in this collection
      23 Feb 2011
    • Date of issue
      2009

    History

    • Accepted
      01 Aug 2009
    • Received
      01 June 2009
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