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Baudelaire, philosophe de l’histoire ?

Baudelaire, philosopher of history?

Résumé

Cet article se propose d’explorer la conception de l’histoire de Baudelaire : sa polémique contre l’idée de progrès ; ses idées sur le concept de décadence ; sa conviction que le péché est inévitable.

Mots-clés
Baudelaire; histoire; décadence; péché originel

Resumo

O presente artigo propõe explorar a concepção de História de Baudelaire: sua polêmica contra a ideia de progresso; suas ideias a respeito do conceito de decadência; sua convicção de que o pecado é inevitável.

Palavras-chave
Baudelaire; História; Decadência; Pecado Original

Abstract

This article discusses some aspects of Baudelaire’s philosophy of history: his polemic against the idea of progress; his theory of decadence; his faith in the inevitability of sin.

Keywords
Baudelaire; history; decadence; original sin

Toute une tradition s’est accordée à nier à Baudelaire les prérogatives du philosophe. Ses détracteurs lui ont rapproché son indigence d’idées. Jules Lemaître, en 1887, compare ses pensées à un « balbutiement prétentieux et pénible ». « On n’imagine pas une tête moins philosophe » (LEMAITRE, 1887LEMAITRE, Jules. Bibliographie. In : BAUDELAIRE, Charles. Œuvres posthumes et correspondances inédites […]. Journal des débats, 4 juillet 1887, p. 1-2., p. 1-2, ici p. 1, dans la rubrique « La Semaine dramatique » ; LEMAITRE, 1889, p. 17-32, p. 21LEMAITRE, Jules. Les Contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série. Paris : Lecène et Oudin, 1889.), tranche-t-il. Paul Bourget fait la distinction entre Stendhal « philosophe » et Baudelaire « rhéteur », même si, chez ce dernier, le « machiavélisme de [l]a rhétorique » tenait lieu de « réflexion » (BOURGET, 1880, p. 2-3BOURGET, Paul. Statues et bustes. Le Parlement, 1er déc. 1880. ; GUYAUX, 2007, p. 569-570GUYAUX, André. Baudelaire. Un demi-siècle de lectures des Fleurs du Mal (1855-1905) . Paris : Presses de l’Université Paris-Sorbonne , 2007, ici p. 569). Selon Paul Souday, le poète des Fleurs du Mal est un « faux penseur ». Et André Gide lui répond : « Pourquoi faux ? Baudelaire n’est pas un “penseur” du tout1 1 Note rédigée en mai 1920. » (GIDE, 1996, p. 1109GIDE, André. Journal. Édition établie, présentée et annotée par Éric Marty. Paris : Gallimard , 1996. (Coll. Bibliothèque de la Pléiade).).

Mais la pensée de Baudelaire a trouvé aussi ses défenseurs. Son écrit sur l’« essence du rire » paraît à Émile Deschamps, en septembre 1867, comme l’« étude charmante et profonde d’un philosophe, d’un poète et d’un esprit si lumineux2 2 Émile Deschamps à Baudelaire, 2 septembre 1857. » (PICHOIS, 1973, p. 133PICHOIS, Claude. Lettres à Baudelaire. Collaboration de Vincenette Pichois. Neuchâtel : À la Baconnière, 1973. (Coll. Langages).). Charles Asselineau prétend que, en Baudelaire, « l’artiste se doublait d’un philosophe, et que le philosophe dominait » (ASSELINEAU, 1869ASSELINEAU, Charles. Charles Baudelaire, sa vie et son œuvre. Paris : Alphonse Lemerre, 1869. ; rééd. dans ASSELINEAU, 1953, p. 75ASSELINEAU, Charles. Baudelaire et Asselineau. Textes recueillis et commentés par Jacques Crépet et Claude Pichois. Paris : Nizet, 1953.). Barbey d’Aurevilly et Villiers de L’Isle-Adam le considèrent comme un « penseur ». Victor Hugo s’adresse à lui comme à un « penseur », car « tout poète », écrit-il, contient un « philosophe »3 3 La lettre de Barbey d’Aurevilly à Trebutien du 27 mars 1856, la lettre de Villiers de L’Isle-Adam à Baudelaire de la fin de décembre de 1859 et la lettre de Hugo à Baudelaire du 29 avril 1860. (PICHOIS, 1973, p. 39-40PICHOIS, Claude. Lettres à Baudelaire. Collaboration de Vincenette Pichois. Neuchâtel : À la Baconnière, 1973. (Coll. Langages)., 191, 387).

Mais comment affronter la pensée de Baudelaire sans ouvrir le dossier périlleux des rapports entre la poésie et la pensée ? Nietzsche, pour qui Baudelaire incarne et résume à la fois la modernité et la décadence littéraires, dira que les « idées des poètes marchent voilées, comme les Égyptiennes4 4 Humain, trop humain, II, dans la partie « Le voyageur et son ombre », § 105. » (NIETZSCHE, 1993NIETZSCHE, Friedrich. Œuvres. Édition dirigée par Jean Lacoste et Jacques Le Rider. Paris : Robert Laffont , 1993. (Coll. Bouquins)., t. I, p. 873).

Baudelaire revendique une pensée des idées discordantes, en quête, dans la lignée romantique, d’une unité profonde, des correspondances mystérieuses, d’une coincidentia oppositorum. Parmi les droits fondamentaux oubliés, il choisit le « droit de se contredire » : la contradiction est à la fois un « apprentissage spirituel » (LABARTHE, 1999LABARTHE, Patrick. Baudelaire et la tradition de l’allégorie. Genève : Droz, 1999. (Coll. Histoire des idées et critique littéraire)., p. 76), comme l’observe Patrick Labarthe, et le privilège de l’homo duplex, «touched with pensiveness5 5 « Un mangeur d’opium », dans Les Paradis artificiels (janvier 1860). » (BAUDELAIRE, 1975, t. I, p. 444BAUDELAIRE, Charles. Œuvres complètes. Texte établi, présenté et annoté par Claude Pichois. Paris : Gallimard , 1975. (Coll. Bibliothèque de la Pléiade).), où pensée et rêve cohabitent. À Astolphe de Custine, Baudelaire emprunte la thèse selon laquelle « apprendre c’est se contredire », parce qu’il y a un « degré de conséquence qui n’est qu’à la portée du mensonge »6 6 [Aphorismes]. L’expression figure dans la lettre V de La Russie en 1839 de Custine, Bruxelles, Wouters, 1843, p. 83. (BAUDELAIRE, 1975, p. 710BAUDELAIRE, Charles. Œuvres complètes. Texte établi, présenté et annoté par Claude Pichois. Paris : Gallimard , 1975. (Coll. Bibliothèque de la Pléiade).). Edgar Poe, poète-philosophe qui lui a « appris à raisonner7 7 Hygiène. Conduite. Méthode. Morale, fo88. » (BAUDELAIRE, 2016, p. 127BAUDELAIRE, Charles. Fusées. Mon cœur mis à nu. Édition d’André Guyaux. Paris : Gallimard, 2016. (Coll. Folio classique).), se « contredit quelquefois fortement, ce qui fait son éloge » (BAUDELAIRE, 1975, t. II, p. 287BAUDELAIRE, Charles. Œuvres complètes. Texte établi, présenté et annoté par Claude Pichois. Paris : Gallimard , 1975. (Coll. Bibliothèque de la Pléiade).), lit-on dans la préface aux Histoires extraordinaires. Dans ses rapports à la philosophie, dans un siècle qui a assisté au foisonnement des systèmes, Baudelaire a usé de ce droit qu’il invoque. Le Spleen de Paris traduit, en ce sens, les grandes contradictions de la vie moderne et de l’art qu’elle inspire.

Aucun des grands paradigmes théoriques de son temps a été étranger à Baudelaire : le mysticisme de Swedenborg, le socialisme utopique, le fouriérisme, l’anarchisme de Proudhon, l’homéopathie d’Ignace-Adrien D’Oroszko, le mesmérisme, la spéculation de Josef Hoëné-Wronski, la théosophie, les réflexions scientifiques de Geoffroy Saint-Hilaire et de Buffon. Tenté par toutes les doctrines, il n’adhère à aucune. Claude Pichois a parlé en ce sens de l’« hétérodoxie » (PICHOIS, 2005, p. 57PICHOIS, Claude. Retour à Baudelaire. Genève : Slatkine Érudition, 2005.) de Baudelaire, pour indiquer son attitude face à cette constellation d’écrivains et de penseurs, aujourd’hui peu ou prou connus, dont les noms apparaissent dans ses écrits. « La Philosophie est tout» (BAUDELAIRE, 1973, t. I, p. 190BAUDELAIRE, Charles. Correspondance. Texte établi, présenté et annoté par Claude Pichois avec la collaboration de Jean Ziegler. Paris : Gallimard , 1973. (Coll. Bibliothèque de la Pléiade).), écrit Baudelaire en mars 1852 à Poulet-Malassis. Cependant il stigmatise l’« art philosophique », cette « monstruosité » qui érige en modèle l’« hérésie didactique », et qui voudrait livrer l’art à la suprématie de l’idée et du concept8 8 « L’art philosophique ». (BAUDELAIRE, 1975, p. 598BAUDELAIRE, Charles. Œuvres complètes. Texte établi, présenté et annoté par Claude Pichois. Paris : Gallimard , 1975. (Coll. Bibliothèque de la Pléiade).). L’« enseignement », dans l’art et dans la littérature, paraît à Baudelaire une aberration, et les artistes philosophes, des « hérétiques ».

On serait tenté de répondre négativement à cette question : « Baudelaire philosophe de l’histoire ? » Et pourtant plusieurs pages de son œuvre invitent à se pencher sur sa réflexion autour du devenir historique. Même si l’on ne peut déterminer un système homogène et défini, on considérera quelques axes ou versants de sa méditation sur l’histoire, qui s’entrecroisent et s’alimentent réciproquement.

Le premier de ces versants est la polémique que Baudelaire entretient avec l’idée de progrès, qu’il définit dans Le Diable [Le Joueur généreux] la « grande idée du siècle » (BAUDELAIRE, 2017, p. 130BAUDELAIRE, Charles. Le Spleen de Paris. Présentation, notes, dossier, chronologie, bibliographie par Aurélia Cervoni et Andrea Schellino. Paris : Flammarion, 2017. (Coll. GF).). Réfractaire aux mythes qui séduisent ses contemporains, il se dresse contre la « grande chimère des temps modernes, le ballon-monstre de la perfectibilité et du progrès indéfinis » (BAUDELAIRE, 1975, t. II, p. 758BAUDELAIRE, Charles. Œuvres complètes. Texte établi, présenté et annoté par Claude Pichois. Paris : Gallimard , 1975. (Coll. Bibliothèque de la Pléiade).). C’est notamment dans ses écrits sur Poe et sur Gautier, et dans son compte rendu de l’Exposition universelle de 1855, qu’il développe ses arguments contre l’idéologie du progrès. Instituée par décret impérial en mars 1853, l’Exposition universelle de Paris marque l’apogée de l’idéologie du Second Empire. Pour la première fois, une exposition des beaux-arts est organisée à côté des expositions industrielle et agricole, qui avaient déjà eu lieu à Londres en 1851. Le 15 novembre 1855, dans son discours de clôture, le prince Napoléon, président de la commission, affirme que le « spectacle des progrès réels accomplis dans la voie du bien-être moral et matériel a développé parmi tous, étrangers et Français, des sentiments de considération réciproque9 9 Le prince Napoléon était fils de Jérôme Bonaparte et neveu de Napoléon Ier. » (BONAPARTE, 1857, p. 404BONAPARTE, Napoleón. Rapport sur l’Exposition universelle de 1855. Présenté à l’Empereur par S. A. I. le prince Napoléon. Paris : Imprimerie impériale, 1857. ).

Dans le premier volet de l’article qu’il consacre à l’Exposition universelle, Baudelaire greffe à ses réflexions sur la « beauté universelle » une dure attaque contre l’idée de progrès :

Ce fanal obscur, invention du philosophisme actuel, breveté sans garantie de la Nature ou de la Divinité, cette lanterne moderne jette des ténèbres sur tous les objets de la connaissance ; la liberté s’évanouit, le châtiment disparaît. Qui veut y voir clair dans l’histoire doit avant tout éteindre ce fanal perfide. Cette idée grotesque, qui a fleuri sur le terrain pourri de la fatuité moderne, a déchargé chacun de son devoir, délivré toute âme de sa responsabilité, dégagé la volonté de tous les liens que lui imposait l’amour du beau : et les races amoindries, si cette navrante folie dure longtemps, s’endormiront sur l’oreiller de la fatalité dans le sommeil radoteur de la décrépitude. Cette infatuation est le diagnostic d’une décadence déjà trop visible10 10 « Exposition universelle. 1855. Beaux-arts. 1. Méthode de critique ». (BAUDELAIRE, 1975, t. II, p. 580BAUDELAIRE, Charles. Œuvres complètes. Texte établi, présenté et annoté par Claude Pichois. Paris : Gallimard , 1975. (Coll. Bibliothèque de la Pléiade).).

Or Baudelaire nie que le progrès matériel ou scientifique du passé constitue une « garantie du progrès pour le lendemain » (BAUDELAIRE, 1975, t. II , p. 580-581BAUDELAIRE, Charles. Œuvres complètes. Texte établi, présenté et annoté par Claude Pichois. Paris : Gallimard , 1975. (Coll. Bibliothèque de la Pléiade).). De surcroît, la croyance dans un progrès indéfini déresponsabilise l’homme et le prive de sa volonté de s’améliorer et de se racheter, par l’art et par la connaissance. Dans Mon cœur mis à nu, Baudelaire écrira que cette « croyance » est « une doctrine de paresseux, une doctrine de Belges», et en fait découler une conséquence importante : « Il ne peut y avoir de progrès (vrai, c’est-à-dire moral) que dans l’individu et par l’individu lui-même11 11 Mon cœur mis à nu, fo15. » (BAUDELAIRE, 2016, p. 87BAUDELAIRE, Charles. Fusées. Mon cœur mis à nu. Édition d’André Guyaux. Paris : Gallimard, 2016. (Coll. Folio classique).). Toute idée de perfectionnement collectif est une mystification. Le progrès est ainsi soustrait au devenir historique, et demeure une simple possibilité de l’individu. Par conséquent, dans l’« ordre poétique et artistique », « tout révélateur a rarement un précurseur ». Selon Baudelaire, « toute floraison est spontanée, individuelle » et l’artiste « ne relève que de lui-même » (BAUDELAIRE, 2016, p. 581BAUDELAIRE, Charles. Fusées. Mon cœur mis à nu. Édition d’André Guyaux. Paris : Gallimard, 2016. (Coll. Folio classique).).

La philosophie du progrès nuit à l’imagination : elle encourage la confusion entre les phénomènes « du monde physique et du monde moral, du naturel et du surnaturel », qui sont régis par un principe de « différence ». La « voie du progrès » est celle de la « domination progressive de la matière » (BAUDELAIRE, 2016, p. 616BAUDELAIRE, Charles. Fusées. Mon cœur mis à nu. Édition d’André Guyaux. Paris : Gallimard, 2016. (Coll. Folio classique).) ; il y a, en elle, un empêchement à la poésie et au libre épanouissement de l’esprit. Baudelaire récupère là les théories de Théophile Gautier, exposées dans la préface à Mademoiselle de Maupin, et de Chateaubriand. L’auteur des Mémoires d’outre-tombe avait remarqué une « contradiction phénoménale » (CHATEAUBRIAND, 2003, t. II, p. 1008CHATEAUBRIAND, François-René de. Mémoires d’outre-tombe. Deuxième édition revue et corrigée, édition critique par Jean-Claude Berchet. Paris : Le Livre de poche-Classiques Garnier, 2003. (Coll. La Pochothèque).) entre l’amélioration de l’état matériel des hommes et l’amoindrissement des nations. Et comme Baudelaire évoquera plus tard l’abaissement général de l’ordre spirituel, ordre censé assurer le génie artistique, Chateaubriand déplore la perte de l’« ordre moral » :

Dans le monde matériel les hommes s’associent pour le travail, une multitude arrive plus vite et par différentes routes à la chose qu’elle cherche ; des masses d’individus élèveront des pyramides ; en étudiant chacun de son côté, ces individus rencontreront des découvertes dans les sciences, exploreront tous les coins de la création physique. Mais dans le monde moral en est-il de la sorte ? Mille cerveaux auront beau se coaliser, ils ne composeront jamais le chef-d’œuvre qui sort de la tête d’Homère (CHATEAUBRIAND, 2003, t. II, p. 1010-1011CHATEAUBRIAND, François-René de. Mémoires d’outre-tombe. Deuxième édition revue et corrigée, édition critique par Jean-Claude Berchet. Paris : Le Livre de poche-Classiques Garnier, 2003. (Coll. La Pochothèque).).

Chez Chateaubriand comme chez Baudelaire, le divorce entre progrès matériel et mûrissement spirituel est entièrement consommé : le premier, collectif, provoque même une césure dans l’autre, qui ne fleurit que dans le terrain contingent de l’intériorité.

Lorsque Baudelaire dénonce le paradigme progressiste de l’histoire, héritage des Lumières et de la philosophie de Condorcet, il est parfois tenté de le transposer dans une forme, vicieuse et perverse, d’éternel retour. Qui sait, se demande-t-il dans son compte rendu de l’Exposition universelle,

si, délicatisant l’humanité en proportion des jouissances nouvelles qu’il lui apporte, le progrès indéfini ne serait pas sa plus ingénieuse et sa plus cruelle torture ; si, procédant par une opiniâtre négation de lui-même, il ne serait pas un mode de suicide incessamment renouvelé, et si, enfermé dans le cercle de feu de la logique divine, il ne ressemblerait pas au scorpion qui se perce lui-même avec sa terrible queue, cet éternel desideratum qui fait son éternel désespoir12 12 « Exposition universelle. 1855. Beaux-arts. Méthode de critique ». ? (BAUDELAIRE, 1975BAUDELAIRE, Charles. Œuvres complètes. Texte établi, présenté et annoté par Claude Pichois. Paris : Gallimard , 1975. (Coll. Bibliothèque de la Pléiade)., t. II, p. 581)

Deux ans plus tard, dans sa préface aux Nouvelles histoires extraordinaires, Baudelaire reformule cette hypothèse :

N’est-ce pas un sujet d’étonnement que cette idée si simple n’éclate pas dans tous les cerveaux : que le Progrès (en tant que progrès il y ait) perfectionne la douleur à la proportion qu’il raffine la volupté, et que, si l’épiderme des peuples va se délicatisant, ils ne poursuivent évidemment qu’une Italiam fugientem, une conquête à chaque minute perdue, un progrès toujours négateur de lui-même ? (BAUDELAIRE, 1975BAUDELAIRE, Charles. Œuvres complètes. Texte établi, présenté et annoté par Claude Pichois. Paris : Gallimard , 1975. (Coll. Bibliothèque de la Pléiade)., p. 325)

Cet « éternel désespoir » exprime une décadence qui se renouvelle indéfiniment. Baudelaire renverse la dynamique du progrès dans une fatalité de déchéance : la diffusion de cette idéologie préside à sa dégradation. À quelques reprises, il recourt au topos de l’assimilation des nations aux individus, qui connaissent une « enfance », une « jeunesse », une « maturité » et une « vieillesse »13 13 « Exposition universelle. 1855. Beaux-arts. Méthode de critique ». (BAUDELAIRE, 1975BAUDELAIRE, Charles. Œuvres complètes. Texte établi, présenté et annoté par Claude Pichois. Paris : Gallimard , 1975. (Coll. Bibliothèque de la Pléiade)., p. 582). Mais le « déplacement de la vitalité » universelle, à l’instar de la vitalité individuelle, repose sur des cycles dont l’évolution est imprévisible : « Souvent », écrit Baudelaire à propos des civilisations, « il arrive que c’est le principe même qui a fait leur force et leur développement qui amène leur décadence, surtout quand ce principe, vivifié jadis par une ardeur conquérante, est devenu pour la majorité une espèce de routine » (BAUDELAIRE, 1975BAUDELAIRE, Charles. Œuvres complètes. Texte établi, présenté et annoté par Claude Pichois. Paris : Gallimard , 1975. (Coll. Bibliothèque de la Pléiade)., p. 582).

Inséparable du progrès, la décadence constitue un autre versant de la réflexion de Baudelaire sur l’histoire. La décadence, la chute, ce sentiment de ruine est latent dans sa poésie ; et l’on sait que Théophile Gautier situe l’éclosion de l’art de Baudelaire dans la « maturité extrême que déterminent à leur soleil oblique les civilisations qui vieillissent » (GAUTIER, 1868GAUTIER, Théophile. Préface. In : BAUDELAIRE, Charles. Œuvres complètes. Paris : Michel Lévy, 1868. ; rééd. dans GUYAUX, 2007GUYAUX, André. Baudelaire. Un demi-siècle de lectures des Fleurs du Mal (1855-1905) . Paris : Presses de l’Université Paris-Sorbonne , 2007, p. 476). Sans entrer dans la discussion autour de la décadence littéraire, on se limitera à rappeler que, selon Giovanni Macchia, la « poétique de la mélancolie » de Baudelaire, qui est selon lui une « poétique automnale », instaure un rapport spécifique à la temporalité : c’est, écrit Macchia, un « état éclairé par le souvenir », « le temps de l’évocation » : « Quand Baudelaire s’enferme dans les limites les plus rigoureuses du présent (le présent de la ville), il est réveillé par le goût décadent de cette réalité très moderne. […] “Décadence” est ainsi la conscience de l’antiquité du présent » (MACCHIA, 1986MACCHIA, Giovanni. Baudelaire. Milan: Rizzoli, 1986., p. 170-171). Mais cette décadence n’est pas simplement la promesse d’une fécondité de l’imagination. Elle traduit une impossibilité d’être, une opacité dont le sujet poétique se charge. Georges Poulet a décrit cette pesanteur où l’« existence se présente sous la forme d’une immense continuité, vue dans une perspective rétrograde » :

Baudelaire, plus qu’aucun autre, a le sentiment intime du processus d’éternisation par lequel tout ce qui tombe dans le passé s’y immobilise une fois pour toutes. Le poète du remords est donc aussi celui d’un temps irrémédiable, dépouillé de toute liberté d’être (POULET, 1980POULET, Georges. La Poésie éclatée. Baudelaire-Rimbaud. Paris : PUF, 1980., p. 17-18).

Or Baudelaire a parfois voulu conférer à cette conscience les proportions de l’histoire. Dans un fragment en prose, « Symptômes de ruine », il exprime, à travers la description d’un rêve récurrent, l’accablement provoqué par la déchéance de la réalité. «Une tour-labyrinthe. Je n’ai jamais pu sortir. J’habite pour toujours un bâtiment qui va crouler, un bâtiment travaillé par une maladie secrète» (BAUDELAIRE, 1975BAUDELAIRE, Charles. Œuvres complètes. Texte établi, présenté et annoté par Claude Pichois. Paris : Gallimard , 1975. (Coll. Bibliothèque de la Pléiade)., t. I, p. 372), écrit Baudelaire, qui se demande : « Comment avertir les gens, les nations - ? » (BAUDELAIRE, 1975BAUDELAIRE, Charles. Œuvres complètes. Texte établi, présenté et annoté par Claude Pichois. Paris : Gallimard , 1975. (Coll. Bibliothèque de la Pléiade)., t. I, p. 372) Un fragment de Fusées, « Le monde va finir », témoigne d’un pessimisme sur l’avenir de la civilisation. Cette représentation a pu lui être inspirée par Le Phénomène futur de Mallarmé, qu’il avait jugé, dans La Belgique déshabillée, comme une « conception ingénieuse » : « Le monde va finir. L’humanité est décrépite14 14 La Belgique déshabillée, fo39. » (BAUDELAIRE, 2016BAUDELAIRE, Charles. Fusées. Mon cœur mis à nu. Édition d’André Guyaux. Paris : Gallimard, 2016. (Coll. Folio classique)., p. 155). Dans l’anti-utopie de Baudelaire, l’homme n’est même plus digne de l’état sauvage, qui présuppose une vitalité qu’il a perdue : « Le monde va finir. La seule raison pour laquelle il pourrait durer, c’est qu’il existe. Que cette raison est faible, comparée à toutes celles qui annoncent le contraire15 15 Fusées, fo22 vo. » (BAUDELAIRE, 2016BAUDELAIRE, Charles. Fusées. Mon cœur mis à nu. Édition d’André Guyaux. Paris : Gallimard, 2016. (Coll. Folio classique)., p. 72-73).

La décadence, qui est un mouvement de recul, pourrait paraître en contradiction avec l’idée que Baudelaire se fait de l’homme. C’est le troisième versant que je voudrais suggérer pour étudier sa pensée de l’histoire. Le poète souligne avec insistance la morne uniformité de l’« homme éternel », qu’il fige dans le spleen, le mal et le péché. Dans un fragment de Fusées, l’histoire, de même que la civilisation, est absorbée dans la nature défectueuse et violente de l’homme :

Quoi de plus absurde que le Progrès, puisque l’homme, comme cela est prouvé par le fait journalier, est toujours semblable et égal à l’homme, c’est-à-dire toujours à l’état sauvage. Qu’est-ce que les périls de la forêt et de la prairie auprès des chocs et des conflits quotidiens de la civilisation ? Que l’homme enlace sa dupe sur le Boulevard, ou perce sa proie dans des forêts inconnues, n’est-il pas l’homme éternel, c’est-à-dire l’animal de proie le plus parfait16 16 Fusées, fo21. ? (BAUDELAIRE, 2016BAUDELAIRE, Charles. Fusées. Mon cœur mis à nu. Édition d’André Guyaux. Paris : Gallimard, 2016. (Coll. Folio classique)., p. 69)

Cet « animal de proie » est marqué par le péché originel. Baudelaire emprunte à Maistre l’idée que la dégradation et la violence de l’homme présupposent une corruption originelle, qui l’entraîne dans « une funeste inclination au mal17 17 Voir aussi les notes d’André Guyaux dans son édition de Fusées et Mon cœur mis à nu, BAUDELAIRE, 2016, p. 396. » (MAISTRE, 2007MAISTRE, Joseph de. Œuvres. Texte établi, annoté et présenté par Pierre Glaudes. Paris : Robert Laffont, 2007. (Coll. Bouquins). , p. 489). Il y a, chez Baudelaire, un ordre profond qui est celui de l’immuable, et pour lequel il multiplie les attributs de cauchemar : l’irrémédiable, l’irréparable. Le péché originel « explique tout » et sans lui « on n’explique rien » (MAISTRE, 2007MAISTRE, Joseph de. Œuvres. Texte établi, annoté et présenté par Pierre Glaudes. Paris : Robert Laffont, 2007. (Coll. Bouquins). , p. 484), écrit Maistre dans Les Soirées de Saint-Pétersbourg. Selon lui, le péché originel se reproduit « à chaque instant de la durée, quoique d’une manière secondaire » (MAISTRE, 2007MAISTRE, Joseph de. Œuvres. Texte établi, annoté et présenté par Pierre Glaudes. Paris : Robert Laffont, 2007. (Coll. Bouquins). , p. 484-485). La chute peut bien se perpétuer tout au long de l’histoire. Cette idée obsède Baudelaire, et dans Mon cœur mis à nu il la propose comme critère théologique : « Qu’est-ce que la Chute18 18 Mon cœur mis à nu, fo33. ? » (BAUDELAIRE, 2016BAUDELAIRE, Charles. Fusées. Mon cœur mis à nu. Édition d’André Guyaux. Paris : Gallimard, 2016. (Coll. Folio classique)., p. 96), se demande-t-il : « Si c’est l’unité devenue dualité, c’est Dieu qui a chuté. En d’autres termes, la création ne serait-elle pas la chute de Dieu19 19 Mon cœur mis à nu, fo33. ? » (BAUDELAIRE, 2016BAUDELAIRE, Charles. Fusées. Mon cœur mis à nu. Édition d’André Guyaux. Paris : Gallimard, 2016. (Coll. Folio classique)., p. 96) - Hypothèse qui associe à la chute de l’homme la chute de Dieu, et relègue l’histoire au corollaire d’une dispersion ontologique.

Selon Baudelaire, au vu de l’éternel péché, progrès ou décadence ne peuvent qu’être des catégories relatives. Le seul événement véritable se produit au début, et c’est l’irréparable : selon Antoine Compagnon, Baudelaire « arrête l’histoire au temps de la chute », et oblige à envisager « l’homme éternel […] comme un statu quo» (COMPAGNON, 2003COMPAGNON, Antoine. Baudelaire devant l’innombrable. Paris : Presses de l’Université Paris-Sorbonne, 2003., p. 140).

Y a-t-il enfin, dans cet horizon désespéré, une perspective qui s’ouvre à l’homme ? Baudelaire n’attribue aucun rachat au plan collectif. C’est pourtant dans la mesure où l’individu prend conscience de sa chute et du mal, chez lui et dans l’histoire, qu’une forme d’amendement spirituel est peut-être envisageable. Dans Mon cœur mis à nu, Baudelaire énonce une « théorie de la vraie civilisation » : « Elle n’est pas dans le gaz, ni dans la vapeur, ni dans les tables tournantes, elle est dans la diminution des traces du péché originel20 20 Mon cœur mis à nu, fo58. » (BAUDELAIRE, 2016BAUDELAIRE, Charles. Fusées. Mon cœur mis à nu. Édition d’André Guyaux. Paris : Gallimard, 2016. (Coll. Folio classique)., p. 107). André Guyaux a attiré l’attention sur le caractère singulier de cette « théorie » énoncée dans Mon cœur mis à nu, qui « envisage que le péché échappe à sa permanence, à sa fatalité21 21 Voir ses notes Baudelaire (2016, p. 397). ». Pierre Jean Jouve a même considéré que dans ce texte « anti-manichéen » et « chrétien profondément » apparaît la spiritualité de Baudelaire :

Le péché originel étant la séparation opérée, dans la représentation humaine, entre le bien et le mal (ou, sur un autre plan, la blessure éternelle de l’éros par la mort), la diminution des traces est l’aspiration vers l’unité. Mais dans notre monde il ne s’agira que de « diminution », et c’est toujours à travers le mal que l’esprit devra tendre au bien (JOUVE, 2006JOUVE, Pierre Jean. Tombeau de Baudelaire (1958). [Saint-Clément-de-Rivière] : Fata Morgana, 2006., p. 31).

Mais l’individu peut-il contrarier la chute, et revenir, de dualité en dualité, jusqu’à l’unité perdue ? C’est, en tout cas, une perspective peu orientée vers l’avenir. La nouveauté semble y être bannie. Walter Benjamin, dans ses notes sur Baudelaire, s’était proposé de montrer comment « l’idée d’éternel retour pénètre au même moment dans le monde de Baudelaire, de Blanqui et de Nietzsche » (BENJAMIN, 2013BENJAMIN, Walter. Zentralpark (1938-1940). Baudelaire. Édition établie par Giorgio Agamben, Barbara Chitussi et Clemens-Carl Härle. Traduit de l’allemand par Patrick Charbonneau. Paris : La Fabrique, 2013., p. 651). Il en concluait que, alors que pour Nietzsche « plus rien de nouveau n’arrive », chez Baudelaire l’accent porte sur « le nouveau qu’un effort héroïque arrache à l’éternel retour du même » (BENJAMIN, 2013BENJAMIN, Walter. Zentralpark (1938-1940). Baudelaire. Édition établie par Giorgio Agamben, Barbara Chitussi et Clemens-Carl Härle. Traduit de l’allemand par Patrick Charbonneau. Paris : La Fabrique, 2013., p. 651). C’est sans doute un bilan qui pèche par optimisme, car pour Baudelaire l’idée du nouveau, censée marquer une rupture et un renouvellement, a une portée limitée dans l’histoire. Mais Benjamin reconnaît justement la prééminence, chez Baudelaire, d’une forme particulière de résignation : la résignation héroïque. Car il existe autant de « Chimères » que de résignations, comme Baudelaire le suggère dans Chacun sa Chimère, où le narrateur observe des « voyageurs » qui cheminent « avec la physionomie résignée de ceux qui sont condamnés à espérer toujours » (BAUDELAIRE, 2017BAUDELAIRE, Charles. Le Spleen de Paris. Présentation, notes, dossier, chronologie, bibliographie par Aurélia Cervoni et Andrea Schellino. Paris : Flammarion, 2017. (Coll. GF)., p. 49).

La figure du dandy, que Baudelaire ébauche dans Le Peintre de la vie moderne et qui aurait dû être au centre de son projet sur Le Dandysme dans les lettres, est aussi le symbole d’un fatalisme face au désert de l’histoire, traversée par les monotones métamorphoses de la perversité humaine. L’attitude du dandy ne se résout pas dans une acédie mondaine : il réserve sa vitalité comme un « feu latent qui se fait deviner, qui pourrait mais qui ne veut pas rayonner » (BAUDELAIRE, 1975BAUDELAIRE, Charles. Œuvres complètes. Texte établi, présenté et annoté par Claude Pichois. Paris : Gallimard , 1975. (Coll. Bibliothèque de la Pléiade)., t. II, p. 711). Ce sont une « opposition » et une « révolte » silencieuses. La lecture de l’Histoire de la raison d’État de Ferrari, parue en 1860 chez Michel Lévy, conforte Baudelaire dans sa conception. Le 20 avril 1860, dans une lettre à Poulet-Malassis, il fait l’éloge de l’« éloquence éthéréenne, fataliste, résignée » (BAUDELAIRE, 1973BAUDELAIRE, Charles. Correspondance. Texte établi, présenté et annoté par Claude Pichois avec la collaboration de Jean Ziegler. Paris : Gallimard , 1973. (Coll. Bibliothèque de la Pléiade)., t. II, p. 26) de sa préface. Dans la philosophie de Ferrari, où « partout le Génie […] pactise avec le Destin » (BAUDELAIRE, 1973BAUDELAIRE, Charles. Correspondance. Texte établi, présenté et annoté par Claude Pichois avec la collaboration de Jean Ziegler. Paris : Gallimard , 1973. (Coll. Bibliothèque de la Pléiade)., t. II, p. 26), il voit l’empreinte du dandy. Le dandysme est pour lui « le dernier éclat d’héroïsme dans les décadences22 22 « Le peintre de la vie moderne ». » (BAUDELAIRE, 1975BAUDELAIRE, Charles. Œuvres complètes. Texte établi, présenté et annoté par Claude Pichois. Paris : Gallimard , 1975. (Coll. Bibliothèque de la Pléiade)., t. II, p. 711). En 1863, il rapproche la conception de l’histoire de Delacroix, selon laquelle les changements politiques se dissolvent sur le fond homogène, invariable de l’histoire, de la doctrine de Ferrari, dominée par une « froide et désolante résignation23 23 « L’œuvre et la vie de Delacroix ». » (BAUDELAIRE, 1975BAUDELAIRE, Charles. Œuvres complètes. Texte établi, présenté et annoté par Claude Pichois. Paris : Gallimard , 1975. (Coll. Bibliothèque de la Pléiade)., p. 758). La perspective cyclique de l’histoire que Ferrari hérite de Vico seconde la polémique que Baudelaire mène contre les idées de progrès et de perfectibilité de l’humanité. Dans une lettre à Poulet-Malassis de la fin d’août 1860, le poète fait l’hypothèse d’une « harmonie éternelle par la lutte éternelle » (BAUDELAIRE, 1973BAUDELAIRE, Charles. Correspondance. Texte établi, présenté et annoté par Claude Pichois avec la collaboration de Jean Ziegler. Paris : Gallimard , 1973. (Coll. Bibliothèque de la Pléiade)., t. II, p. 86), d’un équilibre se perpétuant à travers les conflits : aux « philosophies de 1848 », aux palingénésies utopiques, il retorque que « quelles que soient les transformations des races humaines, quelque rapide que soit la destruction, la nécessité de l’antagonisme doit subsister », et les « rapports, avec des couleurs ou des formes différentes », rester les mêmes (BAUDELAIRE, 1973BAUDELAIRE, Charles. Correspondance. Texte établi, présenté et annoté par Claude Pichois avec la collaboration de Jean Ziegler. Paris : Gallimard , 1973. (Coll. Bibliothèque de la Pléiade)., t. II, p. 86).

Décadence, lutte éternelle, permanence du péché : la philosophie de l’histoire de Baudelaire découle de sa pensée de l’individu. Elle ne s’arrête que sur un maintien, précaire et spirituel, de l’individu, qui cherche la connaissance de soi-même, comme dans un miroir, dans les conflits et dans l’harmonie du réel et de l’histoire.

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  • POULET, Georges. La Poésie éclatée Baudelaire-Rimbaud. Paris : PUF, 1980.
  • 1
    Note rédigée en mai 1920.
  • 2
    Émile Deschamps à Baudelaire, 2 septembre 1857.
  • 3
    La lettre de Barbey d’Aurevilly à Trebutien du 27 mars 1856, la lettre de Villiers de L’Isle-Adam à Baudelaire de la fin de décembre de 1859 et la lettre de Hugo à Baudelaire du 29 avril 1860.
  • 4
    Humain, trop humain, II, dans la partie « Le voyageur et son ombre », § 105.
  • 5
    « Un mangeur d’opium », dans Les Paradis artificiels (janvier 1860).
  • 6
    [Aphorismes]. L’expression figure dans la lettre V de La Russie en 1839 de Custine, Bruxelles, Wouters, 1843, p. 83.
  • 7
    Hygiène. Conduite. Méthode. Morale, fo88.
  • 8
    « L’art philosophique ».
  • 9
    Le prince Napoléon était fils de Jérôme Bonaparte et neveu de Napoléon Ier.
  • 10
    « Exposition universelle. 1855. Beaux-arts. 1. Méthode de critique ».
  • 11
    Mon cœur mis à nu, fo15.
  • 12
    « Exposition universelle. 1855. Beaux-arts. Méthode de critique ».
  • 13
    « Exposition universelle. 1855. Beaux-arts. Méthode de critique ».
  • 14
    La Belgique déshabillée, fo39.
  • 15
    Fusées, fo22 vo.
  • 16
    Fusées, fo21.
  • 17
    Voir aussi les notes d’André Guyaux dans son édition de Fusées et Mon cœur mis à nu, BAUDELAIRE, 2016, p. 396BAUDELAIRE, Charles. Fusées. Mon cœur mis à nu. Édition d’André Guyaux. Paris : Gallimard, 2016. (Coll. Folio classique)..
  • 18
    Mon cœur mis à nu, fo33.
  • 19
    Mon cœur mis à nu, fo33.
  • 20
    Mon cœur mis à nu, fo58.
  • 21
    Voir ses notes Baudelaire (2016BAUDELAIRE, Charles. Fusées. Mon cœur mis à nu. Édition d’André Guyaux. Paris : Gallimard, 2016. (Coll. Folio classique)., p. 397).
  • 22
    « Le peintre de la vie moderne ».
  • 23
    « L’œuvre et la vie de Delacroix ».
  • 24
    Voir Ross Chambers, « The Artist as Performing Dog », Comparative Literature, Vol. XXIII, No. 4, Autumn 1971, p. 312-324 ; Richard D. E. Burton, « Baudelaire’s Indian Summer. A Reading of Les Bons Chiens», Nineteenth-Century French Studies, Vol. XXII, No. 3-4, Spring-Summer 1994, p. 466-486 ici p. 467.
  • 25
    On remarquera la graphie « satyrique » pour « satirique », variante commune à l’époque, en particulier lorsque l’adjectif est attribué à un genre littéraire : voir Les Deux Amis. Conte satyrique (1830) de Balzac et Le Nouveau Parnasse satyrique du dix-neuvième siècle (1866). Mais la graphie « satyrique » peut aussi suggérer le caractère licencieux de l’œuvre. Le mot a été corrigé en « satirique » dans la version des Bons Chiens publiée en juin 1869 dans l’édition posthume des Petits poèmes en prose (p. 150).
  • 26
    Le tableau est aujourd’hui conservé dans une collection privée. Une réplique, peinte en 1848, a été acquise en 2013 par le Musée des Beaux-Arts de Lyon.
  • 27
    Imprimée chez Marchant en 1839.
  • 28
    Curieusement, les critiques que Paul Lacroix adresse à l’Arétin recoupent celles dont Baudelaire lui-même faisait alors l’objet : « On trouve partout un homme qui court après l’esprit, qui ne dit rien comme un autre, qui cherche à se singulariser par un jargon inintelligible, qui veut rajeunir une pensée usée par un tour obscur ou prétentieux, qui personnifie ridiculement les choses inanimées, métamorphose l’adjectif en substantif, répète une phrase par une inversion désagréable » (p. xliii).
  • 29
    Articles recueillis et réimprimés en mai 1873 à Neuchâtel par les Presses de la Société des bibliophiles cosmopolites.
  • 30
    Billet publié par Jacques Suffel dans le Bulletin du bibliophile (no3, 1975, p. 275), et rééd. par Claude Pichois dans les annexes du t. I de la Correspondance de Baudelaire dans la Bibliothèque de la Pléiade (1973, retirage de 1993, p. 1079). Ce manuscrit est passé en vente à Drouot le 25 juin 2015 ; catalogue Autographes et manuscrits, expert : Thierry Bodin, no36.
  • 31
    Richard D. E. Burton, « Baudelaire’s Indian Summer. A Reading of Les Bons Chiens», art. cit., p. 481.
  • 32
    Perte d’auréole.

ANNEXE

Baudelaire et le « divin Arétin »

Dans cette économie de l’échange que proposent Les Bons Chiens24 24 Voir Ross Chambers, « The Artist as Performing Dog », Comparative Literature, Vol. XXIII, No. 4, Autumn 1971, p. 312-324 ; Richard D. E. Burton, « Baudelaire’s Indian Summer. A Reading of Les Bons Chiens», Nineteenth-Century French Studies, Vol. XXII, No. 3-4, Spring-Summer 1994, p. 466-486 ici p. 467. , l’évocation du « divin Arétin », dans l’avant-dernier paragraphe du poème, soulève quelques questions :

Tel un magnifique tyran italien du bon temps offrait au divin Arétin soit une dague enrichie de pierreries, soit un manteau de cour, en échange d’un précieux sonnet ou d’un curieux poëme satyrique25 25 On remarquera la graphie « satyrique » pour « satirique », variante commune à l’époque, en particulier lorsque l’adjectif est attribué à un genre littéraire : voir Les Deux Amis. Conte satyrique (1830) de Balzac et Le Nouveau Parnasse satyrique du dix-neuvième siècle (1866). Mais la graphie « satyrique » peut aussi suggérer le caractère licencieux de l’œuvre. Le mot a été corrigé en « satirique » dans la version des Bons Chiens publiée en juin 1869 dans l’édition posthume des Petits poèmes en prose (p. 150). (BAUDELAIRE, 2017BAUDELAIRE, Charles. Le Spleen de Paris. Présentation, notes, dossier, chronologie, bibliographie par Aurélia Cervoni et Andrea Schellino. Paris : Flammarion, 2017. (Coll. GF)., p. 204).

Quel niveau de connaissances Baudelaire avait-il de l’œuvre du poète italien, vers 1864-1865 ?

Très rares sont les essais sur l’Arétin et les traductions de son œuvre disponibles en France, au milieu du xixe siècle. Comme l’observe Caroline Fischer à propos de sa « fortune » au xviiie siècle, l’auteur des Ragionamenti jouissait d’une « renommée suspecte, mais indubitable », même si ses ouvrages ne s’imprimaient ni ne se traduisaient (FISCHER, 1996FISCHER, Caroline. L’Arétin en France. Dix-huitième siècle, n. 28, L’Orient, 1996., p. 367-384, ici p. 372). En 1815, Ingres peint L’Arétin et l’envoyé de Charles Quint, huile sur toile exposée au Palais des Beaux-Arts lors de l’Exposition universelle de Paris de 185526 26 Le tableau est aujourd’hui conservé dans une collection privée. Une réplique, peinte en 1848, a été acquise en 2013 par le Musée des Beaux-Arts de Lyon. . Philippe Dumanoir et Adolphe d’Ennery font de l’Arétin le héros d’un drame en trois actes, Pierre d’Arezzo, créé le 28 novembre 1838 au théâtre de l’Ambigu-comique27 27 Imprimée chez Marchant en 1839. .

L’allusion que Baudelaire fait à un « précieux sonnet » semble mal convenir aux poèmes de l’Arétin, et à ses Sonnets luxurieux: émaillé d’expressions crues et parfois brutales, ce recueil érotique est l’emblème de l’irrégularité stylistique et de l’outrance expressive. Baudelaire n’a presque certainement pas eu une connaissance directe des Sonnets luxurieux, traduits en français et recueillis en 1871, à Bruxelles (ARETIN, 1871ARETIN, Pierre. Sonnets luxurieux suivis des doutes amoureux avec leurs solutions. Traduits de l’italien en français pour la première fois par A. P. Rome [Bruxelles] : Aux dépens des plus illustrés cardinaux, 1871.). Dans son édition du Spleen de Paris (BAUDELAIRE, 1969BAUDELAIRE, Charles. Petits poèmes en prose. Édition critique par Robert Kopp. Paris : José Corti, 1969.), Robert Kopp cite la version de Paul Lacroix (sous le pseudonyme de « P.-L. Jacob ») des Œuvres choisies de P. Arétin, parues chez Charles Gosselin en 1845. Il ne s’agit cependant que de la traduction de trois comédies (Le Philosophe, La Courtisane et La Talanta), précédées d’une longue préface qui stigmatise l’écriture de l’Arétin et sa versification, « dure, entortillée, sans grâces et sans naturel28 28 Curieusement, les critiques que Paul Lacroix adresse à l’Arétin recoupent celles dont Baudelaire lui-même faisait alors l’objet : « On trouve partout un homme qui court après l’esprit, qui ne dit rien comme un autre, qui cherche à se singulariser par un jargon inintelligible, qui veut rajeunir une pensée usée par un tour obscur ou prétentieux, qui personnifie ridiculement les choses inanimées, métamorphose l’adjectif en substantif, répète une phrase par une inversion désagréable » (p. xliii). » (JACOB, 1845JACOB, Paul Lacroix. Œuvres choisies de P. Arétin. Paris : Charles Gosselin, 1845. , p. xliv). On peut citer aussi les Sept petites nouvelles de Pierre Arétin concernant le jeu et les joueurs, traduites par Gustave Brunet (sous le nom de plume de « Philomneste junior ») et publiées en 1861 chez Jules Gay.

La source principale de Baudelaire semble avoir été l’essai sur l’Arétin de Philarète Chasles, publié en trois parties dans la Revue des Deux Mondes à l’automne 183429 29 Articles recueillis et réimprimés en mai 1873 à Neuchâtel par les Presses de la Société des bibliophiles cosmopolites. (CHASLES, 1834CHASLES, Philarète. L’Arétin, sa vie et ses œuvres. Revue des Deux Mondes, 15 oc., 1er nov., 15 déc. 1834. [Articles recueillis et réimprimés en mai 1873 à Neuchâtel par les Presses de la Société des bibliophiles cosmopolites].), et recueilli en volume en janvier 1852 (CHASLES, [jan. 1852]CHASLES, Philarète. Études sur W. Shakespeare, Marie Stuart et l’Arétin. Le drame, les mœurs et la religion au xvie siècle. Paris : Amyot, [jan. 1852].). Un court billet de Baudelaire, très probablement destiné à Chasles et daté du début de 1852, vient confirmer cette supposition :

Je viens de lire votre admirable étude sur Arétin, et je profitais d’une journée de flânerie pour venir vous témoigner ma reconnaissance pour le grand plaisir30 30 Billet publié par Jacques Suffel dans le Bulletin du bibliophile (no3, 1975, p. 275), et rééd. par Claude Pichois dans les annexes du t. I de la Correspondance de Baudelaire dans la Bibliothèque de la Pléiade (1973, retirage de 1993, p. 1079). Ce manuscrit est passé en vente à Drouot le 25 juin 2015 ; catalogue Autographes et manuscrits, expert : Thierry Bodin, no36. .

Ch. Baudelaire

Dans son essai, Chasles présente l’Arétin comme une « homme satirique » et un « railleur effréné » (CHASLES, [jan. 1852]CHASLES, Philarète. Études sur W. Shakespeare, Marie Stuart et l’Arétin. Le drame, les mœurs et la religion au xvie siècle. Paris : Amyot, [jan. 1852]., p. 429), prêt à vendre sa plume pour s’assurer une vie confortable aux dépens de ses protecteurs. Il formule un jugement sévère sur ses vers, jugés « durs et rocailleux », et blâme sa « satire licencieuse », dernier acte de la « comédie d’une civilisation » (CHASLES, [jan. 1852]CHASLES, Philarète. Études sur W. Shakespeare, Marie Stuart et l’Arétin. Le drame, les mœurs et la religion au xvie siècle. Paris : Amyot, [jan. 1852]., p. 476).

Dans Les Bons Chiens, à l’instar des « Bergers de Virgile et de Théocrite » (BAUDELAIRE, 2017BAUDELAIRE, Charles. Le Spleen de Paris. Présentation, notes, dossier, chronologie, bibliographie par Aurélia Cervoni et Andrea Schellino. Paris : Flammarion, 2017. (Coll. GF)., p. 203), l’Arétin est assimilé au poète qui reçoit du peintre un « beau gilet d’une couleur à la fois riche et fanée » (BAUDELAIRE, 2017BAUDELAIRE, Charles. Le Spleen de Paris. Présentation, notes, dossier, chronologie, bibliographie par Aurélia Cervoni et Andrea Schellino. Paris : Flammarion, 2017. (Coll. GF)., p. 204) comme récompense pour avoir chanté les « chiens crottés et désolés » (BAUDELAIRE, 2017BAUDELAIRE, Charles. Le Spleen de Paris. Présentation, notes, dossier, chronologie, bibliographie par Aurélia Cervoni et Andrea Schellino. Paris : Flammarion, 2017. (Coll. GF)., p. 203). Cette comparaison ironique des Bons Chiens devient plus compréhensible lorsqu’on rapproche le goût du narrateur pour ce gilet des impératifs d’élégance du poète de la Renaissance, suggérés par Baudelaire et évoqués par Chasles : « Jamais, dit l’Ammirato, je n’ai vu vieillard orné de vêtements plus splendides, de plus riches habits ; ce n’était qu’étoffes d’or et de soie » (CHASLES, [jan. 1852]CHASLES, Philarète. Études sur W. Shakespeare, Marie Stuart et l’Arétin. Le drame, les mœurs et la religion au xvie siècle. Paris : Amyot, [jan. 1852]., p. 463). Ami du Prince, comme Fancioulle dans Une mort héroïque, le poète s’emploie à son divertissement. L’allusion à l’Arétin dans Les Bons Chiens confronte le lecteur à la dynamique, pourtant mise en sourdine dans le poème, qui rattache la sociabilité du poète à l’« art du mendier », à une « diplomatie de l’aumône dans ce qu’elle a de plus subtil » (CHASLES, [jan. 1852]CHASLES, Philarète. Études sur W. Shakespeare, Marie Stuart et l’Arétin. Le drame, les mœurs et la religion au xvie siècle. Paris : Amyot, [jan. 1852]., p. 429), comme l’écrit Chasles : poète-chien selon Richard D. E. Burton31 31 Richard D. E. Burton, « Baudelaire’s Indian Summer. A Reading of Les Bons Chiens», art. cit., p. 481. , ce « sublime mendiant » (CHASLES, [jan. 1852]CHASLES, Philarète. Études sur W. Shakespeare, Marie Stuart et l’Arétin. Le drame, les mœurs et la religion au xvie siècle. Paris : Amyot, [jan. 1852]., p. 429) s’intègre au cortège de saltimbanques, de bouffons et des « buveur[s] de quintessences32 32 Perte d’auréole. » (BAUDELAIRE, 2017BAUDELAIRE, Charles. Le Spleen de Paris. Présentation, notes, dossier, chronologie, bibliographie par Aurélia Cervoni et Andrea Schellino. Paris : Flammarion, 2017. (Coll. GF)., p. 183) qui décrivent les splendeurs et les misères du poète moderne.

Publication Dates

  • Publication in this collection
    29 July 2019
  • Date of issue
    May-Aug 2019

History

  • Received
    15 Jan 2019
  • Accepted
    01 Apr 2019
Programa de Pos-Graduação em Letras Neolatinas, Faculdade de Letras -UFRJ Av. Horácio Macedo, 2151, Cidade Universitária, CEP 21941-97 - Rio de Janeiro RJ Brasil , - Rio de Janeiro - RJ - Brazil
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