Il tombait, il tombait de la suprême voûteLe séraphin déchu, l’archange audacieux ;Déroulant son corps spacieux,Il tombait comme un monde arraché de sa route,Comme un vivant débris des cieux. Il tombait, il tombait de la hauteur brillanteOù rayonnaient encor les esprits ses pareils ;Il tombait dans l’espace, et sa tête brûlanteRougissait en passant d’une rougeur sanglanteLa chevelure des soleils. (1)
Eis que tomba da abóbada celesteO arcanjo audaz, o serafim manchado.Desenrolando o corpo volumoso,Despenhado precípite,— qual mundoDos eixos arrancado,— como um vivoDos céus fragmento enorme ele caía!Caia lá daqueles céus brilhantes,Donde inda os seus iguais lançavam raios;Caía! — e a cerviz no espaço ardendoAs esferas dos sóis de cor de sangue,Passando, avermelhava. (1’)
Le voilà le maudit, l’archange du blasphème,Le rival du Dieu créateur ;Le voilà tournoyant et percé jusqu’au cœurPar les flèches de l’anathème :Il roule, — un flot de feu le devance et le suit, —Il roule et recule la tête,Comme pour cacher sa défaiteDans les entrailles de la nuit. (2)
Ei-lo, o maldito, o arcanjo da blasfêmia,Rival do criador! — ‘té o imo peitoPelas frechas da anátema varado,Como n’um turbilhão, desce rodando;Ondas d’um mar de fogo o vem cercando,E ele oculta a cabeça,Como que procurasseNas entranhas da noiteEsconder seu desdoiro. (2’)
Et les mondes lointains criaient d’une voix forte :Où va-t-il, l’insensé, dans son vol furieux ?Où va-t-il, et quel vent le porteD’astre en astre, de cieux en cieux ?Regardez ; qu’il est sombre ! — Oh ! ce n’est plus l’archangeL’archange au front si beau, l’éclatant Lucifer,Dont le souffle allumait hierCes aurores du ciel qu’aucun matin ne change.Oh ! qui de vous l’a reconnu ?Hier brillant et jeune, aujourd’hui chauve et nu,Bien loin des célestes limites,Il tombe, il tombe, il roule avec les ouragans,Et ses yeux foudroyés fument dans leurs orbitesComme des bouches de volcans. (3)
Clamavam —longe—os mundos com voz forte:« Que insensato! onde vai? Nesse arrojado,Frenético voar, que vento o impeleQue de astro em astro vai, d’um céu em outro?Vede como é sombrio!Oh! quão outro que está d’aquele arcanjoDe tão belo semblante,Lúcifer radiante,Cujo sopro era como o romper d’alva,Que as portas da manhã nos céus abria,Trazendo consigo a aurora,Que o seu alento acendia!Acaso o reconhecestes?Era ontem brilhante, novo e belo;E hoje é feio e nu e descalvado,Nas asas da tormenta balouçado,Nas asas dos vulcões;E os seus olhos fulminadosJá sem pupilas fumegamQuais crateras de vulcões! (3’)
Et lui les entendait, lui, dans sa chute même,Les menaçait de son coup d’œil ;Car il sentait déjà sur son front plein d’orgueilUn formidable diadème ;Il dardait les éclairs de son œil irritéSur tous les astres d’or dont l’étendue est ceinte,Et les astres tremblaient et saluaient de crainteSa flamboyante royauté. (4)
O arcanjo os escutava, ameaçando-osCom o olhar fulminante;Que cheio d’ímpio orgulho já sentiaUma c’roa de rei cingir-lhe a fronte.Todos os astros que no espaço giramSeus olhos d’irritados fascinavam;E os astros todos de terror tremiam,Saudando a coruscante realeza. (4’)
Enfin les vastes cieux, les étoiles, les mondes,Tout s’effaça derrière lui ;Et l’ange abandonné n’aperçut dans la nuitQue des solitudes profondes.Il s’effraie, il regarde... un astre, un astre encor,Loin des cieux, loin du jour égarait son essor ;Satan le voit, Satan arrive,Il le frappe en passant d’une main convulsive,L’entraîne, et dans un bond, avec son bras de fer,Le pousse haletant jusqu’au seuil de l’enfer. (5)
E já os céus sem fim, estrelas, mundos‘Trás dele se perderam;E nas profundas solidões do espaçoO arcanjo abandonado apenas viaA noite, e sempre a noite!Tem medo, olha, procura.... —Um astro! um astroTransviado nos céus! — O arcanjo o avista!Estende a mão convulsa arrepelando-o;Segura, arrasta-o, e d’um só pulo ardidoTrá-lo potente ao limiar do inferno,Alentando açodado. (5’)
Deux fois il étreignit contre le gouffre immondeCette comète vagabonde,Deux fois comme un vautour qui lutte corps à corps,
O errante cometa duas vezesAo tetro boqueirão levou consigo,E duas vezes, como um negro abutre,
Il l’épuisa par ses efforts,Et deux fois sa pâle victime,Suppliante, effarée, avec un cri sublime,Éleva ses ailes de feu,Et lui, deux fois vaincu par le grand nom de Dieu,Retomba tout seul dans l’abîme. (6)
Lutando corpo a corpo, de cansaçoSentiu-se esmorecer.Duas vezes também o astro vítima,Suplicando medroso, as ígneas asasBateu, sublime grito aos céus mandando.O nome do Senhor por duas vezesO rebelde venceu, — ele sozinhoCaiu no fundo abismo. (6’)
Alors un des échos du grand cygne éternel,Un archange monta sur un des caps du ciel,Sur un cap revêtu de sa splendeur première,Et dont les pieds touchaient des vagues de lumière ;Et là, debout, les yeux vers le haut firmament,L’archange prit son luth formé d’un diamant :« Hosanna ! hosanna ! cieux et sphères sans nombre,« Globes d’en haut, vous tous qu’a fait jaillir de l’ombre« Le bras du Créateur,« Vous tous, fleurons divins de sa couronne auguste,« Saluez, saluez le seul grand, le seul juste,« Le seul triomphateur !« Chantez sa force, et vous, comètes murmurantes,« Qui traînez dans la nuit vos crinières errantes,« Et vous, astres vermeils,« Vous tous, et toi, chaos, père antique des mondes,« Toi qui couvas longtemps leurs semences fécondes,« Vieux nid des vieux soleils !« Hosanna ! hosanna ! l’ange impur de l’aurore,« Qui, le front tout fumant, se débattait encore,« L’ange est enfin banni,« Banni, précipité du haut des grandes sphères,« Au dernier échelon des gouffres solitaires,« Au bas de l’infini.« Il marchait contre Dieu les deux mains sur son glaive ;« Mais Jéhovah regarde et Jéhovah se lève« A la cime des airs :« Il se lève et reprend, comme pour une fête,« Son armure durcie au vent de la tempête,« Et son casque d’éclairs.« Et lui recule et tombe. — O suprême vengeance !« Lucifer ! Lucifer ! quelle horrible espérance« Avait gonflé ton sein,« Toi le charme des cieux, l’amour de la nature,« Toi qui, le front penché, trempais ta chevelure« Dans les lacs du matin ! « Hosanna ! hosanna ! cieux et sphères sans nombre,« Globes d’en haut, vous tous qu’a fait jaillir de l’ombre« Le bras du Créateur,« Vous tous, fleurons divins de sa couronne auguste,« Saluez, saluez le seul grand, le seul juste,« Le seul triomphateur ! » (7)
(Turquety 173 - 177)
(Dias 117 - 119)