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Les transformations récentes des politiques d'accountability en éducation: enjeux et incidences des outils d'action publique

Abstracts

Nous proposons une discussion sur la diversité des outils et arrangements institutionnels qui sont mobilisés pour mettre en œuvre les politiques d'accountability. Nous présentons d'abord les dimensions communes de ces politiques mais aussi la diversité des formes qu'elles revêtent dans divers contextes. Nous discutons ensuite les typologies existantes de ces politiques et leurs limites avant de développer notre proposition de typologie évolutive des politiques et instruments d'accountability dans une troisième section. L'analyse de l'évolution des outils mobilisés par les pouvoirs publics nous permet ainsi de cerner ce qui fait la nouveauté des "nouvelles" politiques d'accountability, et d'en dégager les significations et les enjeux socio-politiques actuels.

Politiques éducatives; Accountability; Instruments d'action publique; Typologie


Propomos uma discussão sobre a diversidade das ferramentas e dos arranjos institucionais que são mobilizados para que sejam implantadas as políticas de accountability. Primeiramente, apresentamos as dimensões comuns dessas políticas, mas também a diversidade das formas que tomam em diferentes contextos. A seguir, discutimos as tipologias existentes dessas políticas e seus limites antes de desenvolver nossa proposta de tipologia evolutiva das políticas e dos instrumentos de accountability numa terceira seção. A análise da evolução das ferramentas utilizadas pelos governos públicos permite-nos assim delimitar o que há de novo nas "novas" políticas de accountability, e identificar os significados e os desafios sociopolíticos atuais.

Políticas educativas; Accountability; Instrumentos de ação pública; Tipologia


Our purpose is to introduce a discussion on the diversity of tools and institutional arrangements which are mobilized to implement accountability policies. We first present the common dimensions of these policies as well as the diversity of forms they take over in different contexts. We then discuss the existing typologies for these policies and also their limitations before developing our proposal for a dynamic typology of policies and accountability instruments in a third section. The analysis of the evolution of the tools used by the government enables us to delimitate the novelty in the "new" accountability policies and to identify the meanings and the current socio-political challenges of these policies.

Education policies; Accountability; Policy tools; Typology


ARTICLES

Les transformations récentes des politiques d'accountability en éducation : enjeux et incidences des outils d'action publique

Changes in accountability policies in education: issues and implications of policy tools

Christian MaroyI ; Annelise VoisinII

IProfesor on Faculty of Education, University of Montreal (Canada). E-mail: <christian.maroy@umontreal.ca>

IIPHD student and research assistant on Faculty of Education, University of Montreal (Canada). E-mail: <annelise.voisin@umontreal.ca>

RÉSUMÉ

Nous proposons une discussion sur la diversité des outils et arrangements institutionnels qui sont mobilisés pour mettre en œuvre les politiques d'accountability. Nous présentons d'abord les dimensions communes de ces politiques mais aussi la diversité des formes qu'elles revêtent dans divers contextes. Nous discutons ensuite les typologies existantes de ces politiques et leurs limites avant de développer notre proposition de typologie évolutive des politiques et instruments d'accountability dans une troisième section. L'analyse de l'évolution des outils mobilisés par les pouvoirs publics nous permet ainsi de cerner ce qui fait la nouveauté des « nouvelles » politiques d'accountability, et d'en dégager les significations et les enjeux socio-politiques actuels.

Mots-clés: Politiques éducatives. Accountability. Instruments d'action publique. Typologie.

ABSTRACT

Our purpose is to introduce a discussion on the diversity of tools and institutional arrangements which are mobilized to implement accountability policies. We first present the common dimensions of these policies but also the diversity of the forms they take in different contexts. We then discuss the existing typology of these policies and also their limitations before to establish a dynamic typology of policies and instruments of accountability in a third section. The analysis of the evolution of the tools used by the government enable us to make clearer the novelty of the "new" accountability policies, the meanings and the current socio-political issues of these policies.

Keys words: Education policies. Accountability. Policy tools. Typology.

Depuis une vingtaine d'années, les systèmes d'enseignement de très nombreux pays sont engagés dans des transformations profondes de leurs politiques éducatives. Dans la foulée d'une promotion de l'autonomie des établissements scolaires et d'un processus de décentralisation/déconcentration, on assiste à la mise en place de nouveaux outils de pilotage et de régulation à distance des performances des organisations et des acteurs scolaires. A des degrés et selon des modalités diverses, mais de façon de plus en plus visible, les États deviennent des « États évaluateurs » (NEAVE, 1999), qui mettent en place des systèmes d'indicateurs nationaux leur permettant de « piloter » le système, de mieux « réguler » les processus et fonctionnements des écoles ou des entités de gestion scolaire de niveau intermédiaire. Par ailleurs, des procédures d'évaluation des résultats des établissements, et indirectement du travail des enseignants, se construisent, accompagnés de mécanismes plus ou moins pressants de reddition de comptes. Ces dispositifs d'accountability sont supposés assurer un pilotage d'ensemble du système éducatif, l'orienter vers certaines priorités et en contrôler la qualité. Inspirés des idées du « new public management » (HOOD, 1991; POLLITT; BOUCKAERT, 2004; OECD, 2005), ces nouveaux modes de régulation « post-bureaucratiques » des systèmes scolaires (MAROY, 2008) ont vu le jour à partir des années 1980 aux États-Unis (LINDLE, 2009) ou en Angleterre (BROADFOOT, 2000; OZGA, 2009) et se diffusent dans un contexte socio-économique mondialisé où les États cherchent à améliorer les performances des systèmes éducatifs et la qualité de leurs ressources humaines, en relation avec les enjeux socio-économiques d'une société dite « de la connaissance » (BROWN; LAUDER, 2008).

La visée déclarée est d'améliorer l'efficacité éducative, de réduire les inégalités et les écarts de performance entre groupe d'élèves (l'équité), enfin de contrôler sinon de réduire les coûts, c'est-à-dire d'améliorer l'efficience. L'école est ainsi de plus en plus soumise à une obligation de résultats et de performance qui sont mises en place par les politiques éducatives sous des appellations diverses : « accountability » souvent qualifiée de « dure » dans les pays anglo-saxons, « pilotage » plus « doux » basé sur l'évaluation externe dans les pays d'Europe continentale, « gestion axée sur les résultats » au Québec. Ces appellations recouvrent en fait une diversité d'arrangements institutionnels et d'outils de mise en œuvre des politiques qui participent cependant d'un même univers sémantique, d'un même paradigme politique considérant l'école comme un système de production scolaire (MAROY; MANGEZ, 2011). Nous les considérons comme des politiques de régulation par les résultats car elles mettent en jeu des modes de régulation institutionnels

Notre propos est ici d'introduire une discussion sur la diversité des outils et arrangements institutionnels qui sont mobilisés pour mettre en œuvre les politiques d'accountability. A cet égard, nous défendrons l'hypothèse que les politiques d'accountability peuvent prendre des formes très différentes selon la nature des outils qu'elles déploient et la conception institutionnelle de l'accountability qu'ils incorporent. Ainsi il y a lieu de distinguer des formes nouvelles de formes anciennes de « responsabilisation » des personnels de l'éducation, des outils au service d'une reddition de comptes de type démocratique vs managériale.

Nous commencerons par présenter les dimensions communes de ces politiques de régulation par les résultats mais aussi la diversité des formes qu'elles revêtent dans divers contextes. Dans un deuxième temps, nous discuterons les typologies existantes des politiques d'accountability et leurs limites ce qui nous permettra d'asseoir notre proposition de typologie dans une troisième section, centrale pour notre propos, où nous chercherons à fonder une typologie évolutive et dynamique des politiques et instruments d'accountability. Les typologies existantes des politiques d'accountability cernent mal de notre point de vue ce qui fait la nouveauté et les enjeux socio-politiques des « nouvelles » politiques d'accountability ; c'est en effet surtout l'évolution des outils mobilisés par les pouvoirs publics qui permettent d'en dégager les significations et les enjeux socio-politiques actuels.

Les politiques de régulation par les résultats : dimensions communes et diversité

Les politiques de régulation par les résultats, quatre dimensions communes

On peut discerner plusieurs traits communs à ces politiques de régulation par les résultats, si l'on veut bien se situer non pas au plan du détail précis de chaque politique et des instruments qu'elle implique, mais au niveau de leur configuration d'ensemble. Quatre traits nous semblent en effet transversaux aux politiques de régulation par les résultats.

Tout d'abord, ces politiques participent, « mettent en acte» et renforcent du même coup un nouveau paradigme politique

Deuxième trait, les objectifs opérationnels sont exprimables dans un format de connaissance particulier : des données quantifiées, des data, des indicateurs qui deviennent des « standards » ou des référentiels auxquels on confronte les résultats effectifs. Il en découle la seconde caractéristique clé de toutes les politiques de régulation par les résultats, celle de gouverner par des « nombres », des indicateurs, des mesures chiffrées (ROSE, 1991; OZGA 2009; GREK, 2008; FELOUZIS; LANHART, 2011). La définition des standards devient dès lors un véritable enjeu politique, même s'il est occulté par l'épaisseur technique des instruments ou des disciplines (statistique, édumétrie, économétrie) qu'on mobilise pour les forger, ce qui interroge d'ailleurs la possibilité d'un débat critique et proprement politique sur les politiques scolaires qui ne soit pas finalement à la seule portée des experts.

Un troisième trait commun des politiques de régulation par les résultats est la centralité des instruments divers d'évaluation des résultats et des acquis des élèves (testing) qui sont mis en place, même si les modalités de mise en œuvre et d'usage de ces outils d'évaluation vont constituer des variantes extrêmement importantes. On peut en effet penser que nombre d'éléments techniques et institutionnels de leur mise en œuvre engagent des orientations et des conceptions très différentes de l'évaluation et de la reddition de comptes (LEITHWOOD; EARL, 2000; MONS, 2009; BUISSON-FENET; PONS, 2010). Il en va ainsi de la périodicité de ces évaluations externes dans le parcours scolaire, des matières sur lesquelles elles portent, de leur fonction explicite (diagnostic, formative, certificative, évaluation du « rendement scolaire »), du mode d'interprétation et de comparaison des résultats, comme des modalités de leur publication, et surtout, des modalités de délibération et de suivi de ces résultats dans les organisations locales.

Enfin, une quatrième composante réfère aux outils d'action publique (contractuels, financiers, règlementaires) qui organisent les « conséquences » des évaluations des performances et de la reddition de comptes. Qu'est ce qui est mis en place pour induire, favoriser voire contraindre des changements au sein des écoles ou des entités scolaires locales ? Ces outils peuvent en effet être divers et contribuer à construire une forme d'accountability « dure » vs « douce » ou « réflexive » qui engage des conceptions de l'acteur enseignant et de l'acte d'enseigner qui peuvent être extrêmement opposées (MONS; DUPRIEZ, 2011). Par-delà les outils qui organisent le degré de pression exercé sur les acteurs locaux des systèmes scolaires, il y aurait lieu aussi d'inventorier les ressources et outils qui sont mis en place pour renforcer le « pouvoir d'action » de ces acteurs, telles que par exemple les mesures de formation continue, de développement professionnel, les ressources mobilisées en soutien des équipes.

Diversité des politiques de régulation par les résultats

Si les politiques de régulation par les résultats présentent des dimensions communes, force est de constater qu'elles revêtent cependant des formes relativement diversifiées. Par delà l'influence de contextes et de modèles transnationaux dans la genèse de ces politiques, certaines conditions nationales ont contribué à l'émergence des différentes notions et politiques spécifiques que nous rassemblons sous l'appellation générique de « régulation par les résultats ». C'est ainsi qu'aux Etats-Unis a émergé un système d'accountability à « forts enjeux » orchestré à l'échelle fédérale et des Etats en réponse à une inquiétude croissante quant aux faibles performances du système éducatif états-uniens, mais aussi à l'écart de réussite persistant entre minorités ethniques et la majorité blanche (HARRIS & HERRINGTON, 2006). Ce système prévoit la fixation de standards curriculaires et de performance au niveau central, un « alignement » des évaluations et des pratiques professionnelles sur la base de ces standards, des sanctions importantes à l'égard des professionnels ou des institutions qui ne parviendraient pas à rejoindre les objectifs déterminés en termes de performance.

Ce système d'accountability à fort enjeux a, en Europe, été mis en place principalement en Angleterre et au Pays de Galles (BROADFOOT, 2000; NORMAND; DEROUET, 2011) où un système de contrôle suivi et permanent des performances effectives des élèves et des établissements scolaires est institué à l'échelle du système scolaire. Dans ce contexte, P. Broadfoot (2000) considère l'accountability comme un processus en deux étapes. D'abord « il s'agit de l'identification et de la mesure des performances du système éducatif par rapport à des objectifs préalablement fixés. Deuxièmement, d'une réponse apportée par des institutions éducatives, grâce à des mécanismes de contrôle destinés à repérer tout écart entre les objectifs et les résultats » (p. 44).

A la différence de l'accountability dure de certains états nord-américains, les pays européens continentaux ont eu recours à ce que Mons & Dupriez (2010) appellent des politiques d'accountability réflexive. Les systèmes d'accountability « douce » ou « réflexive » reposent sur un présupposé d'engagement et de réflexivité des acteurs, et sur un modèle d'obligation de résultats qui fasse d'avantage appel à l'auto-évaluation qu'à la sanction externe. Dans les contextes européens francophones en particulier - Belgique, France, Suisse - la notion d'accountability n'a d'ailleurs guère été utilisée sauf par les chercheurs et de façon relativement récente. Les notions mobilisées sont davantage celle de « pilotage » (DE LANDSHEERE, 1994), d'évaluation des politiques éducatives ou encore d'obligation de résultats (DEMAILLY, 2001; LESSARD; MEIRIEU, 2008; PONS, 2010; 2011).

En cohérence avec les formes variées que prennent les politiques de régulation par les résultats, les instruments qui sont mobilisés par ces politiques sont en fait très divers selon les contextes. Elles incorporent chacune des standards de référence, des outils d'évaluation externe des performances (des élèves, des personnels, des établissements, selon les cas), et divers mécanismes de reddition de comptes, associés à des conséquences plus ou moins importantes pour les acteurs concernés. Ces composantes se déclinent au travers de configurations d'instruments d'action publique assez variables

C'est pourquoi nous allons chercher ici à développer une problématisation plus approfondie de ces configurations d'outils en commençant par examiner les typologies des politiques et dispositifs d'accountability existantes dans la littérature pour esquisser une typologie plus dynamique de diverses configurations d'outils d'accountability.

Les typologies des politiques d'accountability : un survol critique

Les travaux visant à catégoriser les politiques d'accountability, peuvent être classés en deux grandes catégories. D'une part, des travaux récents et surtout états-uniens introduisent des typologies qui renvoient directement aux instruments mobilisés pour mettre en œuvre les politiques de reddition de comptes. D'autre part, des travaux à visée relativement générique (KOGAN, 1988; LEITHWOOD; EARL, 2000) ont forgé des typologies basées surtout sur des principes normatifs ancrés dans diverses traditions de philosophie politique, même si chaque type implique aussi divers outils d'action publique. Le « modèle » d'accountability est alors renvoyé aux types d'acteurs qui ont la légitimité et le pouvoir de « demander des comptes » ou à ceux qui ont l'obligation de devoir en rendre.

Dans la première catégorie, les travaux de Carnoy & Loeb (2002) distinguent, dans le contexte des Etats-Unis, des formes nouvelles des formes anciennes d'accountability (Old & New accountability) où le « nouveau » est basé d'un côté sur le changement d'échelle de la reddition de comptes (l'acteur légitime pour demander des comptes passe du niveau local/méso du district scolaire au niveau de l'Etat), de l'autre, sur les objets sur lesquels porte cette dernière. Dans la « new accountability », il n'est en effet plus seulement question de rendre des comptes sur les « inputs » (ressources, moyens) et sur les processus (enseignement, apprentissage) mais aussi et surtout sur les « outputs » des systèmes d'enseignement, sur leurs résultats. D'autre part ce ne sont pas seulement les résultats des élèves qui sont mesurés, mais au travers d'eux, les performances des établissements et du système éducatif dans son ensemble.

D'autres auteurs se sont intéressés plus particulièrement aux enjeux associés aux résultats des élèves et du système pour différents acteurs. Les politiques d'accountability mises en place par les différents systèmes états-uniens ont ainsi été différenciées selon le niveau d'enjeux des sanctions et incitants mis en œuvre pour encourager ou contraindre les écoles et les enseignants à développer leurs capacités éducatives, et améliorer les résultats de leurs élèves (CARNOY; LOEB, 2002 ; HARRIS; HERRINGTON, 2006). Des formes d'accountability « à forts enjeux» (high stake) ou « dure » iront de pair avec des sanctions ou des incitants qui ont des conséquences importantes pour les acteurs

Dans la deuxième catégorie de travaux, Kogan (1988) propose une typologie basée sur les principes normatifs sous-tendant la relation de reddition de comptes et ses formes d'organisation. Il propose la définition suivante de l'accountability : « accountabiliy can be defined as a condition in which individual role holders are liable to review and the application of sanctions if their actions fail to satisfy those with whom they are in an accountability relationship » (KOGAN, 1988, p. 25). Cette définition peut-être qualifiée de restreinte, car d'une part, elle n'implique pas une définition précise des conséquences de la reddition de comptes, d'autre part, elle implique une relation formelle entre divers acteurs. La reddition de comptes se distingue ainsi de la responsabilité morale plus diffuse d'un professionnel vis-à-vis de ses pairs, de soi-même ou vis-à-vis d'un client (answerability). Cette acception restreinte de l'accountability rejoint des définitions plus récentes telles que proposées par exemple par Bovens (2007).

La typologie développée par Kogan (tableau 1) articule plusieurs dimensions : les principes normatifs fondant la légitimité du pouvoir de demander des comptes, l'entité qui exerce le contrôle, les acteurs à qui il s'agit de rendre des comptes.

Il distingue différents modèles normatifs d'accountability qui renvoient en fait à des contextes différents. Dans le modèle du contrôle public et hiérarchique (« public state control and managerialism »), le contrôle et la « demande de comptes » sont exercés par une autorité institutionnelle : des « représentants élus », des fonctionnaires appointés (par ex. des chefs d'établissements). Dans le modèle « professionnel », le contrôle est exercé par des professionnels alors que dans le modèle dit « consumériste » (impliquant deux variantes « partnership » & « free market ») ce sont les usagers/partenaires ou les clients qui exercent un droit de contrôle. Le principe de justification qui sous-tend chaque modèle implique aussi des philosophies politiques contrastées

Les types mis en relief par Leithwood & Earl (2000 ; tableau 2) peuvent se rapprocher des modèles discutés par Kogan (1988). Le modèle du « marché et de la compétition » se rapproche du modèle « consumériste », les modèles professionnels présentent des caractéristiques similaires dans les deux typologies. Néanmoins chez Leithwood & Earl (2000), le fondement des types dégagés est basé sur ce qui contribue à la réalisation des buts de l'organisation éducative (défini comme le « bien de l'élève », le plus souvent mesuré par ses résultats académiques). Ainsi dans le type « professionnel », ce sont les pratiques des professionnels qui contribuent aux résultats ; dans l'approche « managériale » les pratiques de gestion des directions alors que dans le type « marché/compétition » ce sont les mécanismes du marché et de la concurrence qui participent au « bien éducatif ».

Ils distinguent par ailleurs les types à la lumière des réponses aux questions analytiques : « qui doit rendre des comptes », « à qui », « sur quoi », « avec quel niveau de reddition de comptes (description, explication, justification) », « avec quelles conséquences ?». Dans la « compétition de marché », ce sont les écoles (en particulier leurs directions) qui doivent rendre des comptes aux parents, car ces derniers ont le pouvoir de choisir l'école, ce qui entraine des conséquences sur son financement. De même, dans le modèle professionnel ce sont les pairs (enseignants ou directions) qui peuvent demander des comptes à leurs collègues ; cela peut se faire d'ailleurs avec des outils différents, puisque d'une part, cela peut prendre la forme d'un contrôle collectif de l'école par les professionnels (professional control site-based management) au travers d'un conseil d'école qu'ils dominent ; d'autre part, le contrôle professionnel peut passer par la médiation d'un ordre professionnel ou de comités professionnels d'experts qui ont en charge de vérifier si les pratiques de recrutement, d'enseignement, d'évaluation des enseignants respectent bien les standards mis en place (par référence aux standard based reform aux Etats-Unis). Le modèle « managérial » est un modèle qui repose quant à lui sur l'utilisation de méthodes de management rationnel (comme la planification stratégique) dans lequel les directions d'établissement développent des efforts « to create more goal-oriented, efficient and effective schools by introducing more rational administrative procedures » (p. 14). Ce modèle s'inscrit cependant dans une structure organisationnelle d'ensemble du système éducatif qui reste assez centralisée et homogène. C'est dans un dernier type, que Leithwood & Earl (2000) introduisent une logique de « décentralisation » associée au « nouveau management public » et à plusieurs formes de « site-based management » des établissements - donnant la prééminence soit à la communauté locale, soit au manager, soit au collectif enseignant. Dans ce type de décentralisation, l'accent de la reddition de comptes est mis sur les « résultats » obtenus.

Malgré leur intérêt, ces typologies ont une limite empirique assez évidente : elles ne prennent pas suffisamment en compte les caractéristiques majeures des politiques dites de « new accountability », qui se fondent sur divers outils d' « évaluation des résultats ». Ainsi, ces outils ne sont que marginalement évoqués par Kogan par référence au cas anglais, par Leithwood & Earl (2000) à propos du dernier type « décentralisation », faisant plus de place à la réforme des « standards » qu'à l'utilisation systématique des évaluations des résultats dans les mécanismes de reddition de comptes.

Par ailleurs, une autre limite de ces typologies (en particulier celle de Leithwood) est de mettre dans le même type (approche professionnelle) des logiques d'accountability reposant sur des instruments d'action publique très différents : d'un côté, des logiques de reddition de comptes basés sur des écarts à des « standards » supposés techniques, contrôlés par des instances professionnelles, de l'autre, un contrôle croisé des professionnels, et des justifications à rendre à un « conseil d'établissement » contrôlé par les enseignants.

Esquisse d'une typologie des politiques d'accountability : discours légitimateurs et instruments d'action publique

Cette critique des typologies existantes, basées surtout sur les acteurs et les relations de reddition de comptes entre acteurs, au-delà des philosophies politiques qui les légitiment, nous amène à avancer l'hypothèse que ces typologies manquent un point majeur qui nous semble essentiel dans l'analyse du changement des politiques de régulation par les résultats. Les principes de légitimité, ou les relations de reddition de comptes (« qui doit rendre compte à qui ») ne sont pas les réalités qui se transforment le plus. Ce sont davantage les outils d'action publique qui changent, justifiés par des principes de légitimation et un cadre normatif qui nous semble partiellement inchangé. Autrement dit, les évolutions des politiques seraient mieux saisies au travers des « outils », de leur opérationnalisation, qu'au travers des principes normatifs ou des philosophies politiques qui les justifient. Les acteurs amenés à devoir rendre des comptes et ceux à qui on doit rendre des comptes ne changent pas fortement, ce sont surtout les objets et conséquences associées à la reddition de comptes qui évoluent, en raison notamment d'un changement des outils.

Nous tenterons dans le tableau suivant, d'esquisser une analyse de ces évolutions, en mettant l'accent sur les transformations des outils d'action publique, à l'œuvre dans divers systèmes éducatifs en matière de contrôle et de reddition de comptes.

Concernant les diverses formes de relation de reddition de comptes (partie gauche tableau 3), il s'agit de « formes anciennes» de reddition de comptes, qui ne portent pas sur les résultats (mais peuvent porter sur les « inputs », sur les processus, ou sur les règles de l'organisation) et qui se sont développés de façon variable selon le système éducatif ou la période. Ainsi, dans un système de reddition de comptes centralisée (partie supérieure gauche tableau 3), la forme dominante est basé sur une reddition de comptes aux supérieurs hiérarchiques selon un schéma hiérarchique et bureaucratique fondé sur des outils légaux, règlementaires ou budgétaires, qui peut se prolonger jusqu'au niveau local. Ce modèle de contrôle public « hiérarchique » a pu se combiner de façon variable à différentes tentatives visant à « décentraliser » tout ou partie de l'autorité publique (voir partie inférieure gauche tableau).

Ainsi, Leithwood & Earl (2000) mettent en avant une approche de l'accountability, qu'ils qualifient de « managériale » (management approach) ; ce type d'approche « includes systematic efforts to create more goal-oriented, efficient and effective schools by introducing more rational administrative procedures » (p. 14). Dans une logique visant à développer « l'autonomie des établissements », le pouvoir du chef d'établissement de demander des comptes à l'ensemble du personnel de l'établissement peut dès lors être accru, même si lui-même doit aussi rendre des comptes aux niveaux hiérarchiques supérieurs. Une telle optique repose sur la croyance que les structures de l'école ne posent pas problème mais qu'une gestion plus rationnelle (planifiée, orientée par des données, suivie sur le plan des outils de développement professionnel et du suivi pédagogique) peut se traduire par une meilleure efficacité de l'école. C'est donc l'expertise managériale et la valorisation de l'autonomie de gestion qui est ici le fondement du pouvoir accru de « demande de comptes » et simultanément d'obligation renforcée de la direction de l'école de devoir en rendre au niveau hiérarchique supérieur.

Cette forme « managériale », fort en vogue dans les années 80 n'est pas la seule possible à cette époque. Dans d'autres contextes, l'autonomie des établissements peut aller de pair avec une augmentation du pouvoir collectif local exercé soit par les professionnels eux-mêmes (professional accountability), soit par des communautés locales qui sont « parties prenantes » et partenaires de l'école - en particulier les représentants collectifs des parents (community based accountability; LEITHWOOD; EARL, 2000, p. 5). Dans le premier cas, pour Leithwood & Earl. (2000), dès lors que les enseignants ont un pouvoir collectif et collégial sur des décisions clés (budget, curriculum et parfois de personnel), ils ont aussi une responsabilité et une obligation de reddition de comptes vis-à-vis tant de la hiérarchie (district) que vis-à-vis des parents et étudiants. Ce type d'accountability est justifié par le fait que les enseignants sont supposés les plus proches des élèves et les mieux informés pour orienter les décisions pertinentes ; par ailleurs « leur participation à la décision » doit augmenter leur engagement et leur implication. C'est donc une logique de « démocratie participative » restreinte aux professionnels qui est invoquée ici pour justifier leur autonomie d'action et au-delà, leur obligation de rendre des comptes.

Enfin, toujours dans les formes anciennes d'accountability, dans cette logique de « reddition de comptes » locale couplée à une structure bureaucratique et hiérarchique, un dernier cas de figure est celui de l'école qui serait contrôlée par « la communauté locale » ou par les partenaires significatifs de l'école, qui sont au premier chef les parents. Ce sont alors des « représentants » de ces derniers dans les conseils d'écoles qui sont les destinataires de la reddition de comptes: le chef d'établissement et indirectement les enseignants collectivement, doivent rendre compte aux représentants élus de la communauté. Si cette reddition de comptes peut aussi se faire au niveau du district, c'est une responsabilité jointe de ces deux niveaux d'action de se justifier des décisions prises auprès de la communauté locale dans son ensemble, notamment en cas d'élections des membres des comités d'établissements ou de districts. Dans cette forme de reddition de comptes, l'insatisfaction des électeurs peut conduire à la non réélection des mandataires. A nouveau c'est une logique de « démocratie participative locale » qui est mobilisée pour justifier le pouvoir des usagers locaux, qui doivent cependant se hisser au niveau des intérêts et des demandes générales de leurs mandants, puisqu'ils sont ici des « représentants ».

Ces différentes figures de la reddition de comptes ainsi dressées (reddition de comptes à un supérieur hiérarchique et au-delà aux mandataires publics élus à un niveau central ; reddition de comptes locale à une direction d'école, à un collectif de professionnels ou à une communauté locale) n'ont évidemment pas le même poids dans les réalités effectives, la collégialité pure entre enseignants étant par exemple de fait assez rare. Par ailleurs, les typologies existantes se réfèrent à différents modèles et discours normatifs permettant de les justifier ou différentes conceptions de ce qui « compte » comme ressources clés pour assurer et réaliser les buts définis aux institutions et organisations éducatives.

Nous faisons l'hypothèse que les fondements idéologiques des différentes formes d'accountability n'ont pas fortement changé dans les dernières décennies, alors qu'en pratique la place de l'accountability est nettement plus évidente aujourd'hui qu'auparavant. C'est bien davantage au travers de la mise en place de nouveaux instruments d'action publique (LASCOUMES; LE GALÈS, 2004), au travers des effets qu'ils produisent, des orientations normatives et cognitives qu'ils incorporent que le changement des politiques opère et que se renouvelle la signification socio-politique de l'accountability. Par contre, les différents discours justificateurs de ces outils restent pour l'essentiel disponibles et sont utilisés par de nombreux acteurs pour justifier l'introduction de changements d'outils techniques ; on va ainsi justifier les nouvelles formes d'accountability par le recours aux principes du caractère public du financement de l'éducation. Il sera dès lors légitime pour les élus ou leur hiérarchie administrative de demander des comptes aux professionnels. De même, le « professionalisme enseignant » pourra être le principe normatif justifiant la mise en place de nouvelles formes de reddition de comptes des enseignants à des « élites professionnelles » (corps d'inspection ou ordres professionnels) en référence aux standards qu'ils ont mis en place. Encore, la légitimité d'un logique managériale pourra justifier la reddition de comptes des enseignants aux gestionnaires locaux, et indirectement à la chaîne hiérarchique.

Dans le tableau 3, en se centrant à présent sur les colonnes de droite, on voit ainsi que les acteurs qui demandent des comptes ne changent pas tellement, de même que ceux qui doivent les rendre. Ce qui change surtout, c'est le « comment » et « sur quoi » ». De plus, ce sont aussi les conséquences associées à la reddition de comptes qui évoluent. Ainsi, l'Etat devient évaluateur et ne se contente plus de vérifier si les règles sont respectées ou les budgets bien ajustés aux besoins ; il multiplie les instruments d'évaluation des résultats (déjà existants d'ailleurs dans certains cas) pour en faire des outils de pilotage de ces politiques, et pas seulement des outils pédagogiques au service d'une régulation locale de type pédagogique par les professionnels (MONS, 2009). Les évaluations externes sont de plus en plus utilisées pour « réguler » et orienter les conduites des acteurs intermédiaires et locaux. Cette montée de l'évaluation va de plus de pair avec une explicitation accrue des standards curriculaires et de performance qui doivent (au moins théoriquement) sous-tendre les évaluations. Il restera évidemment à voir à quel degré un tel « alignement » des standards est visé et si il est bien réalisé en pratique.

Cependant, les conséquences assorties à une situation de non respect des objectifs visés pourront être plus ou moins « dures » selon la conception qu'ont les politiques des acteurs et ce qui les fait « bouger ». Ainsi, lorsque un modèle d'homo strategicus/oeconomicus est privilégié, la théorie de l'action inscrite dans les outils d'accountability pourra faire droit à un acteur plus ou moins réduit à un acteur stratège, sensible seulement à ses intérêts et aux contraintes ou ressources qui les affectent. S'agissant de donner suite aux résultats d'évaluation, les mesures d'accompagnement de cette accountability « dure » (MONS; DUPRIEZ, 2010) seront pensées en termes d'incitants et de contraintes : conséquences financières (individuelles ou collectives), en terme de gestion de carrière, d'images individuelles ou collectives. Par contre, si la théorie de l'action qui oriente la politique et ses outils, présuppose un acteur d'avantage socialisé et inscrit dans des obligations et normes sociales, marqué cognitivement par ses formations et expériences passées, défini aussi par des options normatives et pédagogiques auxquels il tient, les instruments cadrant les conséquences des évaluations seront différents. Il s'agira d'enjoindre l'organisation ou le professionnel à se confronter à ses résultats, avec les forces et faiblesses organisationnelles ou professionnelles. Dans cette accountability « douce », il s'agira de faire évoluer par la formation, l'accompagnement, par divers dispositifs favorisant le changement de pratique ou à la réflexivité.

Par ailleurs, le professionnalisme et ses institutions structurantes évoluent aussi : le professionnalisme enseignant mobilisé pour justifier la collégialité locale, est mobilisé à présent pour justifier un contrôle accru des pratiques enseignantes ou de la formation à l'aune de « standards » mis en place sur le plan des « compétences » maîtrisées ou des « pratiques » déployées au regard des autres professionnels ou du grand public (MAROY, 2009b). Bref, la justification et la référence à une idéologie professionnelle demeure, mais elle sous-tend le recours à des outils d'accountability très différents : « standards » d'un côté, mise en place d'outils consultatifs et communicationnels au niveau local de l'autre. Outils qui vont de pair avec des conceptions différentes voire opposées du professionnalisme enseignant (ethos based vs standard based professionalism, SACHS, 2001).

De même, la nécessité de devoir rencontrer les demandes et besoins des élèves (ou de leurs parents) sous-tendait déjà les modèles de « communautés scolaires locales », équipées par des outils de démocratie participative (conseil d'établissement, élection scolaires) dont les élus devenaient à la fois les relais des besoins de leurs mandants et tout à la fois, des acteurs devant leur rendre compte. Aujourd'hui, la montée de modèles de marchés comme outillage d'une reddition de comptes à l'ensemble des individus /parents /clients d'école peut encore s'appuyer sur un discours de satisfaction des besoins et aspirations des usagers/clients. Pourtant l'outillage mis en place présente, pour les acteurs qui doivent rendre des comptes, des conséquences nettement plus importantes qui changent la signification des politiques en cours.

Conclusion

Les instruments mobilisés dans le cadre des politiques de régulation par les résultats sont diversifiés et variés selon les contextes politiques nationaux. Si différentes typologies ont voulu donner sens à cette diversité, elles se sont élaborées dans deux directions : d'une part, certaines typologies partent des « conséquences » et des enjeux de l'accountability pour les acteurs soumis à reddition de comptes, en distinguant des formes d'accountability dure ou douce, réflexive ou centrée sur des sanctions. D'autres, construisent leur typologie en se basant davantage sur les questions de savoir « qui rend compte, à qui, sur quoi, avec quelles conséquences ? ». Ils en viennent alors à interpréter et à distinguer différentes formes de relation de reddition de comptes, soit en se basant sur le type d'acteurs et d'action qui doit être soumis à évaluation et reddition de comptes, parce qu'ils sont supposés être décisifs dans l'efficacité éducative ; soit en se basant sur les philosophies politiques qui justifient les relations de reddition de comptes (valorisation d'une reddition de comptes à l'Etat, au marché, aux professionnels).

Nous avons montré que ces typologies ne suffisent pas à produire une intelligibilité des transformations des formes d'accountability dans le secteur éducatif ; notamment parce qu'elles font l'impasse sur les outils les plus récents, les plus visibles, mobilisés par les pouvoirs publics dans les dernières années : les outils d'évaluation des performances.

Il nous semble quant à nous que, dans ce domaine des politiques d'accountability, l'approche par les instruments (LASCOUMES; LE GALÈS, 2004) est particulièrement opportune et pertinente. En effet, les politiques récentes (1990-2000) se distinguent moins des anciennes (1970-1980) par les principes ou philosophies politiques qu'ils convoquent pour se légitimer, que par les outils qu'ils mettent en place. Nous avons ainsi montré que le sens de la reddition de comptes à l'Etat ou aux autorités administratives, aux professionnels, ou aux usagers et à la communauté locale se transformait selon le type d'outils mobilisés. Il est donc crucial de prendre en compte les outils, car c'est par leur truchement que la portée, les conséquences, et donc la signification socio-politique de la « reddition de comptes » se transforment. C'est le changement des outils qui altère le sens d'un « contrôle » public, d'une demande de « comptes ». En d'autres termes, ce sont bien les outils qui font changer les formes de la régulation, bien plus que les référents idéologiques ou politiques qui sont convoqués pour les justifier (référence à la souveraineté démocratique de l'état, à la légitimité de « marché » des demandes des usagers, ou légitimité de l'expertise et de l'éthique des professionnels).

Dérive alors de cette hypothèse plusieurs pistes heuristiques, qu'il nous semble important de creuser dans les recherches à venir. Tout d'abord, nous pouvons faire l'hypothèse que le sens et les effets des politiques d'accountability doivent beaucoup aux configurations d'outils différenciés qui sont constitutifs de ces politiques. Il conviendrait alors de s'interroger de façon diachronique sur les trajectoires des politiques, en partant de l'évolution des outils qui les constituent, et notamment l'évolution des articulations entre ces outils. Analyser ces configurations évolutives d'outils, comme point d'entrée empirique de l'analyse, pourrait aussi mettre l'accent sur les questions de la cohérence ou des contradiction des outils entre eux. La question de leur alignement reste aussi ouverte, même si de façon normative les modèles économiques de l'accountability en font souvent une condition d'efficacité. Les écarts, parfois considérables, entre les réalités et les « modèles théoriques » de l'accountability resteraient de fait à explorer, comme leurs conditions sociales et institutionnelles d'émergence. Soulignons également que ces analyses resteront partielles, si elles n'investiguent pas aussi les « usages » effectifs de ces outils, leurs réceptions et traductions par les acteurs locaux, leurs dynamiques « d'usage » dans les établissements concrets.

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  • 1
    des systèmes éducatifs, où l'évaluation des « outputs » des systèmes organisationnels, en référence à des objectifs et des standards prédéterminés, y occupe une place centrale. Comme on le verra par la suite, une telle notion est en fait proche de l'acception large de
    l'accountability
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    , et plus précisément de la notion de
    government based accountability (HARRIS; HERRINGTON, 2006), qui ne se limite pas à des dispositifs de reddition de comptes.
  • 3
    où l'école est conçue non plus comme une institution, mais comme un « système de production » (MAROY; MANGEZ, 2011). Comme l'a souligné F. Dubet (2002), on assiste au déclin du « programme institutionnel » de l'école. L'école est en effet de plus en plus pensée comme un « système de production » dans les termes de l'économie et de la théorie des organisations (comme un système inputs/outputs) (LAVAL, 2003) et non plus dans les termes de la sociologie qui interrogeait les fonctions diverses qu'elle remplit au sein d'un ensemble social : depuis la fonction d'intégration sociale, la fonction de « reproduction » de la division sociale du travail, jusqu'à la fonction de perpétuation d'un patrimoine de savoirs, de valeurs et de référents cognitifs et culturels. Aujourd'hui, la politique scolaire tend, pour une partie au moins, à être pensée comme une visée d'amélioration des résultats, comme une recherche d'amélioration des performances du système en termes d'efficacité, d'équité ou d'efficience. Il s'agit d'améliorer la qualité, l'organisation, la coordination, les « compétences » des agents, tous termes qui peuvent être utilisés dans n'importe quel type d'organisation productive, ce qui va conduire de façon croissante depuis une trentaine d'années à de multiples recherches inspirées des matrices cognitives de l'économie ou de la théorie des organisations. De plus le souhaitable, soit les objectifs de la politique, est alors défini en référence aux individus qui composent la société, bien davantage qu'aux collectivités au sein desquelles ils s'inscrivent. La formulation des finalités se fait en termes d'acquisitions des individus (de savoirs, compétences, savoir-faire ou attitudes, voire de « savoir-être »), de performances ou de réalisations individuelles. Par opposition, le souhaitable était antérieurement défini en terme de valeurs, de normes ou de propriétés référées à la socialisation nécessaire des individus, en référence à des entités collectives d'appartenance (la société dans son ensemble ou une communauté - religieuse par ex).
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    . Les politiques d'accountability présentent donc dans les faits une grande diversité liée à la façon dont différents instruments sont couplés, voire alignés dans diverses configurations qui articulent standards, outils d'évaluation, relation de redditions de comptes (par ex entre d'une part les « autorités administratives » et d'autre part, les établissements et leurs acteurs : enseignants, parents, directeurs, élèves...)
  • 5
    . En d'autres mots, les outils mobilisés et les mécanismes qui les lient les uns aux autres constituent des éléments d'analyse clefs permettant de comprendre les significations et les orientations socio-politiques diverses des systèmes d'
    accountability qu'ils opérationnalisent.
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    ; à l'inverse, lorsque ces mécanismes de sanctions seront moins forts ou feront défaut, on parlera d'accountability à faibles enjeux (
    low stake) ou « faible » (weak).
  • 7
    . Ainsi, le premier modèle renvoie plutôt à des principes « libéraux démocratiques » : le libéralisme politique implique, au nom de la souveraineté démocratique, la responsabilité politique des élus et des gouvernements face à leurs électeurs qui doivent rendre comptes de leur action politique et sont susceptibles de ne pas être réélus. D'autre part, les administrations publiques (leurs dirigeants, indirectement leurs agents) doivent rendre comptes devant les entités législatives élues. La philosophie « libérale démocratique » autorise donc une dévolution du pouvoir aux administrations de l'Etat qui va de pair avec une demande de comptes par la chaine administrative ou hiérarchique (accountability dite bureaucratique). Le second modèle renvoie également à cette même philosophie politique mais ménage la médiation d'une expertise à qui est déléguée la responsabilité de devoir évaluer la pratique et la compétence de ses membres (délégation aux enseignants eux-mêmes, à un directeur qui est un «
    leading professional » ou à un corps d'inspection). Le modèle « consumériste » renvoie enfin à une philosophie libérale conduisant à limiter le rôle de l'état dans l'éducation, laissant aux individus et familles le soin d'évaluer les services qui leur sont rendus. Selon Kogan (1988), cette reddition de comptes aux usagers peut également se fonder sur une philosophie de démocratie participative.
  • Publication Dates

    • Publication in this collection
      01 Oct 2013
    • Date of issue
      Sept 2013

    History

    • Received
      13 June 2013
    • Accepted
      17 July 2013
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