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Echanges intergénérationels et construction de frontières dans les expériences éducatives des classes moyennes

Abstracts

L'analyse comparée des stratégies et expériences éducatives de quatre familles des classes moyennes et intermédiaires de la région parisienne fait apparaître plusieurs éléments de continuité et d'écart entre l'éducation reçue des parents et l'éducation donnée aux enfants, comme des degrés différents d'adhésion à l'idéologie du " familialisme " et les effets de l'autonomisation progressive du champ de l'éducation et de la délégation de l'autorité parentale. Les rapports établis dans le temps entre l'éducation familiale et l'éducation scolaire et les valeurs reconnues pour avoir assuré une mobilité réussie des familles participent à la constitution des "vocations" familiales et éducatives. Les changements observés concernent d'une part la transformation du rôle des femmes dans la gestion de la mémoire familiale et dans les transmissions du patrimoine familial et la construction des généalogies, et d'autre part les styles éducatifs, avec le déclin des conduites autoritaires et leur transformation en contraintes morales. Ces changements ont renforcé le rôle des familles dans la production des frontières éthiques de l'espace social, dans les échanges intergénérationnels et dans les perspectives de mobilité.

Echanges intergenerationels; Frontieres sociales; Experiences educatives; Classes moyennes; France


A análise comparada das estratégias e experiências educativas de quatro famílias das classes médias e intermediárias da região parisiense fez surgir vários elementos de continuidade e descompasso entre a educação recebida dos pais e a educação dada aos filhos, como diferentes graus de adesão à ideologia do "familismo" e os efeitos tanto da autonomização progressiva do campo da educação como da delegação da autoridade parental. As relações estabelecidas antigamente entre a educação familiar e a educação escolar e os valores reconhecidos como tendo garantido às famílias uma mobilidade de sucesso participam da constituição das "vocações" familiares e educativas. As mudanças observadas dizem respeito, por um lado, à transformação do papel das mulheres na gestão da memória familiar, nas transmissões do patrimônio familiar e na construção das genealogias e, por outro lado, aos estilos educativos, com o declínio dos comportamentos autoritários e sua transformação em obrigações morais. Essas mudanças têm reforçado o papel das famílias na produção das fronteiras éticas do espaço social, nas trocas intergeracionais e nas perspectivas de mobilidade.

Trocas intergeracionais; Fronteiras sociais; Experiências educativas; Classes médias; França


This paper presents a comparative analysis of the educative strategies and experiences of four middle and intermediary class families in the Paris Region. Such study highlighted several continuities and differences between the education received from the parents and that given to the children. Examples are the various degree of adhesion to the familism ideology and the effects of the progressive autonomization of both the educational field and the delegation of parents' authority. The relationships that used to link family and school education to the values that guaranteed a successful mobility to families participate in the constitution of family and educative "vocations". On the one hand, the changes observed concern the transformation of the role of women in the family memory handling, the transmissions of the family heritage and the construction of genealogies. On the other, they refer to the educative styles, with the decline of authoritative behaviors and their transformation into moral obligations. Such changes have been strengthening the role of families in the production of ethical boundaries within the social space, in the intergenerational exchanges an in the mobility perspectives.

Intergenerational exchanges; Social boundaries; Educative experiences; Middle classes; France


DOSSIER: "LES EXPÉRIENCES D'ÉDUCATION ET DE LA CONSTRUCTION DE FRONTIÈRES SOCIALES"

Echanges intergénérationels et construction de frontières dans les expériences éducatives des classes moyennes

Mihaï Dinu GheorghiuI; Pascale GrusonII; Judit VariIII

IProfesseur à l'Université Alexandru Ioan Cuza (Iasi, Roumanie), membre associé du Centre de Sociologie Européenne et du Centre des Etudes de l'Emploi (France). E-mail: mihaidg@yahoo.frIIChercheur CNRS à l'Institut Marcel Mauss et au Centre d'Etudes des Mouvements Sociaux (Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales, Paris, France). E-mail: Pascale.Gruson@ehess.fr

IIIDoctorante, Centre d'Etudes des Mouvements Sociaux (Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales, Paris, France). E-mail: vari-judit@yahoo.fr

RESÚME

L'analyse comparée des stratégies et expériences éducatives de quatre familles des classes moyennes et intermédiaires de la région parisienne fait apparaître plusieurs éléments de continuité et d'écart entre l'éducation reçue des parents et l'éducation donnée aux enfants, comme des degrés différents d'adhésion à l'idéologie du " familialisme " et les effets de l'autonomisation progressive du champ de l'éducation et de la délégation de l'autorité parentale. Les rapports établis dans le temps entre l'éducation familiale et l'éducation scolaire et les valeurs reconnues pour avoir assuré une mobilité réussie des familles participent à la constitution des "vocations" familiales et éducatives. Les changements observés concernent d'une part la transformation du rôle des femmes dans la gestion de la mémoire familiale et dans les transmissions du patrimoine familial et la construction des généalogies, et d'autre part les styles éducatifs, avec le déclin des conduites autoritaires et leur transformation en contraintes morales. Ces changements ont renforcé le rôle des familles dans la production des frontières éthiques de l'espace social, dans les échanges intergénérationnels et dans les perspectives de mobilité.

Mot clefs: Echanges intergenerationels. Frontieres sociales. Experiences educatives. Classes moyennes. France.

S'intéresser aux transformations de l'éducation familiale et approcher ceux qui en sont les principaux acteurs suppose de les interroger sous leur double posture, de sujets et d'agents de l'éducation, de personnes ayant été éduquées et de personnes assurant l'éducation de leurs enfants. Ce choix ayant été pour l'enquête plus empirique que théorique, une première définition de l'éducation avait été retenue à partir des représentations des personnes interrogées : l'éducation apparaît communément comme un processus de transmission d'un ensemble de valeurs qui constituent l'identité d'un individu, assurant son inscription dans une filiation et la reconnaissance de son statut social, dans la mesure où ces valeurs sont partagées par d'autres groupes. L'éducation proprement familiale assure la transmission d'un patrimoine symbolique (qu'est celui de la réputation, du nom de la famille) et social. Elle règle en même temps les rapports entre les membres du groupe familial (parents, enfants, frères et soeurs). Le patrimoine symbolique et social a une dimension cognitive importante : il assure des connaissances dans différents domaines de la vie sociale, des manières de se positionner dans les relations avec d'autres groupes, des formes de sociabilité, ainsi qu'un certain ethos attaché à l'ensemble de ces relations (être réservé, ouvert, tolérant, exigeant, etc.).

Des études sociologiques et anthropologiques sur le lien social et familial et sur la parenté1 1 Voir par exemple Christian Baudelot et Roger Establet, Avoir trente ans en 1968 et 1998, Paris, Seuil, 2000, et Claudine Attias-Donfut, Nicole Lapierre, Martine Segalen, Le nouvel esprit de famille, Paris, Odile Jacob, 2002. ont déjà posé la question du rapport entre l'éducation reçue et l'éducation donnée et celle de la transmission de ce patrimoine symbolique et social à travers des échanges intergénérationnels. Ces différentes études s'intéressent également aux questions de solidarité sociale (dans la tradition durkheimienne) ou de mobilité. A côté de la dimension patrimoniale de l'éducation familiale est apparue ainsi une dimension stratégique, où l'éducation est représentée explicitement comme un investissement (de la part des parents) ayant comme objectif la " réussite " (sociale, professionnelle) de leurs enfants. Les intérêts des parents, au sens économique, de retour sur l'investissement, sont plus collectifs qu'individuels (les parents peuvent s'attendre plus à une reconnaissance symbolique de leurs enfants et de la " société ", qu'au remboursement de leurs investissements2 2 Les situations de pure perte apparaissent dans les phénomènes de honte sociale, dont l'illustration littéraire classique est le personnage de Balzac, le Père Goriot, dont le surinvestissement éducatif réussi de ses deux filles, entrées par mariage dans la haute société, est qualifié d'" altruisme excessif et imprudent " par Claudine Attias-Donfut, Nicole Lapierre, Martine Segalen, op. cit., p. 239-240. ). Cela est particulièrement évident dans les situations de promotion familiale où les positions acquises par les enfants sont supérieures à celles des parents. La mobilité ascendante peut être considérée ainsi comme un indicateur de stabilité de la position sociale de la famille (qui suppose la reconnaissance sociale de la réussite de l'éducation familiale).

Dans le cadre de notre enquête, l'analyse des mécanismes de transmission intergénérationnelle d'un modèle éducatif (de l'éducation reçue à l'éducation donnée) a pris en compte le statut ou la position sociale des familles interviewées, classées comme " aisées ", " moyennes ", " intermédiaires " et " populaires ", ainsi que la plus ou moins grande stabilité de cette position, établie ou précaire3 3 Cf. Saint Martin et Gheorghiu (éd.), Le Rapport final, Paris, novembre 2007. . Cette analyse nous a permis d'approcher une certaine dynamique des groupes familiaux, prenant en compte à la fois les trajectoires individuelles, les transformations des couples, les processus d'autonomisation des enfants et des jeunes, ainsi que l'incidence éventuelle d'autres problématiques, plus spécifiques, professionnelles, religieuses, culturelles, économiques.

L'exemple des seules classes moyennes, retenu pour cet article, est édificateur à plus d'un titre pour la production des frontières sociales à travers les expériences éducatives : classes frontière, leurs membres affirment plus souvent la distance qui les sépare des classes populaires et les différences entre l'éducation qu'ils ont reçue et celle qu'ils donnent à leurs enfants. La littérature des dernières décennies4 4 Un certain nombre de critères classiques ont été retenu pour définit les catégories sociales comme le niveau d'études, la profession des parents, la situation familiale, le mode de logement, les établissements scolaires fréquentés par les enfants, les sports et les activités pratiqués etc.. Pour une présentation plus détaillée de la notion de " classe sociale ", cf. le chapitre IV, Hiérarchies sociales et instabilité des positions, in Saint Martin et Gheorghiu (éd.), op. cit., 2007, p. 70. accorde une attention particulière aux classes moyennes, à leur mobilité et à la transformation du mode de domination que leur histoire fait apparaître. La grande hétérogénéité des classes moyennes, la faible distinction qui sépare dans leur comportement la mobilité de l'instabilité, les luttes de classement et le brouillage des hiérarchies et des frontières internes5 5 Pierre Bourdieu, " Classement, déclassement, reclassement ", in Actes de la recherche en sciences sociales, 24, novembre 1978, p. 18. exigent une analyse approfondie des stratégies éducatives des familles des classes moyennes. Dans quelle mesure et sous quelles formes le patrimoine hérité, stylisé en modèle éducationnel, conduit à des investissements éducatifs qui contribuent à tracer des frontières éthiques et symboliques ?

L'ACTE ÉDUCATIF DANS SA TEMPORALITÉ. DE L'ÉDUCATION DES PARENTS À CELLE DES ENFANTS

Les récits sur l'éducation reçue et l'éducation donnée font apparaître des modalités d'inculcation et d'appropriation de règles de conduite qui permettent l'aménagement de la vie quotidienne, l'organisation de l'économie domestique (division du travail, distribution des tâches, répartition du temps entre les activités), le contrôle des consommations, la gestion des rapports avec les principales institutions qui participent différemment à l'éducation (au sens large) des enfants, comme l'école, les associations de soutien scolaire ou l'église, le contrôle des contacts et des fréquentations, etc. Les récits contiennent également une série d'indications sur les styles éducatifs et confirment des observations sur la tendance à l'effacement de l'éducation autoritaire sur trois générations, l'éducation donnée apparaissant souvent mais pas toujours plus souple que l'éducation reçue6 6 Voir le tableau des résultats de l'enquête sur Trois Générations (1992) comparant les styles " sévère " et " souple " dans Claudine Attias-Donfut, Nicole Lapierre, Martine Segalen, Le nouvel esprit de famille, op. cit, p. 30-31. Il y a cependant un décalage entre l'évaluation par les parents et les enfants, les premiers se considérant plus souvent " tolérants ", alors que les enfants les considèrent plus souvent sévères. . La question des styles éducatifs conduit à une autre question qui concerne la transmission d'unpatrimoine éthique, et l'élaboration des codes éthiques7 7 Christian Baudelot et Roger Establet, op. cit, p. 70. .

Les entretiens réalisés restituent des représentations générales sur l'éducation qui ne peuvent pas toujours tenir compte de la modification dans le temps des relations entre les parents et les enfants. Certains actes éducatifs, en particulier des règles de conduite élémentaire (tenue, hygiène, politesse) concernent plutôt les enfants en bas âge. Lorsque l'enfant a plus d'autonomie des rapports de confiance s'établissent et le contrôle diminue. La manière de gérer les rapports intrafamiliaux par l'éducation anticipe l'insertion dans d'autres groupes sociaux et est perçue d'ailleurs comme une forme de préparation à la vie active. L'autonomie progressive des enfants est liée ainsi à la multiplication de leurs relations extrafamiliales et à la capacité de faire des choix sans avoir l'avis de leurs parents.

Dans les présentations des entretiens qui suivent, et qui portent essentiellement sur des familles de classes moyennes, nous analysons de façon prioritaire le mode d'articulation entre l'éducation reçue par les parents et l'éducation donnée, et nous ajoutons chaque fois que cela est possible le point de vue d'au moins l'un des enfants de la famille sur l'éducation qu'il a reçue. Nous avons retenu, pour chaque entretien, ce qui se rapporte à la hiérarchisation des valeurs pour l'éducation. La transmission intergénérationnelle du patrimoine familial par l'éducation suppose une série de sélections et de réajustements en fonction des trajectoires des membres de la famille, de l'évaluation des " résultats " de l'éducation reçue et des projections sur le devenir des enfants et les jeunes

I. UNE FAMILLE EN SITUATION DE MOBILITÉ SOCIALE ASCENDANTE. CLAUDETTE ET SES ENFANTS8 8 Entretien réalisé par Mihai D. Gheorghiu.

Contexte. Claudette et Serge sont respectivement institutrice et infirmier. Ils vivent dans la région parisienne. Serge est le second mari de Claudette qui a divorcé du premier. Claudette a deux enfants, Karine, fille aînée de son premier mariage, était conseillère en éducation au moment de l'entretien, et Antoine, élève.

L'histoire sociale de la famille de Claudette et de Serge est marquée par deux faits importants de mobilité : l'un est une ascension socioprofessionnelle - le passage d'un milieu ouvrier et populaire à un milieu de service social ; l'autre est " l'assimilation ", réalisée à la seconde génération, de deux familles d'origines italienne (Claudette) et algérienne (Serge) par le père. Le récit de l'histoire familiale insiste sur le rôle déterminant qu'ont joué l'école et les études dans le changement de statut du couple, alors que les particularités culturelles, voire religieuses attachées à une origine étrangère sont occultées ou refoulées, n'étant évoquées qu'à titre de curiosités et sans véritable signification pour l'identité de la famille. Le rapport à l'école, au livre et la passion pour la " formation " des autres apparaissent de manière symbolique au centre du récit. Il est assez significatif dans ce contexte que Claudette définisse l'éducation par " la transmission des valeurs, pas forcément religieuses ".

Le récit de l'histoire familiale passe en revue les rapports de proximité ou de distanciation qui unissent ou séparent les différents membres de la famille. Il n'est pas toujours facile de comprendre ce qui est à l'origine des rapprochements ou des distanciations - les ruptures et recompositions familiales (les divorces), les différences de niveau culturel (" l'ennui ") ou la solidarité manifestée ou manquée dans certaines situations (par exemple l'aide des parents âgés est inégalement assumée par les membres de la famille). Parfois est invoquée une incompatibilité de valeurs (la grand-mère n'aimait pas travailler). Les réseaux d'amitié, bien que présents, sont peu présentés, car on ne leur attribue pas de rôle dans l'éducation. Claudette évoque cependant l'existence d'un " mentor " qui aurait contribué faire sortir Serge de sa condition d'origine - un ami de jeunesse et sa famille l'ayant encouragé dans ses études.

I.1. Education reçue

La position occupée par Claudette dans la configuration familiale peut être repérée assez facilement à travers des symétries qu'elle a établies. " Sa " manière de rationaliser l'histoire familiale et de lui donner un sens est influencée par une vulgate psychologique propre à son milieu professionnel. En même temps, c'est une construction par Claudette de son histoire dans la situation d'entretien. Il y a d'abord la symétrie des origines familiales, populaires et étrangères, de Claudette et de son époux Serge. Ensuite, il y a l'explication que Claudette donne du choix de ses deux maris, en comparaison avec sa mère : comme celle-ci, Claudette a choisi d'abord un partenaire qui lui était culturellement inférieur et à côté duquel elle s'ennuyait (" j'avais pris le même homme que ma mère "), pour vivre ensuite avec Serge qui a 6 ans de moins qu'elle ; cette même différence d'âge existait entre ses parents. Malgré ces similitudes chiffrées (deux mariages, même différence d'âge dans le couple), une distance sépare Claudette de sa mère : selon elle, Claudette a divorcé " dans le bon sens " ; Serge correspond à ses aspirations sociales et il est donné en exemple de bonne éducation.

Une autre symétrie concerne le père de Claudette - un ouvrier qui aimait beaucoup former des jeunes - et Serge qui est cadre infirmier formateur. Une autre encore se rapporte aux parcours scolaires presque identiques (y compris dans les incidents de parcours) de Claudette et de sa fille, Karine, devenue conseillère en formation. L'école et de la formation réunissent finalement les membres adultes de la famille. Dernier fait appelant un rapprochement comparatif, la manière dont les mères de Claudette et de Serge auraient dirigé leurs ménages. Assez autoritaire, celle de la mère de Serge, sur lequel cette éducation aurait laissé des traces - il est en psychothérapie depuis quelque temps ; en revanche, Claudette considère l'éducation que ses parents lui ont donnée comme plutôt libérale. Claudette elle-même se considère libérale dans l'éducation qu'elle donne à ses enfants (sans utiliser le mot, elle parle d'" ouverture d'esprit "), bien qu'il y ait eu des différences importantes entre la manière dont elle s'est occupée de l'éducation de ses deux enfants.

L'" ouverture d'esprit " (libérale) est désignée comme la première valeur héritée. Si cela est évoqué en particulier par rapport à la vie affective et sexuelle, la signification qui lui est attribuée est plus large. Elle n'est apparemment pas perçue en contradiction avec le contrôle ou la discipline qui étaient probablement imposés dans la famille sous d'autres aspects. L'" ouverture d'esprit " peut être entendue aussi dans le sens du rapport de confiance établi entre parents et enfants qui témoigne finalement d'une " bonne éducation ", sans contrôle permanent et sans grand discours mobilisateur. Dans ce sens, Claudette dit ne pas avoir fait l'expérience de conflits et de violences dans sa famille, un comportement pacifique qu'elle a reproduit par la suite.

La solidarité envers les pauvres vient en seconde position, et on peut ajouter dans le même ordre l'exemple personnel du travail qui, sans être nommé directement comme une valeur, indique un mode de transmission des plus efficaces : il est inconcevable de ne pas travailler, de ne pas aimer travailler.

La lecture, le livre (et, implicitement les études, le travail intellectuel) font partie des valeurs héritées, même si le vecteur pouvait en être à l'origine des plus modestes : le père ouvrier immigré qui lisait tous les jours le journal, ou Claudette qui préfère la lecture d'un roman policier aux émissions de télévision sont des exemples de surinvestissement symbolique de la lecture par rapport à d'autres consommations culturelles considérées moins légitimes (télévision, jeux vidéo). C'est surtout le comportement populaire " type " - regarder pendant des heures des " inepties " à la télévision - qui est stigmatisé par Claudette comme étant caractéristique de l'attitude de son premier mari. Elle redoute que celui-ci n'ait été transmis à sa fille.

La dernière valeur mentionnée (mais malheureusement insuffisamment exemplifiée), c'est la sociabilité, " l'ouverture envers les autres ", l'amitié - être entouré de nombreux amis était aussi bien le mode de vie de ses parents que de sa famille aujourd'hui.

I.2. Education donnée

Entre l'éducation reçue et l'éducation donnée, on observe quelques changements: les valeurs transmises, qui font partie de l'héritage familial, font fonction de modèle éthique explicite - et il s'agit essentiellement du rapport à l'école et au travail, auquel s'ajoute une certaine tolérance morale et une forme de sociabilité (" esprit d'ouverture ", " ouverture vers les autres ") à l'égard de certains écarts à la norme (abandon provisoire de l'école, consommation occasionnelle de drogues douces). D'autres valeurs sont évoquées dans l'ordre d'un modèle de conduite - bien se comporter dans une visite, aider à mettre ou à débarrasser la table et faire la vaisselle (Claudette aurait reçu des félicitations pour le comportement de ses enfants dans de telles occasions). Enfin, plusieurs valeurs appartiennent à une catégorie à part, celle des tabous, des interdits : le respect de l'autorité parentale (ne pas lever la main sur ses parents, ne pas les insulter) et le respect des normes fondamentales de la société - ne pas mentir, ne pas voler. Il s'agit ici de valeurs universelles, constitutives de la socialisation des enfants, et par où passent les frontières qui les défendent des éventuelles mauvaises " influences " et " fréquentations ".

Une question est ici celle des différences entre l'éducation de la fille aînée et du fils : différences dues à la fois à l'âge des parents et des enfants, au sexe des enfants, à la configuration familiale (Karine a été éduquée en grande partie aussi par son beau-père, tout en gardant ou en reprenant contact avec son père). Par son parcours et par son attachement particulièrement fort à sa mère, Karine est présentée presque comme une copie de Claudette : Claudette juge elle-même l'éducation qu'elle a donnée à sa fille comme plus stricte, la justifiant par ses appréhensions des effets du divorce. Karine a apparemment dû traverser une période de relations compliquées avec son père après la séparation de ses parents (même si elle n'avait que quatre ans), ainsi qu'avec ses grands-parents paternels. Le fait d'avoir suivi la même filière scolaire, d'avoir redoublé presque au même âge que sa mère, etc., ainsi que le fait d'avoir été " surprotégée " par elle la met dans un rapport de dépendance qui inquiète Claudette dans une certaine mesure.

Une autre caractéristique de Karine, qui la différencie de son frère, est son attachement à l'école - elle y travaillait au moment de l'entretien en tant que conseillère en communication et formation, après avoir été formée elle-même par l'établissement qui l'a recrutée. Selon le récit de Claudette, Karine apparaît ainsi inscrite plutôt dans une logique de reproduction " simple " du modèle éducationnel familial.

Les représentations de Karine sur sa propre histoire familiale font penser à une " vocation familiale " dont elle se sent porteuse et à une " mission " qui lui reviendrait dans cette histoire : elle souhaite avoir des enfants très tôt, les élever de la même manière dont elle a été éduquée, parfaire la reproduction familiale et lui donner de l'équilibre dans la continuité.

II.UNE FAMILLE SÉPARÉE EN CONTEXTE D'ASCENSION. FLORENCE ET SES ENFANTS9 9 Entretien réalisé par Judit Vari.

Contexte. Florence a 47 ans, originaire d'une famille bretonne modeste, elle a divorcée depuis une dizaine d'années, et vit avec deux de ses trois enfants (deux filles et un garçon, Thomas, le benjamin) dans un petit HLM10 10 Habitat à Loyer Modéré. d'une ville populaire de la région parisienne.

Le parcours familial est en mouvement ascensionnel, Florence et son ex-mari sont issus d'un milieu populaire mais font aujourd'hui plutôt partie des classes moyennes de Genevilliers. Employés municipaux, usagers des structures culturelles de la ville, cette famille est bien implantée dans la ville. Cependant, si la situation de l'ex-mari paraît très stable11 11 Iissu d'une famille ouvrière de Gennevilliers, il est fonctionnaire, ingénieur subdivisionnaire au service du logement de la ville. , celle de Florence l'est moins. Divorcée, titulaire depuis peu, Florence a connu de longues périodes d'incertitude quant à son avenir. Si on peut considérer que sa position est aujourd'hui plus stable qu'autrefois, cette situation est récente. Son parcours de vie est particulièrement parlant dans la mesure où il permet de saisir des modalités qui construisent les frontières entre groupes sociaux.

II.1. Education reçue

Ses parents étaient catholiques pratiquants, Florence a été baptisée et a fait sa communion, en revanche elle n'a pas fait baptiser ses enfants, son mari étant " complètement athée ". Florence a reçu une éducation plutôt stricte où le dialogue entre les parents et les enfants était très rare, voire inexistant : " D'abord moi, mes parents, j'avais surtout pas intérêt à leur répondre, ... eux avaient leur place de parents et ils me faisaient bien comprendre que j'étais l'enfant, ça j'ai évolué par rapport à ça. Mes enfants je les autorise à dire les choses si ça ne va pas, au contraire. "

II.2. Education donnée

Florence fait une nette différence entre l'éducation qu'elle a donnée à sa fille aînée Coralie et aux deux suivants (le prénom de Coralie est cité deux fois plus dans l'entretien que les autres). Florence revient souvent sur sa relation difficile et conflictuelle avec sa fille. En effet, Florence a eu sa première fille assez jeune, et elle voulait alors se démarquer complètement de l'éducation donnée par ses parents. Elle s'appuyait sur des livres de psychologie, mais ne savait pas toujours comment faire avec sa fille. Elle reproche aussi à son ex-mari de ne pas l'avoir suffisamment aidée. Elle décrit ainsi sa fille comme " une enfant tyrannique " et gâtée, " hyper difficile ", les comportements différents des parents à son égard étant à l'origine de la séparation du couple.

Florence distingue l'éducation qu'elle a donnée à son aînée de celle donnée à ses deux autres enfants, elle a eu beaucoup moins de conflits avec les derniers. Après la séparation avec son mari, Florence a commencé à faire du théâtre et a remis progressivement en question sa position de mère de famille (" je pouvais en tout cas rencontrer des gens, même si j'avais des copines qui venaient boire le thé mais ce n'était pas pareil, ça c'était des gens que je choisissais, donc j'ai commencé à sortir, après le théâtre d'aller au restaurant et commencé à revendiquer le fait que je pouvais être autre chose qu'une maman. ").

Dans la famille le dialogue est valorisé ; les enfants demandent à leur mère de justifier les règles imposées, justifications qu'elle n'arrive pas toujours à donner ou qu'elle ne veut pas donner. Elle contrôle le choix des émissions de télévision, des activités extra-scolaires, des livres, etc. Même si elle leur laisse le choix de leurs relations amicales et amoureuses, elle ne les cautionne pas, et fait preuve d'une vision assez conservatrice.

Florence et son ex-mari ont toujours favorisé les activités extra-scolaires. Ce sont eux qui les choisissaient pour les enfants quand ces derniers étaient petits. Pour elle, c'est important, non seulement pour donner à ses enfants une certaine " ouverture d'esprit ", mais aussi parce que durant sa jeunesse, elle ne pouvait pas en profiter (" c'est certainement pour moi aussi parce que je n'ai pas eu du tout d'ouverture à ce niveau là.").

Thomas, le fils de Florence, qui a 15 ans, est dans un collège privé. Il se définit comme un élève sage, qui ne parle pas beaucoup en cours, ne répond pas aux enseignants ; s'il lui est arrivé d'avoir à faire des heures de colle, c'est assez rare. Il est rarement dissipé, et ses copains ont le même type de comportement, plutôt discret. Il se considère comme un élève moyen, ou " plutôt bon " ; il a 13 de moyenne générale. Pour Thomas un " bon " enseignant est quelqu'un qui explique bien, tout en ayant de l'humour. Selon lui, les enseignants ne s'investissent pas assez, " ils s'en foutent un peu ", et donnent trop de devoirs. Il est pour Thomas important d'apprendre et d'avoir de bonnes notes à l'école ; l'école revêt pour lui un caractère obligatoire, qui ne comporte que peu de points positifs.

En ce qui concerne l'éducation qu'il reçoit, il perçoit ses parents comme " bien ", " sympa " ; ils le tancent lorsqu'il fait des bêtises, mais il est possible de discuter avec eux : il sait que, s'il a des ennuis, il peut leur parler, il leur fait confiance ; cependant, il ne leur parle que peu de ses copains. C'est plutôt eux qui l'interrogent -" ça me soûle un peu "- que lui qui leur raconte ses histoires "Il y a des trucs dont je ne leur parle pas ". Il partage quelques activités avec eux, le cinéma avec sa mère, des sorties avec son père, et ses parents l'aident parfois à faire ses devoirs s'il a des difficultés. Il considère ses parents comme " justes ", ils ne l'engueulent pas quand ce n'est pas à son avis nécessaire. En fait, il adhère aux règles établies, et s'il lui arrive d'en enfreindre quelques unes temporairement (rentrer avec un peu de retard, ne pas ranger sa chambre, etc.), il ne conteste pas vraiment la manière dont il est éduqué. Ceci dit, il n'accepte pas toutes les injonctions parentales, a arrêté le piano que son père l'avait un peu obligé à apprendre et maintenant apprend la guitare.

Il note bien la différence des rôles entre sa mère et son père dans son éducation : c'est sa mère qui rappelle le plus souvent les règles et le dispute le plus souvent ; son père " est plus pour qu'on sorte ensemble et tout, pas pour qu'il m'engueule ou des trucs comme ça. Donc c'est plus ma mère qui m'engueule. "

III. UNE FAMILLE MODESTE DE BRETAGNE MONTÉE EN REGION PARISIENNE. FRANÇOIS ET MARIE-ANNE ET LEURS ENFANTS12 12 Entretiens réalisés par Lucette Labache.

Contexte. Marie Anne, secrétaire " classe exceptionnelle ", et François F., chauffeur routier sans diplôme mais ayant bénéficié de plusieurs formations, ont des emplois stables et sont propriétaires de leurs pavillon dans la banlieue parisienne. Leurs trois enfants ont fait tous des études supérieures suite aux stratégies éducatives fortement ascendantes de leurs parents.

III. 1. Education reçue

François F., dont les parents étaient métayers, a passé son enfance à la campagne, et il trouve péjoratif le mot " paysan ". La famille était nombreuse, composée de six enfants, quatre garçons et deux filles, lui étant le 3ème. Sa mère n'a pas travaillé en dehors de la ferme. Ses parents ont fréquenté l'école et savaient lire et écrire. Un seul des frères de François est resté à la ferme, les autres travaillent dans le secteur public. François se dit plus proche de ses deux sœurs que de ses frères, les liens sont renforcés par le fait que ses deux sœurs sont également marraines de ses enfants, et sa fille, Alice, porte le même prénom que sa sœur. François a poursuivi sa scolarité jusqu'à la classe de 4ème, sans passer son certificat d'études. La réussite scolaire ne constituait pas une priorité pour ses parents qui voulaient voir leurs enfants " être sortis d'affaires ", c'est-à-dire qu'ils aient chacun un métier pour pouvoir assumer les responsabilités d'une vie autonome. François se souvient surtout de la sévérité éducative : humiliations des élèves par les professeurs, toute-puissance des professeurs, absence de dialogue. Impressionnée par les professeurs, sa mère sanctionnait ses mauvais résultats scolaires par des châtiments corporels " parce que cela se passait comme ça à l'époque ". La famille ne partait jamais de la maison. Pendant les vacances, François comme ses autres frères et sœurs, aidait aux travaux de la ferme. La messe dominicale faisait partie d'un rituel bien établi et François se sentait obligé d'y participer tant qu'il était encore chez ses parents. Il se dit un " peu croyant parce que ces choses là ne s'effacent pas comme ça ", mais non pratiquant. Pour l'éducation religieuse des enfants, il a laissé sa femme " prendre les devants " jusqu'à ce que les enfants fassent leur confirmation. Il a retenu de l'éducation reçue de ses parents les grands principes moraux comme être honnête, la valeur du travail (" suer pour gagner son pain ", respecter les autres et se faire respecter, respecter l'autorité (école, lois, règlements), respecter les aînés. Cependant, il déplore le fait qu'il n'existait pas de dialogue entre parents et enfants. Il y avait ainsi deux univers bien différenciés qui fonctionnaient sur le modèle " les adultes entre eux et les enfants entre eux ". Les enfants n'avaient pas le droit de " se mêler de la conversation des grands ", ni de mettre en question les décisions prises pour eux par les parents. C'est son père qui l'avait placé en apprentissage dans la boulangerie, alors que lui s'intéressait plus à la mécanique.

Le repas dominical était le moment où parents et enfants déjeunaient à la même table alors que les autres jours de la semaine, les enfants prenaient leur repas d'abord, les parents ensuite. Il interprète cela comme une " erreur " qu'il n'aura de cesse de ne pas répéter avec ses enfants. il s'énerve du fait que son fils préfère grignoter devant la télévision au lieu de partager le repas avec ses parents.

La situation socioéconomique de la famille n'autorisait " aucune folie ". Les enfants ne recevaient de cadeaux qu'à Noël. Les vêtements étaient portés " jusqu'à l'usure extrême. Il n'y avait pas de place pour le luxe et la fantaisie comme maintenant ".

Marie-Anne F., la femme de François, fait partie d'une fratrie de 3 enfants. Sa mère travaillait avec son père dans le magasin familial. Elle décrit sa mère comme une " femme de tête qui avait du caractère " et qui l'a beaucoup influencée, lui apprenant des valeurs de combativité (" ne pas se laisser faire dans la vie ", " ne pas ménager sa peine ", " avoir toujours du courage et de la persévérance "). Sa mère l'a également initié à certaines valeurs féministes : " une femme doit s'assumer seule et ne pas compter sur un homme " ou " une femme a les mêmes capacités qu'un homme ".

Elle parle peu de son père et dit n'avoir pas eu de bons rapports avec lui. Apparemment, le père était violent avec ses enfants et dialoguait peu avec eux. Elle revient à plusieurs reprises sur la violence au sein des familles comme facteur déstabilisant pour les enfants. Elle évoque ce sujet de façon générale mais sans faire référence à sa propre histoire.

Ses parents lui ont donné une " bonne éducation de base ", c'est-à-dire qu'elle " devait toujours bien se tenir " dans l'objectif d'" être acceptée partout dans la société ". Parmi ces principes de base, elle retient la politesse, la courtoisie, se montrer aimable, ne pas avoir un langage grossier, bien s'habiller.

Sa famille est catholique, et la pratique religieuse comptait beaucoup à la maison. Marie Anne a tenu à ce que ses enfants reçoivent une éducation religieuse. Elle reconnaît qu'il s'agit là d'une valeur importante pour elle, et même si " cela n'est plus à la mode, la religion constitue une base pour les enfants ". La religion lui a procuré un profond réconfort lors des périodes difficiles de sa vie. Elle fréquente l'église, surtout au moment des fêtes religieuses et, en dehors de ces périodes, elle se contente de prières quotidiennes chez elle.

Marie Anne a poursuivi sa scolarité jusqu'à la 3ème et a obtenu le certificat d'études, puis a travaillé dans une mairie. Très bien classée pour le concours des PTT, elle a choisi son affectation dans la région parisienne et a connu son mari, qu'elle avait apprécié d'être " sérieux, gentil et travailleur ".

III. 2 EDUCATION DONNÉE

absent de la maison en raison de son travail, François a " fait reposer la charge de l'éducation des enfants plus sur les épaules de Marie Anne ". Il en a ressenti une certaine culpabilité surtout lorsque les enfants étaient plus jeunes et a décidé d'être plus présent lorsque son fils aîné a eu 12 ans. Les dangers (surtout la drogue) auxquels les jeunes adolescents étaient exposés lui faisaient peur et il s'est montré très vigilant sur les fréquentations de ses enfants - il demandait à rencontrer les parents des amis de ses enfants avant de les recevoir à la maison.

François a tenu et tient à ce que ses enfants " aillent le plus loin possible à l'école ". Lorsque Cédric (fils aîné) a obtenu son baccalauréat, il l'a ressenti comme une " revanche " sur ses origines sociales. Le milieu universitaire lui était inconnu, ce sont ses collègues de travail qui lui ont fait prendre conscience du caractère prestigieux du cursus emprunté par son fils (Paris Dauphine). Il explique la réussite scolaire de ses enfants par l'éducation " ferme mais non pas sévère " qu'il leur a donnée, par des rapports moraux et psychologiques créés avec eux (leur faire confiance, leur faire prendre conscience de la chance que leurs parents n'ont pas eue, des sacrifices faits pour eux). Le père pense aussi à la " chance " qui a favorisé ses enfants. Même s'il se fait des soucis pour le fils cadet qui n'a pas encore un projet professionnel défini, il n'en reste pas moins optimiste et finit par dire " il arrivera à s'en sortir comme les deux autres ".

La naissance de ses trois enfants a comblé Marie Anne " à tous les points de vue ". Accusée par son mari de " trop les couver " et de les gâter, elle a demandé l'avis des pédiatres et des professeurs des enfants, en consultant aussi des magazines grand public sur l'éducation des enfants, cherchant des éclairages pour trouver le "juste milieu ".

Marie Anne a toujours voulu que ses enfants ne se singularisent pas comme des " jeunes de banlieue, avec l'accent des banlieues ". Aussi, elle les a inscrits dans des activités culturelles (peinture, musique) qui avaient lieu à Paris pour que " les enfants voient autre chose que la banlieue ". Marie-Anne s'est beaucoup investie aussi dans la scolarité de ses enfants. C'est elle qui assistait aux réunions de parents d'élèves alors que son mari se montrait assez intimidé par le milieu enseignant. De même, elle était soucieuse d'aider au maximum ses enfants lorsque ses derniers rencontraient des difficultés dans certains apprentissages et a recherché des cours de soutien pour Alice et Pierre. Elle a également insisté pour que les enfants maîtrisent au moins une langue étrangère.

Elle dit ne pas avoir rencontré de difficultés majeures avec ses deux premiers enfants, mais le dernier " a eu la tête plus dure. Pour lui, c'était plus difficile d'apprendre et d'aimer l'école. " Ni Marie Anne, ni François n'ont donné de consignes à leurs enfants quant à leur orientation professionnelle. Ils ont pris en charge tous les frais d'études de leurs enfants ne leur demandant comme contrepartie que la réussite.

Elle ne pense pas qu'il y ait eu des sujets tabous à la maison. Tous les thèmes étaient abordés, y compris les " plus difficiles et délicats comme le préservatif, le SIDA ou l'avortement ". Elle pense qu'avoir abordé ces sujets frontalement a permis de responsabiliser ses enfants, notamment sur leur vie sexuelle. Ayant demandé à ses enfants de " tout lui confier ", elle était arrivée à un conflit avec sa fille adolescente, qui l'avait accusée d'intrusion dans sa vie.

Marie Anne comme François ont appris très tôt à leurs enfants à économiser. " Il faut qu'ils se mettent à l'abri. On ne sait pas ce qui peut arriver. " Ils leur ont ouvert des comptes d'épargne puis leur ont appris la gestion du budget avec leur argent de poche d'abord, puis avec les " jobs " qu'ils effectuaient pendant les vacances.

Comme son mari, Marie Anne pense qu'elle s'en est " bien sortie" par rapport à ses parents, ayant un meilleur niveau de vie que le leur et ayant accès à des biens culturels multiples (voyages, vivre ailleurs que son lieu d'origine) ; de plus, elle a donné une " meilleure éducation " à ses enfants. La trajectoire de ses enfants constitue un " honneur ", une " fierté ", une surprise inattendue. Elle résume le tout en termes de " progrès considérable".

Cédric, le fils aîné du couple, qualifie l'éducation qu'il a reçue de " souple mais très cadrée ". Pouvoir dialoguer avec les parents en cas de désaccord " ne voulait pas dire qu'on pouvait faire n'importe quoi comme sortir sans permission, ne pas respecter les horaires, regarder les films que l'on voulait sans leur accord, fumer un joint." Il déplore que ses parents, surtout sa mère, aient trop voulu contrôler ses relations amicales : " si un copain ou une copine ne leur plaisaient pas, ils demandaient à ce qu'ils ne viennent plus à la maison. Sur ce point, pas de discussion possible. Cela s'est passé une ou deux fois. J'étais énervé et je continuais à voir ces amis en cachette ". Les sujets comme la politique, la vie de quartier, la vie de famille et les relations sociales étaient abordés à la maison. Par contre, l'éducation sexuelle et la vie affective semblent avoir été des sujets tabous (sujets discutés cependant entre la mère et la fille). Cédric se décrit comme n'étant pas " très porté sur le religieux " et son éducation religieuse, effectuée sous l'injonction de sa mère, qu'il juge comme " trop moraliste et doloriste ", l'a profondément ennuyé.

Cédric pense avoir reçu une éducation " correcte " de ses parents. Il voudrait transmettre à ses futurs enfants beaucoup de principes de l'héritage familial (esprit de combativité, la valeur du travail, l'ouverture d'esprit, esprit de compétition, les notions de bien et de mal, le respect envers les parents), en excluant la religion. Il pense qu'il aura moins de problèmes qu'eux à évoquer des sujets liés à la sexualité et à la vie affective. Il voue une très grande reconnaissance à ses parents qui l'ont toujours soutenu financièrement pendant ses études. Il leur offre régulièrement des cadeaux comme des voyages ou des soirées au restaurant.

Cédric qualifie son parcours d'exceptionnel en regard des origines sociales de ses parents et grands-parents. L'ascension sociale et culturelle observée sur les trois générations est spectaculaire. Il pense avoir " fait beaucoup de chemin depuis la banlieue de Vaujours " et reconnaît que ce type de trajectoire " n'est pas donné à tout le monde ". Il reconnaît vivre dans deux univers qu'il serait difficile à faire se rencontrer. Il se dit solidaire des deux milieux et pense s'investir dans un programme de soutien aux jeunes des banlieues qui font des études dans les grandes écoles.

Le dernier de la fratrie, Pierre, est né en Seine Saint Denis, où il a poursuivi toute sa scolarité jusqu'au bac. Contrairement à son frère et sa sœur, il a un regard très critique sur sa scolarité ou plutôt sur la façon dont ses parents ont surinvesti l'idée de réussite scolaire. Il a rencontré des difficultés lorsqu'il était au collège et au lycée et ses parents l'ont fait bénéficier de cours de soutien. Il pense s'être ennuyé pendant sa scolarité. Il se définit comme un " élève moyen mais parfois médiocre " et a évité le redoublement " de justesse ". Il est allé jusqu'au bac, " un peu sous la contrainte ". Il voulait faire des études d'arts plastiques ou travailler dans le domaine de l'humanitaire, mais ses parents ont voulu qu'il s'oriente vers un " vrai métier ". Ne sachant pas comment y accéder, il poursuit actuellement des études en sociologie. Jusqu'à présent, ses lettres de candidature auprès des ONG se sont soldées par des échecs, mais il fait du bénévolat en distribuant des repas deux soirs par semaine dans une organisation caritative. la réussite des deux aînés semble avoir constitué pour lui plutôt un contre-modèle. Il se définit lui-même comme " humaniste ", ne veut pas travailler " uniquement pour l'argent (ici sont visés Cédric et Alice), mais " penser à améliorer le sort des autres et particulièrement de ceux qui souffrent. " Très critique envers ses parents, il pense que ces derniers ne lui ont pas inculqué cette notion de solidarité.

IV. UNE FAMILLE EN FORTE INSTABILITÉ. ALICE ET SON FILS SYLVAIN13 13 Entretiens de Mihai D. Gheorghiu.

Contexte. Alice B. a 43 ans et se trouvait au moment de l'entretien en grande difficulté, avec un mari malade (schizophrène) et un fils placé à l'Aide Sociale à l'Enfance (ASE). Elle vit en région parisienne.

Education reçue

La mère d'Alice était conseillère d'éducation dans un lycée technique de Paris. Les parents de celle-ci, inspecteur d'académie pour le père et directrice d'école pour la mère (" depuis des générations c'est l'éducation nationale "), vivaient en Tunisie. Alice leur rendait visite deux mois par an. Les parents d'Alice se sont rencontrés dans une école, où la mère était surveillante et le père élève, elle a sept ans de plus que lui.

Du côté de son père, " c'était une famille bourgeoise ", le grand-père avait été chirurgien. Fils unique, le père d'Alice B. " n'a jamais rien fait de sa vie ", ayant toujours été entretenu par ses parents. Le style de vie chaotique du père et les conditions de vie de relative pauvreté de la famille se trouvaient en contradiction avec l'éducation très stricte, sévère de la mère d'Alice B. et avec la position sociale élevée des grands-parents. Alice B. a un frère de deux ans plus âgé, leurs trajectoires sociales étant aussi à l'opposé que les styles de vie et l'éducation reçue de leurs parents : si Alice B. croit avoir suivi le " modèle " du père, refusant de faire des études, travaillant comme petite employée à la mairie, et menant un mode de vie désordonné, son frère - " il a fait l'unité informatique, il a fait un BTS et je ne sais pas quoi après " - a éduqué de manière très stricte son fils, qui a fait des études brillantes (premier prix au conservatoire de violon, langues étrangères ). Le père d'Alice B. est décédé " quand il avait une quarantaine d'années ", et elle avait alors 22 ans ; la mère d'Alice B. est décédée l'année dernière, mère et fille s'étant réconciliées pendant les dernières années.

Education donnée : reproduction ou malédiction ?

Dans le tableau dressé par Alice B. des relations familiales et des effets éducatifs, deux observations s'imposent en priorité : la première concerne " l'opposition " observée d'abord entre ses parents, puis entre elle et son frère ou entre elle et son mari en ce qui concerne les styles de vie et les modes d'éducation ; la seconde concerne les ressemblances entre les descendants et leurs ascendants, dont ils reproduisent le comportement : elle-même le comportement de son père, alors que son frère reproduit le comportement de leur mère ; son mari reproduirait à son tour le comportement de son père alcoolique et violent, bien qu'il ne le fut pas au début. Cette théorie spontanée et commune de la reproduction a l'avantage d'enlever, par sa fatalité, une partie de la responsabilité des acteurs et de relativiser leur culpabilité.

Les expériences familiales et éducatives d'Alice B., qui ont contribué à la fois à sa socialisation et à son éducation, sont marquées avant tout par de grands contrastes : entre le statut social donné par la position des deux familles des grands-parents, maternels (directeur d'école) mais surtout paternel (chirurgien), et la précarité des conditions de vie à la maison des parents (pauvreté, sévérité, conflits, violences). Les enfants - Alice B. et son frère - subissaient de toute évidence les effets du déclin social de leurs parents, ainsi que celui de l'équilibre précaire du couple : une mère plus âgée que son mari, plus investie dans son activité professionnelle que dans les occupations ménagères (" Ma mère n'a jamais été femme d'intérieur, le ménage elle n'en avait rien à faire "), et un père sans travail, " un peu olé-olé ", vivant apparemment aux crochets de ses parents, fêtard, avec de nombreuses liaisons extraconjugales, chaotique dans la vie de tous les jours

La mère d'Alice B. avait été éduquée religieusement, toute sa famille était originaire de Lourdes, mais cette éducation n'aurait pas eu d'effets à long terme. La famille de son père était originaire de Suisse et protestante, le couple s'était marié au temple, sans baptiser par la suite ses enfants. Elle n'a pas reçu non plus d'éducation littéraire ou artistique : " on avait les livres, bien sûr, mais comme on n'avait pas la télé, moi le matin à l'école j'entendais mes copines parler des films qu'elles avaient vus, mais moi non, ben on n'avait que le choix de lire, donc moi j'ai lu. [Ce n'était que] pour m'occuper. " Pour ce qui concerne les tâches domestiques, elles revenaient en exclusivité au père : " C'est mon père qui faisait tout, le ménage, les courses, à manger, tout, puisqu'il ne travaillait pas. ( ) — j'ai jamais su si c'était mon père qui s'occupait de moi, si j'avais eu une nourrice, ou si j'étais à la crèche, et il n'y a plus personne pour me le dire, et je ne le saurais jamais. "

En ce qui concerne la vie affective et l'éducation sexuelle : ]

" C'est des discussions qu'on avait facilement, il n'y avait pas de tabous, et... je ramenais même des copains pour dormir à la maison, parfois dans la salle à manger, même dans ma chambre, et ça s'est toujours bien passé. " Par contre, la famille n'avait pas d'amis et peu de personnes les fréquentaient, " parce que comme mon père buvait, ma mère ne savait jamais dans quel état il serait, et il avait son propre monde d'amis au dehors. Ma mère était tellement " à 7h on mange ", que si c'était pas prévu 2 ans avant qu'on invitait quelqu'un, et bien on invitait personne. J'ai jamais vu quelqu'un venir manger chez moi. "

Alice B. tient son mari responsable pour les mauvaises expériences éducatives de ses enfants. Il ne s'intéressait pas à leurs devoirs scolaires et surtout il a été très violent avec elle et avec les enfants, ce qu'elle met sur le compte de l'héritage paternel de son mari : " C'est même pas dans l'éducation, c'est dans sa façon d'être, tout ce qu'on peut reprocher à son père, son père qui buvait, qui flanquait sa mère à la porte, en la battant, ben il a tout refait... un jour à midi il est rentré, et... il a toujours été plus ou moins coléreux, et puis il nous a tous foutus dehors avec les gosses, et c'est là que ça a commencé, " je vais tous vous tuer ", enfin bon, c'était, donc après il s'est calmé, il a été hospitalisé, ça a été mieux, et après il a fait des dépressions... "

Son mari a eu une éducation religieuse, sa mère étant " très très catho ", mais seul le fils aîné, Vivian, a suivi le catéchisme. Le père emmenait aussi ses enfants faire du foot, une passion commune à l'origine d'un lien positif entre eux (" je crois que c'était le seul qu'il avait ").

Les règles de conduite sont considérées comme " souples ", à part quelques tabous, comme le mensonge : " déjà il ne faut pas qu'ils mentent, parce que si je m'aperçois qu'ils mentent, alors là c'est pas la peine... pour ce qui est de l'heure, on ne mange pas à heure fixe, et puis en général je suis assez souple... "

Les rapports entre le père et ses garçons sont décrits comme très conflictuels, seulement la petite fille pouvant se permettre des remarques que le père ne tolérerait pas chez les autres. Actuellement, le père ne fait plus de crises, " il prend ses cachets tous les jours pour dédoublement de personnalité ".

les principaux événements qui ont marqué la biographie de Sylvain sont à l'origine de ses " conduites à risque " (consommation d'alcool, cigarettes), ses conflits en famille (avec le père en particulier, mais aussi avec sa mère et son frère), son échec scolaire. Mais son discours a comme point de départ implicite son désir de se réhabiliter, d'avoir une nouvelle vie, et pour cela il prend comme repère explicitement son placement à l'ASE, dans un lieu de vie au sud de la France ; et la vision qu'il donne de son parcours est fortement marquée par l'analyse psychologique qu'il a suivie.

Il raconte la déviation de son parcours scolaire après les décès, intervenus peu de temps l'un après l'autre, de ses deux grands-mères, qui s'occupaient de lui comme d'autres enfants de la famille, pour les repas et pour le suivi des devoirs scolaires. Les repas chez la grand-mère paternelle, où ils pouvaient se retrouver à dix au déjeuner, lui manquaient comme un moment de sociabilité et d'affection intenses. L'explication qu'il fournit de son abandon scolaire est en partie au moins construite avec l'aide de l'éducatrice et du psychologue (le traumatisme affectif, la mauvaise compagnie)

Il dit avoir été convaincu de l'intérêt du suivi psychologique en observant les effets du traitement sur son père et souhaite ne pas avoir à subir son sort : le père étant devenu une sorte de contre-modèle, sortir de sa propre crise est pour Sylvain l'enjeu de ne pas devenir comme son père Il porte un jugement positif sur les effets de son placement et l'arrêt de ses " mauvais délires ", dont il parle avec un certain détachement (un peu feint ?).

CONCLUSION

L'analyse comparée des représentations sur l'éducation reçue et sur l'éducation donnée permet d'observer différents degrés d'adhésion au " familialisme " comme idéologie14 14 Cf. aussi Rémi Lenoir, Généalogie de la morale familiale, Paris, Liber, Seuil, 2003. ou d'appartenance à un " esprit de famille ", défini à travers plusieurs propriétés communes. Il est à noter qu'aucune des personnes interrogées dans ces entretiens, même parmi celles qui sont " instables " ou qui ont vécu de mauvaises expériences éducatives15 15 Il est connu - et les résultats de l'enquête menée par Mihaï Gheorghiu et Lucette Labache sur le devenir des enfants placés à l'ASE de Seine Saint Denis entre 1980 et 2000 l'avaient confirmé - que l'expérience des mauvais traitements dans l'enfance peut conduire à un surinvestissement dans la vie familiale. n'a remis en cause " la famille " en tant qu'institution ou en tant que groupe de référence, pour lui opposer un mode de vie alternatif (le célibat, la vie communautaire).

Peut-on parler cependant dans les cas analysés d'une " éducation de classe " (de classe moyenne, en l'occurrence) ? Les différences entre classes apparaissent surtout dans le rapport entre éducation familiale et éducation scolaire : à la différence des classes aisées, où le capital culturel (et, directement attaché, le capital social) passe en première position, pour certaines fractions des classes moyennes, c'est l'école qui joue un rôle déterminant, y compris à travers la découverte des vocations éducatives, dans le surinvestissement éducatif ou l'apprentissage méthodique de l'éducation (lectures, réflexions, choix de la profession). L'autonomisation progressive du champ de l'éducation a eu des effets en retour sur l'éducation familiale, ce qui explique des séries de discontinuités entre l'éducation reçue de ses parents et l'éducation donnée à ses enfants, malgré certaines rationalisations psychologisantes rétrospectives. Dans ce contexte, l'éducation apparaît moins comme un élément de reproduction que de production des frontières, plus ou moins " choisies ", dans un monde en changement rapide.

Une autre conclusion concerne la transformation du rôle des femmes dans les transmissions du patrimoine familial, dans la gestion de la mémoire familiale et la construction des généalogies, rôle confirmé même dans les situations d'échec (comme celle vécue par Alice B.). Cette transformation correspond aux changements intervenus dans l'espace domestique, en lien avec le nouveau contexte économique et social. Une analyse approfondie des entretiens permet de saisir la transformation des frontières à l'intérieur des familles - les différences de position sociale entre les époux et leurs effets à plus long terme sur les échanges intergénérationnels, à travers les trajectoires différentes des enfants.

Enfin, s'il y a changement dans les styles éducatifs, le déclin des conduites autoritaires et leur transformation en contraintes morales s'expliquent par le processus plus général de délégation de l'autorité parentale16 16 Voir sur cette question Claude Martin, La parentalité en questions, perspectives sociologiques : rapport pour le haut conseil de la population et de la famille. Paris : Haut conseil de la population et de la famille, 2003. qui - de manière spécifique dans le cas des classes moyennes et intermédiaires - a renforcé le rôle de l'éducation familiale dans la production des frontières éthiques de l'espace social et de la " dette morale " dans les échanges intergénérationnels et les perspectives de mobilité.

L'éducation familiale assure la transmission d'un patrimoine symbolique (la réputation, le nom de la famille) et social. Elle règle en même temps les rapports entre les membres du groupe familial (parents, enfants, frères et soeurs). Dans le cadre de notre enquête, l'analyse des mécanismes de transmission intergénérationnelle d'un modèle éducatif (de l'éducation reçue à l'éducation donnée) a pris en compte le statut ou la position sociale des familles interviewées, classées comme " aisées ", " moyennes ", " intermédiaires " et " populaires ", ainsi que la plus ou moins grande stabilité de cette position. Cette analyse nous a permis d'approcher une certaine dynamique des groupes familiaux, prenant en compte à la fois les trajectoires individuelles, les transformations des couples, les processus d'autonomisation des enfants et des jeunes, ainsi que l'incidence éventuelle d'autres problématiques, plus spécifiques, professionnelles, religieuses, culturelles, économiques.

  • ATTIAS-DONFUT, C.; LAPIERRE, N.; SEGALEN, M. Le nouvel esprit de famille Paris: Odile Jacob, 2002.
  • BAUDELOT, C.; ESTABLET, R. Avoir trente ans en 1968 et 1998 Paris: Seuil, 2000. p. 239-240.
  • BOURDIEU, P. Classement, déclassement, reclassement. In: Actes de la recherche en sciences sociales, n. 24, p. 18, nov. 1978.
  • LENOIR, R. Généalogie de la morale familiale. Paris: Liber; Seuil, 2003.
  • MARTIN, C.La parentalité en questions, perspectives sociologiques: rapport pour le haut conseil de la population et de la famille. Paris: Haut Conseil de la Population et de la Famille, 2003.
  • SAINT MARTIN, M.; GHEORGHIU, M.D. (Éd.). Le rapport final Paris, nov. 2007.
  • 1
    Voir par exemple Christian Baudelot et Roger Establet,
    Avoir trente ans en 1968 et 1998, Paris, Seuil, 2000, et Claudine Attias-Donfut, Nicole Lapierre, Martine Segalen,
    Le nouvel esprit de famille, Paris, Odile Jacob, 2002.
  • 2
    Les situations de pure perte apparaissent dans les phénomènes de honte sociale, dont l'illustration littéraire classique est le personnage de Balzac, le Père Goriot, dont le surinvestissement éducatif réussi de ses deux filles, entrées par mariage dans la haute société, est qualifié d'" altruisme excessif et imprudent " par Claudine Attias-Donfut, Nicole Lapierre, Martine Segalen,
    op. cit., p. 239-240.
  • 3
    Cf. Saint Martin et Gheorghiu (éd.), Le Rapport final, Paris, novembre 2007.
  • 4
    Un certain nombre de critères classiques ont été retenu pour définit les catégories sociales comme le niveau d'études, la profession des parents, la situation familiale, le mode de logement, les établissements scolaires fréquentés par les enfants, les sports et les activités pratiqués etc.. Pour une présentation plus détaillée de la notion de " classe sociale ", cf. le chapitre IV, Hiérarchies sociales et instabilité des positions, in Saint Martin et Gheorghiu (éd.), op. cit., 2007, p. 70.
  • 5
    Pierre Bourdieu, " Classement, déclassement, reclassement ", in
    Actes de la recherche en sciences sociales, 24, novembre 1978, p. 18.
  • 6
    Voir le tableau des résultats de l'enquête sur Trois Générations (1992) comparant les styles " sévère " et " souple " dans Claudine Attias-Donfut, Nicole Lapierre, Martine Segalen,
    Le nouvel esprit de famille,
    op. cit, p. 30-31. Il y a cependant un décalage entre l'évaluation par les parents et les enfants, les premiers se considérant plus souvent " tolérants ", alors que les enfants les considèrent plus souvent sévères.
  • 7
    Christian Baudelot et Roger Establet,
    op. cit, p. 70.
  • 8
    Entretien réalisé par Mihai D. Gheorghiu.
  • 9
    Entretien réalisé par Judit Vari.
  • 10
    Habitat à Loyer Modéré.
  • 11
    Iissu d'une famille ouvrière de Gennevilliers, il est fonctionnaire, ingénieur subdivisionnaire au service du logement de la ville.
  • 12
    Entretiens réalisés par Lucette Labache.
  • 13
    Entretiens de Mihai D. Gheorghiu.
  • 14
    Cf. aussi Rémi Lenoir, Généalogie de la morale familiale, Paris, Liber, Seuil, 2003.
  • 15
    Il est connu - et les résultats de l'enquête menée par Mihaï Gheorghiu et Lucette Labache sur le devenir des enfants placés à l'ASE de Seine Saint Denis entre 1980 et 2000 l'avaient confirmé - que l'expérience des mauvais traitements dans l'enfance peut conduire à un surinvestissement dans la vie familiale.
  • 16
    Voir sur cette question Claude Martin,
    La parentalité en questions, perspectives sociologiques : rapport pour le haut conseil de la population et de la famille. Paris : Haut conseil de la population et de la famille, 2003.
  • Publication Dates

    • Publication in this collection
      31 Mar 2009
    • Date of issue
      Aug 2008

    History

    • Accepted
      July 2008
    • Received
      May 2008
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