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L’enfant errant et l’errance de l’enfance du ‘Teatro Infantile’ de Chiara Guidi

RÉSUMÉ

L’enfant errant et l’errance de l’enfance du ‘Teatro Infantile’ de Chiara Guidi – À partir des entretiens et publications de Chiara Guidi et des lectures critiques de la poïétique et praxis des œuvres, il s’agirait de questionner le statut de l’enfant dans le Teatro Infantile. L’analyse des créations jeunesse permettrait d’identifier le basculement de l’enfant-spectateur à celui d’enfant-acteur. Puis, celles de l’école expérimentale et du festival Puerilia conduiraient à accorder à l’enfant le rôle d’actant et de maître du jeu des expériences théâtrales. Enfin, celles des méthodes et pratiques de Chiara Guidi concourraient à placer l’enfant à la fois comme modèle et imago, origine et finalité du théâtre laboratoire.

Mots-clés:
Théâtre; Enfant; Méthode Errante; Expérimentation; Pédagogie Alternative

RESUMO

A criança errante e a errância da infância no ‘Teatro Infantile’ de Chiara Guidi – O artigo discute o status da criança no Teatro Infantile com base em entrevistas e publicações de Chiara Guidi e leituras críticas sobre a poiesis e a praxis de seu trabalho. A análise das criações infantis permitiu identificar a transformação da criança-espectadora para a criança-atriz. A Escola Experimental e o Festival Puerilia conduzem a criança ao papel de atuante e mestre de jogo das experiências teatrais. Por fim, os métodos e práticas de Chiara Guidi consideram a criança como modelo e imago, origem e finalidade do teatro de laboratório.

Palavras-chave:
Teatro; Criança; Método Errante; Experimentação; Pedagogia Alternativa

ABSTRACT

The wandering child and the wandering of the childhood of Chiara Guidi’s ‘Teatro Infantile’ – From the Chiara Guidi’s speech and writings and the critical readings of the poietic and praxis of works, it would be a question of examining the status of the child in the Teatro Infantile. The analysis of her youth creations would make it possible to identify the shift from childspectator to that of child-actor. Then, those of the experimental school and the Puerilia festival would lead to giving the child the role of actor and master of the play of theatrical experiences. Finally, those of the Chiara Guidi’s methods and practices would contribute to placing the child both as model and imago, origin and purpose of laboratory theatre.

Keywords:
Theatre; Child; Wandering Method; Experimentation; Alternative Pedagogy

Au théâtre, l’enfant apparait à la fois comme des figures singulières et marginales, mais aussi et paradoxalement, comme des figures obsessionnelles de plusieurs créations contemporaines, notamment lorsqu’il en est acteur comme cela est le cas dans les œuvres des compagnies Grenade (1998-2019) et Kabinet K (2002-2021), ou encore les spectacles W.H.O de Thierry Micouin (2006), Enfant de Boris Charmatz (2011), Maudit soit l'homme qui se confie en l'homme d’Angelica Liddell (2011), Sparks de Francesca Grilli (2015 et 2021), Five easy pieces de Milo Rau (2016), La Dispute de Mohamed El Khatib (2019). De plus, la présence d'un enfant sur la scène contemporaine, amène indéniablement avec elle diverses réflexions. D'une part, elles portent sur les modalités de présence et de représentation de l'enfant, que ce soit en scène ou comme objet du discours. D'autre part, elles concernent les enjeux de poïétique, c'est-à-dire, sur le degré d’engagement dans le territoire de l’enfance auquel répond le processus de création.

Cette présence est manifeste et le statut de l’enfant prépondérant dans les pratiques et créations de La Socìetas Raffaello Sanzio, compagnie théâtrale italienne, que nous pouvons qualifier d’expérientielle1 1 Les pratiques et créations de la Socìetas Raffaello Sanzio peuvent être qualifiées d’«expérientielles», car elles sont axées sur l’expérimentation de méthodes, connaissances et formations, conçues par glanage d’expériences de vie et de jeu de la compagnie, ses membres et publics, fabrique des imaginaires et laboratoire dramaturgique. , basée au Teatro Comandini de Cesena et fondée en 1981 par Claudia Castellucci, Paolo Guidi, Romeo Castellucci2 2 Tout en étant influencé par le travail de Chiara Guidi, Romeo Castellucci s’intéresse à ce que l’enfant incarne sur la scène quand il ne joue pas l’enfant et le propulse ainsi sur les scènes de certains de ses spectacles : Genesi, from the museum of sleep (1999), Il combattimento (2000), A.#02 (2002), Br.#04 (2003), Inferno (2008), Purgatorio (2008), Sul concetto di volto nel figlio di Dio (2011), Il Primo Omicidio (2019), Requiem (2019) et dernièrement Bros (2021) entre autres. Le plateau de théâtre devient le lieu de la performativité expérimentielle de l’enfant mais dans une perspective différente de celle de Chiara Guidi. et Chiara Guidi3 3 Site internet de la compagnie Socìetas Raffaello Sanzio, de sa théâtrographie, de ses archives et publications : https://www.arch-srs.com/srs; https://www.societas.es/teatrografia/; https://www.societas.es/chiara-guidipubblicazioni/; https://www.societas.es/societas-raffaello-sanzio-pubblicazioni/. . Dans la perspective de cette dernière, la place de l’enfant dans le théâtre, que ce soit sur et en dehors du plateau, de manière visible ou non, furtive ou soulignée, est originelle et nécessaire. En effet, l’enfant a guidé ses recherches et créations, en tant que spectateur d’abord de ses créations jeunesses dès 1992, puis comme acteur de son École expérimentale de Théâtre de Jeunesse (Scuola sperimentale di teatro infantile) dès 1995, ensuite en tant qu’expérimentateur et maître du jeu de son festival Puerilia dès 2011 et enfin comme sujet et instigateur de sa «méthode errante» (metodo errante) à partir de 2013. «Le théâtre n’a pas à être connu mais cherché. Pour cette raison, j’ai ponctuellement besoin d’enfants, pour leur capacité immédiate à s’interroger, à toucher pour comprendre, à jouer en s’approchant du langage, de la pensée, de la réalité» (Guidi apud Pizzichillo, 2015PIZZICHILLO, Camilla. Festival Puerilia, Cesena: Les enfants dans l’expérience théâtrale. Inferno, revue électronique, Cesena, 2015.) précise-t-elle.

Ainsi, cette contribution vise à questionner le statut de l’enfant, à la fois perçu comme origine et finalité, modèle et imago du théâtre laboratoire de Chiara Guidi, appelé le «Teatro Infantile», et à examiner les spécificités de ses démarches et créations, recherches et enjeux dont l’enfant errant et l’errance de l’enfance sont moteurs. En s’appuyant sur une présentation analytique, directement fondée sur les articles, entretiens et ouvrages de Chiara Guidi et sur les lectures critiques de ses créations, mais aussi sur notre expérience de chercheuse invitée au Teatro Comandini avant et pendant le festival Puerilia 2014, il s’agit d’identifier les stratégies dramaturgiques et esthétiques mises en œuvre dans les processus de création et productions jeune public de Chiara Guidi, puis d’explorer les enjeux de la poïétique et de la praxis de son École expérimentale de Théâtre de Jeunesse et de son festival Puerilia et enfin d’analyser comment toutes ces démarches et expériences ont inspiré, guidé et conduit à la formalisation de sa «méthode errante». In fine, cette exploration permettra de révéler combien cette pratique est singulière et novatrice et comment elle a permis de créer un espace-temps, à destination de l’enfant, ouvert sur la fabrique d’expérimentations et de connaissances au monde par l’art, car «à sa manière, l'art dit ce que disent les enfants» (Deleuze, 1993, p. 86DELEUZE, Gilles. Ce que les enfants disent. In: DELEUZE, Gilles. Critique et clinique. Paris: Éditions de minuit, 1993. chap. IX. (coll. Paradoxe).).

I) L’expérience théâtrale de l’enfant spectateur

Dès le début des années 1990, la Socìetas Raffaello Sanzio crée des spectacles à destination du jeune public, tels que Buchettino (1992), Hänsel and Gretel (1994) ou encore plus tardivement L’Épreuve d'un autre monde (2000) par exemple, tous mis en scène par Chiara Guidi.

Buchettino est une fable acoustique, inspirée du Petit Poucet de Charles Perrault, s'appuyant sur la puissance imaginative des enfants via l’univers sonore. Comme le souligne Annamaria Sapienza, Professeure d'Arts du spectacle de l'Université de Salerne, concernant la dimension acoustique des créations de la Socìetas Raffaello Sanzio : «La composante sonore est recherchée dans chaque élément de représentation, du texte aux objets, à la recherche d’une force de base invisible et omniprésente qui soutient la forme la plus authentique de l’expérience théâtrale [et] d’une physicité acoustique capable de devenir forme, figure dans espace4 4 Trad. de l’italien par l’auteure : «La componente sonora è ricercata in ogni elemento della rappresentazione, dal testo agli oggetti, alla ricerca di una forza di base invisibile e pervasiva che sostiene la forma più autentica dell’esperienza teatrale [e] di una fisicità acustica capace di diventare forma, figura nello spazio». » (Sapienza, 2017SAPIENZA, Annamaria. Vedere il suono. Il metodo errante di Chiara Guidi tra infanzia e voce. Acting Archives Review, n. 13, 2017.). Ainsi, dans Buchettino, si rien n'est montré, tout est suggéré et le surgissement d’images chez l’enfant-spectateur s’active via l’écoute. La voix de la narratrice, seule comédienne en scène, se mêle aux murmures du vent, aux hurlements des loups, aux pas lourds et à l’essoufflement de l’ogre, aux craquements des arbres de la forêt, etc., qui stimulent tous les sens et déclenchent l’imaginaire de l’enfant-spectateur. Or, «la meilleure façon d'écouter une fable [précise Chiara Guidi] est de se coucher et fermer les yeux. Chaque fable est proche du sommeil : non seulement car elle est généralement racontée avant de dormir, mais aussi car elle contribue à créer le moment où on laisse de côté la vie» (Guidi, 2001GUIDI, Chiara. Buchettino. Document de communication du spectacle. Paris: Festival d'Automne, 2001.). C’est pourquoi, chaque enfantspectateur est invité à revêtir un pyjama et un bonnet de nuit blancs, puis à entrer dans un espace très intimiste, une boîte en bois, peu éclairée, se transformant peu à peu en caisse de résonance, et à s'installer confortablement dans l’un des cinquante petits lits superposés qui forment le dortoir dans lequel l’histoire du Petit Poucet sera contée.

En cette mise en scène, il y a la dialectique entre le monde extérieur et l'intériorité, représentés par la chambre fermée comme une forteresse, mais exposée à la tempête des événements ; et le mouvement ternaire entre solitude, collectivité et communion que l'expérience de l'obscurité et de la position horizontale vécue près des autres rappellent (Guidi, 2001GUIDI, Chiara. Buchettino. Document de communication du spectacle. Paris: Festival d'Automne, 2001.).

Dès lors, l’enfant-spectateur vit déjà une expérience particulière, comme le souligne Chiara Guidi, «en réalité on retourne aux origines et on peut décider de ‘suspendre’ sa propre existence, c’est-à-dire tout ce qui vit malgré l'existence même» (Guidi, 2001GUIDI, Chiara. Buchettino. Document de communication du spectacle. Paris: Festival d'Automne, 2001.).

Dans le spectacle Hänsel and Gretel, inspiré du conte des frères Grimm, le narrateur invite l’enfant-spectateur à le suivre dans les méandres d’un dispositif scénique démesuré, un labyrinthe en bois de 200 mètres semblable au système digestif humain et dont les couloirs sont fléchés par des noms d’oiseaux. Au fur et à mesure de la déambulation-évasion, l’enfant-spectateur découvre d’abord les deux lits sur estrade, comparables à des catafalques, d’Hänsel et Gretel, puis une clairière au fond de la forêt, la maison en pain d’épice et enfin la cage de la sorcière, ainsi que le four en feu dans lequel elle périra finalement. Tour à tour, le spectateur rencontre le narrateur-magicien joué par Franco Pistoni, les personnages d’Hänsel et Gretel, interprétés par Demetrio et Theodora, les enfants de Romeo Castellucci et de Chiara Guidi, la grand-mère, marâtre et sorcière, toutes trois interprétées par Claudia Castellucci. Dans ce spectacle, et malgré un dispositif immersif, à l’exception des enfants de Castellucci et Guidi, l’enfantspectateur reste en marge de la scène, invité certes à dépasser son statut de spectateur, mais pas encore entièrement actant non plus.

Néanmoins, à la fin du spectacle, chaque spectateur (enfant et adulte) est invité à aller à la rencontre de l’équipe artistique, afin notamment de mettre à l’épreuve la réalité par le regard de l’enfant-spectateur. Plus qu’un travail de médiation, il s’agit

[...] d’apprendre à se tenir devant le regard de l’enfant, en le soutenant et en le faisant nôtre à notre tour [explique Lucia Amara, philosophe et collaboratrice de Chiara Guidi]. Ce regard n’est jamais naïf et doit en même temps être construit par l’adulte qui conduit l’enfant. Le mécanisme est une alchimie de relations et de réciprocités continues, de flux et de transformations réciproques qui vont dans deux sens5 5 Trad. de l’italien par l’auteure : «Imparare a stare di fronte allo sguardo del bambino, sostenendolo e facendolo nostro a nostra volta. Questo sguardo non è mai ingenuo e al contempo va anche costruito dall’adulto che guida il bambino. Il meccanismo è un’alchimia di relazione e reciprocità continua, di flussi e trasformazioni scambievoli che vanno in due sensi». (Amara, 2021AMARA, Lucia. Il teatro infantile di Chiara Guidi. Entretien mené par Giorgiomaria Cornelio. Il Tascabile, revue électronique, 2021.).

De ce fait, s’il s’est agi de conférer une seconde vie aux choses (notamment aux éléments scéniques : objets, animaux, comédiens, décors, etc.) pendant la représentation, il s’agit désormais de démystifier la fiction du spectacle pour permettre le déplacement du regard dans sa tentative de repenser la réalité. Obéissant à une optique de renouvellement, cette dynamique se concentre ainsi sur le regard oblique et maïeutique qui émerge de la relation dramaturgique du spectateur à la fable. Loin de la «marchandisation» des spectacles pour la jeunesse ou des politiques commerciales jeune public, qui construisent «les désirs de l’enfant et les manipule même sournoisement en faisant appel à ce qui est ‘adapté à l’enfant’, ou ‘à la mesure de l’enfant’6 6 Trad. de l’italien par l’auteure : «I desideri del bambino e li manipola anche subdolamente facendo appello a ciò che è ‘adatto al bambino’, o ‘su misura del bambino’». » (Amara, 2021AMARA, Lucia. Il teatro infantile di Chiara Guidi. Entretien mené par Giorgiomaria Cornelio. Il Tascabile, revue électronique, 2021.), dans le Teatro infantile de Chiara Guidi, l’enfant n’est plus uniquement un destinataire passif mais actif car porteur du regard. C’est d’ailleurs pour cette raison que Chiara Guidi privilégie l’appellation de Teatro infantile (soit «théâtre enfant» ou «théâtre enfantin» ou encore «théâtre infantile»), à celui de Teatro per bambini («théâtre pour enfants»), pour parler de ses pratiques et créations. D’abord, la dénomination comprend ainsi en elle le pôle dialectique majeur de la représentation, à savoir l’enfant. Ensuite, car l’enfant n’est pas envisagé comme le destinataire du spectacle mais comme son principe constituant. Enfin, parce que l’adresse n’est pas uniquement celle de l’enfance. Cette définition de Teatro infantile prend aussi en compte l’adulte qui interroge son propre regard à travers celui de l’enfant. En effet, le Teatro infantile, dit Chiara Guidi, «[...] a besoin de cet analphabétisme typique de l'enfance, de cette tension innée dans le jeu, capable d'éprouver un autre monde, de voir la présence derrière les images et de rendre au mot son son7 7 Trad. de l’italien par l’auteure : «Il Teatro infantile – dice Chiara Guidi – ha bisogno di quell’analfabetismo proprio dell’infanzia, di quella tensione innata al gioco, capace di mettere in prova un altro mondo, di vedere la presenza che sta dietro le immagini e di restituire alla parola il suo suono» (Guidi, 2018). » (Guidi, 2018GUIDI, Chiara. Communication. In: CONFERENCE IL TEATRO INFANTILE, 2018, Théâtre Rasi, Ravenna. Communication [...]. Ravenna, 2018.). Dès lors, l’usage du terme «enfance» ne désigne pas une période de la vie, mais «[...] un sentiment et l’expérience de la parole sur la limite même du langage, sur le seuil du non-dire, là où la parole des humains se mélange et se soude avec celle des animaux, là où elle est proche du poids réel des choses et de l’intimité avec un corps8 8 Trad. de l’italien par l’auteure : «Infanzia non intesa come un’età della vita, ma come un sentire e provare la parola sul limite stesso del linguaggio, sulla soglia del non-dire, là dove la parola degli umani si mescola e si salda con quella degli animali, […] là dove è prossima al peso reale delle cose e all’intimità con un corpo». » (Guidi, 2016GUIDI, Chiara. Buchettino. Note de présentation du spectacle. Cesena, 2016.). L’expérience, nous dit Giorgio Agamben, de l’enfance dont il s’agit ici :

[...] ne peut pas être simplement quelque chose qui précède chronologiquement le langage et qui cesse d’exister à un moment donné pour accéder à la parole ; il ne s’agit pas d’un paradis que nous quitterions définitivement un jour pour nous mettre à parler ; elle coexiste originellement avec le langage, ou plutôt elle se constitue dans le mouvement même du langage qui l’expulse pour produire à chaque fois l’homme comme sujet (Agamben, 1989, p. 89AGAMBEN, Giorgio. Enfance et histoire. Trad. de l'italien par Yves Hersant. Paris: Payot, 1989. (coll. Critique de la philosophie).).

Il en sera de même pour le spectacle L’Épreuve d'un autre monde, créé plus tardivement en 2000, qui déroute à la fois l'enfant et l'adulte qui l'accompagne, en proposant une expérience théâtrale hors du commun. Les enfants sont, dans un premier temps, séparés de leurs accompagnateurs et conviés à revêtir de longues tuniques et cagoules de lutins blanches. Comme le suggère Bruno Tackels, dramaturge, philosophe et critique de théâtre, de cette manière, ils sont comme «[...] dépropriés de ce qu'ils ont l'habitude d'être socialement. Ils vont être, l'espace d'une heure de représentation, débarrassés des scories d'un monde, qui brouille l'essentiel : la possibilité de l'acte libre» (Tackels, 2005, p. 98TACKELS, Bruno. Les Castellucci. Écrivains de plateau I. Besançon: Solitaires Intempestifs, 2005.). Pendant ce temps, les spectateursadultes sont invités à entrer dans une salle, dans laquelle siège au centre un dôme cartonné et troué à hauteur d’homme, leur permettant d’être voyeurs de ce qu’il se passe à l’intérieur de celui-ci. Bien que leurs regards soient voilés par un tulle, puis par une épaisse fumée, les spectateurs-adultes assistent à l’expérience de jeu à laquelle se prêtent les enfants.

Ces derniers évoluent d’abord dans une chambre blanche au lit démesuré et surplombé d’une moustiquaire et rencontrent des serviteurs et la vieille reine malade, avant de la quitter pour rejoindre un des palais royaux ressemblant aux Nasrides, à la recherche du mage maléfique et de l’animal capable de rendre la jeunesse volée de la reine. Pour accomplir leur mission, les enfants sont d’abord conviés à écouter et isoler les sons du mage afin de rendre sa présence manifeste, puis imiter ses gestes, ensuite danser avec lui jusqu’à l’épuisement et enfin le bâillonner. Ces actions permettent la libération du cheval aux mille pas de danse Corsario, guérisseur des maux dont souffre la reine, depuis qu'elle a été ensorcelée par le mage. Ainsi se termine la représentation-laboratoire, toujours sous l’œil des adultes spectateurs. En effet, s’ils ne restent que des observateurs extérieurs à l’action dramatique, les enfants en sont les acteurs. Or, ce régime est rendu possible par un cheminement réflexif et pratique, liant recherches et expérimentations, et mené par Chiara Guidi dès ses premières créations jeunesse.

Ainsi, Buchettino et Hänsel and Gretel représentent les prémices d’une exploration plus grande et précise dans le territoire de l’enfant, qui inspireront l’institution de l’École expérimentale de Théâtre de Jeunesse en 1995. Cette dernière influencera les créations postérieures comme celle de L’Épreuve d'un autre monde en 2000, dont l’expérience théâtrale vient d’être décrite et analysée, et dans laquelle l’enfant est invité à s’engager pleinement. Alors, «[...] le double piège du spectacle-pour-enfants et de l’atelierpédagogique-au-service-des-enfants [est] déjoué» (Tackels, 2005, p. 102TACKELS, Bruno. Les Castellucci. Écrivains de plateau I. Besançon: Solitaires Intempestifs, 2005.).

II) L’enfant actant à l’École expérimentale de Théâtre de Jeunesse

De 1995 à 1998, Chiara Guidi crée et développe une École expérimentale de Théâtre de Jeunesse, sous le nom de La Scuola sperimentale di teatro infantile (Guidi; Castellucci, 1996GUIDI, Chiara; CASTELLUCCI, Romeo. Scuola sperimentale di teatro infantile I et II. Cesena: Edizioni Socìetas, 1996.), dans laquelle «l’enfance universelle» – formule choisie par Chiara Guidi pour désigner «une enfance comprise comme une entité irréductible9 9 Trad. de l’italien par l’auteure : «un’infanzia universale, un’infanzia intesa come entità irriducibile». » (Amara, 2021AMARA, Lucia. Il teatro infantile di Chiara Guidi. Entretien mené par Giorgiomaria Cornelio. Il Tascabile, revue électronique, 2021.) – et l’art se rencontrent et se confrontent dans l’errance du jeu, c’est-à-dire par observation, divagation, glanage, égarement, mise à l’essai et à l’épreuve et expérimentation théâtrale. Par des rencontres hebdomadaires durant trois années consécutives, un groupe de trente enfants, ayant répondu favorablement à l’appel public lancé par la Socìetas Raffaello Sanzio, participe volontairement à des laboratoires de pratique du théâtre par une approche non conventionnelle, fondée sur l’immersion totale de l’enfant-acteur dans l’univers d’un conte jouée par et avec l’enfant et non pour lui. Pour Chiara Guidi (2014)GUIDI, Chiara. Puerilia. Livret de l’édition. Cesena, 2014., il ne s’agit pas de

[...] se laisser réconforter par eux [les enfants] ni en profiter. Mais entrer et toucher à travers les enfants le conte de fées, le récit mythique, le théâtre (ou plutôt une sorte de pré-théâtre) et la genèse d'un acte de création. [Elle a] voulu que l'art du jeu s'inscrive dans la frontière du conte pour mettre en action une expérience artistique10 10 Trad. de l’italien : «Non per essere consolati da loro o per goderne. Ma per entrare e toccare attraverso i bambini la fiaba, il raconta mitico, il teatro (o meglio una sorta di pre-teatro) e la genesi di un atto di creazione. Volevo che l'arte del gioco all'interno del confine fiabesco mettesse in atto un'esperienza d'arte» (Guidi apud Amara, 2014). .

Chiara Guidi refuse toute pratique classique du jeu et mise sur l’improvisation, laissant jouer les enfants sans les diriger, en les laissant errer, aller çà et là sans but, se tromper et recommencer, créer et détruire. À ce sujet, Lucia Amara (2021)AMARA, Lucia. Il teatro infantile di Chiara Guidi. Entretien mené par Giorgiomaria Cornelio. Il Tascabile, revue électronique, 2021. précise que «la ‘méthode infantile’ de Chiara n’aspire pas à se substituer à une pédagogie, ni encore moins à s’insérer dans le sillage d’une pensée pédagogique, ou d’une tradition. Sa particularité est de naître et de se générer d’une pratique artistique ‘adulte’, dont elle conserve son caractère, sans en aucune façon le ‘réduire’ à l’échelle ou le ‘réadapter’ pour les petits11 11 Trad. de l’italien par l’auteure : «Il ‘metodo infantile’ di Chiara non aspira a sostituirsi a una pedagogia, né tanto meno a inserirsi nel solco di un pensiero pedagogico, o di una tradizione. La sua peculiarità è quella di nascere e generarsi da una prassi artistica ‘adulta’, di cui serba intonso il suo carattere, senza in alcun modo ‘ridurlo’ in scala o ‘riadattarlo’ per piccoli». ». L'objectif est «d'élaborer un laboratoire qui ramène le théâtre à ses enjeux essentiels : faire (faire) une expérience, amener des enfants à faire la découverte de leur propre imaginaire, par la traversée commune d'un espace ‘fabuleux’. […] Ici, les enfants sont immergés dans un monde totalement coupé de la réalité extérieure» (Tackels, 2005, p. 94-95TACKELS, Bruno. Les Castellucci. Écrivains de plateau I. Besançon: Solitaires Intempestifs, 2005.).

Dès les premières séances, Chira Guidi invite les enfants à franchir des seuils, d’abord relationnels – dès lors que les accompagnateurs déposent les enfants au Teatro Comandini –, puis spatiaux et temporels – quand les enfants entrent dans l’établissement, puis à l’intérieur de celui-ci en allant d’une zone à une autre par traversées des ‘limites imposées à l’étrangeté12’ définies par Chiara Guidi. Ainsi, les enfants sont d’abord invités à aller chercher leur ‘costume’ – une tunique blanche, délavée et volontairement encore tâchée – dans le vestibule, soit la ‘première zone’ à laquelle ils ont accès dès leur arrivée, puis à se réunir pour écouter les consignes de jeu de la journée. Pour accéder à la ‘deuxième zone’, il faut qu’un enfant ouvre un passage imaginaire. Celui-ci conduit à la ‘zone de l’entente et de la confiance’, nommée ‘la tanière’ ou ‘au refuge’ pour les enfants. Dans celle-ci, ils élaborent ensemble une stratégie pour occuper le théâtre et l’habiter ensemble, stratégie qu’ils déploieront dans la zone suivante, c’est-à-dire la scène, ‘squattée’ par un ‘usurpateur’, soit un acteur, pour permettre au cœur du drame d’être en action. De ce fait, la scène représente à la fois un plateau de jeu et le lieu ‘des luttes et des combats13 13 Cet espace est ainsi nommé car les jeux consistent souvent à se battre contre un dragon, à capturer un monstre, à libérer un personnage sous l’emprise d’un autre, à lutter contre un insecte géant, etc. ’. Une ‘quatrième zone’ immatérielle, qui correspondrait à un ‘non-lieu infranchissable’, manque encore selon Chiara Guidi.

En évoluant dans le théâtre et sur scène selon des règles spatiales et temporelles précises fixées par Chiara Guidi, ainsi qu’en respectant des consignes de jeu et vestimentaires, dans une relation de confiance et d’errance, l’enfant est convié inconsciemment à rompre avec l’«habitus» (Bourdieu, 1972BOURDIEU, Pierre. Esquisse d’une théorie de la pratique. Genève: Librairie Droz, 1972.). Cela favorise dans le même temps, une prise de distance, qui «est un principe déterminant du geste pédagogique, ou de celui qui guide ‘à l’art’ les enfants14 14 Trad. de l’italien par l’auteure : «La distanza sia un principio determinante del gesto pedagogico, o di chi guida ‘ad arte’ i bambini». » (Amara, 2021AMARA, Lucia. Il teatro infantile di Chiara Guidi. Entretien mené par Giorgiomaria Cornelio. Il Tascabile, revue électronique, 2021.), et une relation de confiance et proximité.

De ce fait, par approche proxémique, Chiara Guidi crée un espacetemps en marge de la réalité, dans lequel les enfants évoluent dans le hic et le nunc de l’action dramatique, tout en restant ouverts sur leurs imaginaires laissant surgir d’autres lieux, temps, personnages, etc., en somme d’autres réalités, et de les faire coexister par le jeu, le corps et la voix, par «jeux de rêves» dirait Jean-Pierre Sarrazac (2004)SARRAZAC, Jean-Pierre. Jeux de rêve et autres détours. Belval: Circé, 2004., et dans l’errance de l’enfance.

Les événements construits avec les enfants à l’école expérimentale visent donc à récupérer une dimension ludique ancestrale, toucher l’absoluité du récit à travers la théâtralité primordiale de l’enfance, entrer dans les territoires de l’imaginaire qui précèdent le théâtre, dans un état non formalisé mais authentique capable de saisir et de transformer en représentation la vision produite par la créativité puérile15 15 Trad. de l’italien par l’auteure : «Gli eventi costruiti con i bambini alla Scuola Sperimentale mirano, dunque, a recuperare una dimensione ludica ancestrale, toccare l’assolutezza del racconto attraverso la teatralità primordiale dell’infanzia, entrare nei territori dell’immaginario che precedono il teatro, in uno stato non formalizzato ma autentico capace di cogliere e trasformare in rappresentazione la visione prodotta dalla creatività puerile». (Marino, 2014MARINO, Massimo. Il metodo errante di Chiara Guidi. Doppiozero, revue électronique, 2014.).

L’École expérimentale de Théâtre de Jeunesse devient ainsi le lieu de liberté pour l’expérimentation et l’acquisition de connaissances directes du monde. En l’état néanmoins, Chiara Guidi et Lucia Amara considèrent qu’il ne s’agit que des jalons «[…] d’une pragmatique de l’état infantile en établissant des formes que l’on peut définir comme archétypales, puisqu’elles concernent le squelette à partir duquel tout environnement d’apprentissage doit partir, […] un laboratoire scientifique, une apnée nécessaire pour laisser les enfants habiter16 16 Trad. de l’italien par l’auteure : «una pragmatica dello stato infante stabilendo forme che possono definirsi archetipiche, poiche riguardano lo scheletro da cui ogni ambiente di apprendimento dovrebbe prendere le mosse […] un laboratorio scientifico, apnea necessaria in cui far dimorare i bambini». ». Toutefois, après ces trois années, et comme elle se l’était promis, Chiara Guidi, animée par la crainte que cette expérience n’en soit plus une, mais devienne un cours, une leçon qu’on apprend par cœur, décide de ne plus réitérer l’École expérimentale de Théâtre de Jeunesse. «Comme le font les nomades sur leur chemin» (Guidi ; Amara, 2019, p. 58GUIDI, Chiara; AMARA, Lucia. Teatro Infantile. L’arte scenica davanti agli occhi di un bambino. Besançon: Luca Sossella Editore, 2019.), par errance ou par itinérance, il fallait trouver un autre lieu dans lequel recommencer autrement, et toujours en mouvement, ce type d’expériences. C’est pourquoi, Chiara Guidi conclut ainsi son journal d’observations :

J'ai tout écrit sur ce qui s'est passé dans un carnet, un journal qui témoigne encore aujourd'hui comment, si les histoires et les formes changent à chaque fois, les présupposés restent les mêmes. Après tout, je ne fais que répéter la même chose encore et encore, la même et pourtant si différente parce que le point d'observation change. Chaque verbe ‘entrer, sauter, trébucher, tomber, mourir, naître, se quereller, se cacher, casser, abandonner, kidnapper, ...’ et, à chaque fois, un incipit, un recommencement continu. Je pense que partager un espace avec des enfants nous met dans un état de mouvement perpétuel. Tout se répète avec la même force et la même nécessité, comme si c'était la première fois, de la même manière que les mots qui se renouvellent dans le ventre enceinte de chaque phrase17 17 Trad. de l’italien par l’auteure : «Di quanto accadde segnai tutto in un quaderno, un diario che ancor oggi testimonia come, sebbene i racconti e le forme ogni volta cambino, tuttavia i presupposti restano gli stessi. In fondo, non faccio altro che ripetere sempre la stessa cosa, uguale eppure cosi diversa poiche cambia il punto di osservazione. Ogni verbo ‘entrare, saltare, inciampare, candere, morire, nascere, litigare, nascondere, rompere, abbandonaren rapire, ... ‘ e, ogni volta, un incipit, un continuo ricominciare. Penso che condividere con i bambini uno spazio ci ponga in una condizione di moto perpetuo. Tutto si ripete con la stessa forza e necessita, come se fosse la prima volta, allo stesso modo delle parole che si rinnovano nel ventre gravido di ogni frase». (Guidi ; Amara, 2019, p. 59-60GUIDI, Chiara; AMARA, Lucia. Teatro Infantile. L’arte scenica davanti agli occhi di un bambino. Besançon: Luca Sossella Editore, 2019.).

Par conséquent, les projets successifs à ces expérimentations, notamment le festival Puerilia et la «méthode errante», seront incontestablement influencés par elles et guidés par la quête de Chiara Guidi (2011)GUIDI, Chiara. Puerilia. Livret de l’édition. Cesena, 2011. de «[…] renverser la rhétorique qui fait de l'enfant l'homme de demain, mais puise dans la condition infantile comme lieu et temps d'une première appréhension du monde [, et] de comprendre ce que signifie être un enfant et aussi comment être capable d'être un enfant18 18 Trad. de l’italien par l’auteure : «Puerilia è una rassegna che rovescia la retorica che vede i bambini come gli uomini di domani, ma attinge alla condizione infantile come luogo e tempo per una presa del mondo iniziale. Vogliamo tentare di capire cosa vuol dire essere bambini ed anche come potere essere bambini». ».

III) L’enfant maître du jeu du festival Puerilia

En 2011, Chiara Guidi crée le festival Puerilia qui se déploie en plusieurs journées de puériculture théâtrale dans la ville de Cesena et au Teatro Comandini, durant environ un mois, en collaboration avec la revue de théâtre pour enfants du Théâtre Bonci. Dans la continuité de ses projets antérieurs, elle y développe ses expériences où les enfants sont à la fois spectateurs, participants, actants, «acteurs d’actes et de paroles19 19 Chiara Guidi qualifie ainsi les enfants dès l’édition 2011 (Guidi, 2011). », et maîtres du jeu des créations dramatiques proposées et des bords de plateau, aussi qualifiés de «Dialogues20 20 Les enfants sont invités à partager avec tous l'histoire qu'ils ont vécue comme participants-protagonistes, ainsi que celle dont ils ont été les témoins en tant que spectateurs-«historiens», selon les termes de Chiara Guidi. Ces derniers permettent «un aller et retour constant entre l’approche intérieure, sensitive, pragmatique, empirique, conduite [sur le plateau et dans la salle de spectacle] et l’acquisition de repères théoriques, historiques et esthétiques, ainsi que d’une méthode d’analyse de la représentation», qualités essentielles pour «l’apprenti spectateur», selon Yannic Mancel (2002, p. 185), conseiller artistique et littéraire et enseignant d’Histoire et de dramaturgie du théâtre. » par Chiara Guidi, auxquels ils sont conviés aux côtés du public, des artistes, pédagogues, philosophes, critiques et historiens d’art à l’issue des spectacles. Dans le programme de salle de l’édition 2013, elle précise d’ailleurs que :

Les adultes qui assistent à la représentation ne doivent pas interférer ou anticiper les réponses des enfants parce que, dans le théâtre, les maîtres, ce sont eux ; ce sont eux que l’on doit écouter. Pendant les jeux de scène, ils nous ouvrent à une connaissance qui suspend la raison pour manifester avec les sens et l’imagination la force originale des mots et des émotions (Guidi, 2013GUIDI, Chiara. Puerilia. Livret de l’édition. Cesena, 2013.).

Les enfants représentent également l’enjeu premier des conférences publiques, laboratoires pour acteurs, d’une semaine chacun, des séminaires de formation pour les enseignants organisés pendant le festival et de la filmographie et bibliographie proposées. Le festival réunit ainsi des enfants, parents, chercheurs, praticiens de l’enfance, acteurs, enseignants, éducateurs autour de la question de l’enfance. Ensemble, ils se questionnent sur l’«éducation artistique et culturelle [que l’on] veut pour les enfants et [sur les] compétences [que l’on] souhaite […] leur permette d’acquérir» (Lauret, 2014, p. 92LAURET, Jean-Marc. L’art fait-il grandir l’enfant ? Essai sur l’évaluation de l’éducation artistique et culturelle. Toulouse: Éditions de l’Attribut, 2014.) et pratiquent le «regard tactile» de l’enfant, pour reprendre les propos de Chiara Guidi (2014)GUIDI, Chiara. Puerilia. Livret de l’édition. Cesena, 2014.:

[Il s’agit de répondre] ainsi conceptuellement à la fonction inventive et pragmatique de la connaissance pratiquée par les enfants, tout en refusant cependant d’exploiter les stéréotypes de l’imaginaire enfantin pour adopter, avec tout le sérieux nécessaire, le processus primitif de leur regard tactile.

Pour répondre à cette problématique, de 2011 à 2013, le festival Puerilia se déploie selon quatre axes définis par des verbes d’action par Chiara Guidi. Le premier est «faire», puisqu’enfants et adultes s’engagent dans une pratique active et approfondie (école du jeune spectateur21 21 L’usage ce terme est employé pour désigner la «démarche éducative par laquelle les élèves apprennent à devenir des spectateurs actifs et désirants, et à appréhender le théâtre comme une pratique artistique vivante au-delà de la seule expérience de l’analyse littéraire des textes. Elle leur permet d’acquérir, dans le partage d’une culture commune, jugement esthétique et esprit critique» (Charte nationale de l’école du spectateur, l’ANRAT : http://www.anrat.net/). , pratique du regard, pratique du corps et de la voix, pratique de l’imaginaire, pratique dramaturgique, etc.). Le deuxième se concentre sur l’acte d’«expérimenter», car les collaborations menées (artistes comédiens, plasticiens, musiciens, danseurs, etc.) permettent de déployer une recherche sur les caractéristiques d’une création s’adressant aux jeunes publics, les outils mis à disposition du jeune spectateur pour appréhender les spectacles en amont et en aval de la représentation, ses spécificités pédagogiques, ainsi que plus largement sur la relation qu’entretiennent art et enfant. Les hypothèses formulées au cours de ces questionnements pourront ensuite être explorées et testées au plateau. «Réfléchir», en particulier sur les orientations pédagogiques et leurs alternatives, représente le troisième axe du festival. En effet, les recherches et pratiques antérieures, telles que celles de Lucy R. Latter (1906)LATTER, Lucy R. School gardening for little children. London: Swan, Sonnenschein & Co., 1906., pédagogue britannique, celles du pédopsychiatre, pédagogue et poète français Fernand Deligny (1980)DELIGNY, Fernand. Les enfants et le silence. Paris: Éditions Galilée, 1980. ou encore celles du philosophe Maurice Merleau-Ponty (2001)MERLEAU-PONTY, Maurice. Psychologie et pédagogie de l’enfant. Cours de Sorbonne 1946-1952. Paris: Verdier, 2001. sont étudiées afin de créer une nouvelle dynamique dans les méthodes de transmission et d’éducation. Enfin, loin de la pensée de Christiane Page, qui considère que «[…] le Jeu dramatique ne se présente ni comme une matière de plus ni comme un outil d'enseignement, mais comme une possibilité de finaliser les apprentissages que l'école a le devoir de dispenser» (Page, 1997, p. 121PAGE, Christiane. Éduquer par le jeu dramatique. Paris: ESF, 1997.), il s’agit d’ «impliquer» les enfants et les enseignants de Cesena d’abord, puis l’ensemble des personnes qui travaillent au contact des enfants, en les invitant à s’interroger sur la nécessité de concevoir la création scénique au cœur d’un projet pédagogique, voire de société, et d’encourager une diversité culturelle, esthétique et territoriale pour les jeunes publics.

À partir de ces quatre axes se dessinent progressivement trois mouvements, c’est-à-dire trois sections constitutives de la forme que prendra le festival et comprenant les suspensions de son exécution, qui seront formalisés par écrit en 2013 par Chiara Guidi via «la méthode errante» (décrite et analysée postérieurement dans cette contribution) et qui sera développée et appliquée l’année suivante. Le premier mouvement est axé sur la rencontre avec les enseignants ou les accompagnateurs des enfants et Chiara Guidi autour de formes de théâtre. L’enjeu de cette relation triangulaire ne répond pas à un procédé didactique ou pédagogique «classique»22 22 Il ne s’agit pas non plus d’un «partenariat», qui s’intégrerait dans le cadre de projets d’EAC (Éducation Artistique et Culturelle) en France par exemple, car si les trois piliers qui le composent, à savoir connaissances, pratiques et rencontres, coïncident, l’expérimentation ne s’inscrit pas systématiquement dans le projet de l’école ou de l’établissement, le projet partenarial n’est pas nécessairement d’envergure et l’acquisition de connaissance peut être non rationnelle. (Cf: Rouillon, 2013, p. 4). , puisqu’il ne s’agit pour Chiara Guidi ni d’expliquer, ni d’argumenter à partir d’exemples, d’images, de films, d’écoutes, mais de questionner ensemble les possibilités propres à l’art, de repenser collectivement un nouveau moyen de découvrir et de révéler ce qu’on soupçonne déjà connaître, d’accepter de vivre en communauté une expérience qui n’accroît pas le savoir ni ne donne des réponses, mais au contraire qui fait naître des doutes sur ce qui semblait pourtant acquis, des questions sur ce qui avait déjà trouvé des solutions.

De plus, à l’issue de chaque représentation, les spectateurs adultes et enfants sont invités à réinventer ce qu’ils viennent de voir et d’entendre en se faisant confiance les uns les autres et soi-même sur leur potentiel imaginatif et inspirant dramaturgique. De ce processus, émerge une narration qui s’attarde désormais sur les «[…] détails et les rapports qui entourent les choses, préservant la force en puissance que l’expérience renferme, pour que puissent se manifester ces multiples niveaux de réalité qu’habituellement toute forme renferme» (Guidi, 2014GUIDI, Chiara. Puerilia. Livret de l’édition. Cesena, 2014.).

Le second mouvement se concentre sur les acteurs expérimentant la «méthode errante» dans un laboratoire, autour d’une forme dramatique, narrative et figurative, principalement construite à partir d’actions mimétiques et interrogeant les deux pans de la représentation théâtrale : l’action et la réception. Seront par exemple créés Le dos d’Arlequin23 23 Le dos d’Arlequin est «une histoire qui prend en considération l’aspect caché des choses, et qui nous enseigne à ne pas nous contenter d’un seul point de vue pour connaître le monde. Le dos d’Arlequin aussi peut parler et raconter ce qui se passe de son côté et qu’Arlequin ne peut voir. Le dos aussi à une façon particulière de connaître le monde». cf programme de Puerilia 2014. , La terre des lombrics. Une tragédie pour enfants24 24 «Dans ce spectacle également, est montrée la vie cachée de ce peuple laborieux qui s’agite loin des regards. Sous la terre, sous ce qui semble être un pré tranquille et abandonné, s’agite la vie grouillante des lombrics. Il faut creuser et aller en profondeur pour découvrir leurs secrets». cf programme de Puerilia 2014. , réalisés à partir de la «méthode errante» et qui prennent toutes deux en considération le côté caché des choses (de dos et sous terre). En représentation, l’acteur se soumet aux regards de l’enfant, le soutient tout comme il le fait avec la fiction, affine son jeu et sa présence, tout en assurant l’ouverture des formes théâtrales, «c'est-à-dire qu’elles ont besoin d'enfants pour se composer et se réaliser» (Guidi, 2014GUIDI, Chiara. Puerilia. Livret de l’édition. Cesena, 2014.).

Le troisième mouvement est justement une invitation et un appel. Chiara Guidi appelle et convie les enfants à occuper le théâtre, tandis que le spectacle les invite à le faire exister par leur participation active, leur jeu et leur relation aux comédiens. Les présences de l’enfant appellent les artistes à se réinterroger sur «[…] le passage alchimique du connu à l'inconnu, le rapport entre l'art et la réalité, et par derrière et sous terre, ils découvrent d'une manière nouvelle ce qu'ils savent déjà» (Guidi, 2014GUIDI, Chiara. Puerilia. Livret de l’édition. Cesena, 2014.). En définitive, il s’agit :

[...] d’entrer littéralement dans l’espace scénique pour déterminer l’évolution de l’histoire avec leurs décisions ou leurs interventions. Ils sont appelés à mettre en œuvre leur capacité innée de changer le cours des événements, de transformer une histoire, de créer. La forme les conduit sur les traces de quelque chose, elle réveille leur imagination en restaurant un monde animé, elle met en mouvement l’action et la pensée à partir de ce qu’ils voient, elle les pousse à libérer une force irrationnelle en jouant sur l’émotion, le rythme et la composition (Guidi, 2014GUIDI, Chiara. Puerilia. Livret de l’édition. Cesena, 2014.).

Or, ces objectifs participent à l’élaboration de la «méthode errante» et, avec le festival Puerilia, ils se nourriront l’un l’autre, puisque la «méthode errante» se développe et précise durant le festival, à travers cette expérience pratique, qui permettrait de confirmer ou d’invalider la méthode dans son élaboration, application et réception et ainsi que de la critiquer le plus subjectivement possible. En effet, comme le précise Chiara Guidi, la «méthode errante», si elle est à l’origine le fruit d’une intuition personnelle, se doit désormais d’être pensée collectivement, sans cesse réinterrogée, «[…] réclame un dialogue pour évoluer, être mise en crise en une constante redéfinition, et dans sa relation avec les divers interlocuteurs, trouver son propre sens» (Guidi, 2014GUIDI, Chiara. Puerilia. Livret de l’édition. Cesena, 2014.).

IV) La «méthode errante» : l’enfant errant et l’errance de l’enfance

L’analyse des démarches et créations précédentes permet de présenter la «méthode errante» de Chiara Guidi comme une pratique de recherche et d’expérience itinérante qui tend à bousculer les préceptes et habitudes d’écoute et de regard passifs de l’enfant-spectateur, en garantissant la libéra-tion de leur imaginaire, via un projet dramatique de «théâtre enfant», dans lequel ce dernier est sollicité par participation active et stimuli, et est invité à s’engager dans une relation authentique à l’art. Avec la «méthode errante», l’enfant est écouté, son regard est soutenu, son jeu affirmé, son errance volontaire, car les «[…] arts sont assumés comme des outils pédagogiques transversaux et universels qui renforcent le pouvoir profanateur du jeu qui ne vise pas la connaissance, mais propose des espaces de conception à vivre25 25 Trad. de l’italien par l’auteure : «La fiducia riposta nelle arti come strumenti educativi trasversali e universali esalta, quindi, la forza profanatrice del gioco che non punta alla conoscenza, ma crea le condizioni di un’esperienza da vivere». » (Sapienza, 2017SAPIENZA, Annamaria. Vedere il suono. Il metodo errante di Chiara Guidi tra infanzia e voce. Acting Archives Review, n. 13, 2017.).

L’errance est donc une praxis qui d’une part, n’a d’autres objectifs que celui de se déployer, d’autre part, qui témoigne d’une double action, enfin qui s’expérimente dans l’égarement, les détours et donc l’erreur. Issu du latin iterare, puis dérivé du verbe en ancien français esrer, le terme «errance» prend le sens de voyage et de chemin et le participe passé induit une répétition et longueur sur la durée. L’étymologie première du terme «errer» relève néanmoins d’une ambiguïté homonymique, puisqu’«errer» recouvre également le sens de «s’égarer, faire fausse route, se tromper». Ces deux sens se chevaucheront progressivement pour donner à l’«errance» la définition d’ «action d’errer» à comprendre soit comme une «situation de déplacement constant sans but», soit comme l’action «d’aller çà et là, à l’aventure, sans but», «de marcher, de voyager sans cesse», «de marcher sans but, au hasard» ou comme «d’hésiter, de tergiverser» et «se tromper, faire fausse route».

Or, la «méthode errante» confirme ces premières observations étymologiques et lexicales, puisque selon Chiara Guidi, l’idée d’errance pousse à la contemplation de la tentative de jeu et de mise en scène et de l’imprévisibilité, soumet quiconque au risque de l’erreur et à la nécessité de s’engager. En effet, elle révèle des poïétiques de marche aléatoire et d’accident créateurs chez l’enfant et chez l’adulte en l’obligeant à revenir et à se représenter son enfance. L’errance trouve en l’enfant et en l’enfance un terreau propice à sa germination, car en eux, par eux, avec eux peuvent librement s’expérimenter le glanage, la prise d’initiative, l’expérience, l’accident, l’erreur, le recommencement, la création, la destruction, l’attente et le voyage. Enfant et enfance possèdent les forces motrices fondamentales de toutes formes théâtrales, c’est-à-dire celles nécessaires à la décomposition, à la réadaptation et à l’invention par l’errance. Comme le souligne Chiara Guidi (2017): «Je crois que le théâtre est très proche du jeu de l'enfance, si le théâtre est proposé comme acte de confrontation avec une image qui conduit à en générer d'autres, à arrêter, à suspendre des savoirs critiques26 26 Trad. de l’italien par l’auteure : «Credo che il teatro sia molto vicino al gioco dell’infanzia se viene proposto come quel mettersi di fronte a un’immagine che porta a generarne altre, fermandosi, sospendendo la conoscenza critica». ». La «méthode errante» s’inspire de l’enfant errant et en même temps c’est l’enfant qui crée cette méthode car «[…] l'enfant voit au-delà de ce que l'histoire lui dira, et l'art ne l'éduque pas, mais déplace sa capacité à connaître le monde en le transformant» (Guidi, 2017). Chiara Guidi se libère d’une fâcheuse et malheureuse tendance, répandue pourtant, à ne présenter aux enfants que des formes artistiques lissées, édulcorées, nettoyées donc consensuelles qui, en réalité, ne sont pas faites pour eux et ne leur conviennent pas. Avec la «méthode errante», il ne s'agit plus «de conduire l'enfant vers l'art» (Ardouin, 1997, p. 10ARDOUIN, Isabelle. L'éducation artistique à l’école. Paris: ESF éditeur, 1997.), comme le suggérait Isabelle Ardouin dans L’éducation artistique à l’école, mais de lui permettre de faire le choix de son art.

Par ailleurs, s’agissant d’une exploration durable s’entreprenant par déambulations longues et sans autre but que le voyage lui-même dans le territoire de l’enfance et par le regard de l’enfant, la «méthode errante» permet de faire de l’enfant à la fois son modèle et son imago, l’origine et la finalité. Chiara Guidi l’affirme :

L'art peut modifier l'apprentissage et devenir une forme de connaissance sans but, sans utilité. Et c'est un discours difficile à accepter pour un enseignant ou un pédagogue. Mais l'art est valable indépendamment de toutes les instructions d'utilisation. Il faut revendiquer son indépendance, son autonomie, précisément au moment où elle est le plus nécessaire à la société, à la pédagogie, à la politique27 27 Trad. de l’italien par l’auteure : «L’arte può modificare l’apprendimento e diventare una forma di conoscenza senza scopo, senza utilità. E questo è un discorso difficile da far accettare a un insegante o a un pedagogista. Ma l’arte è valida indipendentemente da tutte le istruzioni per l’uso. Bisogna rivendicarne l’indipendenza, l’autonomia, proprio nel momento in cui è più necessaria per la società, per la pedagogia, per la politica». (Guidi apud Marino, 2014GUIDI, Chiara. Puerilia. Livret de l’édition. Cesena, 2014.).

En opposant la «résistance aux systèmes relationnels et de communication du contemporain […] au nom d’une exploration des statuts de la création théâtrale28 28 Trad. de l’italien par l’auteure : «di resistenza nei confronti dei sistemi relazionali e comunicativi del contemporaneo, [...] in nome di una spregiudicata esplorazione degli statuti della creazione teatrale». » (Sapienza, 2017SAPIENZA, Annamaria. Vedere il suono. Il metodo errante di Chiara Guidi tra infanzia e voce. Acting Archives Review, n. 13, 2017.), la «méthode errante» renverse la dynamique didactique la plus traditionnelle pour aller de ce que nous savons à ce que nous ne savons pas, de ce que nous connaissons à ce que nous ne connaissons pas. De plus, la «méthode errante» est déclinable selon le contexte et la relation à l’enfant et à l’enfance de celui qui l’applique (à l’école par les enseignants exemple). Pour les comédiens par exemple, cette méthode – dont l’appellation s’apparente à un oxymore par rapprochement de termes quasiment antagonistes «méthode» d’une part et «errante» de l’autre – se veut conduite de jeu en y imposant une justesse pour soutenir le regard de l’enfant et le faire devenir sien.

Il s’agit aussi de questionner les résistances de l’enfant se manifestant par exemple par leur non-absorption ou écoute, leur «indiscipline», leur capacité à mettre en crise le rythme, le texte et la représentation dans son ensemble. Or, cela tient des spécificités de l’enfant, comme l’absence de facticité et la spontanéité, qui font de lui le moyen quintessentiel de porter la «méthode errante», d’en jouer et de la défier.

Toute création obéissant à la «méthode errante» se pense donc par anticipation : des espaces, des dispositifs, de l’atmosphère, de l’environnement sonore et lumineux, de la disposition des accessoires et objets scéniques, du jeu des acteurs, etc., afin que tous ces éléments «créent les conditions fondamentales du développement de l’imaginaire29 29 Trad. de l’italien par l’auteure : «le condizioni di un’esperienza da vivere […] della realtà e dell’immaginazione». » (Sapienza, 2017SAPIENZA, Annamaria. Vedere il suono. Il metodo errante di Chiara Guidi tra infanzia e voce. Acting Archives Review, n. 13, 2017.). Pour les réunir, le «théâtre enfant» se doit de respecter la forme théâtrale ouverte en s’appuyant sur les poétiques de l’espace, du temps et de l’action, précédemment explicitées, mais également de chercher la voix de l’enfance. Cela est possible par ouverture du regard, «molécularisation de la voix», qualifiée ainsi par Annamaria Sapienza et libération de la figure animale, en faisant usage d’animaux sur la scène.

L’usage scénique des animaux dans les spectacles de Chiara Guidi est soit envisagé comme présence physique au plateau (comme c’est par exemple le cas dans Le favole di Esopo (1992) qui met en scène plus de trois cents animaux), soit en tant qu’élément comparatif où l’animalité guide le jeu scénique. Que l’animal soit réel ou imaginaire et que son intervention soit subreptice ou appuyée, il capte l’attention de tous dès lors qu’il paraît en scène. Ainsi, la présence animale, tout comme celle de l’enfant, charrie une autre réalité hors du temps et de l’espace théâtral et crée une relation renouvelée de la scène et des regards qu’on lui porte. C’est «typique de l'enfance, quelque chose d'une relation qui ne se reproduira jamais» dit Chiara Guidi et poursuit :

C'est vrai, à tel point que les enfants apprennent à s’exprimer en imitant les sons des animaux, et c'est une figure typique de la relation entre adultes et enfants, avec tous ses liens moraux et sociaux. Il y a l'éducation à la socialité, dans le rapport aux animaux, il y a l'émerveillement, l'admiration et l'imitation pour cette incroyable diversité et il y a aussi l'horreur, il y a l'évocation d'une voix ‘autre’30 30 Trad. de l’italien par l’auteure : «Questo è tipico appannaggio dell’età infantile, qualcosa di una relazione che non apparirà mai più. Ed è vero, tanto che i bambini imparano a parlare imitando i versi degli animali, e che una figura tipica del rapporto tra adulto e bambini, con tutte le sue connessioni morali, sociali. C’è educazione alla socialità, nel rapporto con gli animali, c’è lo stupore, l’ammirazione e l’imitazione per questa incredibile diversità e c’è anche l’orrore, c’è l’evocazione di una voce ‘altra’». (Guidi ; Amara, 2019, p. 132GUIDI, Chiara; AMARA, Lucia. Teatro Infantile. L’arte scenica davanti agli occhi di un bambino. Besançon: Luca Sossella Editore, 2019.).

À cela s’ajoute un travail singulier sur la voix, entreprise dès les années 1980 par Chiara Guidi, pour trouver la «phonétique originaire» en explorant les «possibilités infinies de l’instrument vocal de l’acteur31 31 Trad. de l’italien par l’auteure : «infinite possibilità dello strumento vocale dell’attore». ». (Sapienza, 2017SAPIENZA, Annamaria. Vedere il suono. Il metodo errante di Chiara Guidi tra infanzia e voce. Acting Archives Review, n. 13, 2017.).

L’horizon qui se dessine pousse les acteurs vers une nouvelle sensibilité à l’écoute, ou, à la reconnaissance de leur propre voix comme résonance intérieure, émotionnelle, réfraction de la lecture du texte dans leur propre corps dans lequel tracer la fibrillation acoustique, l’élément physique et organique du mot privé de sa signification logique. […] Le mot est décomposé comme l’engrenage d’un jouet, à la recherche de sa puissance originelle, c’est-àdire de la force génératrice qui précède la jonction logique entre lemme et signification32 32 Trad. de l’italien par l’auteure : «L’orizzonte che si delinea muove gli attori verso una nuova sensibilità all’ascolto, ovvero, al riconoscimento della propria voce come risonanza interiore, emotiva, rifrazione della lettura del testo nel proprio corpo entro il quale rintracciare la fibrillazione acustica, l’elemento fisico e organico della parola privata del suo significato logico. […] La parola è scomposta come l’ingranaggio di un giocattolo, alla ricerca della sua potenza originaria, ovvero, della forza generatrice che precede la giuntura logica tra lemma e significato». (Sapienza, 2017SAPIENZA, Annamaria. Vedere il suono. Il metodo errante di Chiara Guidi tra infanzia e voce. Acting Archives Review, n. 13, 2017.).

Chiara Guidi considère la mise en œuvre de la «méthode errante» comme un rituel consistant en la reconnaissance des pouvoirs du langage de l’Art, de la multiplicité de ses formes et de son ouverture aux sens et répondant à trois rites définis ainsi par Chiara Guidi :

Après le Pouvoir analogique de la beauté et le Pouvoir analphabétique de l’imagination, le Pouvoir anachronique de l’âme entre dans un espace à la fois profondément intime et constamment à l’écoute, l’âme précisément, qui nous ancre au soi et nous met en relation avec le monde. Sur le fil de l’âme, Chiara Guidi{XE "Guidi"} s’adresse au mode de l’école en se tournant vers le passé, vers les maîtres pythagoriciens qui s’adressaient à leurs disciples cachés par un rideau pour dissimuler leur corps et en trouver un autre, ‘imaginé’ par les auditeurs grâce aux résonances de l’âme (Guidi, 2014GUIDI, Chiara. Puerilia. Livret de l’édition. Cesena, 2014.).

Somme toute, il s’agit de cultiver l’imaginaire dans un espace-temps d’expérience à vivre dans une «solitude privilégiée et partagée33 33 Ces termes sont employés dans la note de présentation de la Socìetas Raffaello Sanzio sur leur site internet : www.societas.es. », en préservant les conditions nécessaires à sa mise en place (puissance du jeu, ouverture du regard, poétiques de l’espace, du temps et de l’action, voix de l’enfance) via un système éducatif et pédagogique alternatif, transversal et universel, propice à l’errance, au déraillement, à l’imprévisible et à la suspension.

Du processus de création à la scène, de la poïétique à la praxis, l’enfant apparaît comme l’un des protagonistes majeurs des recherches dramaturgiques de Chiara Guidi, participe activement à ses démarches créatrices et occupe un rôle prépondérant dans ses performances scéniques. Qu’il en soit spectateur, acteur ou sujet d’expérimentation, l’enfant est à la fois l’origine et l’enjeu, le modèle et l’imago de son théâtre laboratoire. L’enfant errant et l’errance de l’enfance sont les moteurs de ses spectacles jeunesse, de son École expérimentale de Théâtre de Jeunesse, de son festival Puerilia et de sa «méthode errante».

Tout le travail expérimental de Chiara Guidi, mené dans le cadre du festival Puerilia au Teatro Comandini, est orienté donc à modifier le regard sur l’enfance et sur la relation adulte/enfant. De cette expérience d’écoute et du regard envers l’enfant, l’enfance et leur errance, nait la pratique singulière et novatrice de Chiara Guidi qui garantit l’engagement de l’enfant dans un déploiement de l’imaginaire, via une méthode de vivre-ensemble par l’art. Comparable à un système éducatif et pédagogique alternatif, transversal et universel, voire utopique (Ieven, 2017IEVEN, Emilie. L’errance, un mouvement à potentiel utopique. Carnets, revue électronique d'études françaises, Série II, n. 10, 2017.), cette méthode axée sur l’errance permet à l’enfant d’être en action dans son rapport au corps et à la voix, à l’Autre et au monde et à la contemporanéité.

Notes

  • 1
    Les pratiques et créations de la Socìetas Raffaello Sanzio peuvent être qualifiées d’«expérientielles», car elles sont axées sur l’expérimentation de méthodes, connaissances et formations, conçues par glanage d’expériences de vie et de jeu de la compagnie, ses membres et publics, fabrique des imaginaires et laboratoire dramaturgique.
  • 2
    Tout en étant influencé par le travail de Chiara Guidi, Romeo Castellucci s’intéresse à ce que l’enfant incarne sur la scène quand il ne joue pas l’enfant et le propulse ainsi sur les scènes de certains de ses spectacles : Genesi, from the museum of sleep (1999), Il combattimento (2000), A.#02 (2002), Br.#04 (2003), Inferno (2008), Purgatorio (2008), Sul concetto di volto nel figlio di Dio (2011), Il Primo Omicidio (2019), Requiem (2019) et dernièrement Bros (2021) entre autres. Le plateau de théâtre devient le lieu de la performativité expérimentielle de l’enfant mais dans une perspective différente de celle de Chiara Guidi.
  • 3
    Site internet de la compagnie Socìetas Raffaello Sanzio, de sa théâtrographie, de ses archives et publications : https://www.arch-srs.com/srs; https://www.societas.es/teatrografia/; https://www.societas.es/chiara-guidipubblicazioni/; https://www.societas.es/societas-raffaello-sanzio-pubblicazioni/.
  • 4
    Trad. de l’italien par l’auteure : «La componente sonora è ricercata in ogni elemento della rappresentazione, dal testo agli oggetti, alla ricerca di una forza di base invisibile e pervasiva che sostiene la forma più autentica dell’esperienza teatrale [e] di una fisicità acustica capace di diventare forma, figura nello spazio».
  • 5
    Trad. de l’italien par l’auteure : «Imparare a stare di fronte allo sguardo del bambino, sostenendolo e facendolo nostro a nostra volta. Questo sguardo non è mai ingenuo e al contempo va anche costruito dall’adulto che guida il bambino. Il meccanismo è un’alchimia di relazione e reciprocità continua, di flussi e trasformazioni scambievoli che vanno in due sensi».
  • 6
    Trad. de l’italien par l’auteure : «I desideri del bambino e li manipola anche subdolamente facendo appello a ciò che è ‘adatto al bambino’, o ‘su misura del bambino’».
  • 7
    Trad. de l’italien par l’auteure : «Il Teatro infantile – dice Chiara Guidi – ha bisogno di quell’analfabetismo proprio dell’infanzia, di quella tensione innata al gioco, capace di mettere in prova un altro mondo, di vedere la presenza che sta dietro le immagini e di restituire alla parola il suo suono» (Guidi, 2018GUIDI, Chiara. Communication. In: CONFERENCE IL TEATRO INFANTILE, 2018, Théâtre Rasi, Ravenna. Communication [...]. Ravenna, 2018.).
  • 8
    Trad. de l’italien par l’auteure : «Infanzia non intesa come un’età della vita, ma come un sentire e provare la parola sul limite stesso del linguaggio, sulla soglia del non-dire, là dove la parola degli umani si mescola e si salda con quella degli animali, […] là dove è prossima al peso reale delle cose e all’intimità con un corpo».
  • 9
    Trad. de l’italien par l’auteure : «un’infanzia universale, un’infanzia intesa come entità irriducibile».
  • 10
    Trad. de l’italien : «Non per essere consolati da loro o per goderne. Ma per entrare e toccare attraverso i bambini la fiaba, il raconta mitico, il teatro (o meglio una sorta di pre-teatro) e la genesi di un atto di creazione. Volevo che l'arte del gioco all'interno del confine fiabesco mettesse in atto un'esperienza d'arte» (Guidi apud Amara, 2014GUIDI, Chiara. Puerilia. Livret de l’édition. Cesena, 2014.).
  • 11
    Trad. de l’italien par l’auteure : «Il ‘metodo infantile’ di Chiara non aspira a sostituirsi a una pedagogia, né tanto meno a inserirsi nel solco di un pensiero pedagogico, o di una tradizione. La sua peculiarità è quella di nascere e generarsi da una prassi artistica ‘adulta’, di cui serba intonso il suo carattere, senza in alcun modo ‘ridurlo’ in scala o ‘riadattarlo’ per piccoli».
  • 12
    Trad. de l’italien par l’auteure : «della stranezza i limiti to imposto» (Guidi; Amara, 2019, p. 19GUIDI, Chiara; AMARA, Lucia. Teatro Infantile. L’arte scenica davanti agli occhi di un bambino. Besançon: Luca Sossella Editore, 2019.).
  • 13
    Cet espace est ainsi nommé car les jeux consistent souvent à se battre contre un dragon, à capturer un monstre, à libérer un personnage sous l’emprise d’un autre, à lutter contre un insecte géant, etc.
  • 14
    Trad. de l’italien par l’auteure : «La distanza sia un principio determinante del gesto pedagogico, o di chi guida ‘ad arte’ i bambini».
  • 15
    Trad. de l’italien par l’auteure : «Gli eventi costruiti con i bambini alla Scuola Sperimentale mirano, dunque, a recuperare una dimensione ludica ancestrale, toccare l’assolutezza del racconto attraverso la teatralità primordiale dell’infanzia, entrare nei territori dell’immaginario che precedono il teatro, in uno stato non formalizzato ma autentico capace di cogliere e trasformare in rappresentazione la visione prodotta dalla creatività puerile».
  • 16
    Trad. de l’italien par l’auteure : «una pragmatica dello stato infante stabilendo forme che possono definirsi archetipiche, poiche riguardano lo scheletro da cui ogni ambiente di apprendimento dovrebbe prendere le mosse […] un laboratorio scientifico, apnea necessaria in cui far dimorare i bambini».
  • 17
    Trad. de l’italien par l’auteure : «Di quanto accadde segnai tutto in un quaderno, un diario che ancor oggi testimonia come, sebbene i racconti e le forme ogni volta cambino, tuttavia i presupposti restano gli stessi. In fondo, non faccio altro che ripetere sempre la stessa cosa, uguale eppure cosi diversa poiche cambia il punto di osservazione. Ogni verbo ‘entrare, saltare, inciampare, candere, morire, nascere, litigare, nascondere, rompere, abbandonaren rapire, ... ‘ e, ogni volta, un incipit, un continuo ricominciare. Penso che condividere con i bambini uno spazio ci ponga in una condizione di moto perpetuo. Tutto si ripete con la stessa forza e necessita, come se fosse la prima volta, allo stesso modo delle parole che si rinnovano nel ventre gravido di ogni frase».
  • 18
    Trad. de l’italien par l’auteure : «Puerilia è una rassegna che rovescia la retorica che vede i bambini come gli uomini di domani, ma attinge alla condizione infantile come luogo e tempo per una presa del mondo iniziale. Vogliamo tentare di capire cosa vuol dire essere bambini ed anche come potere essere bambini».
  • 19
    Chiara Guidi qualifie ainsi les enfants dès l’édition 2011 (Guidi, 2011GUIDI, Chiara. Puerilia. Livret de l’édition. Cesena, 2011.).
  • 20
    Les enfants sont invités à partager avec tous l'histoire qu'ils ont vécue comme participants-protagonistes, ainsi que celle dont ils ont été les témoins en tant que spectateurs-«historiens», selon les termes de Chiara Guidi. Ces derniers permettent «un aller et retour constant entre l’approche intérieure, sensitive, pragmatique, empirique, conduite [sur le plateau et dans la salle de spectacle] et l’acquisition de repères théoriques, historiques et esthétiques, ainsi que d’une méthode d’analyse de la représentation», qualités essentielles pour «l’apprenti spectateur», selon Yannic Mancel (2002, p. 185)MANCEL, Yannic. L’Apprenti spectateur. Le Théâtre et l’école, Histoire et perspectives d’une relation passionnée. Arles: Actes Sud Papier, 2002., conseiller artistique et littéraire et enseignant d’Histoire et de dramaturgie du théâtre.
  • 21
    L’usage ce terme est employé pour désigner la «démarche éducative par laquelle les élèves apprennent à devenir des spectateurs actifs et désirants, et à appréhender le théâtre comme une pratique artistique vivante au-delà de la seule expérience de l’analyse littéraire des textes. Elle leur permet d’acquérir, dans le partage d’une culture commune, jugement esthétique et esprit critique» (Charte nationale de l’école du spectateur, l’ANRAT : http://www.anrat.net/).
  • 22
    Il ne s’agit pas non plus d’un «partenariat», qui s’intégrerait dans le cadre de projets d’EAC (Éducation Artistique et Culturelle) en France par exemple, car si les trois piliers qui le composent, à savoir connaissances, pratiques et rencontres, coïncident, l’expérimentation ne s’inscrit pas systématiquement dans le projet de l’école ou de l’établissement, le projet partenarial n’est pas nécessairement d’envergure et l’acquisition de connaissance peut être non rationnelle. (Cf: Rouillon, 2013, p. 4ROUILLON, Vincent. Rythmes scolaires et éducation artistique et culturelle. FNCC - La Lettre d’Échanges, Saint-Étienne, n. 105, 2013.).
  • 23
    Le dos d’Arlequin est «une histoire qui prend en considération l’aspect caché des choses, et qui nous enseigne à ne pas nous contenter d’un seul point de vue pour connaître le monde. Le dos d’Arlequin aussi peut parler et raconter ce qui se passe de son côté et qu’Arlequin ne peut voir. Le dos aussi à une façon particulière de connaître le monde». cf programme de Puerilia 2014.
  • 24
    «Dans ce spectacle également, est montrée la vie cachée de ce peuple laborieux qui s’agite loin des regards. Sous la terre, sous ce qui semble être un pré tranquille et abandonné, s’agite la vie grouillante des lombrics. Il faut creuser et aller en profondeur pour découvrir leurs secrets». cf programme de Puerilia 2014.
  • 25
    Trad. de l’italien par l’auteure : «La fiducia riposta nelle arti come strumenti educativi trasversali e universali esalta, quindi, la forza profanatrice del gioco che non punta alla conoscenza, ma crea le condizioni di un’esperienza da vivere».
  • 26
    Trad. de l’italien par l’auteure : «Credo che il teatro sia molto vicino al gioco dell’infanzia se viene proposto come quel mettersi di fronte a un’immagine che porta a generarne altre, fermandosi, sospendendo la conoscenza critica».
  • 27
    Trad. de l’italien par l’auteure : «L’arte può modificare l’apprendimento e diventare una forma di conoscenza senza scopo, senza utilità. E questo è un discorso difficile da far accettare a un insegante o a un pedagogista. Ma l’arte è valida indipendentemente da tutte le istruzioni per l’uso. Bisogna rivendicarne l’indipendenza, l’autonomia, proprio nel momento in cui è più necessaria per la società, per la pedagogia, per la politica».
  • 28
    Trad. de l’italien par l’auteure : «di resistenza nei confronti dei sistemi relazionali e comunicativi del contemporaneo, [...] in nome di una spregiudicata esplorazione degli statuti della creazione teatrale».
  • 29
    Trad. de l’italien par l’auteure : «le condizioni di un’esperienza da vivere […] della realtà e dell’immaginazione».
  • 30
    Trad. de l’italien par l’auteure : «Questo è tipico appannaggio dell’età infantile, qualcosa di una relazione che non apparirà mai più. Ed è vero, tanto che i bambini imparano a parlare imitando i versi degli animali, e che una figura tipica del rapporto tra adulto e bambini, con tutte le sue connessioni morali, sociali. C’è educazione alla socialità, nel rapporto con gli animali, c’è lo stupore, l’ammirazione e l’imitazione per questa incredibile diversità e c’è anche l’orrore, c’è l’evocazione di una voce ‘altra’».
  • 31
    Trad. de l’italien par l’auteure : «infinite possibilità dello strumento vocale dell’attore».
  • 32
    Trad. de l’italien par l’auteure : «L’orizzonte che si delinea muove gli attori verso una nuova sensibilità all’ascolto, ovvero, al riconoscimento della propria voce come risonanza interiore, emotiva, rifrazione della lettura del testo nel proprio corpo entro il quale rintracciare la fibrillazione acustica, l’elemento fisico e organico della parola privata del suo significato logico. […] La parola è scomposta come l’ingranaggio di un giocattolo, alla ricerca della sua potenza originaria, ovvero, della forza generatrice che precede la giuntura logica tra lemma e significato».
  • 33
    Ces termes sont employés dans la note de présentation de la Socìetas Raffaello Sanzio sur leur site internet : www.societas.es.
  • Ce texte inédit, révisé par Rafaella Uhiara, est également publié en portugais dans ce numéro.

Referências

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  • AMARA, Lucia. La capanna dei bambini: Note di teatro infantile e di gioco mimetico secondo il metodo di Chiara Guidi. Cesana: Edizioni Socìetas, 2014.
  • AMARA, Lucia. Il teatro infantile di Chiara Guidi. Entretien mené par Giorgiomaria Cornelio. Il Tascabile, revue électronique, 2021.
  • ARDOUIN, Isabelle. L'éducation artistique à l’école Paris: ESF éditeur, 1997.
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  • DELEUZE, Gilles. Ce que les enfants disent. In: DELEUZE, Gilles. Critique et clinique Paris: Éditions de minuit, 1993. chap. IX. (coll. Paradoxe).
  • DELIGNY, Fernand. Les enfants et le silence Paris: Éditions Galilée, 1980.
  • GUIDI, Chiara. Buchettino Document de communication du spectacle. Paris: Festival d'Automne, 2001.
  • GUIDI, Chiara. Puerilia Livret de l’édition. Cesena, 2011.
  • GUIDI, Chiara. Puerilia Livret de l’édition. Cesena, 2013.
  • GUIDI, Chiara. Puerilia Livret de l’édition. Cesena, 2014.
  • GUIDI, Chiara. Buchettino Note de présentation du spectacle. Cesena, 2016.
  • GUIDI, Chiara. Communication. In: CONFERENCE IL TEATRO INFANTILE, 2018, Théâtre Rasi, Ravenna. Communication [...] Ravenna, 2018.
  • GUIDI, Chiara; AMARA, Lucia. Teatro Infantile L’arte scenica davanti agli occhi di un bambino. Besançon: Luca Sossella Editore, 2019.
  • GUIDI, Chiara; CASTELLUCCI, Romeo. Scuola sperimentale di teatro infantile I et II Cesena: Edizioni Socìetas, 1996.
  • IEVEN, Emilie. L’errance, un mouvement à potentiel utopique. Carnets, revue électronique d'études françaises, Série II, n. 10, 2017.
  • LATTER, Lucy R. School gardening for little children London: Swan, Sonnenschein & Co., 1906.
  • LAURET, Jean-Marc. L’art fait-il grandir l’enfant ? Essai sur l’évaluation de l’éducation artistique et culturelle. Toulouse: Éditions de l’Attribut, 2014.
  • MANCEL, Yannic. L’Apprenti spectateur. Le Théâtre et l’école, Histoire et perspectives d’une relation passionnée Arles: Actes Sud Papier, 2002.
  • MARINO, Massimo. Il metodo errante di Chiara Guidi. Doppiozero, revue électronique, 2014.
  • MERLEAU-PONTY, Maurice. Psychologie et pédagogie de l’enfant Cours de Sorbonne 1946-1952. Paris: Verdier, 2001.
  • PAGE, Christiane. Éduquer par le jeu dramatique Paris: ESF, 1997.
  • PIZZICHILLO, Camilla. Festival Puerilia, Cesena: Les enfants dans l’expérience théâtrale. Inferno, revue électronique, Cesena, 2015.
  • ROUILLON, Vincent. Rythmes scolaires et éducation artistique et culturelle. FNCC - La Lettre d’Échanges, Saint-Étienne, n. 105, 2013.
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  • SARRAZAC, Jean-Pierre. Jeux de rêve et autres détours Belval: Circé, 2004.
  • TACKELS, Bruno. Les Castellucci Écrivains de plateau I. Besançon: Solitaires Intempestifs, 2005.

Edited by

Rédactrices responsables: Taís Ferreira; Melissa Ferreira; Anna Mirabella

Publication Dates

  • Publication in this collection
    09 Dec 2022
  • Date of issue
    2023

History

  • Received
    10 Feb 2022
  • Accepted
    03 Sept 2022
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