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Le mystère de la création éclairé par le compositeur Arnold Schoenberg (1874-1951)

O mistério da criação iluminado pelo compositor Arnold Schoenberg (1874-1951)

El misterio de la creación iluminado por el compositor Arnold Schoenberg (1874-1951)

The mystery of creation enlightened by the composer Arnold Schoenberg (1874-1951)

Abstracts

Le compositeur Arnold Schoenberg nous enseigne sur ce qui l’a poussé à renouveler les lois de la composition musicale de son époque, malgré les railleries et les critiques. A partir des écrits qu’il nous a laissés, nous avons pu repérer un vide essentiel pour le compositeur que sa musique lui permet de traiter sans le combler. Le chemin qui le mène jusqu’à l’invention de son système atonal suit une trajectoire similaire à celle de la pulsion: une force intérieure sourd en lui et le pousse dans cette direction, pour autant elle ne trouve jamais complète satisfaction. La tension renaît très vite et l’amène à composer à nouveau. Si son courage lui permet de suivre ses propres inclinations et de ne pas céder dessus, la position d’Arnold Schoenberg face à ce qui le pousse à composer comporte aussi un versant mystique, messianique. Sa musique lui est inspirée par Dieu et devient une lutte. Il semble nécessaire que ses compositions conservent une part d’énigme pour le public et les critiques afin qu’Arnold Schoenberg évite un sentiment de persécution et continue à créer.

Mots clés:
Arnold Schoenberg; création; réel; pulsion; éthique


O compositor Arnold Schoenberg nos ensina sobre o que o levou a renovar as leis da composição musical de seu tempo, apesar dos insultos e críticas recebidos. A partir dos escritos que nos deixou é possível notar um vazio essencial em sua música que ele sustenta, sem preenchê-lo. O caminho que traça até a invenção de seu sistema atonal, segue uma trajetória similar àquela da pulsão: uma força interior surda lhe empurra nessa direção, no entanto, ela não encontra jamais uma satisfação completa. A tensão renasce muito rapidamente, levando-o a compor mais uma vez. Se sua coragem lhe permite seguir suas próprias inclinações, e de não ceder com relação a isso, a posição de Arnold Schoenberg sobre o que o leva a compor, também inclui uma explicação mística e messiânica. Para ele a música é inspirada por Deus e se torna uma luta. Parece necessário que suas composições mantenham uma parte de enigma para o público e para os críticos, de modo que Arnold Schoenberg evite um sentimento de perseguição e continue a criar.

Palavras-chave:
Arnold Schoenberg; criação; real; dirigir; ética


The composer Arnold Schoenberg teaches us about what prompted him to renew the laws of musical composition of his time, despite taunts and criticism. From the writings he left us, we have been able to identify an essential void felt by the composer that his music allows him to treat, but not fill. The path that leads him to the invention of his atonal system follows a path similar to that of the drive: a deaf inner force pushes him in that direction, but never results in full satisfaction. The tension comes up again very quickly and leads him to keep composing. If his courage allows him to follow his own inclinations relentlessly, Arnold Schoenberg’s position on what drives him to compose also contains a mystical, messianic side. His music is inspired by God and becomes a struggle. It seems necessary that his compositions keep an enigma for the public and critics, allowing Arnold Schoenberg to avoid a feeling of persecution and to continue to create.

Key words:
Arnold Schoenberg; creation; real; drive; ethics


El compositor Arnold Schoenberg nos enseña sobre lo que lo impulsó a renovar las leyes de la composición musical de su tiempo, a pesar de las burlas y las críticas. A partir de los escritos que nos dejó, hemos podido identificar un vacío esencial para el compositor, un vacío que su música le permite tratar sin llenarlo. El camino que lo lleva a la invención de su sistema atonal sigue un camino similar al de la pulsión: una fuerza interna sorda dentro de sí que lo empuja en esa dirección, en la medida en que nunca encuentra satisfacción completa. La tensión renace muy rápidamente y lo lleva a componer nuevamente. Si su coraje le permite seguir sus propias inclinaciones y no ceder, la postura de Arnold Schoenberg sobre lo que lo impulsa a componer también incluye un lado místico y mesiánico. Su música es inspirada por Dios y se convierte en una lucha. Parece necesario que sus composiciones mantengan un enigma para el público y los críticos, para que Arnold Schoenberg evite un sentimiento de persecución y continúe creando.

Palabras claves:
Arnold Schoenberg; creación, real, conducir, ética


Introduction: Se laisser enseigner par l’artiste

La psychanalyse a depuis ses débuts entretenu un rapport étroit avec l’art. Freud s’intéresse au créateur et à son œuvre à partir de la Gradiva de Jensen, il s’intéresse aussi à Léonard de Vinci, à Goethe ainsi qu’au Moïse de Michel Ange. Pourtant, malgré tout l’intérêt que Freud porte à la création artistique, il est obligé de reconnaître que l’art reste un mystère pour la psychanalyse: «force nous est de reconnaître que l’essence de la réalisation artistique nous est […] psychanalytiquement inaccessible» (Freud, 1987, p. 177). Freud traite le savoir-faire de l’artiste de la même manière qu’une formation de l’inconscient au même titre que le rêve, le lapsus, l’acte manqué. Lorsque l’on analyse une œuvre ou ses personnages comme des patients; ou de la même manière, l’auteur à travers son œuvre, on échoue systématiquement à saisir ce que l’artiste s’est efforcé de nous livrer, sans doute à partir de lui-même, et qui dépasse son propre cas par l’originalité et l’inédit qu’il nous dévoile (Lapeyre, 2011Lapeyre, M. (2011). Psychanalyse et création: La cure et l’œuvre. Toulouse, FR: Presses universitaires du Mirail., p. 37). Le risque est de tomber dans le biais de vouloir tout savoir, penchant du discours universitaire, sans chercher à articuler un savoir nouveau non pas sur l’œuvre, mais à partir de l’œuvre et de l’artiste.

En s’appuyant sur les écrits autobiographiques du compositeur A. Schoenberg, notre recherche se propose d’extraire et d’élaborer un savoir sur la création, en faisant le pari que le savoir qui importe est à chercher du côté de l’artiste. Le compositeur A. Schoenberg consacre sa vie entière à tenter d’établir de nouvelles lois de la composition musicale et tout comme Freud, il est obligé de reconnaître que l’énigme et le mystère sont au cœur de la création artistique: «le véritable art de la composition restera toujours un secret» (Schoenberg, 2002, p. 287). A. Schoenberg fait partie de ces créateurs qui ont marqué l’Histoire de leur style, qui ont révolutionné leur discipline par leur création. Il met en exergue le caractère conventionnel de la musique tonale, face à toute une tradition qui avait fondé la légitimité du système tonal sur un ordre divin ou naturel incontestable (Buch, 2003Buch, E. (2003). Métaphores politiques dans le Traité d’harmonie de Schoenberg. Mil neuf cent. Revue d’histoire intellectuelle, 21(1), 55-76.). Le système tonal n’est pas naturel comme ont pu le penser certains musiciens ou musicologues. Il s’est construit au fil des siècles. Ce système accorde une suprématie aux modes majeurs et mineurs, tandis que les modes ecclésiastiques sont effacés. Le système tonal privilégie l’esthétique de l’équilibre des symétries et des proportions tout en laissant une part de fantaisie et de liberté. Toute pièce tonale s’inscrit obligatoirement dans une certaine tonalité, à l’exception de brèves incursions qui peuvent être effectuées dans des tonalités voisines. Si le système tonal naît dans le courant du XVIe siècle, dans la deuxième partie du XIXe siècle, ce système va être déconstruit (Parrochia, 2006Parrochia, D. (2006). Naissance et destruction d’un espace sonore. In Philosophie et musique contemporaine ou Le nouvel esprit musical (pp. 13-44). Seyssel, FR: Presses universitaires de France.). A. Schoenberg est un des principaux acteurs de cette émancipation de la tonalité. Il se considère comme l’acteur nécessaire d’une révolution du langage musical. La force et l’originalité de sa pensée consistent à épuiser les potentialités du langage tonal (Troche, 2009Troche, S. (2009). L’écriture musicale comme puissance d’oubli chez Arnold Schoenberg et John Cage. Philonsorbonne, 4, 69-83., p. 71), puis à mettre fin à celui-ci en bâtissant à sa place un nouveau système, le système sériel.

Nombre de travaux s’intéressent à l’art dans ses rapports à la psychopathologie (Les enjeux psychopathologiques de l’acte créateur, 2011) ou encore à l’environnement (Brun, 2016Brun, A. (2016). Mozart (1756-1791) au rythme de sa correspondance. Le Carnet PSY, 200(6), 34-39.), mais rares sont les artistes qui ont pu témoigner sur ce qui a mis en mouvement leur activité artistique. Si l’énigme et le mystère sont au cœur de la création artistique, de quelle manière la théorie psychanalytique peut-elle nous éclairer sur ce qui a permis au compositeur de renouveler les lois de la composition musicale ?

Un vide au cœur de la création

Qu’est-ce qui fait que l’on crée ? La psychanalyse nous permet de répondre à cette question en mettant en perspective le mouvement de la parole et la construction de l’œuvre: tout comme ce qui nous fait parler, ce qui pousse le créateur à faire œuvre, c’est le fait même qu’il y a quelque chose qui n’existe pas, un vide essentiel à la constitution de l’être parlant. A la place de cette chose inexistante, le parlêtre cherche à mettre des mots ou à créer (André, 2010André, S. (2010). Le symptôme et la création. Lormont, FR: Le Bord de l’Eau., p. 11).

«L’art […] n’a pas à craindre le vide» (Schoenberg, 1983Schoenberg, A. (1983). Traité d’harmonie. Paris, FR: J.-C. Lattès.), nous dit A. Schoenberg. Le compositeur a perçu qu’il existait un vide essentiel sur lequel le langage ne cesse de déraper. L’artiste tente de donner forme et consistance à cet impossible, à travers ses œuvres. Ce vide correspond au manque de signifiant. L’art s’organise autour de ce vide.

Sa musique et sa pensée sont liées à la logique, la construction et l’intelligibilité (Caullier, 2003Caullier, J. (2003). «C’est ainsi que l’on crée...»: À propos de «La main heureuse» d’Arnold Schoenberg. Villeneuve-d’Ascq: Presses Universitaires du Septentrion. , p. 70), mais il reconnaît aussi une part qui échappe à la conscience (Schoenberg, 2002Schoenberg, A. (2002). Le style et l’idée. Paris, FR: Buchet-Chastel/Libella., p. 91). Il cherche à mettre dans ses œuvres ce qui échappe au sens et qui concerne la part animale du vivant, sa jouissance. Il oppose «intelligence lucide et sentiment vrai». C’est grâce à ce qu’il nomme le sentiment vrai qu’il espère pouvoir composer une musique capable d’exprimer le réel des sentiments (Schoenberg, 2002, p. 346). Ce sentiment vrai semble relever de la conscience et de l’intelligible, mais il lui permet aussi d’avoir accès à un savoir indisponible autrement. Il est une voie d’accès à l’inconscient, il inspire le compositeur. Cependant, ce n’est pas sans difficulté qu’il se montre disponible et à l’écoute de ce sentiment vrai: il écrit à Busoni «ne rien laisser filtrer qui puisse relever de l’intellect ou de la conscience», puis de rajouter «peut-être n’est-ce pas encore à portée de main. Peut-être me faudra-t-il encore longtemps pour que je puisse écrire la musique qui me hante, et dont j’ai une certaine idée depuis des années, mais que, pour l’instant, je ne peux exprimer» (Schoenberg, Busoni, Kandinsky, & Münter, 1995, p. 44).

Dans son article «Des rapports entre la musique et le texte» (Schoenberg, 2002Schoenberg, A. (2002). Le style et l’idée. Paris, FR: Buchet-Chastel/Libella., p. 118), il explique que la musique est capable de délivrer un sens plus profond que celui même du langage, et donnerait accès à un message d’une profonde sagesse, dans une langue que la raison ne comprend pas. Là où le langage est en défaut, la musique lui permettrait de s’avancer vers le réel. Après avoir fini d’écrire le premier mélodrame, Gebet an Pierrot, n°9, il écrit: «Les sons, ici, deviennent vraiment une expression immédiate, animale, d’émotions sensuelles et psychologiques. Presque comme si tout était transmis directement» (Caullier, 2003Caullier, J. (2003). «C’est ainsi que l’on crée...»: À propos de «La main heureuse» d’Arnold Schoenberg. Villeneuve-d’Ascq: Presses Universitaires du Septentrion. , p. 73).

Le chemin vers la création: une trajectoire pulsionnelle

A. Schoenberg s’interroge sur ce qui le pousse à composer et cause son désir. S’il ne peut pas nommer l’intention qui l’anime, il constate le chemin parcouru: il a su composer une musique dans laquelle il se reconnaît. Il définit lui-même ce qui met en mouvement le créateur comme une poussée intérieure dont il cherche à se libérer, ce qui le conduit à sa propre satisfaction: «Il est certain que le véritable créateur n’écrit que pour se libérer de la poussée intérieure qui le contraint à créer; il crée essentiellement pour sa propre satisfaction» (Schoenberg, 2002, p. 112). Le trajet de la pulsion n’est-il pas clairement posé? Il possède un savoir qui n’est pas étranger à celui du psychanalyste nous dirait sans doute Freud. Tout comme Jensen qui avait une connaissance, un savoir inexpliqué concernant les mécanismes de la névrose, du rêve et du délire, le compositeur énonce différentes composantes de la pulsion: de la poussée jusqu’à la satisfaction.

Le concept fondamental de la pulsion permet de saisir la spécificité du désir du sujet. La pulsion permet de révéler par la structure en boucle l’aporie et apparaît comme l’un des principaux modes d’accès théoriques au champ du réel. La particularité de la pulsion est de n’avoir d’autre destin que celui de rater inévitablement son objet. Ce ratage permet de mettre le sujet en mouvement: la pulsion décrit une boucle autour de l’objet qui la ramène à son point d’origine et la dispose à entamer un nouveau trajet. Si ce montage pulsionnel est décrit par Freud pour tenter de comprendre ce qui met le sujet en mouvement et donne à l’être humain sa force de vivre, peut-on penser qu’il donne à A. Schoenberg sa force de créer?

La pulsion est constituée de quatre composantes que nous pouvons repérer chez le compositeur:

  1. La source (Quelle): les zones érogènes ne sont pas n’importe quelle partie du corps, mais ces points qui se différencient par leur structure de bord (Lacan, 1963/1990, p. 154). L’origine de la création se trouve dans le fait qu’il y a un vide essentiel qui constitue le parlêtre. C’est à la place de cette chose insaisissable que l’artiste cherche à inventer des signifiants par la création d’une œuvre. Tout comme le potier crée le vase autour de ce vide avec sa main, nous pouvons faire l’hypothèse que pour A. Schoenberg, le vide qu’il a repéré constitue la source de la pulsion et le met en mouvement dans son acte de création.

  2. Le but (Ziel): pour Lacan la satisfaction consiste dans le bouclage d’une boucle à trois temps. Elle est le but de la pulsion. A. Schoenberg se donne comme objectif de composer une musique lui permettant d’exprimer le réel de ses sentiments et de délivrer un sens plus profond que celui même du langage. Il cherche à inventer une méthode de composition nouvelle et se donne pour ambition d’épuiser les potentialités du langage tonal, puis de mettre fin à celui-ci en bâtissant à sa place un nouveau système, le système sériel.

  3. L’objet (Objekt): il occupe une place particulière dans la satisfaction de la pulsion puisque «La pulsion en fait le tour» (Lacan, 1963/1990, p. 153). La pulsion rate toujours son objet. Elle décrit une boucle autour de cet objet qui la ramène à son point d’origine. La source est ainsi réactivée et la pulsion va à nouveau reproduire un trajet quasiment identique au précédent. L’objet pulsionnel n’est jamais à la hauteur de l’attente. Il rend le but pulsionnel impossible à réaliser directement. Lorsqu’A. Schoenberg compose sa première Symphonie de chambre, alors qu’il avait immédiatement eu l’idée qu’il aurait réussi là où les autres avaient échoué et qu’il aurait découvert un moyen de résoudre les problèmes de composition, il destitue cette illusion et ce rêve merveilleux (Schoenberg, 2012, p. 36). Il ne peut qu’échouer dans son entreprise de créer une méthode de composition capable de délivrer un sens plus profond que celui du langage. Il rate son objet ce qui l’amène toujours vers une composition nouvelle.

  4. La poussée (Drang): La pulsion n’a pas de montée ni de descente c’est une force constante (Lacan, 1963/1990, p. 150). Le compositeur qui s’était donné pour principe directeur de n’avoir aucune intention (Schoenberg et al., 1995Schoenberg, A., Busoni, F., Kandinsky, W., & Münter, G. (1995). Schoenberg-Busoni, Schoenberg-Kandinsky: Correspondances, textes. Genève, Suisse: Contrechamps., p. 43), réalise peu à peu que ses choix de compositions ne sont pas le fruit du hasard, bien au contraire, ils relèvent d’un impératif (Stuckenschmidt, Poirier, & Hildenbrand, 1993Stuckenschmidt, H. H., Poirier, A., & Hildenbrand, H. (1993). Arnold Schoenberg. Paris, FR: Fayard., p. 464). A. Schoenberg nomme nécessité intérieure la force qui le conduit vers son style et ses compositions révolutionnaires. C’est sa volonté ferme de ne plus se mettre au service de la technique musicale ou des attentes du public, mais d’une nécessité intérieure qui lui permet d’inventer sa musique nouvelle. Il ne compose pas pour plaire au public, il obéit à une nécessité intérieure et suit son évolution naturelle, plus forte que sa formation artistique (Webern, 2008Webern, A. (2008). Le chemin vers la nouvelle musique: Et autres écrits. Genève, Suisse: Contrechamps., p. 112).

L’émergence de son style atonal se fait à partir d’une force intérieure qui le pousse dans cette direction. Cette force s’impose au compositeur qui se sent étranger, séparé d’elle, tout comme le sujet de l’objet a (Schoenberg, 2002Schoenberg, A. (2002). Le style et l’idée. Paris, FR: Buchet-Chastel/Libella., p. 101). Il nomme cet impératif, qui le conduit à renouveler les règles de la composition, nécessité intérieure. Elle semble être à l’œuvre sur une autre scène. Cette force constante qui sourd en lui, ne trouve jamais complète satisfaction. La tension renaît très vite et le pousse sans cesse vers de nouvelles compositions qui lui permettent de franchir le premier pas vers le style atonal. Lorsqu’il compose sa Deuxième symphonie de chambre, il est inspiré par des poèmes de Stefan George. Il se sent alors poussé à mettre en musique certains poèmes et découvre à sa grande surprise des mélodies d’un style tout à fait différent de ce qu’il avait pu écrire auparavant. Une nouvelle voie - semée d’épines- s’offre à lui (Schoenberg, 2002, p. 36).

Le tout puissant

La position d’A. Schoenberg face à ce qui cause son désir n’est pas sans paradoxes. Si sa musique se fonde sur un choix éthique, c’est-à-dire qu’elle est une réponse singulière face au vide constaté, il cohabite chez lui une autre version concernant la cause de ses créations musicales: une version mystique, messianique. Les deux versions semblent exister de manière synchrone et cohabiter sans se contredire, il semble exister un véritable clivage. En effet, dans ses écrits, il explique qu’il a une mission prophétique à accomplir (Stuckenschmidt et al., 1993Stuckenschmidt, H. H., Poirier, A., & Hildenbrand, H. (1993). Arnold Schoenberg. Paris, FR: Fayard., p. 136). Il est l’esclave d’une force supérieure, sous la domination de laquelle il œuvre sans relâche (Schoenberg, 2002, p. 348), et il n’a pris le chemin de l’inconnu et de l’incertain qu’à contrecœur. Il se fait le porte-parole de Dieu. Il écrit sa musique en son nom et sous sa dictée (Schoenberg, 2002, p. 303).

Dieu lui permet de résoudre ses problèmes spirituels et au-delà du style et de l’idée, c’est le tout puissant lui-même qui l’inspire. Il s’interroge sur la façon dont il vient en aide à l’artiste: «Serait-ce que le Seigneur a doté ce penseur d’un esprit extraordinaire pénétrant? Ou Se contente-t-Il de lui venir silencieusement en aide de temps à autre, avec une émanation de Sa propre pensée ? Il est de fait que le Seigneur est un merveilleux joueur d’échecs, capable de prévoir couramment des milliards de coups d’avance, et c’est pourquoi il n’est pas facile de Le comprendre» (Schoenberg, 2002Schoenberg, A. (2002). Le style et l’idée. Paris, FR: Buchet-Chastel/Libella., pp. 332-333).

A. Schoenberg est à l’apogée de sa première période avec sa symphonie de chambre opus 9. Il parvient à associer la mélodie à l’harmonie, assurant de cette manière la fusion des relations tonales éloignées en une parfaite unité. A partir de là, il tire les conséquences logiques des problèmes posés. Il est convaincu que les œuvres des grands maîtres relèvent du miracle, tant leur profondeur insondable et le caractère prophétique de leur message dépassent les possibilités de l’humain. Il entrevoit dans certain passage de sa Symphonie de chambre l’existence d’un «pouvoir créateur qui transcende le cerveau humain et qui produit des miracles dont [on ne doit pas s’] attribuer le mérite» (Schoenberg, 2002, pp. 68-69). Lorsqu’il eut fini sa Première symphonie de chambre op. 9, il crut avoir trouvé son style et savoir comment composer désormais. Pourtant, ses œuvres suivantes se montrèrent bien différentes, elles prenaient une toute autre direction. Voici la manière dont il s’explique ce changement: «Mon destin m’avait forcé la main; il ne m’appartenait plus de poursuivre dans le sillage de ma Nuit transfigurée ou de mes Gurrelieder ou même de Pélléas et Mélisande, car le Tout-Puissant m’avait imposé une autre voie, plus rude» (Schoenberg, 2002, p. 91).

A. Schoenberg est en lien direct avec Dieu. S’il donne le meilleur de lui-même, il considère que la perfection n’est humainement pas accessible. L’intervention du «Tout-Puissant transcende ses œuvres et vient y apporter des éléments de beauté qu’aucun talent n’eut été capable de concevoir» (Schoenberg, 2002, pp. 69-70). Il est porteur d’un message divin et se construit un monde dans lequel il est le seul à pouvoir sauver le peuple juif. Composer devient un devoir pour lui. Il est le porte-parole d’un Dieu qui l’anime et lui permet à la fois de résoudre et de créer des problèmes spirituels. Ses compositions s’inspirent de thématiques religieuses, si bien qu’elles constituent l’un des corpus les plus importants de la musique religieuse du XXe siècle (Stuckenschmidt et al., 1993Stuckenschmidt, H. H., Poirier, A., & Hildenbrand, H. (1993). Arnold Schoenberg. Paris, FR: Fayard., p. 636).

Un Autre persécuteur

Dans son ouvrage le Style et l’idée, voici ce qu’A. Schoenberg nous livre: «Je dois ici confesser: je pense que je n’ai aucun public» (Schoenberg, 2002Schoenberg, A. (2002). Le style et l’idée. Paris, FR: Buchet-Chastel/Libella., p. 79). Sa musique suscite de nombreux scandales à partir de 1900 avec la création mouvementée de ses deux lieder opus 1. Les scandales se succédèrent et furent les plus retentissants de l’art du vingtième siècle (Buch, 2005Buch, E. (2005). A l’épreuve du scandale. Politix, 18(71), 107-120.). C’est notamment lors de la première représentation du deuxième quatuor à cordes opus 10, le 21 décembre 1908, dans la salle Bösendorfer de Vienne, et le concert du 31 mars 1913, au Musikverein, que les musicologues reprennent le terme de certains critiques de l’époque: le Skandalkonzert.

A. Schoenberg met un point d’honneur à être incompris. L’accueil acerbe du public atteste de la qualité de ses œuvres (Schoenberg, 2002, pp. 37-38). Il interprète la désaffection du public comme une preuve que sa musique à de la valeur (p. 79). S’il cherche à créer des œuvres capables de toucher son auditeur, pour autant il ne veut pas que le spectateur puisse jouir entièrement de lui et de sa musique (Schoenberg et al., 1995, p. 39). Il a la volonté ferme de rendre ses œuvres incompréhensibles. Son œuvre est sous-tendue par l’énigme. Leur valeur réside dans le fait qu’elles sont incomprises et énigmatiques pour le public. Il ne propose pas ses œuvres comme des devinettes à résoudre, au contraire, tout son art est de faire en sorte qu’elles soient inaccessibles à l’autre. L’auditeur et même l’interprète n’ont pas à les pénétrer (Jameux, 2002Jameux, D. (2002). L’école de Vienne. Paris, FR: Fayard., pp. 79-80). Ses compositions lui permettent de crypter des messages et des énigmes dont lui seul a la clef. Aussi, pouvons-nous faire l’hypothèse que sa musique nouvelle est une méthode de chiffrage qui lui permet de se mettre hors de portée de l’Autre2 et de sa jouissance. En effet, pour lui, ce n’est pas la langue qui loge les phénomènes de jouissance car il identifie celle-ci au lieu d’un Autre incarné. Les critiques et le public semblent prendre la forme d’un Autre persécuteur.

Face aux critiques acerbes, il se positionne comme innocent: ce n’est pas lui le fautif, mais la critique. Il constate que les passages de ses compositions, malgré leur beauté indiscutable, ne l’ont pas protégé des critiques. Pourtant il garde la conviction que ces passages jugés affreux ne le sont pas, car il ne les aurait pas écrits s’il ne les avait lui-même aimés. Il s’appuie sur le jugement favorable d’amis, connaisseurs indiscutés, qui ne lui ont pas ménagé leurs éloges (Schoenberg, 2002Schoenberg, A. (2002). Le style et l’idée. Paris, FR: Buchet-Chastel/Libella., p. 25). Avec ses Gurrelieder, il rencontre un vrai triomphe, mais le succès ne l’intéresse pas, il se montre indifférent, voire contrarié. Il ne souhaite pas que ce succès ait une quelconque influence sur le destin de ses œuvres futures. D’ailleurs, il ne peut outrepasser le monde hostile qui s’est dressé contre lui. Il a du se battre pour faire admettre chacune de ses créations, malgré les insultes outrageantes de la critique et bien des amis lui ont tourné le dos (Schoenberg, 2002, p. 28).

La critique et le monde hostile tel que le décrit le compositeur ont joué un rôle primordial dans son acte de création. Au lieu de le décourager, ils lui ont permis de s’avancer vers son propre style. C’est en effet à partir de ses scandales qu’il se fait un nom. Voici ce qu’il écrit: «Ce premier quatuor à cordes a joué un rôle important dans ma vie. Tout d’abord, les scandales qu’il provoqua furent l’objet de tant de commentaires dans le monde que j’en vins à être connu d’un public considérable […]» Et c’est ainsi qu’un slogan se fit jour, dont on lui attribua à tort la paternité. Il devient courant de dire en pareil cas: ««Il a obtenu un succès de scandale»; autrement dit, il a su transformer son échec en réussite» (Schoenberg, 2002Schoenberg, A. (2002). Le style et l’idée. Paris, FR: Buchet-Chastel/Libella., p. 29).

Il semble exister pour lui un Autre persécuteur, incarné par les critiques et le public, qui le pousse vers la création. A. Schoenberg cherche à se protéger de cet Autre menaçant. Sa méthode de composition est un moyen de ne pas être en position d’objet de jouissance mortifère de l’Autre. Il semble nécessaire que le public et les critiques gardent leur place d’Autre persécuteur pour que le compositeur reste libre de créer.

Conclusion: Avoir le courage de ne pas céder

A. Schoenberg définit l’artiste par son courage de suivre ses propres inclinations et de ne pas céder dessus (Schoenberg, 1983, p. 494). C’est en suivant sans relâche ce qu’il trouve dans son for intérieur qu’il développe son style: «Mon originalité […], une fois découverte, je ne l’ai pas lâchée; je l’ai saisie, afin de bien la faire mienne. Je l’ai travaillée, je l’ai développée et en fin de compte elle m’a donné du ‘neuf’» (Schoenberg, 2002, p. VI). Pour lui, le créateur écrit sa musique pour lui-même et non dans l’intention de plaire à un quelconque public (Schoenberg, 2002, p. 40).

A. Schoenberg a une certaine appréhension du réel qui lui permet de se construire une éthique,3 c’est-à-dire que sa musique est une réponse au vide constaté. Ses compositions ne se mettent pas au service de la technique et des lois dictées par un Autre (Guillen & Askofaré, 2018Guillen, A.-S., & Askofaré, S. (2018). Élever l’impuissance à l’impossible: L’acte de création du compositeur Arnold Schoenberg (1874-1951). Cliniques méditerranéennes, 97(1), 135-144. https://doi.org/10.3917/cm.097.0135.
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), leur but n’est pas de plaire à un public, à ses pairs ou à ses amis. Sa musique résulte de son inspiration, de ce qu’il nomme une nécessité intérieure. Elle lui permet de s’avancer sur le réel. S’il a le courage de se confronter à son propre désir et qu’il en assume les conséquences, il existe chez lui, une autre version concernant la cause de ses créations musicales, une version mystique. Il a une véritable mission prophétique à accomplir et si la création devait épuiser l’énigme ce ne pourrait que le conduire au sentiment de persécution.

Le cas d’A. Schoenberg nous permet d’appréhender la façon singulière dont l’artiste trouve une solution, s’invente une issue (Sauret & Zapata-Reinert, 2015Sauret, M.-J., & Zapata-Reinert, L. (2015). L’éthique du cas: Est-il possible de se régler sur l’éthique de la psychanalyse? Cahiers de psychologie clinique, 44(1), 51. https://doi.org/10.3917/cpc.044.0051.
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) pour faire face au réel de la jouissance4 auquel il a affaire. Sa musique se présente comme un savoir-y-faire avec le réel. Pour autant la création artistique a-t-elle fonction de sinthome pour A. Schoenberg à l’instar de James Joyce (Lacan, 1975-76/2005)?

  • Citação/Citation: Guillen, A.-S. (2020, mar.). Le mystère de la création éclairé par le compositeur Arnold Schoenberg (1874-1951). Revista Latinoamericana de Psicopatologia Fundamental, 23(1), 121-134. http://dx.doi.org/10.1590/1415-4714.2020v23n1p121.8.
  • Copyright: © 2009 Associação Universitária de Pesquisa em Psicopatologia Fundamental/University Association for Research in Fundamental Psychopathology. Este é um artigo de livre acesso, que permite uso irrestrito, distribuição e reprodução em qualquer meio, desde que o autor e a fonte sejam citados / This is an open-access article, which permits unrestricted use, distribution, and reproduction in any medium, provided the original authors and sources are credited.
  • Financiamento/Funding: Este trabalho não recebeu apoio / This work received no funding.

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Editora/Editor: Profa. Dra. Sonia Leite

Publication Dates

  • Publication in this collection
    22 Apr 2020
  • Date of issue
    Jan-Mar 2020

History

  • Received
    16 Aug 2019
  • Accepted
    04 Oct 2019
Associação Universitária de Pesquisa em Psicopatologia Fundamental Av. Onze de Junho, 1070, conj. 804, 04041-004 São Paulo, SP - Brasil - São Paulo - SP - Brazil
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