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Les plaintes des proches de détenus: dire ses épreuves et construire sa légitimité à être reconnu

Complaints of prisoners relatives: enunciation of suffering and claim for recognition

As queixas de parentes dos presos: enunciar suas provações e construir sua legitimidade para ser reconhecido

Résumé

L’expérience carcérale élargie vécue par les familles de détenus rend compte de l’emprise des prisons par-delà leurs murs. Les écrits singuliers rédigés par les proches dans le cadre d’un questionnaire diffusé par une association permettent d’appréhender leurs expériences et leurs opérations d’énonciation de la plainte vis-à-vis des prisons. Quelles sont les principales difficultés mises au jour? Comment construisent-ils leur légitimé à énoncer ce qu’ils dénoncent et sollicitent? Les plaintes rendent compte de l’expérience de dénégation. L’invocation d’un cadre juridique, d’une commune humanité et de ses souffrances fait force d’arguments pour revendiquer reconnaissance et droits.

Prison; Proches de détenus; Expérience carcérale élargie; Plaintes; Reconnaissance; Droit

Abstract

The larger prison experience lived by prisoners families reveals the grip of prisons beyond their walls. The singular writings made by the relatives in the framework of a questionnaire distributed by an association/NGO allow to apprehend their operations of enunciation of the complaint towards prisons and to capture their experiences. What are the main difficulties revealed? How do they build their legitimacy to state what they denounce and seek? The complaints reflect the lived experience of denial that is akin to a non-recognition of oneself and its ordeals. The invocation of a juridical framework, of a common humanity and its sufferings is the force of arguments to claim recognition and granting of rights.

Prison; Prisoners relatives; Larger prison experience; Complaints; Recognition; Right

Resumo

A experiência carcerária ampliada, vivida pelos familiares dos detentos, reflete a influência das prisões para além dos muros. Os escritos singulares redigidos pelos parentes no quadro de um questionário distribuído por uma associação permitem apreender suas experiências e suas operações de enunciação das queixas em relação às prisões. Quais as principais dificuldades trazidas à tona? Como os familiares de presos constroem sua legitimidade ao enunciar o que eles denunciam e solicitam? As queixas refletem a experiência de negação. A invocação de um contexto jurídico, de uma humanidade comum e de seus sofrimentos opera como argumento para reivindicar reconhecimento e direitos.

Prisão; Parentes dos presos; Experiência carcerária ampliada; Queixas; Reconhecimento; Direito

Ben moi…. Le détenu, c’est le détenu mais je veux dire souvent on met la famille, entre guillemets, au même niveau que le détenu, je veux dire que pour la famille, il n’y a rien. Ce n’est pas propre. Moi il y a une chose qui me gêne vraiment dans cette salle c’est que c’est sale… C’est sale… […] Mon fils qui est incarcéré à X. je ne le vois qu’une fois par semaine, c’est très loin, le voyage est très cher, ce n’est pas évident, vous savez il y a à peu près deux heures de transport. X. est l’une des pires prisons, l’une des plus grandes, c’est vraiment… C’est la jungle, c’est l’usine. Là-bas, il n’y a personne qui reçoit les familles, absolument personne.

CLOTILDE, 55 ans, mère de deux détenus écroués en MA, prévenus, 4e mois .

C’est ainsi que Clothilde débute l’entretien lorsque je la rencontre, dans le cadre de ma recherche doctorale et lui demande comment se passe sa vie quotidienne depuis l’incarcération de ses fils. Par ces premières phrases elle décrit quelques-unes des dimensions de l’expérience carcérale élargie (Touraut, 2012TOURAUT, Caroline. (2012), La famille à l’épreuve de la prison. Paris, PUF., 2009)1 1 . Ce concept a été forgé dans le cadre de mon travail doctoral consacré à l’expérience des proches de détenus et à la politique pénitentiaire à leur égard. Les analyses se sont appuyées sur une large enquête empirique où près de 60 proches de détenus ont été rencontrées ainsi qu’une vingtaine de personnels de surveillance. vécue par les familles de détenus. Les institutions carcérales sont aujourd’hui moins pensées comme des espaces sociaux autonomes et hermétiques2 2 . Le travail de D. Clemmer reste emblématique de cette perspective. , le processus de décloisonnement (Veil et Lhuilier, 2000VEIL, Claude & LHUILIER, Dominique (orgs.). (2000), La prison en changement. Ramonville Saint-Agne, Erès.; Amourous et Blanc, 2001AMOUROUS Charles & BLANC, Alain. (orgs.). (2001), Erving Goffman et les institutions totales. Paris, L’Harmattan.; Benguigui, Guilbaud et Malochet, 2011BENGUIGUI, George; GUILBAUD, Fabrice & MALOCHET, Guillaume. (2011), La prison sous tension. Nimes, Champ social.) qu’elles connaissent invite à étudier leurs interfaces avec leur environnement social environnant. Le concept d’expérience carcérale élargie rend ainsi compte de l’emprise des prisons par-delà leurs murs.

L’expérience carcérale élargie est une épreuve de séparation avec un proche incarcéré, qui induit une confrontation spécifique avec l’institution carcérale à l’occasion des parloirs notamment. Cette situation sociale singulière impose aussi de faire face aux nombreux dommages économiques et sociaux de l’incarcération qui atteignent très largement la vie quotidienne des proches de détenus et met à mal leur identité. En effet, l’expérience carcérale élargie est un “moment critique […] où il faut faire le bilan, réévaluer, réviser, revoir et juger de nouveau” (Strauss, 1992STRAUSS, Anselm. (1992), Miroirs et masque. Paris, Métailié., p. 196). Le poids du stigmate carcéral qui pèse sur les proches participe de leurs difficultés à se penser comme un groupe social (Touraut, 2014TOURAUT, Caroline. (2014), “Les proches de détenus et leurs rapports ordinaires aux droits”. Droit et Société, 87: 375-392.) et leurs rapports de domination défavorables avec les institutions carcérales les empêchent souvent d’adopter une posture de voice (Hirschman, [1970] 1995; Bajoit, 1988BAJOIT, Guy. (1988), “Exit, voice, loyalty… and apathy: les réactions individuelles au mécontentement”. Revue Française de Sociologie, 29: 325-345.). L’exercice de la formalisation de la critique est particulièrement difficile quand pèse un discrédit sur les personnes. Impliqué, en France, depuis les années 80 dans des actions d’accueil des familles de détenus, l’Uframa est une fédération d’associations d’accueil des familles de détenus devant les prisons. Mais plus largement, l’Uframa s’efforce d’identifier les difficultés des proches de détenus et de les porter auprès des pouvoirs publics. Pour cela, elle réalise tous les 4 ans des études “Etats des lieux” en proposant des questionnaires aux familles de détenus qui se rendent aux parloirs3 3 . Les résultats complets sont présentés sur le site internet de l’Uframa: http://www.uframa.org/pdflist2.php?type=rub21ssr2&langue=fr. . Leur dernière étude a été menée en 2017. Ce questionnaire comprenait une question ouverte ainsi formulée: “Qu’est-ce que vous vivez le plus mal?”4 4 . L’Uframa m’a chargé d’analyser les commentaires ajoutés au questionnaire. . Les commentaires ajoutés en réponse, allant de quelques mots à une page pleine, représentent des données privilégiées pour appréhender leurs opérations d’énonciation de la plainte vis-à-vis de la prison. Comment les proches de détenus se sont-ils saisis de cet espace de parole pour faire part de leur expérience? Quelles sont les principales difficultés qu’ils ont mises à jour? En quoi leurs logiques argumentatives permettent-elles de saisir les rapports qu’ils entretiennent avec l’institution et la manière dont ils revendiquent des droits?

L’étude des opérations critiques et de leurs constructions argumentatives se fera en deux temps. Nous présenterons d’abord les principaux thèmes des doléances qui permettent de lire en creux les principales épreuves qui fondent l’expérience carcérale élargie. Puis nous analyserons les arguments mobilisés pour convaincre, pour appuyer leurs critiques et légitimer l’engagement de réformes.

Un espace de plainte singulier
Proposé dans le cadre d’une étude engagée par une fédération d’associations d’accueil des familles de détenus, l’espace de plainte ouvert revêt trois singularités.
Un corpus très féminin
Le corpus est constitué de 189 questionnaires sur lesquels figurent des actes d’écriture très protéiforme: 176 ont été rédigés par des femmes, 11 par des hommes, cette surreprésentation corrobore d’autres études sur ce thème (Ricordeau, 2008RICORDEAU, Gwénola. (2008), Les détenus et leurs proches: solidarités et sentiments à l’ombre des murs. Paris, Autrement.; Touraut, 2012TOURAUT, Caroline. (2012), La famille à l’épreuve de la prison. Paris, PUF.).
71 ont été rédigées par des conjointes, 78 par des parents (dont 5 pères), 5 par des amis, 30 par un membre de la fratrie, 4 par des tantes, 1 par une grand-mère de détenu.
Des expressions non formalisées de mécontentements
Les commentaires rédigés constituent des données originales pour saisir l’expérience des familles de détenus, dans le prolongement de précédentes recherches (voir notamment Comfort, 2007COMFORT, Megan. (2007), Doing time together: love and family in the shadow of the prison. Chicago, University of Chicago Press.; Ricordeau, 2008RICORDEAU, Gwénola. (2008), Les détenus et leurs proches: solidarités et sentiments à l’ombre des murs. Paris, Autrement.; Touraut 2012TOURAUT, Caroline. (2012), La famille à l’épreuve de la prison. Paris, PUF.; Lehalle, 2019LEHALLE, Sandra (org.). (2019), “Les proches de personnes judiciarisées: expériences humaines et connaissances carcérales”. Criminologie, 52 (1).). Leur analyse s’inscrit aussi dans la filiation d’études consacrées à des courriers de réclamations5 ou à des écrits visant à solliciter des droits6. Néanmoins ces données sont spécifiques en ce que leur écriture n’est pas directement adressée à une administration ou à une autorité étatique, et qu’elle est très peu formalisée. Contrairement à des requêtes administratives, elle n’est pas du tout normalisée. Les écrits sont des doléances qui ne donneront pas lieu à une mise en forme juridique de la contestation, ils ne visent pas un contentieux à l’encontre des prisons.
Dans les écrits domine l’expression de mécontentement, la question les invitant à exprimer ce qu’ils vivaient le plus mal. Néanmoins, des personnes expriment leur reconnaissance à l’égard des associations d’accueil.
  1. Point important: l’accueil aux familles par les bénévoles est très humain, chaleureux, et dévoué; indispensable7.

  1. De même, une dizaine de commentaires saluent le travail des surveillants.

  1. Je tiens à préciser que le personnel de la maison d’arrêt, sont des personnes humaines et très ouvertes aux familles.

Des formes d’écritures et des postures d’énonciations variées
La tonalité expressive des écrits va d’un style sobre, pondéré, factuel qui se limite à “une simple indication des faits sans composante émotionnelle particulière, laissant le lecteur à distance” (Fassin, 2000FASSIN, Didier. (2000), “La supplique: stratégies rhétoriques et constructions identitaires dans les demandes d’aide d’urgence”. Annales. Histoire, Sciences Sociales, 55 (5): 955-981., p. 968) à un style vindicatif. Le ton factuel peut être illustré ainsi:
  1. Arrogance des surveillant et des surveillantes. Mauvaise odeur à l’intérieur. Manque de bouteille d’eau.

  1. * Prévenir la famille du détenu s’il n’y a parloir et que le détenu doit s’absenter (parloir annulé = perte de temps = déception de ne pas voir la personne détenue)

  1. * Sac de linge = autoriser plus de vêtements par semaine.

De nombreux commentaires expriment aussi un souhait dans un style policé.
  1. Ce serait bien que l’on puisse leur donner des fournitures pour améliorer leur cellule. Rideaux pour le soleil. Etendoir, déodorisant et post-it pour mettre leurs photos.

D’autres écrits sollicitent des explications à propos de situations ou règles qu’ils ne comprennent pas. Les proches font appel à la fonction sémantique de l’institution qui exige de “dire ce qu’il en est de ce qu’il est” (Boltanski, 2009BOLTANSKI, Luc. (2009), De la critique: précis de sociologie de l’émancipation. Paris, Gallimard., p. 117).
  1. Transfert de L’EPM d’Orvault vers la maison d’arrêt de Nantes. Les autorisations téléphoniques ne suivent pas. Donc aucune nouvelle pendant 10 jours sans savoir Pourquoi?

Enfin, des plaintes adoptent un ton vindicatif qui témoigne d’un fort ressentiment de la part des proches. Peut être “considéré comme “vindicatif” le ton utilisé pour prendre à parti le lecteur au sujet d’une situation qui suscite l’indignation” (Fassin, 2000FASSIN, Didier. (2000), “La supplique: stratégies rhétoriques et constructions identitaires dans les demandes d’aide d’urgence”. Annales. Histoire, Sciences Sociales, 55 (5): 955-981., pp. 968-969). Un recours excessif à la ponctuation – aux points d’exclamation ou d’interrogation –, l’usage de majuscules, de même que le fait de souligner certains mots permettent aux auteurs d’appuyer la force de leur indignation.
  1. Il faudrait absolument autoriser les rapport sexuelle durant les parloirs, car que ce soit pour le détenue ou pour la personne de la visite, nous sommes en manquent.

Pas de banc, pas protégé par le vent, pluie, froid… c’est inadmissible.
Les postures énonciatrices sont également variées. Les éléments de définition de l’énonciateur sont différents dans le sens où certains usent du pronom “je” quand d’autres se qualifient en indiquant leur lien de parentalité avec la personne détenue.
  1. Je suis la maman du détenu.

  1. Nous sommes les beaux père et mère du détenu.

La revendication d’un lien de parenté fournit des appuis pour revendiquer des droits et permet de rattacher le détenu à une communauté d’appartenance. Les pronoms “nous” ou le “on” sont très souvent mobilisés soit pour désigner l’ensemble des proches de détenus – considérant que tous partagent des épreuves communes – soit pour se qualifier en même temps que le détenu, les épreuves vécues par l’un en prison et par l’auteur en dehors des murs étant ainsi largement associées.
Les commentaires témoignent enfin de la difficulté à construire un destinataire, comme en témoigne le flottement des termes d’adresse. Il est rare de saisir qui est le destinataire visé par les commentaires ce qui montre que les proches de détenus peinent à identifier des interlocuteurs susceptibles d’entendre leurs plaintes.

L’expression d’un manque de reconnaissance au cœur des doléances

Les doléances des proches questionnent la légitimité et les usages des règles carcérales; elles évoquent leurs liens avec l’institution carcérale et portent enfin sur les conditions matérielles des prisons. Ces plaintes s’articulent pour rendre compte de l’expérience de dénégation vécue par les proches de détenus autant que par les personnes incarcérées. Les atteintes s’apparentent à un manque de respect liées une non-reconnaissance de soi et de ses épreuves. Dans un contexte où la quête de respect constitue pour l’individu un des enjeux majeurs de notre modernité, l’individu se sentant respecté que quand il a “le sentiment de compter pour quelque chose aux yeux des autres” (Sennett, 2003SENNETT, Richard. (2003), Respect: de la dignité de l’homme dans un monde d’inégalité. Paris, Albin Michel., p. 69). Or, les institutions carcérales amènent les proches de détenus à se penser comme des “acteurs faibles” (Payet, Guilliani et Laforgue, 2008). En effet, leurs écrits rendent compte du caractère offensant et déshumanisant de l’univers carcéral à leur égard. Le défaut de considération se structure sur le fait d’être enjoins à répondre à des normes peu probantes, sur un sentiment de mépris et de souillure.

Rapports critiques aux règles carcérales

Les plaintes témoignent de la réflexivité critique des proches de détenus à l’égard des normes carcérales dont ils questionnent la légitimité et les conditions de leurs applications. Soumis à des interdits dont ils ne perçoivent pas le bienfondé et face à des droits qu’ils peinent à exercer, les proches de détenus apparaissent désemparés par les contraintes carcérales qui pèsent sur eux.

Des règles perçues comme illégitimes

Les proches dénoncent un certain nombre d’interdits qui ne font pas sens pour eux. Les “restrictions non logique”, pour reprendre un des commentaires, sont au cœur des plaintes. Les interdictions décriées concernent tant les règles qui entravent les échanges entre le détenu et leurs proches que celles qui régissent la vie en détention. Les proches regrettent par exemple l’impossibilité d’amener de la nourriture, des bouteilles d’eau ou encore des jeux de cartes aux parloirs. D’autres interdits qui participent de la pénibilité des visites sont aussi pointés:

Les mères de famille devraient pouvoir amener à manger pour les enfants

Moi je trouve dommage que l’on a pas le droit de ramener les coque pour les bébé parce que 45 min dans les bras ce pas évident.

Les plaintes portent aussi sur des règles qui restreignent les échanges entre les détenus et leur entourage. C’est notamment le cas de l’impossibilité d’apporter au détenu son traitement médical lors des parloirs, d’avoir des relations sexuelles lors des visites ou de fournir au détenu des biens pouvant lui permettre d’aménager sa cellule et d’améliorer son confort.

* Impossibilité de donner des documents ou timbres dans le sac (obligation par voie postale).

* Impossibilité de transmettre des documents urgents directement au détenu à part par voie postale.

* Impossibilité de donner draps, taie d’oreiller propres si le détenu est en maison d’arrêt.

Ces règles sont mises en cause par les proches en ce qu’elles entravent les échanges avec le détenu et sont dès lors susceptibles de fragiliser leurs liens. Ces interdits limitent aussi les soutiens que les proches souhaitent apporter aux détenus. Les familles ressentent de vives angoisses quant à l’état physique et psychologique de leur proche incarcéré tant ils se représentent les conditions de vie en prison éprouvantes (Touraut, 2012TOURAUT, Caroline. (2012), La famille à l’épreuve de la prison. Paris, PUF.). Faire rentrer le dehors à l’intérieur des murs constituent pour eux un moyen de réaliser un soutien pratique devant permettre d’améliorer les conditions de vie en détention et un soutien moral visant à l’aider à mieux supporter psychologiquement les contraintes de la vie carcérale. Or, leur volonté d’atténuer les effets néfastes de la détention est restreinte par ces nombreux interdits. Par ailleurs, ils complexifient considérablement les démarches que les proches doivent engager pour faire circuler des biens ou documents par-delà les murs. Enfin, une logique financière sous-tend ces plaintes. En effet, les proches souhaiteraient pouvoir assumer la charge financière des achats afin que de tels coûts ne soient pas supportés par le détenu, et ce d’autant que ces biens sont susceptibles d’être acquis à un prix moins élevé à l’extérieur. Les proches ne perçoivent pas la légitimité de telles restrictions. La sécurité de l’établissement ne serait pas menacée si elles étaient levées de leur point de vue.

D’autre part, la légitimité des règles est affaiblie par leur fluctuation. Les proches s’interrogent sur ce qui justifie les nombreux changements des normes régissant les échanges par-delà les murs ou les visites aux parloirs. Ces règles varient dans le temps, d’un établissement pénitentiaire à l’autre ou selon le surveillant en charge de les faire respecter. Par exemple, une personne s’étonne de ne plus avoir droit qu’à un verre d’eau lors des parloirs alors qu’ils pouvaient jusque-là amener une petite bouteille. La réglementation régissant le linge que les proches sont autorisés à amener au détenu est aussi très changeante.

Concernant le sac de linge, chaque établissement semble avoir ses règles, pourquoi ce manque d’uniformisation entre les établissements?

Ainsi, malgré la progression des droits en prison (Chantraine et Kaminski, 2007CHANTRAINE, Gilles & KAMINSKI, Dan. (2007), “La politique des droits en prison. Police institutionnelle, militantisme juridique, luttes démocratiques”. Champ Pénal, Penal Field, 4.; Salle et Chantraine, 2009SALLE, Grégory & CHANTRAINE, Gilles. (2009), “Le droit emprisonné? Sociologie des usages sociaux du droit en prison”. Politix, 87 (3): 93-117.; De Galembert C. et Rostaing C., 2014DE GALEMBERT, Claire & ROSTAING Corinne. (2014), “La prison comme ‘laboratoire’ des usages sociaux du droit”. Droit et Société, 87.; De Galembert et Devresse, 2016DE GALEMBERT, Claire & DEVRESSE Marie-Sophie. (2016), “Introduction: normativités et réclusion en contexte de demande sécuritaire”. Déviance et Société, 4 (40): 375-389.), le changement des règles réguliers autant que l’absence d’uniformatisation des règlements d’un établissement à l’autre est source d’anxiété pour les proches et leur procure le sentiment d’être face à une institution opaque où règne l’arbitraire. La labilité des règles leur fait perdre en légitimité en participant de “l’érosion du pouvoir des règles” (Chauvenet, Orlic et Benguigui, 1994).

L’exercice des droits en souffrance

Un ensemble de plaintes questionne l’exercice des droits en pointant les contraintes qui pèsent sur leurs usages. L’effectivité des droits est là remise en cause. Le non-respect du principe d’égalité des droits est notamment décrié, les proches exprimant un sentiment d’injustice face à des dispositifs qui ne sont pas accessibles à tous. Par exemple, les proches regrettent de ne pas pouvoir bénéficier d’Unités de Vie Familiales (UVF)8 8 . Expérimentées depuis 2003, les UVF sont reconnus comme un droit pour l’ensemble des déenus par la loi pénitentiaire de 2009. Les UVF sont constituées de petits appartements, meublés et équipés, situés dans l’enceinte des établissements où les détenus peuvent “recevoir” leurs proches de six à soixante-douze heures à raison d’une fois par trimestre. dans certaines prisons alors qu’elles constituent un droit inscrit dans la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009. La possibilité d’amener des colis à l’occasion de Noël uniquement est aussi questionnée en ce que ce droit ne permet pas de reconnaître les fêtes religieuses de tous.

Colis de noël, pourquoi pas pour les autres fêtes religieuses (fête de l’aid, de ramadant)??

En outre, les doléances pointent des dysfonctionnements institutionnels liés aux contraintes qu’ils éprouvent pour faire valoir leurs droits. Par exemple, les proches déplorent les grandes difficultés qu’ils rencontrent pour réserver les parloirs: les lignes téléphoniques sont saturées et les bornes régulièrement défaillantes.

Prise de RDV pour les parloirs, très compliqué!

Il est pratiquement impossible de prendre rendez-vous par téléphone. Ligne occupé dès 9h00 et ce jusqu’à midi.

Les plaintes portent également sur le temps long de transmission des courriers ou d’enregistrement des mandats envoyés au détenu. De même, les délais jugés excessifs pour que le détenu obtienne un rendez-vous médical ou un parloir double, une UVF ou encore un transfert sont dénoncés. En ce sens, la critique porte sur les conditions d’usage des droits, qui ne sont pas accessible à tous et ne sont pas nécessairement disponible sans peine.

Longueur du temps pour obtenir un RV dentiste malgré une rage de dent.

[…] le temps d’attente pour l’UVF est très long en moyenne 4 à 5 mois pour des personne qui sont incarsérrer et on des enfant cela et très difficile de l’accepter.

Le délai de transmission du permis de visite est beaucoup trop long.

Par ailleurs, les plaintes appellent à ce que les droits puissent être modulés en considérant les situations particulières auxquelles font face certaines familles ou certains détenus. En effet, si les commentaires plaident pour une plus forte uniformisation et lisibilité des règles, les proches attendent que les personnels pénitentiaires soient à même de les appliquer avec plus de souplesse pour tenir compte de la singularité des épreuves vécues par certains. Par exemple, l’absence de tolérance face aux retards au parloir est particulièrement regrettée. Les proches aspirent à un accueil capable de se particulariser et regrettent d’être “manipulés en groupe” (Goffman, [1961] 1968, p. 48).

Le fait de venir est d’être là à 1 seconde de retard et d’être refusé de parloir est tout simplement inacceptable. Plus d’humanité.

Autre exemple, une personne met en avant ses problèmes de santé pour solliciter l’obtention de double parloir.

Ayant des problèmes de santé avec un lourd traitement je souhaiterais obtenir parfois des doubles parloirs.

Le manque d’adaptation de l’institution à certaines situations particulières vécues par les détenus est aussi déploré. Un écrit alerte par exemple sur les conditions de détention d’une personne en situation de handicap, d’autres sur les cas de détenus sans ressource financière. La prise en charge institutionnelle mériterait du point de vue des proches d’être plus individualisée afin de mieux considérer les problématiques particulières de certaines personnes. Les commentaires ne sont jamais formulés comme des demandes de faveur mais ils déplorent que la “certitude qu’a l’administration d’incarner l’intérêt général a pour conséquence des postures pratiques d’indifférence, de déni, de refus” (Payet, Guilliani et Laforgue, 2008, p. 106).

Des relations de pouvoir avec l’institution, l’expérience du mépris

L’expérience de la dénégation se forge sur un sentiment de mépris qui découle des relations dissymétriques entre les proches de détenus et l’institution carcérale. Les rapports de pouvoir que la prison exerce à leur encontre se lit au regard du peu d’informations qui leur sont communiquées et de ce qui est présenté comme des abus de pouvoirs institutionnels.

Des informations en défaut

Un grand nombre de plaintes porte sur des failles dans la transmission d’informations entre l’institution et l’entourage des détenus qui éprouvent dès lors un fort sentiment d’invisibilité. Les doléances soulignent particulièrement le peu de communication sur les règles à respecter, sur le déroulement de l’incarcération ou encore sur les démarches qu’ils ont entamées pour obtenir leur permis de visite, une UVF ou encore quand un transfert a été sollicité par le détenu. Le sentiment d’impuissance des proches est ainsi renforcé par l’attente dans laquelle ils sont placés.

On manque énormément d’informations concernant la personne incarcéré entre le jour de son entrée et celui où il sort. Le délai de transmission du permis de visite est beaucoup trop long.

Il est très difficile de joindre par service téléphonique RDV parloirs, organisme comme la comptabilité etc. On doit se débrouiller autrement car pas forcément joignable. Il faut se renseigner de tout. Car personnes ne peut nous aider pour les papiers, pour faire avancés des situations de l’ordre du pénitentiaire pour nous et notre détenu. Nous sommes confrontés à beaucoup de problèmes et dans la souffrance on a l’impression d’être seul! […] manque d’info!!

[…] je n’ai toujours pas eu le droit au téléphone (demandé il y a + d’1 mois?). manque d’information.

Les proches déplorent aussi de ne pas être mis au courant des problèmes médicaux rencontrés par le détenu voire de son hospitalisation. Ces défauts d’informations alimentent leurs inquiétudes relatives à l’état de santé du détenu et augmentent leur sentiment de ne pas être considéré par l’institution.

[…] ne prévienne pas en cas d’hospitalisation pour la famille, ne tient pas au courant de la santé du détenu !!?

Les doléances témoignent de l’absence d’interlocuteurs auxquels les proches peuvent s’adresser pour répondre à leurs interrogations relatives au déroulement de l’incarcération ou à leurs droits. Notre travail doctoral a permis d’analyser que les personnels de surveillance en poste aux parloirs, interlocuteurs principaux des proches de détenus, font dès lors figure de bouc émissaire dans le sens où c’est sur eux que les proches expriment toutes formes de “ressentiment social” (Dubois, 1999DUBOIS, Vincent. (1999), La vie au guichet: relation administrative et traitement de la misère. Paris, Economica., p. 39). C’est en effet auprès d’eux que les proches disent leur impatience face à l’absence d’informations concernant leur demande de permis de visite alors même que son octroi ne relève pas de leur compétence. De même, la colère des proches se reporte sur les surveillants quand le détenu qu’ils venaient visiter a été transféré sans qu’ils en aient été avertis. En ce sens, l’absence d’information participe des tensions qui peuvent s’observer entre les personnels et les familles. Plus largement, elle est perçue comme une marque de mépris, l’expérience carcérale élargie s’apparentant à une épreuve d’invisibilité. Les proches vivent là des situations où ils se sentent niés en raison de “l’absence de rapport structurel établi avec les institutions et les autres. Là où les individus deviennent ‘invisibles’” (Martuccelli, 2002MARTUCCELLI, Danielo. (2002), Grammaires de l’individu. Paris, Gallimard., p. 299).

Des excès de pouvoir institutionnels

Les proches se saisissent aussi de cet espace de plainte pour dénoncer ce qui leur apparait être des excès de pouvoir de la part de l’institution.

D’abord, des doléances font référence à des problèmes relationnels avec certains agents, c’est à dire au comportement désobligeant de certains d’entre eux. Les personnes décrivent des expériences offensantes qu’elles ont vécues à l’occasion de leur visite au parloir ou qui ont été vécues en détention par le détenu.

Certains surveillants sont vraiment odieux et n’ont que très peu de respect pour les familles!

Le temps d’attente dès l’entrée de la prison et le faite que les familles soit considérée comme des personnes incarcérés c’est relou.

Les proches dénoncent ainsi des situations où les personnels usent outrageusement de leur position de pouvoir en construisant leur autorité en rabaissant leurs interlocuteurs.

Le détenu visité s’est plaint de l’attitude du personnel, tutoiement, mauvais propos…

Egalement un manque total de psychologie, au vu de certaines remarques faites aux détenus et à nous les visiteurs, traités avec autant d’égards que les détenus, comme si ce n’était pas assez difficile de voir son mari enfermé.

Cependant, les écrits intègrent souvent des éléments de modération de la critique afin de ne pas la globaliser, ce qui accentue sa portée. C’est ainsi rarement l’ensemble des surveillants qui sont décriés mais seulement “une partie” d’entre eux, “certains” ou “quelques”.

Certains gardiens savent restés humain tout en étant stricts mais juste: des professionnels. D’autres sont blasés? Inhibés par ce qu’ils prennent pour un petit pouvoir sur les autres? Ont-ils perdu toute capacité de réflexion pour n’agir que selon des clichés rigides?

Les fouilles à l’encontre des détenus font aussi l’objet de critiques, de même que le coût excessif des cantines qui est présenté comme un abus du pouvoir institutionnel. Les doléances contiennent là une critique d’une commercialisation de la peine au détriment des détenus et de leurs familles déjà largement précaires.

Ainsi, le manque de reconnaissance est alimenté par un sentiment d’être méprisé par l’institution face à laquelle ils se trouvent dans un rapport de pouvoir défavorables.

Une institution indigne

Enfin, les plaintes visent à souligner l’indignité de l’institution carcérale dans le sens où elle n’offre pas des conditions de détention, celles-ci ne lui permettraient pas d’assumer ses missions ni de garantir la dignité des personnes détenues et de leur entourage.

Le sens de l’incarcération questionné

Les proches estiment que les conditions de détention ne sont pas adaptées pour que l’institution garantisse la sécurité et la réinsertion des personnes qu’elles gardent. Des doléances portent ainsi sur le manque de sécurité dans les établissements alors que l’institution est garante de l’intégrité physique des personnes détenues. Le développement des trafics et des violences sont comme autant de défaillances institutionnelles mis en exergue par les proches. Ces commentaires traduisent en creux leur anxiété quant à ce qu’il peut advenir au détenu au cours de sa détention.

Le détenu ne sort pas en promenade du fait des risques encourus lors de celles-ci.

Les plaintes dénoncent aussi l’inactivité des détenus, les proches regrettant que les prisons ne proposent pas assez d’activités, de travail ou de formations. La mission de réinsertion n’est pas suffisamment investie du point de vue des proches, ce qui les amène à questionner le sens de la peine. En effet, ils s’étonnent qu’il n’y ait pas plus d’actions en détention susceptibles de rendre l’incarcération utile et bénéfique. Se lisent là leurs inquiétudes pour la sortie.

Toujours heureuse de venir. Ce qui est dur, c’est de repartir et de laisser son fils fermé, sans beaucoup de moyens à sa disposition pour évoluer, alors que ce temps devrait être utilisé à préparer la réinsertion, surtout pour ceux qui sont demandeurs.

Mais ce qui m’effraie le plus est l’absence totale de projet de réinsertion alors que mon fils est incarcéré depuis 7 mois.

L’institution souffre ainsi d’un manque de légitimité du point de vue des proches en ce qu’elle n’accomplit pas de manière satisfaisante ses deux fonctions centrales de sécurité et de réinsertion.

Le délabrement des conditions matérielles source de souillure

L’expérience de dénégation se construit enfin sur un sentiment de souillure qui découle de l’état des bâtiments carcéraux. Les proches pointent la dégradation du bâti carcéral, le manque d’hygiène des prisons, l’état d’insalubrité des cellules. Les conditions de détention ne seraient pas décentes et porteraient atteinte à la dignité des détenus.

– Changer litteries – rénovation des celules.

– La prison est très salle, et les odeurs dans les couloir et les parloirs son insupportable.

– Condition hygiène pour les détenus.

– Ras, sourie, cafards, punese de lit.

– Et pour les détenus, les douches 3 fois par semaines, surtout l’été avec la chaleur. Je trouve ça trop peu […].

– Pour moi je trouve que les détenus son des être hument et non des animaux.

Les doléances concernent aussi les conditions de visite en mettant en cause la saleté des lieux où elles se déroulent. L’austérité et le délabrement des espaces de parloirs participent du sentiment de déshumanisation ressenti par les visiteurs. La saleté des lieux entache l’intégrité de leur corps et atteint l’image de soi.

Repeindre les parloirs et moderniser.

Je voudrais mettre un accent particulier sur l’insalubrité de la prison. […] l’état des cabines est déplorables (Chewing-gum, crachas, déchets, fils électriques dénudés…), sans compter l’attente interminable dans cette chaleur étoufante avant de voir le détenu.

La souillure (Douglas, 1981DOUGLAS, Mary. (1981), De la souillure: essai sur les notions de pollution et de tabou. Paris, Maspero.) éprouvée lors des visites participe du déni de reconnaissance. De ce fait, “la sortie de l’institution s’accompagne souvent de rituels permettant de se débarrasser de la saleté physique et morale” (Touraut, 2012TOURAUT, Caroline. (2012), La famille à l’épreuve de la prison. Paris, PUF., p. 64) de la prison.

Les plaintes permettent ainsi de saisir les épreuves de dénégation qui offensent les détenus comme leurs proches. Au-delà des critiques, les doléances se structurent autour des logiques argumentatives visant à engager des changements. Les proches mettent alors en avant des principes de justice et de reconnaissance afin de convaincre le lecteur du bienfondé de leur revendication.

Construire sa légitimité à revendiquer reconnaissance et droits

Comment les proches construisent-ils leur légitimité à énoncer ce qu’ils dénoncent? Qu’invoquent-ils comme arguments pour convaincre de la nécessité d’engager des changements institutionnels? Certaines plaintes sont construites uniquement sur l’énonciation de faits qui se suffit à eux-mêmes pour porter la critique et emporter la conviction. Le descriptif des situations fait lui-même argumentaire. Dans bien d’autres écrits, on lit les efforts des proches pour motiver leurs critiques. Ces plaintes offrent ainsi une opportunité d’étudier la manière dont les proches s’efforcent de se positionner comme détenteurs de droits et la manière dont ils construisent leur légitimité à les revendiquer. L’analyse présente là les rhétoriques argumentatives mobilisées pour faire reconnaitre le bien-fondé de la critique. Trois registres argumentatifs structurent les doléances.

Les attendus vis-à-vis de l’institution: respecter les droits et accomplir ses missions

Les plaintes peuvent se construire sur l’invocation du cadre juridique et des missions auxquels l’institution se doit de répondre.

Les dispositions juridiques qui encadrent l’institution carcérale sont parfois rappelées dans les doléances. Les personnes peuvent se présenter ainsi explicitement comme des sujets de droits, des usagers d’un service public. De rares personnes mobilisent directement des ressources juridiques pour étayer leurs doléances, citant parfois un texte législatif. Le droit est alors l’argument central du commentaire, la situation évoquée est problématique parce qu’elle est contraire à une norme juridique.

Que les permissions de sortie de 2j mini ne soient pas plus facilement accordées au regard du fait que les UVF prévues par l’article 36 de la loi pénitentiaire du 24 nov. 2009 n’est pas applicable au CD puisque ces unités sont inexistantes jusqu’ici.

Il est rare cependant qu’une loi ou un article soit ainsi cité en raison de la distance sociale des familles au droit et de leurs difficultés à se penser comme légitime pour se présenter comme des sujets de droit (Touraut, 2014TOURAUT, Caroline. (2014), “Les proches de détenus et leurs rapports ordinaires aux droits”. Droit et Société, 87: 375-392.). Les références aux droits sont plus souvent implicites, en “mode mineur” (Durand, 2014DURAND, Corentin. (2014), “Construire sa légitimité à énoncer le droit: études de doléances de prisonniers”. Droit et Société, 2 (87): 329-248.), et “constituent autant d’indice d’une indignité à énoncer le droit, laquelle entretient des liens étroits avec les difficultés à revendiquer une identité sociale positive” (Durand, 2014DURAND, Corentin. (2014), “Construire sa légitimité à énoncer le droit: études de doléances de prisonniers”. Droit et Société, 2 (87): 329-248., p. 342). La rareté de la référence à la norme juridique atteste aussi qu’une partie des normes qui pèse sur les familles ne sont pas strictement codifiées par le droit, les modalités d’échanges entre l’intérieur et l’extérieur restant régis par des réglementations et des normes informelles (Benguigui, Chauvenet et Orlic, 1994BENGUIGUI Georges; CHAUVENET, Antoinette & ORLIC, Françoise. (1994), “Les surveillants de prison et la règle”. Déviance et Société, 18 (3): 275-294.) qui n’ont pas la même valeur juridique. Moins formalisé, le droit apparaît aussi moins lisible à ceux qui ne disposent pas de ressources sociales pour l’appréhender.

Les proches peuvent appuyer leur doléance en soulignant l’importance du maintien des liens familiaux pour préparer la réinsertion des détenus, faisant ainsi référence à des missions imparties à l’administration pénitentiaire. La préservation des liens familiaux est invoquée comme argument central pour inciter à faire évoluer la modalité d’échanges entre les détenus et son entourage.

Manque des unités de vie de famille. Pour pouvoir se retrouver et crée des liens familiaux nécessaire à construire le futur avec les papas et les enfants.

Le point d’appui de l’argumentation lie souvent maintien des liens et réinsertion.

Que la famille proche et/ou sa compagne ne soit pas associée à la réinsertion “sociale” du détenu

Que la sortie de la personne détenue ne soit pas travaillée plusieurs mois auparavant

En effet, le maintien des liens familiaux est à mon sens indispensable si l’on veut contribuer du mieux possible à la réinsertion sociale du détenu et tenter de prévenir la récidive.

La critique rappelle alors l’institution à des exigences qui lui incombent: respecter son cadre juridique et assumer ses missions de maintien des liens et de réinsertion.

La valeur de l’autre

Le second registre argumentatif repose sur une valorisation de la personne détenue visant à la présenter comme méritante d’un traitement plus digne. La valeur de l’autre est construite sur la mise en avant de sa qualité d’homme et sur ses vertus particulières.

Des “humains” avant tout

Les plaintes dénoncent des situations vécues par leurs auteurs ou par le détenu qui outrepassent les frontières de l’humanité. C’est parce qu’ils restent des “humains” que les situations décrites apparaissent intolérables. Ainsi, les plaintes dénoncent le mépris de la qualité universelle d’homme par l’institution.

Je suis la mère d’un détenu n’ayant que très peu de ressource le fait de lui envoyer de l’argent tous les mois a réduit mon budget car il n’a que moi pour l’aider et comme visite. Son père étant décédé, je me dois de vous signaler qu’il n’a pas pu se rendre à l’enterrement de son père malgré l’autorisation du juge, il n’a donc j’amais put faire son deuil: est-ce Humain?

Le détenu n’est jamais au courant de son argent? ce qu’il paie tous les mois. Du montant de ses cantines parfois refusés ou pas complètes, sans explications. Un décompte de son argent devrait être fourni au détenu tous les mois.

Rendez-vous dentiste lamentable. Aucun renseignement sur l’état de santé du détenu s’il est malade. Tout le personnel sait mais ne dit rien.

Un détenu paye sa peine en étant enfermé. Sa famille paye pour lui en plus de la peine ressentie. Un détenu est un être HUMAIN/ non une bête.

La référence à l’appartenance à une “commune humanité” (Boltanski 1991BOLTANSKI, Luc. (1991), L’amour et la justice comme compétences: trois essais de sociologie de l’action. Paris, Métailié., p. 96) justifie le fait de plaider pour l’instauration de conditions de détention décentes et pour la reconnaissance de droits fondamentaux aux détenus. “En ce qu’elle partage qui est humain et qui ne l’est pas, mais également ce qu’il est humain de faire et de subir de ce qui ne l’est pas, l’humanité est à la fois une communauté d’appartenance et un système normatif” (Durand, 2014DURAND, Corentin. (2014), “Construire sa légitimité à énoncer le droit: études de doléances de prisonniers”. Droit et Société, 2 (87): 329-248., p. 345). Le principe d’humanité suppose que les êtres humains ne sont pas des choses, et visent à faire entendre que les détenus, bien qu’ayant transgressé la loi, ne sont pas des sous-hommes sans droit.

Des détenus méritants

Les proches construisent également leur texte en mettant en avant la vertu de la personne détenue en la présentant comme particulièrement méritante malgré la commission de son infraction. Ainsi, les écrits soulignent que leur proche incarcéré répond aux attentes et injonctions institutionnelles. Ils s’efforcent d’attester de leur bon comportement et de son absence de dangerosité. Les proches montrent la dignité de la personne, “digne” se réfère à une “image de la grandeur de la personne qui appelle le respect de la part du lecteur” (Fassin, 2000FASSIN, Didier. (2000), “La supplique: stratégies rhétoriques et constructions identitaires dans les demandes d’aide d’urgence”. Annales. Histoire, Sciences Sociales, 55 (5): 955-981., p. 969). Ainsi, une personne souhaiterait que son proche détenu puisse bénéficier plus souvent de permissions de sortie car il se comporte bien.

Autoriser une sortie juste le jour de Noël au père de famille (dont la peine n’est pas élevée).

Avis au service pénitentier: pour ma part il est inutile de garder trop longtemps les détenus qui ne présentent aucun danger pour la société. Ils ont les familles qui ont les moyens de pouvoir les accueillir sous certaines conditions, autant les libérer que de les laisser devenir autre chose.

Les commentaires sous-entendent que les contraintes sont compréhensibles quand les personnes adoptent un comportement contraire aux attendus institutionnels et aux normes sociales mais qu’elles ne feraient pas sens quand la personne s’y conforme. Les proches construisent ainsi indirectement une distinction entre ceux qui se comportent mal et devraient avoir un traitement strict, et ceux qui sont méritants et devraient bénéficier d’un régime de détention plus favorable et plus permissif. La mise en avant du comportement louable de la part du détenu est mise en exergue pour solliciter la reconnaissance de droits.

Mobiliser ses savoirs expérientiels et dire ses souffrances

Le registre émotionnel et l’expérience personnelle participent enfin de la construction argumentative des doléances. La mise en avant de ses observations et de ses souffrances vise à susciter une compassion et une bienveillance de la part du lecteur afin de le convaincre de l’importance de lever des interdits, de réduire l’arbitraire ou encore de résoudre les dysfonctionnements institutionnels qui pèsent sur eux.

En effet, les savoirs expérientiels des familles sont convertis en ressource argumentative. L’expérience personnel de l’institution permet la comparaison et structure la mise en doute du sens des règles carcérales. C’est par l’exposition de ses propres observations que sont dénoncées par exemple la labilité des règles.

Conditions d’accueil quasi idylliques sur le CD du X par rapport à la maison d’arrêt de Y ou tout est sale et les gardiens limite humiliants avec les visiteurs. La possibilité d’avoir le RDV parloir rapidement au CD du X m’a changé la vie par rapport aux heures passées à tenter d’avoir le standards de prise de RDV pour W.

La mise en avant de sa souffrance intervient aussi très souvent pour appuyer les doléances. Les sociétés contemporaines incitent à l’expression des émotions, l’exposition de ses souffrances devient un préalable à l’octroi de droits. Robert Castel écrit dès 1995 que “les fragments d’une biographie brisée constituent la seule monnaie d’échange pour accéder à un droit” (Castel, 1995CASTEL, Robert. (1995), Les métamorphoses de la question sociale: une chronique du salariat. Paris, Fayard., p. 473). Il faut donner à voir sa déchéance pour instaurer un rapport de compassion, de sympathie afin de rendre effectif un droit que la personne est susceptible de solliciter, il y a “l’obligation de se raconter pour justifier sa position de solliciteur” (Fassin, 2000FASSIN, Didier. (2000), “La supplique: stratégies rhétoriques et constructions identitaires dans les demandes d’aide d’urgence”. Annales. Histoire, Sciences Sociales, 55 (5): 955-981., p. 957). La rhétorique argumentative relevant de l’exposition de sa souffrance traverse de nombreux écrits, les proches sont en effet très nombreux à insister sur les difficultés qui impactent l’ensemble de leur vie quotidienne (Touraut, 2012TOURAUT, Caroline. (2012), La famille à l’épreuve de la prison. Paris, PUF.).

Je suis la maman du détenus, ma belle fille a 3 enfants a bas âge 1 ans, 2 ans et demi, et 6 ans, ces très dur pour elle, ces enfant souffre du manque de leurs papa. Le plus grand pense que son papa travaille, et n’admet pas son absence. Les adultes souffre mes les plus souffrans ces les enfants. Le papa et le chef du foyer. Je pense qu’il faudrais des visites des détenus plus souvent au foyer. Salutations.

Les difficultés matérielles sont aussi largement soulignées dans les doléances qui exposent les lourds coûts de la détention supportés par les proches.

Il faut envoyer des mandats, assister les proches, ma situation est très compliqué, j’ai 1 pension d’invalidité de 700 euros quand j’envois les mandats parce qu’il faut tous cantiné eh ! Bien c’est vraiment me cas de le dire, il me reste mes yeux pour pleurer mais je préfère que mon proche ne manque de rien (mise à part l’amour des siens).

Les épreuves vécues apparaissent accentuées par les dysfonctionnements institutionnels mis en exergue.

Défaut d’information.

Mon conjoint a été incarcéré pour une courte peine (ce que j’ignorais les 2 premières semaines de son incarcération). On nous laisse sans informations, dans l’angoisse.

De même je trouve inadmissible que le délai d’attente pour avoir une réponse pour un permis de visite soit si long (au moins 3 semaines). Pourquoi ce délai?

Tout ceci engendre de l’inquiétude, du stress, qui pourrait être évité.

L’arrogance de certain surveillant est désagréable à vivre, on a déjà assez de problême quand sa. Merçie.

[…] rendez-vous sur Internet nous simplifierait la vie.

C’est parfois au nom de la souffrance éprouvée plus particulièrement par les jeunes enfants que la situation est présentée comme anormale et qu’il est attendu des changements. Les épreuves supportées par les enfants font force d’arguments.

Dans la salle d’attente à la sortie des parloir le WC sont très sales. […] le niveau d’hygiènes pour nos enfants et très négligé.

Les plaintes appellent ainsi à des changements institutionnels afin d’atténuer la peine des proches de détenus, de réduire les coûts financiers et moraux qu’ils supportent.

Les ressources argumentatives peuvent s’articuler les uns aux autres dans les doléances. Le registre émotionnel de la souffrance peut être utilisé de manière exclusive ou s’ajouter à l’invocation des normes juridiques ou au principe d’humanité, les arguments pouvant dès lors se renforcer réciproquement pour plaider pour une reconnaissance et un respect de ses droits.

Conclusion

Les questionnaires proposés par la fédération des associations d’accueil des familles de détenus leur ont ouvert un espace de plainte quand leur position défavorable à l’égard de l’institution et le poids du stigmate les incitent à peu dire leurs mécontentements. Les écrits traduisent d’ailleurs les efforts engagés par les proches face à une quasi-impossibilité d’exprimer légitimement une plainte, pour convaincre sur ce qui est juste et pour s’efforcer d’obtenir l’adhésion vis-à-vis de leur cause. Leurs doléances questionnent le sens et les modalités d’exercice d’un grand nombre de règles carcérales, révélant les contraintes qui pèsent sur l’effectivité des droits. Les critiques portent aussi sur les conditions matérielles que la prison propose dans les espaces de détention comme au parloir autant que sur les rapports sociaux engagés entre l’institution, les détenus et les proches. Ces critiques se cumulent pour souligner le manque de considération et de respect à leur égard, les sentiments de mépris et d’invisibilité ressentis. Ainsi, les plaintes permettent de lire en quoi l’expérience carcérale élargie est une épreuve de dénégation.

Les doléances se structurent sur des rhétoriques visant à solliciter une plus grande considération de soi et de ses épreuves. Elles visent aussi à revendiquer un meilleur respect des droits fondamentaux dont ils construisent leur légitimité à en être bénéficiaire. Les arguments participent d’un effort de généralité dans le sens où il apparait nécessaire de rapporter les faits à des principes généraux de justice et d’écarter tout ce qui pourrait apparaitre comme trop liés à des circonstances ou à des particularités. L’invocation d’un cadre juridique, d’une commune humanité et de ses souffrances fait force d’arguments pour revendiquer reconnaissance et droits. L’ensemble des commentaires montre aussi l’absence de dispositifs ou procédures institutionnels de gestion des doléances des familles, des litiges et incidents qu’elles peuvent connaitre. Ainsi, les plaintes disent les insuffisances de la politique institutionnelle d’accueil des familles de détenus.

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  • VEIL, Claude & LHUILIER, Dominique (orgs.). (2000), La prison en changement. Ramonville Saint-Agne, Erès.
  • 1
    . Ce concept a été forgé dans le cadre de mon travail doctoral consacré à l’expérience des proches de détenus et à la politique pénitentiaire à leur égard. Les analyses se sont appuyées sur une large enquête empirique où près de 60 proches de détenus ont été rencontrées ainsi qu’une vingtaine de personnels de surveillance.
  • 2
    . Le travail de D. Clemmer reste emblématique de cette perspective.
  • 3
    . Les résultats complets sont présentés sur le site internet de l’Uframa: http://www.uframa.org/pdflist2.php?type=rub21ssr2&langue=fr.
  • 4
    . L’Uframa m’a chargé d’analyser les commentaires ajoutés au questionnaire.
  • 5
    . Outre le travail fondateur de Boltanski (1991, 2009)BOLTANSKI, Luc. (1991), L’amour et la justice comme compétences: trois essais de sociologie de l’action. Paris, Métailié., 2009BOLTANSKI, Luc. (2009), De la critique: précis de sociologie de l’émancipation. Paris, Gallimard.), voir par exemple Branca-Rosoff (1997)BRANCA-ROSOFF, Sonia. (1997), “Les lettres de réclamation adressées au service de la redevance: les téléspectateurs et la représentation du service public de l’audiovisuel”. Langage et Société, 81: 69-86., Thireau e Hua (2001)THIREAU, Isabelle & HUA, Linshan. (2001), “Le sens du juste en chine: en quête d’un nouveau droit du travail”. Annales. Histoire, Sciences Sociales, 6 (56): 1283-1312..
  • 6
    . Voir par exemple le travail de Didier Fassin (2000)FASSIN, Didier. (2000), “La supplique: stratégies rhétoriques et constructions identitaires dans les demandes d’aide d’urgence”. Annales. Histoire, Sciences Sociales, 55 (5): 955-981. ou plus récemment la recherche de Corentin Durand (2014)DURAND, Corentin. (2014), “Construire sa légitimité à énoncer le droit: études de doléances de prisonniers”. Droit et Société, 2 (87): 329-248. sur les courriers adressés au Contrôleur général des lieux de privation des libertés.
  • 7
    . J’ai fait le choix de reprendre in extenso les commentaires tels qu’ils étaient rédigés en ne procédant à aucune reformulation c’est à dire sans corriger ni la syntaxe ni l’orthographe.
  • 8
    . Expérimentées depuis 2003, les UVF sont reconnus comme un droit pour l’ensemble des déenus par la loi pénitentiaire de 2009. Les UVF sont constituées de petits appartements, meublés et équipés, situés dans l’enceinte des établissements où les détenus peuvent “recevoir” leurs proches de six à soixante-douze heures à raison d’une fois par trimestre.

Publication Dates

  • Publication in this collection
    27 Jan 2020
  • Date of issue
    Sep-Dec 2019

History

  • Received
    13 Aug 2019
  • Accepted
    2 Sept 2019
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