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Du héros à l’antihéros : l’Odyssée d’Elpénor après la Guerre de 14

From hero to antihero and his glory: Elpenor’s Odyssey after the First World War

Résumé :

En 1919, la même année où Jean Giraudoux fait son « Adieu à la guerre », il écrit « Les morts d’Elpénor ». En 1926, à côté de trois autres histoires, ce texte intégrera le corps d’Elpénor, déterminant l’ensemble, une collection de quatre textes écrits pendant dix-huit ans, le premier étant « Cyclope », écrit en 1908 ; le deuxième, « Sirènes », en 1912 ; le troisième en 1919 ; et le dernier en 1926, « Les nouvelles morts d’Elpénor ». Quand « Cyclope » et « Sirènes » (avec des titres légèrement modifiés) sortent respectivement chez Le Matin en 1908 et chez Paris-Journal en 1912 aucun d’entre eux ne mentionne Elpénor. Bref, c’est avec le développement des deux dernières histoires, que Elpénor, cette figure effacée chez Homère et absente dans les deux premiers textes de Giraudoux, vole la vedette. Cet article voudrait montrer comment la mise à jour du héros et de ses histoires est en dialogue avec la guerre vécue par l’auteur, pour proposer comment les vieilles histoires, lorsqu’elles sont renouvelées, participent à un processus qui leur permet d’élaborer les défis du présent, communiquant le présent, à travers un code déjà public, l’Odyssée.

Mots clés :
Héros; Odyssée ; Guerre; Elpénor; Jean Giraudoux

Abstract:

In 1919, the same year that Jean Giraudoux made his “Adieu à la guerre” [“Farewell to the war”], he wrote “Les morts d'Elpénor” [“The deaths of Elpenor”]. In 1926, alongside three other stories, this text would integrate the book Elpénor [Elpenor], determining this collection of four texts written for eighteen years, the first being “Cyclope” [“Cyclops”], written in 1908; the second “Sirènes” [“Sirens”], in 1912; the third already mentioned in 1919; and the last in 1926, “Les nouvelles morts d'Elpénor” [“The new deaths of Elpenor”]. When “Cyclops” and “Sirens” (with slightly modified titles) were released respectively by Le Matin in 1908 and Paris-Journal in 1912, none of them mentioned Elpenor. In short, it is with the development of the last two stories that Elpenor, this erased character in Homer who is absent in the first Giraudoux's texts as well, steals the spotlight. This article analyzes how the updating of the hero and his stories are in dialogue with the war experienced by the author, thus proposing that old stories, when renewed, participate in a process that allows them to elaborate the challenges of the present, communicating the present through an already known code, which is the Odyssey.

Keywords:
Hero; Odyssey ; War; Elpenor; Jean Giraudoux

L’expérience de la Guerre en France e Jean Giraudoux

La question de la réception de la poésie épique durant la période de la Première Guerre mondiale est essentielle et il apparaît aujourd’hui de mieux en mieux que la motivation guerrière a une histoire qui remonte à l’Antiquité et que la littérature depuis Homère a joué un rôle important dans la motivation et parfois la justification de la guerre.

En France, l’expérience de la Guerre de 14 donne un nouveau timbre aux aventures d’Ulysse, qui sont converties en mésaventures seulement applicables a quelqu’un qui a connu les tranchées. Quatre écrivains français qui ont connu la Grande Guerre repensent-ils l’héroïsme antique à la lumière de l’horreur : Jean Giono dans Naissance de l’Odyssée (1930) ; Louis Aragon dans Les Aventures de Télémaque (1922) ; Valmy Baysse dans Le Retour d’Ulysse (1921) et finalement Jean Giraudoux dans Elpénor (1926GIRAUDOUX, J. (1926). Elpénor. Paris, Emile-Paul frères.). À partir de la perception des besoins contemporains, on voudrait proposer comment les vieilles histoires renouvelées participent à ce processus de mise à jour qui permet d’élaborer les défis de la Première Guerre mondiale dans un code déjà public, c’est à dire la poésie épique. Cet article choisit l’œuvre Elpénor (1926) de Jean Giraudoux (1882 - 1944) pour objet de l’étude.

En 1919, la même année où il écrit « Adieu à la guerre », Giraudoux écrit « Les morts d’Elpénor ». En 1926GIRAUDOUX, J. (1926). Elpénor. Paris, Emile-Paul frères., à côté de trois autres histoires, « Les morts d’Elpénor » intégrerait le corps d’Elpénor, déterminant l’ensemble. Ainsi, en 1919, Giraudoux dit adieu à la guerre, montrant comment son expérience avait été transformatrice : « et moi, malgré moi, tous les héros tristes et vaincus, nos frères et sœurs d’hier, s’écartent un peu, s’écartent : Andromaque et son éternelle plainte, Pandore et son éternelle espérance [...] ; notre parent commun est mort » (Giraudoux, 1920GIRAUDOUX, J. (1920). Adorable Clio. Paris, Émile-Paul Fréres Éditeurs., p. 236), mais aussi choisit par son personnage un de ceux qui s’écartent un peu du héros du passé et ne se distinguent par aucune qualité.

Elpénor de Giraudoux se compose d’une collection de quatre textes écrits pendant dix-huit ans, le premier étant « Cyclope », écrit en 1908 ; le deuxième, « Sirènes », en 1912 ; le troisième, déjà cité, « Les morts d’Elpénor », en 1919 ; et le dernier en 1926, « Les nouvelles morts d’Elpénor », la même année où l’ensemble est publié sous la forme d’un livre. Quand « Cyclope » et « Sirènes » (avec des titres légèrement modifiés, « Le Cyclope » et « Ulysse et les sirènes ») sortent respectivement chez Le Matin en 1908 et chez Paris-Journal en 1912 aucun d’entre eux ne mentionne Elpénor. En fait, Elpénor, ce personnage marginal dans l’Odyssée, n’apparaît associé au travail de Giraudoux qu’en 1919 avec « Les morts d’Elpénor », publié chez Émile-Paul, qui, dans la même année, prépare également le premier et le deuxième texte, récupérés et changés. Seulement en 1926, la dernière partie, « Les nouvelles morts d’Elpénor » sera publiée chez Revue de Paris, pour que en 1926 soit ajoutée aux autres par Émile-Paul (Tadié, 1990TADIÉ, J-Y. (1990). Notice. In: BODY, J. (ed.). Jean Giraudoux. Œuvres Romanesques complétes. Paris, Éditions Gallimard.). Bref, c’est avec le développement des deux dernières histoires, que Elpénor, cette figure effacée chez Homère et absente dans les deux premiers textes de Giraudoux, vole la vedette et, à partir de là, les deux déjà publiés auparavant, seront modifiés pour faire référence à celui qui serait alors le personnage principal du livre.

Le texte de 1919 « Les morts d’Elpénor » révèle non seulement le choix de l’auteur de son héros, Elpénor, mais aussi la nécessité de le rendre évident en tant que choix. Ce que fait le texte (ou les quatre textes) de Giraudoux, c’est un premier matériau, celui d’Homère, qui sera désormais transposé. L’auteur imite et parodie ce matériel, explorant l’humour pour le réinventer où il existe déjà, et pour l’inventer où il n’existe pas. La transposition est absolument comique, mais la pièce engendre une réflexion politique sur la guerre qui, selon Jean-Yves Tadié (1990TADIÉ, J-Y. (1990). Notice. In: BODY, J. (ed.). Jean Giraudoux. Œuvres Romanesques complétes. Paris, Éditions Gallimard., p. 1509), détruit l’Odyssée pour la reconstruire. À propos, nous pouvons alors souligner ce que nous allons démontrer ultérieurement : il aurait une écriture littéraire récupérant des modèles précédents et renouvelant notre image des héros antiques capable d’ouvrir les possibilités de lecture de la poésie épique elle-même.

L’Elpénor de Jean Giraudoux face à Homère

Inquiet de la fiction et de sa puissance créatrice, Giraudoux adopte comme épigraphe de l’œuvre les vers d’Homère qui, parmi tous ceux qui existent, sont précisément ceux qui n’existent pas. La fausse référence veut cependant avoir de vrais airs, et Giraudoux ne cite pas seulement les vers, comme l’indique précisément sa référence dans l’Odyssée.

C’est alors que mourut le matelot Elpénor. Seule occasion que j’aurai de prononcer son nom, car il ne se distingua jamais, ni par sa valeur, ni par sa prudence. Homère, Odyssée, « Chant X ». (Giraudoux, 1938GIRAUDOUX, J. (1938). Elpénor. Nouvelle édition. Paris, Bernard Grasset Editeur.)

Il est vrai que la première mention à la figure d’Elpénor se trouve effectivement au Chant X de l’Odyssée et que sa description ne diverge pas de la description présente dans l’épigraphe de Giraudoux, mais l’auteur change consciemment le passage.

Le plus jeune de nous, un certain Elpénor le moins brave au combat, le moins sage au conseil, avait quitté les autres et, pour chercher le frais, alourdi par le vin, il s’en était allé dormir sur la terrasse du temple de Circé. Au lever de mes gens, le tumulte des voix et des pas le réveille : il se dresse d’un bond et perd tout souvenir ; au lieu d’aller tourner par le grand escalier, il va droit devant lui, tombe du toit, se rompt les vertèbres du col, et son âme descend aux maisons de l’Hadès. (Od. 10.552-560)

Après sa présentation ce qui s’en est suivi est exactement ce que l’on attend d’un personnage comme celui-ci : Elpénor boit beaucoup, s’endort en état d’ivresse, et, s’étant réveillé effrayé sans se rendre compte de ce qui s’est passé, tombe du haut du palais de Circé en trouvant sa mort. Elpénor est tellement insignifiant pour Ulysse et ses compagnons de guerre que son absence n’est remarquée que lorsque son âme apparaît dans l’Hadès (Peradotto, 2002PERADOTTO, J. (2002). Prophecy and persons: reading character in the Odyssey. Arethusa 35, n. 1, p. 3-15., p. 5). Le départ de l’île de Circé, en ce sens, se produit sans que ni Ulysse ni ses camarades ne manquent Elpénor, tant sa médiocrité est grande. Dans l’Odyssée, Elpénor est le moins brave au combat [οὔτε τι λίην ἄλκιμος ἐν πολέμῳ], le moins sage au conseil [οὔτε φρεσὶν ᾗσιν ἀρηρώς] (Od. 10.552-553). En effet, l’emploi du participe parfait ἀραρίσκω dans le second vers dans la caractérisation du personnage (Ἐλπήνωρ δέ τις ἔσκε νεώτατος, οὔτε τι λίην/ ἄλκιμος ἐν πολέμῳ οὔτε φρεσὶν ᾗσιν ἀρηρώς) suggère le manque d’intelligence comme une sorte de condition fixe d’Elpénor.

Si chez Homère, Elpénor est le compagnon d’Ulysse qui ne se fait remarquer ni à la guerre ni par son intelligence, Giraudoux le confirme ; son Elpénor est celui qui ne se distingue « ni par sa valeur, ni par sa prudence » (Giraudoux, 1938GIRAUDOUX, J. (1938). Elpénor. Nouvelle édition. Paris, Bernard Grasset Editeur.). Bien que Giraudoux invente, d’une certaine façon, l’épigraphe qui il donne à son travail, il conserve les caractéristiques homériques d’Elpénor. Même sans être totalement fidèle à la référence, l’auteur a voulu expliciter les caractéristiques qui apparaissent déjà dans la source, ainsi que d’expliquer la conséquence qui en découle : car sans valeur et sans prudence, Elpénor a l’opportunité d’être mentionné seulement à l’occasion de sa mort, ce qui confirme l’absence de ses qualités.

D’après un manuscrit conservé du texte de Giraudoux, l’épigraphe initiale, probablement écrite à partir de 1919, est légèrement différente de celle publiée en 1926 chez Émile-Paul. Dans la version du manuscrit, il figure : « C’est alors que tomba du mât le matelot Elpénor / Qui jamais ne s’était distingué ni par sa vaillance ni par sa finesse’ (Odyssée) » (Barrère, 1978BARRÈRE, J.-B. (1978). Variantes du manuscrit de « Nouvelles morts d’Elpénor ». Bulletin de l’Association Guillaume Budé 3, p. 287-303., p. 287). Dans ce manuscrit, la citation, bien que toujours non identique au passage de référence de l’Odyssée, est néanmoins plus proche de celui-ci, puisqu’elle ne conclut pas de la même manière que l’épigraphe publiée en 1926 : « seule occasion que j’aurai de prononcer son nom ». Il faut encore répéter qu’aucune des deux épigraphes n’est une traduction exacte du passage correspondant au chant X, considérée en 1924 pour la première fois comme une interpolation par Victor Bérard (1864 - 1931) - de la même manière que les vers qui sont partiellement répétés dans le Chant XI (50-89), par allusion à Elpénor. En réalité, Elpénor serait le personnage marginal ajouté plus tard à l’Odyssée, et non oublié précisément parce que déplorable. En fait, en plus des trois courts passages de l’Odyssée (aux Chants X, XI et XII) qui racontent sa mort, sa rencontre avec Ulysse dans le pays des morts et l’exécution de ses rites funéraires, il n’y aurait aucune référence à Elpénor dans la poésie épique. L’Iliade ne le connaît pas et son nom n’apparaît dans aucun des poèmes qui nous sont parvenus du Cycle Épique. Elpénor, par conséquent, peut être compris comme un illustre méconnu qui n’aurait donné aucune raison d’être rappelé par la tradition. Ou, comme le suggère son épigraphe inventée, Elpénor peut être compris comme un illustre méconnu qui, de la même manière que Thersite, obtient la renommée. Dans son cas, c’est l’incident déplorable et risible de sa mort qui lui rendra célèbre.

Sans le savoir, en 1919, Giraudoux décide de ne pas raconter les aventures d’Ulysse à travers un héros recréé à sa manière, mais choisit, à la place du grand guerrier homérique, ce personnage effacé, le compagnon d’Ulysse qui meurt de façon maladroite, tombant du palais de Circé et qui, ni même les rites funéraires reçoive, pour les réclamer déjà comme âme perdue. Pour Jacqueline de Romilly (1983ROMILLY, J. (1983). L’amitié de Giraudoux avec l’hellénisme : Elpénor. Bulletin de l’Association Guillaume Budé 2, p. 191-197., p. 93), élire comme l’attraction principale l’homme le plus modeste de l’Odyssée et la vision la plus ordinaire de l’aventure humaine ne fait que couronner l’idée même qui anime le livre de 1926. Elpénor est stupide, marginal dans l’épopée, un personnage qui y participe sans presque y participer ; qui gagne la guerre avec Ulysse sans se démarquer.

D’ailleurs, la comparaison des deux versions relatant l’épisode de Polyphème, l’une avant la guerre et l’autre réécrite après la guerre, met en lumière le choix de Giraudoux par Elpénor.1 1 Il serait certainement utile de répéter l’exercice de comparaison entre les deux versions du texte « Les Sirènes », dont la première version a été publiée dans le Paris-Journal en 1912 et la seconde en 1926, à côté des trois autres récits qui composent Elpénor. À ce jour, toutefois, il n’a pas été possible d’obtenir la version de 1912. Dans la première version de « Le Cyclope », publiée le 27 septembre 1908 chez Le Matin, Ulysse et ses compagnons arrivent à une île située dans la région où habitait une race de géants appelés Cyclopes. Hautes de quarante pieds, ils avaient un œil unique au centre du front et se nourrissaient du lait et ses dérivés, quand la chance ne leur faisait pas accueillir, comme ce jour-là, quelques Grecs renommés (Giraudoux, 1952GIRAUDOUX, J. (1952). Les contes d'un matin. Paris, Gallimard., p. 14-15).

Polyphème, l’habitant de l’île où arrive l’embarcation, se laisse naïvement se caresser dans le sens du poil par Ulysse. Il est vrai qu’il reçoit ses invités les avertissant qu’un jour ils pourraient être pris comme repas, mais que, jusqu’au moment venu, hôtes et étrangers suivraient des amis, comme il les propose lui-même:

- Étrangers, dit le Cyclope, j’aime l’à-propos de vos discours. Je m’en voudrais de vous cacher qu’un jour viendra où vous me servirez de pâture. Mais que cela ne nous empêche point d’être amis. (Giraudoux, 1952GIRAUDOUX, J. (1952). Les contes d'un matin. Paris, Gallimard., p. 17)

Le Cyclope de la première version de Giraudoux, en ce sens, conserve ses traits de caractère dans la deuxième : il est un géant qui a faim et qui, malgré son bon cœur, peut dévorer ses hôtes. Les deux Polyphèmes sont de doux barbares qui ne maîtrisent pas les rites de l’hospitalité, mais qui ne sont pas non plus violents, capables même de se plaindre (« le Cyclope fut ému de pitié », Giraudoux, 1952GIRAUDOUX, J. (1952). Les contes d'un matin. Paris, Gallimard., p. 22). Lors de sa première relecture d’un épisode de l’Odyssée, Giraudoux montre déjà ce qu’il veut. Le rôle médiocre et pathétique, cependant, dans le premier texte, comme dans l’Odyssée, n’appartient qu’aux Cyclopes, les barbares, les autres ; alors que dans le deuxième texte, publié presque vingt ans après, ce rôle incombera aux deux protagonistes de l’intrigue : Polyphème se révélé être le plus médiocre et pathétique parmi les Cyclopes, tout comme Elpénor se révélé être le plus médiocre et pathétique parmi les humains.

Dans l’histoire réécrite et publiée en 1926 à côté des trois autres, Elpénor est déjà déconcertant. Dès son premier discours, la réflexion apparente d’Elpénor et sa manière ambiguë de la démontrer ne cachent qu’une forme confuse de penser et d’agir, responsable pour le conduire toujours au désastre. Ulysse et ses compagnons, qui naviguent depuis plusieurs jours, doivent choisir entre les deux îles en vue. La première est synonyme de bonheur :

L’île était un paradis. Les compagnons d’Ulysse, qui depuis quatre jours n’avaient mangé ni bu, y découvrirent plusieurs sources, dont l’une d’eau pétillante, tous les fruits, plus une baie acidulée, énorme, qui fondait délicieusement avec son noyau dans la bouche, et toutes les espèces de gibier plus le loubard jaune rayé de noir, qu’ils découpaient par tranches transversales. En somme, le bonheur : c’est-à-dire tous vos vœux exaucés, plus celui qu’un dieu seul peut former pour vous. (Giraudoux, 1938GIRAUDOUX, J. (1938). Elpénor. Nouvelle édition. Paris, Bernard Grasset Editeur., p. 1)

Par contre, Elpénor ne pouvait pas se résigner, s’accordant à lui-même et aux autres la chance de jouir d’une telle joie : « Ah ! divin Ulysse ! criait-il, mène-nous vers la seconde île » (Giraudoux, 1938GIRAUDOUX, J. (1938). Elpénor. Nouvelle édition. Paris, Bernard Grasset Editeur., p. 6). Sa demande à Ulysse, ainsi que l’argument apporté, suggèrent au départ une certaine sagesse : Troie a été vaincue, malgré cela, quelque chose lui a fait penser qu’un deuxième Troie, intact, y apparaîtrait. Elpénor semble avoir réfléchi à la guerre et à la fin apparente que la défaite impose aux vaincus et aux vainqueurs. C’est comme s’il essayait de convaincre à tous que la guerre mène toujours à la guerre, n’ayant pas moyen de s’en échapper. D’ailleurs, toute impression de bonheur ne sera plus qu’impression puisque, au lieu de mettre fin à la violence, la destruction qui en découle ne sait la perpétuer. Si les arguments initiaux de son message ont quelque chose de prophétique, le reste ne garde pas de sens. Elpénor la développe sur la règle de la duplicité en la constatant dans ses deux yeux et dans ses deux oreilles. Le début d’Elpénor dans l’intrigue de Giraudoux annonce au lecteur, par conséquent, ce que ses compagnons disent de lui : « - O roi d’Ithaque, criaient-ils, Elpénor est fou » (Giraudoux, 1938GIRAUDOUX, J. (1938). Elpénor. Nouvelle édition. Paris, Bernard Grasset Editeur., p. 7). Quand même, la curiosité d’Ulysse fait que tous le suivent vers l’île, pas laquelle synonyme de bonheur, mais vers la seconde où vivait le cyclope Polyphème. De l’aventure déjà connue, Giraudoux se moque de la langue grecque (Giraudoux, 1938, p. 14, 20, 28),2 2 Un exemple : « - Qui est-ce, ton Personne ! demandèrent les Cyclopes, car ils voyaient, à l’absence de la négation, que Personne était un nom propre et point un pronom » (Giraudoux, 1938, p. 28). de l’illustre épisode et encore d’Elpénor.

Comme chez Homère, Ulysse se présente « Personne » au Cyclope. Mais Giraudoux va plus loin. Son « Personne », désigne son père « De Personne » et son grand-père « De De Personne ». Il mène aussi chacun de ses compagnons à faire connaissance avec Polyphème. Chacun d’eux est nommé d’après sa suggestion : Ulysse leur indique, avec son doigt, la partie du corps qui doit fournir leur nom. Euryloque en voyant que son maître indique son propre front s’introduit « Monfront ». Tous les autres suivent son exemple. L’exception est Elpénor, qui, sans comprendre le jeu, en observant le doigt d’Ulysse pointé vers les yeux, mais encore sans savoir répondre à la question de Polyphème, voit les vingt-quatre compagnons répétèrent le geste. Quand, déjà impatient le géant s’avança dans sa direction, son visage est illuminé par l’idée et Elpénor crie : « Je m’appelle le Cyclope ! » (Giraudoux, 1938GIRAUDOUX, J. (1938). Elpénor. Nouvelle édition. Paris, Bernard Grasset Editeur., p. 18).

La troisième histoire de Giraudoux : Elpénor devient protagoniste

Contrairement à ce qui se passe dans les premières nouvelles de l’ensemble (une de 1908 et l’autre de 1912 non écrites sous l’effet du conflit mondial mais réécrites sous son effet), dans « Morts d’Elpénor », texte publié seulement après la fin de la Première Guerre mondiale, Elpénor n’est pas un personnage ajouté après que l’histoire soit prête, l’histoire est celle d’Elpénor. Dans cette troisième histoire, Giraudoux choisit finalement Elpénor pour prendre la place d’Ulysse. D’un extra, alors, l’auteur français a fait un personnage peu séduisant, hésitant, dégoûtant, qui révèle le revers du guerrier héroïque d’Homère et aussi un symbole (Tadié, 1990TADIÉ, J-Y. (1990). Notice. In: BODY, J. (ed.). Jean Giraudoux. Œuvres Romanesques complétes. Paris, Éditions Gallimard., p. 1511), une fois qu’il est : « à la source de chacun de nos malheurs » (Giraudoux, 1938GIRAUDOUX, J. (1938). Elpénor. Nouvelle édition. Paris, Bernard Grasset Editeur., p. 80).

Dans « Morts d’Elpénor », Ulysse et ses camarades de guerre sont les invités de Circé et se préparent à descendre dans l’Hadès, où Tirésias pourra être consulté. Elpénor tombe et meurt, mais cela n’est pas nouveau. Dans l’Odyssée, en atteignant le pays des morts, Ulysse voit Elpénor et s’émeut (τὸν μὲν ἐγὼ δάκρυσα ἰδὼν ἐλέησά τε θυμῷ - Od. 10. 55). Demandant à l’ombre comment il avait atteint les ténèbres, le héros obtient la réponse suivante :

« Fils de Laërte, écoute, ô rejeton des dieux, Ulysse aux mille ruses ! Ce qui causa ma mort, c’est moins le mauvais sort d’une divinité qu’un trop gros coup de vin ! Sur le toit de la salle, où j’étais étendu, j’avais tout oublié : au lieu d’aller tourner par le grand escalier, je marchai devant moi, tombai et me rompis les vertèbres du col : mon âme descendit aux maisons de l’Hadès... » (Od. 10.60-65)

Le passage compose un tout que Ulysse raconte aux Phéaciens et est le seul de l’Odyssée dans lequel Elpénor prend la parole lui-même. Avant, Ulysse raconte comment lui et ses amis ont quitté le palais de Circé (Od. 10.552-560). Le discours d’Elpénor est désormais le miroir de l’histoire qu’Ulysse avait précédemment raconté aux Phéaciens (Od. 10.554-560), et elle confirme la version d’Ulysse, quoiqu’ avec quelques variations. Elpénor n’explique pas la raison de sa chute, c’est-à-dire le bruit fait par les hommes qui se préparaient pour leur départ, selon Ulysse (Od. 10.556-567), et justifie sa stupidité non seulement par l’ingestion excessive de vin (Od. 10.60), comme avait fait Ulysse [κατελέξατο οἰνοβαρείων] (Od. 10.555), comme la fonde sur le mauvais sort envoyé par les dieux (δαίμονος) (Od.10.60), ce qui renforce évidemment le comique du passage et le trait burlesque du personnage: ivre, déshonoré par les dieux, mort dans une chute sans raison apparente dont le corps est laissé derrière, sans être pleuré et enseveli.

Ainsi bien que dans l’Odyssée, chez Giraudoux, Elpénor s’endort lourdement d’alcool et tombe fatalement du palais de Circé, mais dans la version française sa mort est annoncée dès qu’elle se produit : « - Elpénor s’est tué, ô Ulysse ! Nous entendant appareiller, il s’est jeté de la terrasse ! » (Giraudoux, 1938GIRAUDOUX, J. (1938). Elpénor. Nouvelle édition. Paris, Bernard Grasset Editeur., p. 89), dit Périmèdes toujours à Ééa. Le personnel d’Ulysse décide donc de partir pour le pays des morts abandonnant délibérément le corps du rameur (qui, dans ce contexte, n’a que sa première mort). Dans le pays des morts, Giraudoux reprend le dialogue, renforçant la jobarderie du rameur : « - [...] O Ulysse, je suis Elpénor ! Sans voile et sans aviron j’ai devancé ton navire. Impatient de te suivre je me jetai de la terrasse, mais certes je comptais arriver ici le second, non le premier ! » (Giraudoux, 1938GIRAUDOUX, J. (1938). Elpénor. Nouvelle édition. Paris, Bernard Grasset Editeur., p. 94). Au milieu des ombres, l’Elpénor moderne répète la demande faite par l’Elpénor homérique à Ulysse. Mais son prié est tellement exagéré (« Je veux des funérailles solennelles » - Giraudoux, 1938GIRAUDOUX, J. (1938). Elpénor. Nouvelle édition. Paris, Bernard Grasset Editeur., p. 94) comme est exagérée la réticence du héros pour les réaliser (« Je le jure, dit-il à regret, mais disparais. Va-t’en ! » - Giraudoux, 1938GIRAUDOUX, J. (1938). Elpénor. Nouvelle édition. Paris, Bernard Grasset Editeur., p. 94).

Elpénor, le personnage qui ne méritait plus de trois allusions dans l’Odyssée, recevra néanmoins les rites que tout guerrier achéen devrait recevoir. Chez Homère, Elpénor sera pleuré et enseveli selon les coutumes, bien que ce soit lui qui ait fait Ulysse faucher son équipe même dans une situation pacifique et orientée (Elpénor meurt quand Ulysse vient d’être conseillé par Circé sur la meilleure façon de poursuivre son retour). L’Elpénor homérique est, enfin, celui qui démontre à la fois l’existence des combattants insignifiants et la nécessité d’accomplir les rites funéraires même pour eux.

Comme lui, le capitaine de Giraudoux, Monsieur Andrew, le 9 septembre 1914, sûr qu’il allait mourir, interrogea les soldats qui l’entouraient afin de recevoir d’eux la certitude qu’ils lui rendraient ses hommages. Encore que sans oser parler de soi, sans avoir le courage d’affronter à la première personne la possibilité de mort, le batailleur parle comme s’il était inquiet à cause d’un autre capitaine, tué deux jours auparavant : « - Où a-t-on mis l’épée de Flamond ? Son portefeuille ? Où l’a-t-on enterré ? ». Giraudoux et ses camarades, comme Ulysse dans l’Hadès répondant à Elpénor, disent : « l’épée, la croix, les papiers sont déjà partis pour Roanne, scellés, et, nous le jurons, on l’enterrera, Flamond, dans cercueil » (Giraudoux, 1946GIRAUDOUX, J. (1946). Lectures pour une ombre. Paris, Éditions Grasset e Fasquelle., p. 167). Évidemment, ils lui ont répondu en mentant, afin d’apaiser sa peur d’être laissé, comme Elpénor, sans être pleuré et enterré.

Chez Giraudoux, ayant accompli la mission qui l’avait amené au pays des morts, Ulysse revient avec ses compagnons à l’île d’Ééa, et là-bas, comme promis à l’ombre d’Elpénor, et comme il arrive dans l’Odyssée, mais comme il n’arrivera pour la grande majorité des morts de la Grande Guerre, son corps recevra les rites nécessaires, bien que non mesurés. À l’île de Circé, Elpénor sera pleuré comme le plus grand des héros, car Ulysse prononce la prière funéraire devant le corps préparé submergé probablement du plaisir de mentir, plongeant son éloge dans une mer d’exagération :

- Ce que fut Elpénor, ô Zeus ? continua Ulysse. Demande plutôt ce qu’il ne fut pas. Il fut un cœur tendre dans un cœur d’acier, une âme de choix dans une enveloppe hors de pair ; le calembour à peine se contenait en son palais comme dans la bouche du perroquet la langue épaisse, et que dire aussi de son esprit ingénieux ? C’est lui, charron, qui inventa la brouette, la changeant par un tréteau en roue à repasser, et il inventa aussi le lit, seule demeure commune des Dieux et des hommes. C’est lui, banquier, au jour de la septième collecte d’or, qui imagina de faire accepter pour moitié du versement les coupons thraces. C’est lui, poète, l’auteur de deux vers fameux [...] (Giraudoux, 1938GIRAUDOUX, J. (1938). Elpénor. Nouvelle édition. Paris, Bernard Grasset Editeur., p. 101)

Le mensonge se nourrit de soi-même. L’effort est si grand pour exalter les mémoires du médiocre Elpénor que Zeus, écoutant la prière, se laisse émouvoir au point de lui faire revivre. La première mort d’Elpénor ne sera donc pas suffisante pour sa fin. L’Odyssée le tue une fois, tandis que Giraudoux le tuera plusieurs fois. L’Elpénor français, le pire des héros, vivra encore des histoires nouvelles et plus souffrantes. Après être mort en tombant du palais, il sera noyé. Et dans le quatrième et dernier récit, Elpénor mourra torturé. Le héros de Giraudoux personnifie ainsi la banalisation de la mort. Il incarne le médiocre qui meurt non par des faits glorieux, mais par des malheurs, et qui sera remplacé par d’autres médiocres, condamnés à mourir aussi.

Pour Suzanne Saïd (2003SAÏD, S. (2003). Ulysse en France au début du XXe siècle : de Giraudoux à Giono. In: NICOSIA, S. (ed.). Ulisse nel tempo. La metafora infinita. Atti del Convegno internazionale Odisseo 2000. Venezia, Marsilio, p. 379-403., p. 389), notamment avec la publication du troisième récit en 1919, « Les Morts d’Elpénor », dans lequel le personnage meurt plus d’une fois, Giraudoux précise que la Grande Guerre, avec ses millions de cadavres, avait traversé le texte, forçant l’évolution du personnage d’Elpénor dans l’ensemble. En effet, entre 1914 et 1918, environ neuf cents des Français sont tués chaque jour, et bien que le nombre soit un chiffre, le calcul moyen n’a rien d’abstrait pour ceux qui ont survécu à la guerre. 3 3 La presse britannique, notamment le Times, publiait les longues listes de morts après les batailles. La quantité de morts est énormément supérieure à n’importe quelle bataille précédente, et la mort, elle-même, a désormais des formes inédites, résultantes des nouvelles technologies (Audoin-Rouzeau & Becker, 2000AUDOIN-ROUZEAU, S.; BECKER, A. (2000). 14-18, retrouver la Guerre. Paris, Éditions Gallimard., p. 42, 57).

Giraudoux (1882 - 1944) le sait. Il est mobilisé au début de la Grande Guerre. Le 3 août 1914, il est nommé sergent du 298e régiment de l’Infanterie de Roanne, qu’il a déjà servi en 1902 pour effectuer son service militaire, avant d’entrer dans le cours des Lettres de l’École Normale Supérieure. Notre écrivain participe à la campagne alsacienne, à la première bataille de la Marne (du 5 au 12 septembre 1914) et à la bataille de Dardanelles (du 25 avril 1915 au 9 janvier 1916). Dans une de ses premières lettres écrites pendant la guerre (lettre à Suzanne Boland, 9 août 1914), il enregistre sa fonction et ses premières impressions sur la soif de sang de ses soldats :

J’ai à m’occuper d’une cinquantaine de braves gens, tous désireux de tuer un général et de prendre un drapeau. Tout ce qu’on leur enseignait du patriotisme à l’école réapparaît chez eux sous cette forme enfantine. [...] Départ mardi matin, sans doute pour Mirecourt (Vosges). Quelle joie j’aurais d’entrer en Alsace ou en Lorraine. (Bawson, 2003BAWSON, B. (ed.) (2003). Jean Giraudoux. Lettres à Suzanne I. 1913-1915. Cahiers Jean Giraudoux 31. Paris, Éditions Grasset., p. 60)

La mort des autres devient le contenu par excellence des carnets des combattants. Dans son journal de guerre de 1914, Lectures pour une ombre, quelques jours après le déclenchement du combat, Giraudoux, qui fait au moment campagne en Alsace, décrit la route d’Altkirch le 22 août :

Belle route, dont les cerisiers ont été coupés au ras du sol par les Allemands, et il ne reste des arbres que leur plan et leur âge. [...] Assis sur les cerisiers, nous regardons vers les champs, un peu pour éviter la poussière, beaucoup pour ne pas tourner le dos à trois tombes de soldats français, tués voilà dix jours et dont nous notons les noms sur nos carnets. (Giraudoux, 1946GIRAUDOUX, J. (1946). Lectures pour une ombre. Paris, Éditions Grasset e Fasquelle., p. 37)4 4 Le journal de guerre de Giraudoux de 1914, Lectures pour une ombre, est aussi un hommage à l’un de ses camarades de guerre, selon sa dédicace : À André FRESNOIS - DISPARU (Giraudoux, 1946, p. 11).

Quelques jours après la bataille de la Marne, avec la défaite et le retrait des troupes allemandes, Giraudoux est blessé dans le choc qui se produit dans l’Aisne, dont le but était précisément d’expulser ces troupes arrivées et stationnées dans la région. Sa blessure lui fait besoin d’être hospitalisé à Fougères et sa convalescence se poursuit jusqu’à Bordeaux, Pau et Vichy, d’où il est renvoyé à Roanne, quartier général de son unité militaire. Dans une lettre à Lilita Abreu, du 18 octobre 1914, le combattant célèbre sa chance : son carnet et son porte-monnaie avaient empêché les missiles d’atteindre son foie. Giraudoux, qui voit donc la mort en face à la Marne, est blessé pour la deuxième fois dans les Dardanelles, au Hellespont, en 1915, où il est décoré et nommé chevalier de la Légion d’honneur. Dans cette même campagne, cependant, l’auteur semble voir plus clairement la proximité de la mort, ainsi que sa banalité, comme il dit dans une autre lettre à Suzanne Bolanda, du 21 juin 1915 :

Ma petite Suzanne adorée, il est huit heures du soir et demain à six heures c’est l’assaut. Ma compagnie marche en première ligne. J’espère bien te revenir, amie chérie, mais les Turcs peuvent être terribles. (Bawson, 2003BAWSON, B. (ed.) (2003). Jean Giraudoux. Lettres à Suzanne I. 1913-1915. Cahiers Jean Giraudoux 31. Paris, Éditions Grasset., p. 187)

Giraudoux avait raison dans sa peur : selon une autre lettre, cette fois à son ami Jean-Louis Vaudoyer, tous les officiers participant à la bataille sont tués, à l’exception de lui, qui est néanmoins gravement blessé. Pour être rapatrié, il devra faire face à un supplice, mot qu’il choisit lui-même pour décrire le retour de huit jours dans un bateau-hôpital à Toulon, d’où il ira à l’hôpital officiel de Mont-des-Oiseaux. Sa récupération, alors, se produit à Hyères, d’où il écrit la lettre à son ami. Par la suite, il ne reviendra pas au front, souffrant d’hospitalisations fréquentes.

Le quatrième texte d’Elpénor: mémoires d’un guerrier inconnu

Dans la dernière histoire d’Elpénor, la quatrième, « Nouvelles Morts d’Elpénor », Giraudoux est plus que jamais infidèle à l’Odyssée. L’intrigue est encore étroitement liée à l’épopée comme dans les autres histoires. Maintenant, il s’agit de l’arrivée d’Ulysse chez les Phéaciens. La déesse arrive à la terre d’Alkinoos, mais son dialogue n’est pas avec Ulysse. Athéna rencontre le roi, qui prévient les habitants de l’île, aussi excellents rameurs ayant peu de contact avec d’autres peuples, à la venue du héros.

Totalement inconnu et mille fois moins glorieux qu’Ulysse, est le moins brave au combat, le moins sage au conseil le naufragé sur la plage. En arrivant au village, les Pheáciens de Giraudoux, sans la méfiance de ses correspondants de l’Odyssée, reçoivent Elpénor comme s’ils recevaient le héros d’Ithaque. Alkinoos le prépare, le portant avec des couvertures fleuries, pourtant « près du prince, l’inconnu paraissait un nain » (Giraudoux, 1938GIRAUDOUX, J. (1938). Elpénor. Nouvelle édition. Paris, Bernard Grasset Editeur., p. 141). Aucun d’eux ne doutait que le noble naufragé allait prendre à tout moment l’apparence magique d’un beau héros. Sans que la magie se produise, c’est avec l’apparence qu’il avait toujours possédée, pénalisé par la détérioration à la mer (« des pieds trop larges, un bras démesuré et un bras atrophié, un nez camus, un menton à claquette », Giraudoux, 1938GIRAUDOUX, J. (1938). Elpénor. Nouvelle édition. Paris, Bernard Grasset Editeur., p. 132), qu’Elpénor essaie, involontairement, de convaincre tout le peuple que l’image du héros n’est autre que son image déplorable.

Giraudoux permettra à son personnage de se présenter honnêtement. Parmi les gens de Alkinoos, Elpénor est d’abord écouté avec attention. Sa biographie est racontée de la pire façon possible. Elle est effrayante, car, sans honte, devant un public intéressé pour la première fois à leurs expériences, Elpénor résume sa vie par les peines, malheurs et souffrances. Il raconte de sa naissance à son retour de la guerre. L’anti-héros qui depuis dix ans s’est battu aux côtés des héros connaît Ajax, Achille, Paris, Patroclus et croit qu’il est connu par eux aussi. Chacun de ses traits affreux est donc une source de fierté pour lui-même.

[...] j’ai vu Ajax et son rival prêts à recommencer leur combat. Né d’une criminelle inconnue dans un cachot de Corcyre, je fus abandonné par elle dans la prison et c’est là que passèrent mes premières années, si enviées d’Achille. J’étais loué aux mendiants libérés, le premier me rendit cagneux pour exciter le rire, et me fit ces genoux en boule si admirés de Pâris, le second, pour exciter la pitié, me désarticula cette hanche, que Patrocle voulait me troquer contre son renom lui-même. [...] Seules ces tumeurs aux lèvres ne sont pas le fait de mes maîtres, mais le mien. Ne sachant pas que le feu rougit les métaux et voyant dans une forge un fer à cheval pourpre pendu à une baguette de cuivre, j’eus l’idée de le saisir avec les dents... (Giraudoux, 1938GIRAUDOUX, J. (1938). Elpénor. Nouvelle édition. Paris, Bernard Grasset Editeur., p. 143-144)

Jamais, tout au long de sa vie, n’avait-il mangé de la viande fraîche, jamais n’avait-il mangé des olives qui n’étaient pas pourries (Giraudoux, 1938GIRAUDOUX, J. (1938). Elpénor. Nouvelle édition. Paris, Bernard Grasset Editeur., p. 144). Il n’avait rien gagné comme butin de guerre et, si cela ne suffisait pas, les parties de son corps, sa seule possession, ont été laissées au cours de son périple. Ses ongles, ses dernières mèches de cheveux sont perdues dans son retour. Scalpé, les oreilles baignées par la tempête, Elpénor était la cible de la colère gratuite des dieux, qui ne le compensaient rien pour les pertes, car il n’avait pas reçu en échange de ses ennuis ni de prudence, ni de sagesse (Giraudoux, 1938GIRAUDOUX, J. (1938). Elpénor. Nouvelle édition. Paris, Bernard Grasset Editeur., p. 145).

De la description homérique d’Elpénor [οὔτε τι λίην ἄλκιμος ἐν πολέμῳ οὔτε φρεσὶν ᾗσιν ἀρηρώς] (Od. 10.552-553), composée par l’événement même de sa mort et par l’absence d’autres registres, Giraudoux conserve la recette, ajoutant beaucoup d’autres ingrédients et l’aigrissant complètement. La tragédie et la comédie du personnage ne sont pas seulement accentuées par la réinvention de l’intrigue, mais aussi par la réaction des Phéaciens, qui, pour accomplir son devoir, dribblent la laideur du corps et des drames d’Elpénor, et insistent pour le voir comme héros « au travers des trous la doublure de l’épopée » (Giraudoux, 1938GIRAUDOUX, J. (1938). Elpénor. Nouvelle édition. Paris, Bernard Grasset Editeur., p. 145). Pour tromper le malaise, leurs hôtes reconnaissent la modestie du héros. Ils remercient Alkinoos de son arrivée et veulent enfin entendre de la bouche de l’étranger son identité confessée (espérant qu’il avouerait évidemment être Ulysse). Le peuple commence alors à poser des questions, comme tirées d’un manuel de l’Odyssée : Pénélope était-elle brune ? ; quel était le bois du cheval de Troie ? Elpénor était perdu, il cherchait dans sa mémoire des informations, sans pouvoir répondre à aucune d’elles avec précision.

Il n’avait eu avec l’épopée qu’une étroite mais médiocre liaison. Il était simplement un spécimen de tous les milliers d’ignorants et d’anonymes peu curieux qui sont le canevas des époques illustres. Il n’avait touché de ces héros et de ces immenses exploits que la partie méprisée. Il connaissait Achille pour avoir décrotté son talon un jour de boue, Ajax pour en avoir reçu un crachat à son bac dans la trirème, Circé pour avoir aidé Ecclissé à brosser le démêloir. Le jour de la prise de Troie, il nettoyait la cuvette d’Hécube. Le jour de la colère d’Achille, il était de corvée aux oignons. Le jour de la mort de Pâris, il reprisait le péplum de Thersite. Il ne connaissait le monde et le demi-monde épique que par son plus piteux envers. Les grandes dates de la mythologie lui servaient uniquement d’aide-mémoire pour les faits méprisables de sa vie : le soir de Briseïs, il avait aux dés gagné deux drachmes à un nommé Bérios ; le soir d’Andromaque, il avait bu du petit vin des Amazones avec un nommé Trachopis. Et Pyrrhus, et Calypso, et Agamemnon étaient seulement pour lui les supports d’inconnus surnommés Latacobos, Periperilaos, ou Vagapolo. Mais il ne pouvait se résoudre à ne pas croire à cette épopée, comme un valet de chambre à l’existence de son maître. Il vidait les eaux de la fable. (Giraudoux, 1938GIRAUDOUX, J. (1938). Elpénor. Nouvelle édition. Paris, Bernard Grasset Editeur., p. 151).

Il n’avait eu qu’un lien étroit avec la Guerre de Troie, comme nous le dit le narrateur, parmi les anonymes du peuple, qui rebaptisent le peuple lui-même, « Latacobos, Periperilaos, Vagapolo ». Comme des étrangers, il a fait la guerre sans avoir de raison de le faire. Il composait, avec tous les autres insignifiants, la scène de la multitude et n’était ni présent, ni beaucoup moins actif dans aucun des grands faits. Elpénor, dans les dix années du conflit, avait été chargé de réparer l’armure de Thersite (il était donc pire que Thersite !). Dans les années de retour, il avait été aussi le pire. Il n’avait ni vu ni entendu les sirènes, comme nous le raconte le second épisode de l’œuvre de Giraudoux ; avait entendu et vu Polyphème, comme le dit le premier épisode ; il avait senti, mais n’avait pas touché Circé et était mort plusieurs fois. Elpénor a partagé ses expériences et a répondu aux questions des Phéaciens de la manière la plus vrai, sans se cacher de la honte ou du déshonneur, et pour cette raison, malgré les efforts des Phéaciens pour embellir sa biographie, Elpénor a pu se présenter comme la synthèse de la guerre sans héroïsme et sans gloire. Copie de tous les milliers de petits hommes qui composent la scène des temps les plus illustres et des guerres les plus terribles, l’Elpénor de Giraudoux est celui qui ne reçoit du héros et de ses exploits que la part du mépris. Il présente une vision des peuples indigeste, au milieu de laquelle il n’y a aucun Ulysse pour rendre la guerre plus belle et plus glorieuse. Pour Yves-Tadié, Elpénor représente le peuple, vu comme une masse médiocre, indifférenciée, et sans laquelle, cependant, les épopées ne peuvent pas arriver (Tadié, 1990TADIÉ, J-Y. (1990). Notice. In: BODY, J. (ed.). Jean Giraudoux. Œuvres Romanesques complétes. Paris, Éditions Gallimard., p. 1511). Il faudrait un très grand nombre d’Elpénors pour faire un seul Ulysse.

Dans l’île, Elpénor gagne aussi la colère du dieu et ses Muses, qui décident de le torturer à mort. Clio, la muse de l’histoire, lui perce les doigts sous les ongles. Melpomène, la muse du chant et de la tragédie, croise les genoux avec des aiguilles, tandis qu’Érato lui coupe les orteils avec une lame. Terpsichore clampe une à une, les rares mèches de cheveux qui lui restaient sur le crâne après toutes les aventures à la mer. Polymnie chauffe des coquilles de noix pour les appliquer, très chaudes, sur sa langue, mais, en le voyant encore capable de crier, les Muses décident de le blesser encore plus. Clio déchire le ventre d’Elpénor. Calliope sépare la peau qui va du bras à l’épaule, la transformant en une lanière qui peut être tirée. Terpsichore ouvre sa meule et montre son cerveau abominable, un cerveau de crétin (Giraudoux, 1938GIRAUDOUX, J. (1938). Elpénor. Nouvelle édition. Paris, Bernard Grasset Editeur., p. 176), auquel manquaient les compétences d’auto-orientation, de jalousie et d’association d’idées. Une représentation évidente des nouvelles formes de violence, la torture d’Elpénor a l’image de la violence de la Grande Guerre.

Elpénor, dont le cerveau ouvert fait peur aux autres, ressemble un peu au lieutenant qui, à la bataille de la Marne, avec les mains tremblantes, commence à chercher son monocle en réclamant la myopie, quand la peur l’en empêche de se rendre compte que la cause de son aveuglement était « son cerveau ouvert » (Giraudoux, 1946GIRAUDOUX, J. (1946). Lectures pour une ombre. Paris, Éditions Grasset e Fasquelle., p. 156). Comme ce lieutenant de 1914, Elpénor est sans doute destiné à mourir, mais avant cela, il est également perdu dans sa mémoire, en la mélangeant à la mémoire des autres, des géants, de Prométhée, des sorcières, des révolutionnaires, comme s’il était lui-même « au centre de la souffrance humaine » (Giraudoux, 1946GIRAUDOUX, J. (1946). Lectures pour une ombre. Paris, Éditions Grasset e Fasquelle., p. 146) :

La mémoire de tous ceux qui étaient morts, la future pensée de tous ceux qui devaient mourir pour le bonheur de l’humanité l’habitat un instant. Il fut soulevé par une affection immense des humains, de ces humains pour lesquels il avait dérobé le feu, inventé l’écriture, la poudre et la boussole, de ces femmes pour lesquelles il avait dérobé à Vénus le miroir et le rouge, et la divination des vaccins, de la roue de brouette, de la vapeur l’inondait de joie. Parfois il poussait de grands cris pour s’encourager lui-même, et Apollon fit boucher de cire ses oreilles, ainsi qu’Ulysse l’avait fait autrefois pour les sirènes. Sa sirène, pauvre Elpénor, c’était lui-même. (Giraudoux, 1938GIRAUDOUX, J. (1938). Elpénor. Nouvelle édition. Paris, Bernard Grasset Editeur., p. 177).

Elpénor et l’histoire d’un personnage sans histoire

C’est pendant ou tout de suite après la Grande Guerre que Jean Giraudoux fait son choix pour Elpénor, puisque le troisième conte de l’ensemble est publié en 1919 et le second, dans sa première version, qui ne fait aucune mention au personnage, en 1912. C’est aussi au cours ou peu après le conflit que les deux textes publiés avant lui sont modifiés pour accommoder son nouvel habitant. Ce choix dialogue ainsi avec la transformation que l’événement apporte à la manière dont l’auteur voit la guerre, le combattant et le héros, étant la preuve que la présence d’Elpénor importait plus à l’auteur que la présence du héros Ulysse pour le développement de ses quatre histoires.

Il n’est pas que Giraudoux oublie qu’Ulysse soit le grand personnage du retour. Dans Amica America, livre publié pour la première fois en 1918, l’auteur décrit ses témoignages de guerre lors de sa mission à Harvard en 1917 (il est envoyé dans une mission diplomatique aux États-Unis pour instruire le personnel militaire). Giraudoux, qui avait déjà passé en 1907-1908 une saison aux États-Unis, en tant que lecteur de langue française à Harvard, a enregistré dans le livre : « Je suis donc venu rassurer mes hôtesses de voilà dix ans [...] J’ai retrouvé, comme Ulysse, le petit chien » (Giraudoux, 1918GIRAUDOUX, J. (1918). Amica America : Voyage de Jean Giraudoux. Paris, Émile-Paul Frères., p. 40). D’ailleurs, dans une lettre datée de mai 1917 à Lilita Abreu, donc avant la publication d’Amica America, Giraudoux teste le thème des affinités homériques : « Tout est ici comme il y a dix ans, et la vieille demoiselle chez qui j’habitais a la même petite chienne et la même robe » (Berne, 1989BERNE, M. (ed.) (1989). Jean Giraudoux. Lettres à Lilita (1910-1928). Paris, Collection Blanche/Gallimard., p.130).

Il n’est pas non plus que dans Elpénor, cette relecture de Giraudoux, que Ulysse n’atteint pas au pays du roi Alkinoos. Comme dans l’épopée homérique, dans « Nouvelles Morts d’Elpénor », la mer dépose le fils de Laërte sur la côte phéacienne. Malgré cela, l’auteur retarde son arrivée dans deux heures et le délai est assez long pour que Elpénor raconte son histoire désastreuse aux habitants, vivant encore d’autres histoires désastreuses dans l’île. La reprise de l’ordre classique et la venue d’Ulysse enfin n’arriveront qu’après la fin triste et comique d’Elpénor. De cet ordre classique, Giraudoux ne s’est pas occupé.

Le ex-combattant élit définitivement Elpénor. Il adopte le guerrier le moins brave au combat, le moins sage au conseil au héros du retour. Giraudoux préfère la figure, ni aimable ni admirable, la figure du doux médiocre, comme résume le poète grec George Seféris, qui est Elpénor, car c’est dans le manque d’héroïsme d’Elpénor que l’auteur semble reconnaître le seul véritable combattant. Jacques Body (1983BODY, J. (1983). Giraudoux et les rendez-vous de l’histoire. Revue d’Histoire littéraire de la France 5, p. 866-878., p. 868) affirme que Giraudoux précédé les historiens de son temps, faisant à sa manière l’histoire des mentalités et des peuples sans histoire ; en d’autres termes, faisant une nouvelle histoire. Il est certain qu’Elpénor, qui rassemble quatre textes de ses premières expériences littéraires, ne peut en aucun cas pointer vers une histoire qui ne se transforme pas ou un présent qui est masqué, comme l’auraient critiqué Jean-Paul Sartre.5 5 Jean Giraudoux a été critiqué par Jean-Paul Sartre pour avoir nié le changement et masqué le présent. Il est vrai que l’accusation porte principalement sur le roman Choix des Élues de 1939, mais, curieusement, ce que le projet littéraire de Giraudoux semble chercher dès le début est le contraire de l’accusation. Giraudoux prend un chemin qui indique apparemment une permanence, l’Odyssée, pour exposer ce qui est nouveau, aussi gênant que fût le changement, aussi laid que soit le présent: « ceux qui meurent soldats sont comme ceux qui meurent écrivains, les mains pleines de sang ou d’encre » (Giraudoux, 1946GIRAUDOUX, J. (1946). Lectures pour une ombre. Paris, Éditions Grasset e Fasquelle., p. 149). La question de l’un, le soldat, et de l’autre, l’écrivain, en ce sens, est la même : c’est la guerre, c’est la mort, c’est la violence. Pour donner vie à cette question, Giraudoux n’a pas besoin de raconter le retour d’Ulysse, comme on pouvait y attendre. Il s’intéresse à raconter les aventures d’un personnage presque sans histoire chez Homère.

Le (anti) héros est soumis aux différentes formes de guerre auxquelles il participe et produit en même temps. Ces formes altèrent son image et établissent à chaque fois une relation très spécifique avec la tradition, assurant ainsi la longue durée de cette tradition. Le célèbre guerrier (et aussi la tradition qui naît avec lui) survit, en effet, précisément parce que, actualisé, il est capable de communiquer une nouvelle réalité et sa nouvelle biographie à partir d’une réalité devenue étrange. Cette mise à jour communique donc les ruptures du présent avec la tradition, en la protégeant par la tradition elle-même. Chaque nouvelle histoire est une réponse de la tradition, en pleine activité, à l’histoire précédente.

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  • VON DER MÜHL, P. (ed.) (1962). Homeri Odyssea Basel, Helbing & Lichtenhahn.
  • 1
    Il serait certainement utile de répéter l’exercice de comparaison entre les deux versions du texte « Les Sirènes », dont la première version a été publiée dans le Paris-Journal en 1912 et la seconde en 1926, à côté des trois autres récits qui composent Elpénor. À ce jour, toutefois, il n’a pas été possible d’obtenir la version de 1912.
  • 2
    Un exemple : « - Qui est-ce, ton Personne ! demandèrent les Cyclopes, car ils voyaient, à l’absence de la négation, que Personne était un nom propre et point un pronom » (Giraudoux, 1938GIRAUDOUX, J. (1938). Elpénor. Nouvelle édition. Paris, Bernard Grasset Editeur., p. 28).
  • 3
    La presse britannique, notamment le Times, publiait les longues listes de morts après les batailles.
  • 4
    Le journal de guerre de Giraudoux de 1914, Lectures pour une ombre, est aussi un hommage à l’un de ses camarades de guerre, selon sa dédicace : À André FRESNOIS - DISPARU (Giraudoux, 1946GIRAUDOUX, J. (1946). Lectures pour une ombre. Paris, Éditions Grasset e Fasquelle., p. 11).
  • 5
    Jean Giraudoux a été critiqué par Jean-Paul Sartre pour avoir nié le changement et masqué le présent. Il est vrai que l’accusation porte principalement sur le roman Choix des Élues de 1939, mais, curieusement, ce que le projet littéraire de Giraudoux semble chercher dès le début est le contraire de l’accusation.

Publication Dates

  • Publication in this collection
    20 May 2020
  • Date of issue
    2020

History

  • Received
    24 Apr 2019
  • Accepted
    16 Aug 2019
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