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Imaginaires religieux et politiques en Amérique Latine: Les contours des renvois de signification

Abstracts

À la croisée de deux perspectives analytiques connues, d'une part celle qui voit dans le religieux un instituant du politique et d'autre part celle qui voit dans le mythe un déterminant pour l'organisation sociale dans son ensemble, ce texte part de l'hypothèse suivante: religieux et politique ne sont pas des domaines par essence distincts. Les découpages et les imbrications entre ce qui se présente comme étant d'ordre religieux et ce qui se présente comme étant d'ordre politique varient selon lessociétés et leurs imaginaires en cours. À partir de données recueillies au moyen d'enquêtes d'opinion passées dans cinq pays d'Amérique latine (Mexique, Argentine, Venezuela, Brésil, Chili) et analysées à la lumière de la notion de "renvois de signification", l'objectif de cette étude est de démontrer, sur la base d'un matériel empirique, que l'articulation entre religieux et politique varie en fonction des pays, des groupes de population et des confessions. Plus encore, les caractéristiques de chaque articulation spécifique tout comme le repérage des imaginaires instituants susceptibles de modifier l'agencement en place ne peuvent être dégagés que par voie comparative.

Amérique latine; imaginaire politique; imaginaire religieux; religion et politique


No cruzamento de duas perspectivas analíticas conhecidas, de um lado, a que vê no religioso um instituinte do político e, de outro lado, a que vê no mito um determinante para a organização social no seu conjunto, este texto parte da hipótese seguinte: religioso e político não são domínios essencialmente distintos. Os recortes e as imbricações entre o que se apresenta como sendo de ordem religiosa e o que se apresenta como sendo da ordem política variam segundo as sociedades e seus imaginários em curso. A partir de dados recolhidos por meio de enquetes de opinião realizados em cinco países da América Latina (México, Argentina, Venezuela, Brasil, Chile) e analisados à luz da noção de "reenvios de significação", o objetivo deste estudo é demonstrar, em base a um material empírico, que a articulação entre religioso e político varia em função dos países, dos grupos de população e das confissões. Mais ainda, as características de cada articulação específica, bem como a captação dos imaginários instituintes suscetíveis de modificar a implantação prática, não podem ser resgatados a não ser pela via comparativa.

América Latina; imaginário político; imaginário religioso; religião e política


ARTIGOS

Imaginaires religieux et politiques en Amérique Latine: Les contours des renvois de signification* * Cette étude a bénéficié d’une subvention du Conseil de Recherche en Sciences Humaines du Canada (CRSH). Gripal (Groupe de recherche sur les imaginaires politiques en Amérique latine).

André Corten; Vanessa Molina; Thomas Chiasson-Lebel

Université du Québec à Montréal – Canada

RESUMÉ

À la croisée de deux perspectives analytiques connues, d'une part celle qui voit dans le religieux un instituant du politique et d'autre part celle qui voit dans le mythe un déterminant pour l'organisation sociale dans son ensemble, ce texte part de l'hypothèse suivante: religieux et politique ne sont pas des domaines par essence distincts. Les découpages et les imbrications entre ce qui se présente comme étant d'ordre religieux et ce qui se présente comme étant d'ordre politique varient selon lessociétés et leurs imaginaires en cours. À partir de données recueillies au moyen d'enquêtes d'opinion passées dans cinq pays d'Amérique latine (Mexique, Argentine, Venezuela, Brésil, Chili) et analysées à la lumière de la notion de "renvois de signification", l'objectif de cette étude est de démontrer, sur la base d'un matériel empirique, que l'articulation entre religieux et politique varie en fonction des pays, des groupes de population et des confessions. Plus encore, les caractéristiques de chaque articulation spécifique tout comme le repérage des imaginaires instituants susceptibles de modifier l'agencement en place ne peuvent être dégagés que par voie comparative.

Mots-clés: Amérique latine, imaginaire politique, imaginaire religieux, religion et politique.

RESUMO

No cruzamento de duas perspectivas analíticas conhecidas, de um lado, a que vê no religioso um instituinte do político e, de outro lado, a que vê no mito um determinante para a organização social no seu conjunto, este texto parte da hipótese seguinte: religioso e político não são domínios essencialmente distintos. Os recortes e as imbricações entre o que se apresenta como sendo de ordem religiosa e o que se apresenta como sendo da ordem política variam segundo as sociedades e seus imaginários em curso. A partir de dados recolhidos por meio de enquetes de opinião realizados em cinco países da América Latina (México, Argentina, Venezuela, Brasil, Chile) e analisados à luz da noção de "reenvios de significação", o objetivo deste estudo é demonstrar, em base a um material empírico, que a articulação entre religioso e político varia em função dos países, dos grupos de população e das confissões. Mais ainda, as características de cada articulação específica, bem como a captação dos imaginários instituintes suscetíveis de modificar a implantação prática, não podem ser resgatados a não ser pela via comparativa.

Palavras-chave: América Latina, imaginário político, imaginário religioso, religião e política.

Le rapport entre imaginaires religieux et politiques fait l'objet, dans la littérature, de deux grandes problématiques. La première concerne le caractère instituant du sacré (Carrier, 2005, Durkheim, 1968). La seconde a trait aux liens étroits entre l'établissement moderne d'une scène du politique et les mythes d'une société (Voegelin, 1994). Ces deux problématiques ne peuvent constituer qu'un arrière-fond lorsque, comme nous le faisons dans cet article, on interprète du matériel empirique. Par contre, on peut pousser plus loin la réflexion car on dispose de données sur l'Amérique latine (en l'occurrence sur cinq pays d'Amérique latine) alors que les débats théoriques restent centrés sur l'histoireeuropéenne. À partir de ces données, l'identification même du "religieux" et du "politique" peut être questionnée et par là même le rapport entre ce qui apparaît dans un premier temps comme deux domaines distincts.

Deux problématiques générales

Ce qui donne sa consistance au politique c'est un rapport à l'altérité ou, comme le dit Ernesto Laclau (2000, p. 61-62), à un universel absent. Marcel Gauchet (1985) voyait en quelque sorte cette altérité dans la forme d'un Dieutranscendant, cette relation étant fondatrice de l'État moderne. Bien qu'on s'entende sur le fait que sacré et religieux ne coïncident pas dans bien des cas, le sacré, en désignant quelque chose de séparé, de radicalement différent, peut être entendu comme instituant du politique (Ferraro, 2006). L'Amérique latine se caractérise par une histoire où le transcendant est moins radical qu'ailleurs. La sortie du religieux y est également beaucoup moins nette. L'histoire de l'Amérique latine est marquée par un religieux plus immanent. D'un côté, la religion est proche des gens. On parle de religion populaire. De l'autre côté, le politique n'a pas le statut d'intangibilité à la source de la tradition républicaine. Le religieux est toujours présent, le politique est souvent mou.

La thèse de Georges Dumézil sur l'importance supérieure de l'organisation mythique – du mythe religieux – par rapport à l'organisation sociale réelle et qui concernait les sociétés indo-européennes a été reprise d'une façon ou d'une autre par de nombreux chercheurs dont Gilbert Durand (1981) qui tente précisément de démontrer qu'à tout type de société correspond un socle mythique. Il en arrive même à chercher des archétypes qui rendraient compte de l'équilibre d'une société. Dans une même perspective, plusieurs auteurs, comme Voegelin ou Sironneau (1993), ont avancé l'idée que les idéologies contemporaines – il s'agissait surtout du nazisme et du stalinisme – étaient en continuité avec des mythes très anciens, dont des mythes religieux. C'est ici le concept de mythe qui occupe la place principale. Il est parfois prolongé dans un concept notamment repris par Jung et, pour certains, discutable d'archétypes.

Du croisement de ces deux problématiques émerge une orientation analytique nouvelle qui fait l'objet de ce texte. De la première, on retient la proximité privilégiée entre imaginaires religieux et imaginaires politiques. Soit que les imaginaires religieux constituent la première forme de penser le "vivre ensemble", soit qu'ils traduisent en formes imagées des rapports de force, ceuxci ayant un lien direct avec les imaginaires politiques. De la seconde, on retient l'idée d'invariants qui traverseraient aussi bien les imaginaires religieux que politiques. Dans cette perspective, le même invariant pouvant se trouver dans le religieux et le politique, la distinction entre imaginaires religieux et imaginaires politiques serait à revoir. Le point de départ du questionnement est ici que le religieux et le politique ne sont pas en soi deux domaines différents. Chaque société établit son découpage entre ces domaines (qui ne sont, de ce point de vue, pas en soi des domaines). Chaque société fait à sa façon des renvois de signification qui constituent, comme on le verra, ses imaginaires en cours.

En Amérique latine, l'essor du pentecôtisme et plus généralement des courants évangéliques (qui comprennent en plus du pentecôtisme le protestantisme historique ainsi que les tendances charismatiques au sein des différentes dénominations de celui-ci – baptisme, méthodisme, presbytérianisme (calvinisme) et luthéranisme) engendre de nouveaux imaginaires religieux et indique également un nouveau mode de participation à la vie politique. En disant que, par le déploiement de ses imaginaires religieux, le pentecôtisme est une langue proto-politique (Corten, 1995, p. 151-154), on pose d'une certaine manière le rôle du religieux dans l'institution du politique. Dans ce texte, on restera à un niveau d'observations plus concret. L'objectif principal consiste à tenter de dégager, pour cinq pays d'Amérique latine, les découpages particuliers des imaginaires politiques et religieux, ainsi que les relations, d'intrication ou d'exclusion par exemple, qu'entretiennent entre eux ces imaginaires. Ces cinq pays sont les suivants: le Mexique, le Venezuela, le Brésil, l'Argentine et le Chili.

Le concept d'imaginaire

Le religieux passe pour l'exemple même de l'imaginaire. En effet, il présente une image qui ne correspond à aucune réalité visible – qui ne renvoie, au moins pour les non croyants, à aucun référent. C'est en effet cet écart par rapport à du "fixé" qui permet de définir le concept d'imaginaire. Le religieux est un bon exemple à un second niveau. Malgré l'annonce de la fin de la religion, le religieux continue à être un des incontournables de toute société. Dans plusieurs, il est le pilier de l'ordre social. De ce point de vue, le religieux est parfaitement "fixé", cela n'en fait pas, pour autant, une réalité tangible.

L'imaginaire religieux constitue donc un bon exemple de la double face de l'imaginaire. L'imaginaire qui donne une allure de fixité – de logique identitaire, dit Cornelius Castoriadis (1975) – à des phénomènes qui n'ont même pas de substrat matériel et en même temps le champ de l'imagination totale – les prophètes, disait Spinoza, se caractérisent par le fait qu'ils ont une imagination bien supérieure à la moyenne. Pour reprendre les termes de Castoriadis, il y a dans l'imaginaire religieux un aspect institué et un autre aspect instituant. L'écart n'est pas entre une réalité tangible et quelque chose d'imaginé, d'inventé, l'écart qui est constitutif de l'imaginaire est l'écart entre le fixé et coulé dans les codes du langage – quand on parle de religieux, tout le monde a une idée de ce dont il est question – et les renvois de signification toujours ouverts faisant que cette codification se transforme continuellement dans le temps et l'espace. On parle de "renvoi" dans la mesure où un mot renvoie à du sens, à une signification. Ces renvois changent, se meuvent, se dé-fixent et constituent à ce moment-là un "instituant". Étant donné la difficulté de cerner ces variations, nous aspirons dans ce texte à esquisser les "contours" de renvois de signification, à donner un aperçu, à tracer la silhouette des renvois qui se distinguent de l'institué.

Le concept d'imaginaire permet de mieux traiter dans le croisement des deux problématiques évoquées plus haut la dimension de production de lasignification. À cet égard, il donne la possibilité de ne pas rester conditionné par les "institués" des sociétés du Nord ou par des "universels" comme les archétypes. Il offre une nouvelle voie d'entrée pour caractériser le rapport entre religieux et politique dans les sociétés latino-américaines. D'un côté, le concept d'imaginaire oblige à mieux définir la conception d'instituant, d'un autre côté il permet de déconstruire – ou pour le moins de tenir à distance – le caractère trop structuraliste de la notion de mythe.

L'approche empirique des imaginaires

Dans une série d'énoncés, les champs lexicaux sont un moyen d'identifier ceux qui sont d'ordre religieux et ceux qui sont d'ordre politique. Ceux qui sont d'ordre religieux contiennent des mots comme Dieu, le Seigneur, Jésus, Vierge Marie, chrétiens, église, péché. Ceux qui sont d'ordre politique contiennent desmots comme dictateurs, mouvement populaire ou peuple, État, président, public, disparus politiques.

L'analyse empirique présentée dans ce texte procède des résultats d'une enquête par sondage d'opinion dans laquelle il était demandé aux répondants s'ils étaient en accord ou en désaccord (ou sans opinion) à une série d'énoncés. Cette enquête a été menée à l'été 2003 par des chercheurs du Gripal dans cinq pays (Mexique, Venezuela, Brésil, Argentine, Chili) et ce auprès de 1638 personnes, de milieux paupérisés d'une part et de milieux étudiants d'autre part.1 1 Le questionnaire complet est disponible sur le site du Gripal: www.gripal.ca. Il en est de même de la problématique générale de la recherche esquissée dans la demande de subvention CRSH (2002-2005).

Cet outil méthodologique permet de voir jusqu'à quel point l'identification du religieux et du politique, à partir de champs lexicaux, est similaire ou divergente dans les différents pays d'Amérique latine. Elle permet également de voir quel rangement est donné à des énoncés mixtes ou ambivalents. Un énoncé mixte est un énoncé dans lequel des dénotations politique et religieuse sont directement jointes ("il faut appuyer les vrais chrétiens lors des élections"), alors que l'énoncé ambivalent contient certains termes ayant une connotation religieuse ou politique ("exprimer ensemble sa souffrance peut faire changer les choses").

En compilant les résultats de cette enquête, est apparue à nos yeux une manière concrète de cerner les écarts par rapport à l'"institué" ou la "logique identitaire" – concepts repris à Castoriadis (1975).2 2 Voir une présentation du cadre théorique de Castoriadis dans Molina (2006). Sur un certain nombre d'énoncés, on constate une tendance commune – souvent avec des taux élevés d'approbation – entre plusieurs des pays analysés. Prenons par exemple l'énoncé "Dieu nous gouverne du ciel" (voir tableau 1). Cet énoncé est approuvé par approximativement 85% des catholiques paupérisés dans quatre des cinq pays à l'étude. Un pays fait exception: le Mexique. Là, le taux y est de 45%. Le Mexique présente ainsi un écart notable par rapport aux autres pays, à l'égard d'un énoncé renvoyant à du transcendant.

Comment interpréter cet écart? Il serait abusif d'en faire, à lui seul, la preuve d'un imaginaire religieux spécifique aux paupérisés catholiques du Mexique. Mais il existe d'autres énoncés à caractère religieux face auxquels ces répondants se positionnent à l'encontre de la tendance observée chez leurs voisins. Plus il y a de questions religieuses auxquelles les gens des quatre autres pays répondent de manière similaire, alors que ceux du Mexique semblent répondre à contre-courant, plus se confirme un découpage typiquement mexicain de ce qu'est le religieux.

Chaque pays présente, par rapport aux autres qui soudain paraissent faire bloc, des écarts notoires sur plusieurs questions, ce qui nous permet d'esquisser son profil. Cela veut dire que dégager les découpages différents des imaginaires religieux et des imaginaires politiques dans ces pays est une démarche possible car il existe en même temps que ces différences un "institué" commun entre les divers pays d'Amérique latine. Celui-ci résulte d'une histoire religieuse et politique commune, bien que non identique – il suffit de penser à ce sujet à l'histoire particulière de l'empire au Brésil ou de la spécificité de la révolution mexicaine. De façon générale, le dégagement des découpages (entre imaginaires religieux et politiques) se note et se mesure dans les écarts par rapport à un institué supposé commun.

Les imaginaires religieux

Revenons sur les écarts qui caractérisent le Mexique. Seulement 45% des paupérisés catholiques mexicains considère que "Dieu nous gouverne du ciel" avions-nous dit, ce qui contraste avec le reste des pays.3 3 Notons cependant que parmi les évangéliques mexicains, le taux est de 85% comme pour les catholiques paupérisés des autres pays. Notons également que le taux est de 23% chez les étudiants mexicains – le même niveau que les étudiants brésiliens et argentins. Ces nuances rendent justice à la fine diversité des manières de concevoir le monde qui se trouve au sein de tout groupe humain, notamment dans chacun des pays étudiés. Il importe donc d'en prendre compte. Néanmoins, afin d'alléger la lecture et pour parvenir à proposer une analyse concernant les différences des imaginaires religieux et politiques en Amérique latine, seront développées en corps de texte d'abord et avant tout les tendances lourdes par pays et leur possible interprétation.

On observe en général, pour les catholiques paupérisés mexicains, un écart à la baisse d'au moins 30 points pour la plupart des énoncés à caractère religieux. De cet écart constant on peut certes induire qu'ils sont résolument moins soumis aux imaginaires religieux institués. On a l'habitude de considérer que les Mexicains ont une grande dévotion pour la Vierge de la Guadeloupe. Selon nos résultats, même à l'énoncé "La vierge est la mère des pauvres", ils marquent beaucoup moins souvent leur accord que les répondants des autres pays: 54% contre 74%. Il faut néanmoins noter que cet énoncé est parmi les rares au sujet desquels les Mexicains catholiques des quartiers paupérisés sont majoritairement favorables. L'autre énoncé qui présente la même caractéristique est le suivant: "Lorsqu'on pense à Jésus sur la croix, il est impossible de se plaindre".

Une seconde voie d'analyse s'offre pour caractériser les imaginaires religieux mexicains. Elle consiste à repérer les énoncés qui suscitent chez les interviewés de ce pays des réponses similaires à celles des autres Latino-américains. Il n'y en a qu'un, par ailleurs assez particulier car, contrairement aux autres énoncé "religieux", il ne recueille, même dans les autres pays, qu'une minorité pour l'approuver (alors que la moyenne d'approbation pour les autres énoncés parmi les autres Latino-américains est de 63%). La phrase dont il s'agit est la suivante: "Seuls les vrais chrétiens connaissent le bonheur" (voir tableau 2). Seulement 32% des "autres" catholiques latino-américains l'approuvent et 28% des paupérisés catholiques mexicains. Un élément supplémentaire attire l'attention. Tant au Mexique qu'ailleurs, les évangéliques approuvent cette affirmation presque en majorité: 63% au Mexique.

Malgré que les évangéliques brésiliens et chiliens soient un peu en retrait sur cette question, il est possible d'affirmer que les réponses à cet item traduisent l'existence pour les évangéliques d'une idée assez précise de ce qu'est le bonheur. Pour eux, il se recherche principalement dans la conversion. Par contre, pour les catholiques paupérisés (en particulier brésiliens), le bonheur n'est pas lié à un conformisme religieux. Pour eux, le bonheur se recherche personnellement ou dans d'autres facteurs. C'est bien la "recherche du bonheur" qui semble pousser de nombreux évangéliques à la conversion. Celle-ci est un geste vécu sous le mode de l'authenticité4 4 Authenticité dans le sens que lui donne Taylor (1992). et rejoint paradoxalement la manière dont les catholiques (au moins paupérisés) s'écartent d'un légalisme religieux.

L'analyse des données sur les énoncés religieux des enquêtes nous révèle, à travers les écarts entre pays, d'autres contours d'imaginaires religieux. Le premier contour a trait au Venezuela. Le Venezuela est à l'antipode du Mexique. Les réponses des paupérisés catholiques sont assez systématiquement empreintes des imaginaires institués. Mais une autre différence est tout aussi éclatante: pour les étudiants vénézuéliens. Alors que dans les milieux universitaires, on constate généralement une faible influence des imaginaires religieux institués, ce n'est pas le cas au Venezuela où l'influence de ces imaginaires est significative (de l'ordre de 40%). On enregistre en plus, pour ces questions, un fort taux de sans opinion (plus de 30%). Si cette tendance est aussi présente pour les étudiants des autres pays, elle prend un caractère particulier au Venezuela puisque cela indique, à plusieurs reprises, que la proportion de désaccords est inférieure à celle des accords (pour les questions 56, 62 et 66). Pour quatre questions, les étudiants vénézuéliens ne suivent néanmoins pas ce modèle. D'abord, ils ne manifestent pas leur accord pour la question liant les désastres à une punition divine, mais cela indique plutôt que l'imaginaire religieux au Venezuela n'est pas chargé d'une forte composante de superstition. Il est à remarquer que cette question obtient une large proportion d'accords uniquement chez les paupérisés argentins, autant catholiques qu'évangéliques, et chez les évangéliques vénézuéliens et brésiliens. Ensuite, les étudiants vénézuéliens ne suivent pas le modèle relevé plus haut (plus d'accords que de désaccords étant donné le taux élevé de sans opinion) pour les affirmations suivantes: "La souffrance est le salaire du péché", "Seuls les vrais chrétiens peuvent connaître le bonheur", "Jésus est la seule solution". S'en dégage la tendance d'un certain laxisme dans l'application des principes religieux au plan des normes morales sans qu'on ne constate pour autant la sécularisation commune aux milieux universitaires dans les autres pays.

Cette observation concernant les étudiants met a contrario en relief la grande prégnance des imaginaires religieux institués dans les milieux paupérisés. Ceci aussi bien parmi les catholiques que chez les évangéliques – l'exceptionétant la question du bonheur. À noter que pour la question sur le péché ("la souffrance est le salaire du péché"), les catholiques paupérisés sont aussinombreux que les évangéliques à approuver l'énoncé. À noter aussi en particulier pour le Brésil, le haut taux de catholiques qui donnent leur accord à l'énoncé "Jésus est la seule solution". Au moment d'élaborer le questionnaire, ces deux affirmations ont été recueillies dans des milieux évangéliques. Peut-on en tirer que les énoncés évangéliques commencent à mordre sur le milieu catholique (au moins paupérisé). Plus généralement dans quelle mesure l'expansion des mouvements pentecôtistes et plus généralement évangéliques produisent-ils unesorte de revitalisation religieuse chez les catholiques paupérisés? À cet égard reste pertinente l'observation de l'écart de signification relevé dans l'énoncé sur le bonheur.

Les imaginaires mixtes ou ambivalents

Nous examinons ici les réponses à quatre énoncés. Les deux premiers concernent l'implication du religieux dans la vie politique ("Il faut appuyer les vrais chrétiens lors d'élections" et "Il est meilleur d'avoir un président chrétien"). Le troisième affirme qu'"il y a des choses qui peuvent se résoudre seulement au niveau politique". Enfin, dans le quatrième,5 5 L'énoncé sur la violence dans la nature humaine est traité plus loin. on désigne sur le plan existentiel quelque chose qui pourrait s'apparenter (par renversement) à l'énoncé sur le bonheur, soit "Exprimer ensemble notre souffrance peut faire changer les choses".

Entre les deux premières affirmations et la troisième qui sont en quelque sorte opposées, dans la mesure où d'un côté on assimile le religieux et le politique et dans l'autre on laisse entendre qu'il y a une spécificité irréductible au politique, on ne constate aucun mouvement inversé sur le plan des réponses. Au contraire même, l'Argentine qui compte la proportion la plus élevée de paupérisés répondant positivement au premier énoncé, ainsi qu'une bonne proportion d'accords au second, s'avère être simultanément le pays où (après le Venezuela), on rencontre la proportion la plus élevée de paupérisés estimant qu' "il y a des choses qui peuvent se résoudre seulement au niveau politique". On voit par ailleurs que c'est au Venezuela, pays où les imaginaires religieux institués sont très forts, que l'adhésion à cette même affirmation est la plus élevée. Il y a donc là le signe d'une séparation, au Venezuela, entre les domaines politiques et religieux. Nous y reviendrons.

En ce qui concerne le quatrième énoncé portant sur la souffrance à exprimer ensemble (voir tableau 3), le Brésil est le pays où les paupérisés (surtout évangéliques) sont les plus nombreux à y répondre positivement (85%). Ce taux rejoint celui obtenu pour l'affirmation suivante: "L'église ou le temple est le meilleur endroit pour exprimer ensemble notre souffrance".

Le Brésil se distinguait déjà au sujet de l'énoncé sur le bonheur (en le rejetant très majoritairement), il se distingue ici sur la manière d'exprimer sa souffrance. On constate un écart également par rapport à une autre question existentielle, à savoir si "La violence est naturelle chez les êtres humains" (voir tableau 4). Alors que majoritairement les autres Latino-américains croient en la violence naturelle de l'être humain, les Brésiliens répondent en majorité "non" à cet énoncé. Cet écart indique un imaginaire instituant.

Les Brésiliens articulent, de manière différente des autres Latino-américains, les significations sociales du bonheur, de la souffrance et de la nature humaine. On va voir, dans la partie suivante, que ces renvois particuliers de signification se manifestent, au plan politique, par le fait que les Brésiliens ne réagissent pas à certains imaginaires institués. Ils semblent tout simplement ne pas les reconnaître, ne pas les "voir", ce qui se traduit par un taux anormalement élevé de sans opinion face à certains énoncés.

Les imaginaires politiques

Dans cette partie, nous allons repérer les traces des renvois de signification en partant des réponses aux énoncés politiques (voir liste des énoncés). C'est le premier sens que nous donnons à la notion d'imaginaire politique. S'y notent des imaginaires institués, mais aussi des ouvertures vers des imaginaires instituants.

Le Mexique présente des traits en trompe l'œil. S'il se caractérise par une faible prégnance des imaginaires religieux (contrairement au Venezuela), on y enregistre également, pour toutes les catégories confondues, le plus faible taux de réponses positives à l'énoncé selon lequel "il y a des choses qui peuvent se résoudre seulement au niveau politique". En d'autres mots, pour trouver des solutions, le politique ne s'impose pas. Est-ce là l'indice d'une désaffection des deux domaines, tant religieux que politique? Il s'agirait sans doute d'une conclusion précipitée et peu attentive étant donné que les Mexicains sont parmi les plus nombreux à croire que "les disparus sont victimes de crimes impardonnables", ainsi que les plus nombreux à rejeter l'affirmation voulant que le jugement des anciens dictateurs soit nuisible à la réconciliation nationale. Dans ce dernier cas, cela confirme une faible prégnance de l'imaginaire religieux du pardon. Mais surtout, comment défendre l'idée d'un certain recul, d'un certain effacement, de l'imaginaire politique au Mexique par rapport aux autres pays alors que les Mexicains croient massivement, et plus qu'ailleurs, qu'"on peut faire quelque chose pour changer la société" (81,9% chez les Mexicains des quartiers paupérisés, comme au Venezuela, alors que les paupérisés des autrespays répondent positivement à 63%)? À cette forte croyance en la possibilitéd'agir, il est crucial d'ajouter une précision. À la différence du Venezuela, comme nous le verrons plus tard, l'action qui demeure possible aux yeux des Mexicainsne doit pas passer par l'État si l'on veut qu'elle soit effective. Autrement dit, l'imaginaire politique classique mettant de l'avant l'action étatique et institutionnalisée trouve peu d'échos chez les Mexicains. La méfiance enversl'État est palpable par exemple dans les réponses à l'énoncé suggérant que le président doive agir seul dans une situation exceptionnelle. Les paupérisés mexicains, tant catholiques qu'évangéliques, cautionnent l'affirmation à peine à 20%, contre des 40 à 60% pour les autres pays. Ils refusent l'énoncé et sont en général peu nombreux à se déclarer "sans opinion". En même temps, ils restenttrès froids à l'idée que le chef d'État doive préférablement leur ressembler, puisqu'ils ont largement la plus faible proportion d'accords à la question qui le suggérait, signe encore une fois d'une certaine distance vis-à-vis des institutionsétatiques. Ce sont donc les imaginaires de l'État qui s'effritent au Mexique, puis entre cet effritement et celui des imaginaires religieux se laisse percevoir, à mi-chemin entre les deux, dans une sorte de "nulle part", un renvoi persistant à l'action.

L'Argentine ne présente pas exactement un cas inverse du Mexique. En effet, il est important dans l'étude des renvois de significations sociales de montrer les écarts et les écarts ne peuvent se résumer à une simple inversion de tendances. Il n'en reste pas moins que l'Argentine présente un cas où d'un côté, comme on le voit au tableau 5, on répond très favorablement à l'imaginaire d'un régime présidentiel fort et où, d'un autre côté, se conçoit dans l'esprit des deux tiers des gens qu' "aujourd'hui un mouvement populaire serait capable derenverser une dictature". À noter également que tout en croyant que la violence est dans la nature humaine (voir tableau 4), les paupérisés argentins sont les plus nombreux des Latino-américains à penser, comme on le voit au tableau 6, que la violence résout dans certains cas les problèmes sociaux ou politiques. Les Argentins sont par ailleurs très mal à l'aise devant les questions des disparus et du jugement des dictateurs, ce qui se note par un taux élevé de "sans opinion". En bref, en Argentine, on croit en la nécessité d'une autorité unique et forte, capable de prendre des décisions, mais en même temps on croit en la possibilité de la renverser. Et dans certains cas, on se dit prêt à employer la violence. On projette cet imaginaire à double face sur la conception qu'on se fait de Dieu. Celui-ci nous gouverne du ciel, mais en même temps il peut intervenir brutalement pour punir les humains. Dans un pays où les calamités naturelles sont moins ostensibles qu'ailleurs, les Argentins sont les seuls parmi les Latino-américains à répondre majoritairement que les "calamités comme les tremblements de terre ou les cyclones sont un châtiment de Dieu".

Au Venezuela, si on est très perméable aux imaginaires religieux, on est en même temps très typés en matière politique, surtout très marqués par uneconfiance en l'État. Les Vénézuéliens s'écartent du modèle dominant où 40% des répondants catholiques et un peu moins des répondants évangéliques trouventque "l'État est l'ennemi du peuple". Ils ne le considèrent que dans un ratio de 20% pour les catholiques et 12% pour les évangéliques. On peut en déduire queplus des deux tiers des Vénézuéliens considèrent l'État comme un ami. Cela rejoint les réponses à l'énoncé disant que "pour être un bon politicien, il faut être un peu tricheur". Les catholiques et évangéliques sont moins favorables à cette affirmation au Venezuela que dans les autres pays (25% contre une moyenne de 41% pour les autres). Encore dans le même sens, les catholiques paupérisés vénézuéliens sont proportionnellement moins enclins à donner leur accord à l'affirmation suivante: "les lois sont faites pour nous abrutir, nous demeurons toujours trompés". (45% contre de 70% à 80% pour les autres). Les étudiants vénézuéliens se démarquent également fortement sur la croyance en la loi, répondant à 70% en faveur de l'énoncé soutenant que la loi s'applique de la même manière aux riches et aux pauvres, aux puissants et aux gens ordinaires (contre de 17 à 26% pour les autres étudiants). Si l'imaginaire religieux était particulièrement prégnant, il semble également qu'il y ait une bonne dose de confiance dans les institutions politiques ou plutôt une bonne prégnance des imaginaires institués du politique.

Le Brésil se distingue par le nombre élevé de "sans opinion" à une série de questions, pourtant très marquées comme étant d'ordre politique. C'est le cas de la question "Aujourd'hui encore, un mouvement populaire peut renverser une dictature". C'est également le cas des questions sur les disparus, les anciens dictateurs et la réconciliation nationale. Dans ce cas-ci, le refus de répondre paraît lié non pas à un malaise ou à une volonté de passer à un autre thème (comme il semble l'être en Argentine). Le sans-opinion au Brésil illustre plutôt que les Brésiliens n'identifient pas ce type d'imaginaire politique. Par rapport aux autres Latino-américains, ils sont définitivement les moins nombreux à réagir aux imaginaires politiques institués. En d'autres termes, ceux-ci "ne leur disent rien", ils n'allument aucune lumière dans leur compréhension générale du monde, ils n'ont pas de relief. Cette tendance à l'absence d'opinion correspond aussi au fait que les Brésiliens sont moins nombreux que les autres Latino-américains à considérer qu'on peut faire quelque chose pour changer la société et va de paire avec leur scepticisme concernant l'application des lois. Par contre – et c'est très explicite statistiquement –, les Brésiliens ont beaucoup plus confiance dans leur gouvernement quant à sa capacité de contrôler les firmes transnationales. L'ensemble de ces attitudes témoigne d'une certaine amnésie de la société brésilienne face à la période de dictature militaire. Les Brésiliens ne veulent pas revenir sur le passé. Au contraire leur confiance dans le gouvernement pour contrôler les firmes transnationales procède peut-être de la nostalgie d'un gouvernement fort. Ces attitudes doivent sans doute être interprétées à la lumière des réseaux de renvois de signification analysés plus haut et synthétisés dans la notion de "consolation". Comme nous le verrons plus loin, au Brésil les imaginaires politiques semblent peu distincts des imaginaires religieux. Dans les deux imaginaires, on relève une même tendance à s'exprimer davantage en termes d'émotion qu'en termes de résolution et d'action. Enfin, cette tendance correspond au fait que c'est au Brésil que les évangéliques – en grande montée comparativement aux autres pays – se différencient le moins des catholiques paupérisés, notamment pour les énoncés ambivalents.

Les paupérisés catholiques chiliens sont moins imprégnés d'imaginaires religieux que les autres Latino-américains (à l'exception du Mexique). Ils sont également moins "actifs" dans leurs imaginaires politiques. Ils croient moins à la possibilité de renverser un dictateur, de même qu'ils croient moins à la possibilité de punir leurs crimes. Si les paupérisés catholiques chiliens ont peu de caractéristiques spécifiques, on constate par contre que les étudiants chiliens et, à leur manière, les évangéliques chiliens se distinguent des autres Latino-américains à propos des imaginaires politiques. À l'énoncé "Les vrais pauvres savent s'unir les uns avec les autres", les étudiants chiliens répondent oui à 40% contre 20% en moyenne ailleurs. Cette sensibilité aux "pauvres" se note aussi dans le fait que les étudiants chiliens sont plus nombreux qu'ailleurs à considérer que le Président doit ressembler aux gens modestes. Elle rejoint la perspective des paupérisés catholiques lorsqu'ils répondent à 90% que "les lois ne s'appliquent pas de la même manière aux riches et aux pauvres" (contre 73% pour les paupérisés catholiques des autres pays). Y a-t-il, au Chili, d'amples renvois de signification autour des "pauvres", y a-t-il une effervescence particulière en ce qui concerne la codification de ce mot? Ces renvois accentués gravitant autour des pauvres se confirment indirectement par l'intermédiaire de l'attitude vis-à-vis de la loi: les étudiants chiliens répondent plus qu'ailleurs que la loi est faite pour abrutir. Toujours en ce qui concerne les imaginaires politiques, ce sont incontestablement les évangéliques qui démarquent le plus le Chili des autres pays. Moins encore que les catholiques, ils croient que le mouvement populaire puisse encore aujourd'hui renverser une dictature. Ils pensent également qu'on ne peut rien faire pour changer la société. Quant au gouvernement, il ne peut lui non plus rien faire devant les grandes entreprises et les multinationales. En bref, les paupérisés évangéliques chiliens semblent donc plus éloignés de l'imaginaire de l'action collective et moins pénétrés des imaginaires institués du politique. Ils semblent encore garder des traces de l'attitude de "refuge" que Lalive d'Espinay (1970) avait relevée dans son étude pionnière sur le pentecôtisme en Amérique latine.

Contours des renvois de signification et contours des domaines du politique et du religieux

Le religieux s'entend comme l'ensemble des énoncés où il est question de Dieu ou de notions associées à celui-ci dans les discours théologiques. Ces discours donnent une cohérence instituée au domaine du religieux. Il y a bien une concurrence entre les théologiens qui définissent selon leurs critères l'association des termes, mais le propre des théologiens est de tenter de couvrir l'ensemble des notions associées. De la concurrence de ces interprétations émerge un domaine qu'on s'accorde à considérer comme le religieux. Ce domaine n'a pas un contour naturel bien qu'il y ait des substrats naturels qui influencent, dans toutes les "versions", sa délimitation. C'est par exemple le cas de la douleur et de la mort. Mais pour ne prendre en considération que trois corps théologiques significatifs en Amérique latine – la théologie de la libération, le catholicisme traditionnel et le pentecôtisme – ceux-ci peuvent fixer une cohérence religieuse qui par son contour exclut simplement les autres corps ou composantes. La manière dont les catholiques parlent de sectes en est une expression.

L'intérêt d'une étude empirique est d'avoir les moyens de se distancer de la "logique identitaire" produite par les discours théologiques et de relever des formes d'imaginaires qui débordent les critères dogmatiques. Catholiques et pentecôtistes s'opposent au plan dogmatique, rien n'oblige à penser que leurs imaginaires religieux vont suivre ces oppositions. Systématisons des tendances déjà relevées plus haut. Au Mexique, les catholiques paupérisés semblent s'être soustraits aux imaginaires religieux institués, ils paraissent s'écarter des discours théologiques donnant l'impression d'être largement appuyés ailleurs en Amérique latine, tandis qu'au contraire les réponses des évangéliques témoignent de la prégnance de ces mêmes imaginaires religieux institués. Encore qu'il faille être nuancé, car d'une part nous avons vu que la réponse majoritairement positive à "Seuls les croyants peuvent connaître le bonheur" pouvait être interprétée comme vécue par les évangéliques en termes de conversion (et d'authenticité) et d'autre part que les évangéliques se caractérisent plus par l'effusion émotionnelle (notamment réunis dans le temple), ainsi que par le respect de dogmes. De même, si la prégnance des imaginaires institués se prolonge au plan politique par une plus grande croyance de la part des évangéliques (40% contre 20% chez les catholiques) en la légalité des institutions, il convient également de noter que les évangéliques sont plus nombreux à ne pas parvenir à identifier certains imaginaires politiques. Cela se traduit par une proportion plus élevée de "sans opinion". Finalement, l'écart caractérisant les réponses des évangéliques n'est pas très accentué et s'avère beaucoup moins patent que le cliché selon lequel les évangéliques seraient en retrait radical du politique. Notons que dans plusieurs des pays de l'enquête, les évangéliques envoient des élus de leur église aux chambres municipales ou législatives. Ce processus tend à homogénéiser les imaginaires politiques entre évangéliques et catholiques (Oro, 2007).

En fait, les évangéliques ne s'alignent pas dans tous les pays sur un même contour de renvois de signification qui les distinguerait des catholiques. Au contraire, on voit plutôt se dessiner d'un côté le groupe des Mexicains, des Vénézuéliens et des Chiliens où se manifeste une tendance au "retrait" et à la différence avec les catholiques et de l'autre côté le groupe des Brésiliens et des Argentins où les différences avec les catholiques sont moindres. Une étude antérieure (Corten et al., 2005) avait également montré que les jeunes évangéliques paupérisés se distinguaient le plus de l'ensemble de l'échantillon, alors que les évangéliques paupérisés de 30 ans et plus se rapprochaient au contraire des réponses des catholiques.

Nous en arrivons maintenant à étudier les configurations – les renvois de signification – qui caractérisent, à travers les différents pays, les paupérisés catholiques. Plus que pour les évangéliques encore, l'observation des réponses des catholiques permet de dessiner des constellations différentes et de faire éclater l'image d'un imaginaire religieux défini par des critères théologiques. En l'occurrence, l'examen de ces réponses permet de faire éclater l'image unifiée d'un catholicisme latino-américain. Dans un autre texte (Corten et al., 2006), on avait systématisé les écarts de réponse des paupérisés des différents pays les uns par rapport aux autres. D'un côté, les Mexicains semblaient être, comme on l'a vu ici, dans un état de sécularisation se traduisant par une faible prégnance des imaginaires religieux, d'un autre côté, parmi les autres pays, on pouvait tracer quatre renvois de signification assez différents. On les avait systématisés par les termes suivants: Venezuela-transcendance/laxisme, Argentine-vrais chrétiens, Brésil-consolation et Chili-plus faible résignation religieuse.

Dans l'analyse qui suit, on approfondira cette typologie en privilégiant quatre énoncés et en les mettant en rapport avec des énoncés politiques. L'étude de ces énoncés permettra d'aller plus loin sur la trace des imaginaires religieux différenciés selon les pays. Elle fera parfois même converger catholiques et évangéliques. Il s'agit de l'énoncé sur le bonheur, l'énoncé culpabilisant disant "Lorsqu'on pense à Jésus sur la croix, il est impossible de se plaindre", l'énoncé selon lequel "Jésus est la solution", qui est d'origine évangélique mais semble être repris par les catholiques, ainsi que l'énoncé sur la croyance (superstitieuse?) voulant que les calamités naturelles soient un châtiment de Dieu.

Le cas le plus intéressant à cet égard est celui du Brésil. On y observe des contours de renvois de significations qui ne suivent pas les distinctions posées par les imaginaires institués. Au Brésil, sur le plan religieux, on voit se dessiner des renvois de signification que nous avons identifiés comme relevant du terrainde la "consolation". À ce sujet, d'une part, les catholiques et les évangéliques ne se distinguent guère, puis, d'autre part, les Brésiliens (paupérisés) et les autres Latino-américains (paupérisés) se différencient fortement. Ces convergences entre catholiques et évangéliques brésiliens et divergences entre Brésiliens et autres Latino-américains apparaissent quand on regarde lesréponses aux énoncés sur l'Église comme lieu d'expression de sa souffrance, sur Jésus comme seule solution et sur la violence comme trait de la nature humaine. En ce qui concerne le dernier énoncé, les Brésiliens de toutes les catégories projettent l'image d'un "homme doux", exempt de violence. La perspective de douceur et de consolation des Brésiliens se retrouve également dans les réponses hautement favorables à la question (ambivalente) sur l'expression collective de la souffrance. Ce que nous avons évoqué à travers le terme d'amnésie et qui se rapporte aux énoncés sur les disparus, le jugement des anciens dictateurs et la réconciliation prolonge sans doute également le terrain de la consolation. On ne veut pas revenir sur le passé, on croit pouvoir résoudre ensemble les problèmes dans une immersion dans l'émotion, voire même dans une identification avec le président qui devrait nous ressembler. Avec l'Argentine, le Brésil est le pays où les paupérisés apprécient le plus cette ressemblance. La récente réélection de Lula confirme nos données. On n'est pas pour autant naïf, on est sceptique face aux procédures formelles – telles que l'application de la loi et l'action des politiciens – mais on va trouver un terrain d'entente. La confiance dans l'immersion émotionnelle et dans l'identification au président traduit la conviction qu'on trouvera, quoi qu'il en soit, une manière (um jeitinho) de s'en sortir.

Les Vénézueliens présentent le cas de figure inverse: ils semblent adhérer plus fortement aux imaginaires institués, tant religieux que politique, puis dans chacun de ces imaginaires se dresse en point saillant la distinction d'une sphère par rapport à l'autre. Si les Vénézuéliens sont très imprégnés par les imaginaires religieux institués (rappelons-nous les résultats à la question "Dieu nous gouverne du ciel"), ils affirment massivement qu'il y a des choses qui peuvent se résoudreseulement au niveau politique. Le politique, qui coïncide avec l'État en qui on a confiance, semble avoir selon les Vénézuéliens une place qui lui est propre, qui s'avère irremplaçable. Chose intéressante, les étudiants au Venezuela partagent ces traits et en quelque sorte les intensifient. Ils sont – on s'en souvient – très proches des imaginaires religieux institués. Sur le plan politique, ils abondent dans le même sens que les paupérisés et leur croyance en l'exclusivité du politique pour parvenir à résoudre certaines choses est plus prononcée que parmi les étudiants des autres pays. Ils approuvent cet énoncé à 88% contre une approbation à 56% chez leurs homologues. La tendance vénézuélienne à concevoir religieux et politique comme séparés est toutefois mise en veilleuse lorsqu'on regarde les réponses à l'énoncé "Il faut appuyer les vrais chrétiens lors des élections". Sur cette question, ainsi que face à l'affirmation selon laquelle "Il est mieux d'avoir un président chrétien", les étudiants vénézuéliens se distinguent également des autres étudiants. S'ils n'approuvent pas les énoncés, ils sont tout de même très nombreux à ne pas avoir d'opinion, comme s'il y avait sur ce point une hésitation.

L'Argentine présente un profil singulier dans lequel le politique et le religieux s'associent. Les catholiques argentins paupérisés se distinguent des autres catégories et des autres pays en répondant positivement à l'énoncé "Lescalamités sont des châtiments de Dieu". Étant donné que les calamités naturelles sont peu nombreuses en Argentine, on peut imaginer que les gens répondent de façon analogique: ce à quoi ils pensent, ce sont les calamités politiques. Notons qu'ils manifestent alors une conception d'un Dieu qui punit brutalement. Peutêtre peut-on relever une certaine rigidité dans la manière des catholiques paupérisés d'adhérer plus que les autres catholiques latino-américains à des formules où il est question de "vrais chrétiens". Il en est ainsi de la question sur le bonheur. Plus que les autres Latino-américains, ils croient que seuls les vrais chrétiens peuvent connaître le bonheur. Ils sont également les plus nombreux à considérer qu'il faut appuyer les vrais chrétiens aux élections. De même pour eux, il est préférable d'avoir un président chrétien. Ces positions coïncident, sur le plan des énoncés purement politiques, avec un imaginaire présidentiel fort detype populiste (ayant pour pilier l'idée que le chef d'État doit ressembler aux gens modestes – voir tableau 7 ). Les paupérisé catholiques en Argentine sont également plus nombreux à préférer omettre leur opinion quant à la question du jugement des anciens dictateurs et quant à la question des disparus. Par contre, ils sont les plus nombreux à penser qu'un mouvement populaire peut renverser une dictature (65% contre 47% pour les autres pays – voir tableau 8).

Les catholiques paupérisés chiliens, avec les mexicains, sont ceux qui résistent le plus à l'énoncé culpabilisant "Lorsqu'on pense à Jésus sur la croix, il est impossible de se plaindre": 30% de désaccords contre 5% par exemple au Venezuela. Cette réponse peut être mise en rapport avec celle sur la réconciliationnationale jugée par 85% des Chiliens impossible (70% dans les autres pays). À cet égard, avoir un président chrétien ne pourrait être une solution (les Chiliens comme les Mexicains sont sceptiques). Dans ce pays où les paupérisés (tant catholiques qu'évangéliques) sont moins nombreux que dans les autres pays à croire en la possibilité pour le mouvement populaire de renverser une dictature, ce qui relie les renvois de sens semble être le désenchantement. Ce désenchantement se note aussi dans l'attitude des étudiants, très nombreux à être "sans opinion" à la question du renversement d'un dictateur. Leur sensibilité aux pauvres, relevée plus haut, désigne-t-elle une préoccupation quant aux effets de l'individualisme ou y a-t-il d'autres renvois de signification?

On le sait, les Mexicains catholiques sont peu imprégnés d'imaginaires religieux institués. Dans un pays où les tremblements de terre sont encore omniprésents dans l'imaginaire populaire, ils ne croient pas du tout qu'il s'agisse là d'une punition de Dieu. Logiquement, les Mexicains ne voient pas non plus pourquoi lors des élections il faudrait voter pour des chrétiens. Les évangéliques mexicains sont au contraire très imprégnés d'imaginaires institués (au même niveau que les évangéliques des autres pays), pourtant, ils sont moins nombreux que les autres Latino-américains à penser qu'il faut voter pour des chrétiens.

Pour les Mexicains – y compris les étudiants – l'hypothèse d'une association possible entre domaines religieux et politique a peu de crédibilité. Ce qui n'exclut pas – nous allons le voir – une homologie entre les deux domaines. La souffrance est vécue comme un problème qu'on doit affronter personnellement – elle n'est ni la conséquence du péché, ni ne peut vraiment s'exprimer dans l'émotion d'un rassemblement religieux. Au plan politique, on est également moins nombreux (64%) que les autres Latino-américains (84%) à croire qu'une expression collective de la souffrance puisse faire changer les choses. Les deux imaginaires, le religieux comme le politique, bien qu'ils soient conçus comme étant séparés l'un de l'autre, sont homologues dans la mesure où ils reposent sur ce qu'on pourrait appeler un mode de l'immanence qui échappe à la logiqueidentitaire produite par les théologiens ou les discours étatiques. À la base des deux, on retrouve l'idée que l'action doit venir de soi, de l'intérieur et non desinstitutions – telles que l'Église ou l'État – que l'on considère extérieures et dont on se méfie.

Conclusion

Trois principes d'analyse ont gouverné notre étude. L'étude des écarts – le Mexique en fournit l'exemple le plus tangible – permet de cerner les renvois de significations constituant potentiellement un imaginaire instituant. Le second principe avait pour but le décloisonnement des imaginaires religieux par rapport à leur cadre théologique et confessionnel. Le troisième visait à dégager le découpage ou le recouvrement des imaginaires religieux et politiques. Notons que dans les deux derniers cas, ce sont les catholiques paupérisés (de notre échantillon) qui constituent le centre de notre analyse. Ceux-ci, faut-il le dire, représentent par ailleurs près de la moitié de la population latino-américaine.

Les imaginaires religieux sont très institués en Amérique latine. Souvent le courant évangélique donne l'occasion de raviver ces imaginaires, là où ils ont tendance à faiblir. Le Mexique fournit le type le plus net correspondant à cette compensation. Mais cette tendance est également notable au Chili. Par contre au Brésil, les imaginaires religieux institués sont forts chez les catholiques comme chez les évangéliques – la question de savoir si le développement des imaginaires religieux s'est renforcé dans ce pays avec la croissance des courants évangéliques et pentecôtistes ne peut être tranchée sur la base de ce matériel d'enquête, mais la question doit être posée.

Par la faiblesse des imaginaires religieux institués et l'écart par rapport aux autres pays latino-américains, le Mexique présente un cas d'analyse particulièrement intéressant. L'écart indique-t-il la trace d'un imaginaire instituant? La question reste ouverte. Si on considère la sécularisation comme une conséquence de la modernité, pourquoi un pays comme le Chili tout aussi avancé dans la modernité que le Mexique n'aurait pas les mêmes stigmates de sécularisation? Jean Meyer (1991) a tendance à penser que la prégnance de l'institution catholique – et nous ajoutons des imaginaires religieux institués – n'empêche en fait pas la sécularisation. On serait plutôt incliné à penser qu'il y a une religion civile mexicaine (De la Torre, 2005) qui pose en quelque sorte la séparation du religieux et du politique, sans que cela ne joue directement sur le découpage des imaginaires. Nous avons un bon exemple avec le culte pour la Vierge de la Guadeloupe. Ce culte correspond à ce qu'on désigne comme religion civile: qu'on soit ou non croyant, être Mexicain, c'est s'identifier à ce culte. Les évangéliques mexicains qui, plus que les autres évangéliques latino-américains, refusent de reconnaître cette icône nationale, risquent de se sentir moins mexicains. Est-ce une raison du faible développement du courant évangélique dans la société mexicaine, à l'exception des communautés autochtones?

Toujours dans l'analyse de l'écart des réponses des Mexicains – rappelons qu'on parle en général des paupérisés –, un autre élément mérite d'être souligné. Il s'agit de la question sur le bonheur. Sur cette question, les Mexicains s'alignent sur les autres Latino-Américains. C'est une caractéristique des imaginaires catholiques que de revendiquer une autonomie sur cette question par rapport à l'institué. Mais cette autonomie est néanmoins restreinte, y compris pour les Mexicains, même si c'est dans une moindre mesure, lorsqu'ils affirment majoritairement qu'on ne peut pas se plaindre de ses souffrances quand on pense à Jésus sur sa croix.

Le deuxième principe d'analyse est le décloisonnement des imaginaires religieux par rapport à leur cadre théologique et confessionnel (principalementcatholique versus pentecôtiste/ évangélique). Évoqué ici plus haut, ce principe reprend la ligne d'analyse d'une étude antérieure (Corten et al., 2006, p. 112). Les résultats confirment l'éclatement des croyances en quatre imaginaires distincts: celui de la consolation (Brésil), celui des "vrais chrétiens" (Argentine), celui du couple contradictoire transcendance/ laxisme (Venezuela) et celui de la plus faible résignation religieuse (Chili).

Le troisième et principal principe d'analyse concerne le découpage ou le recouvrement des imaginaires religieux et politiques. En étudiant les contours des renvois de signification, il était question dans ce texte d'examiner dans quelle mesure et comment les imaginaires religieux et politiques se recouvrent ou au contraire se distinguent. Ce qui se dégage de l'analyse menée à travers l'examen de toutes les données est la distinction entre un pays comme le Brésil où les imaginaires religieux et politiques semblent se confondre et d'autres pays où ils paraissent, comme en Argentine, s'associer ("vrais chrétiens") ou, comme au Venezuela et au Mexique, se séparer (cette séparation pouvant être régie par un principe de transcendance ou par un principe d'immanence).

Le Brésil offre un univers où les imaginaires religieux et politiques se confondent. On exprime en langage politique ce à quoi on croit au plan religieux et vice versa on exprime en termes religieux comment on voit l'organisation (politique) de la société. On regarde la société comme on regarde la communauté de l'église. On croit dans la bonté et on pardonne à son prochain. On croit aussique l'État est un ami et qu'il faut pardonner aux anciens dictateurs et oublier leurs crimes.

Les Argentins sont éloignés des Brésiliens sur la combinatoire religieux/politique et sur les traits religieux et politique proprement dits. Les Argentins ne confondent pas le religieux et le politique, mais sont les plus nombreux à déclarer qu'ils peuvent s'associer. Entre autres, ils pensent qu'il faut appuyer de "vrais chrétiens" dans les élections. Sur le fond, si l'on peut avancer que les Brésiliens sont doux, on peut avancer également que les Argentins tendent à adopter une perspective plus autoritaire et à être convaincus de la nature violente de l'être humain. Cette acceptation de la violence peut être vue comme "instituante" (elle s'écarte de l'imaginaire politique libéral classique par exemple), si elle veut signifier que ce qu'on appelle violence correspond aux moyens de lutte contre la misère ou l'injustice.

Les Mexicains et les Vénézuéliens sont apparemment aux pôles opposés de l'axe des imaginaires religieux institués et pourtant ils se rapprochent dans la manière de concevoir la séparation du religieux et du politique. Cela n'empêche pas une différence majeure qui tient – ce n'est pas le lieu ici de le démontrer – à l'histoire des deux pays. Les Mexicains ont une grande méfiance vis-à-vis del'État, des lois et du Président, mais ils sont impliqués dans des imaginaires politiques d'action – "on peut faire quelque chose pour changer la société". Parcontre l'imaginaire politique des Vénézuéliens est de grande confiance en l'État; c'est à travers lui qu'on peut changer les choses. Autant les Mexicains ont une vue immanente de la politique, autant les Vénézuéliens en ont une transcendante. Ils se rapprochent cependant dans l'articulation du religieux et du politique par le fait que les Mexicains ont également une vision immanente au plan religieux, comme les Vénézuéliens en ont une vision transcendante.

L'analyse par recherche d'écarts comme l'analyse des contours de renvois de signification rendant compte du découpage ou du recouvrement des imaginaires religieux et politiques laisse un pays dans l'ombre, moins marqué par les écarts: le Chili. Les Chiliens sont généralement dans une position intermédiaire au plan religieux. Ils ne se distinguent pas nettement au plan des imaginaires politiques. On peut simplement relever qu'ils sont les plus pessimistes des Latino-Américains quant à la nature humaine, qu'ils sont pessimistes également quant à possibilité de renverser un dictateur et ou de le juger. Ils osent se plaindre, mais, tout en se rapprochent des Mexicains, ils sont plus désenchantés.

Réferences

Recebido em 10/10/2006

Aprovado em 30/11/2006

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  • *
    Cette étude a bénéficié d’une subvention du Conseil de Recherche en Sciences Humaines du Canada (CRSH). Gripal (Groupe de recherche sur les imaginaires politiques en Amérique latine).
  • 1
    Le questionnaire complet est disponible sur le site du Gripal:
    www.gripal.ca. Il en est de même de la problématique générale de la recherche esquissée dans la demande de subvention CRSH (2002-2005).
  • 2
    Voir une présentation du cadre théorique de Castoriadis dans Molina (2006).
  • 3
    Notons cependant que parmi les évangéliques mexicains, le taux est de 85% comme pour les catholiques paupérisés des autres pays. Notons également que le taux est de 23% chez les étudiants mexicains – le même niveau que les étudiants brésiliens et argentins. Ces nuances rendent justice à la fine diversité des manières de concevoir le monde qui se trouve au sein de tout groupe humain, notamment dans chacun des pays étudiés. Il importe donc d'en prendre compte. Néanmoins, afin d'alléger la lecture et pour parvenir à proposer une analyse concernant les différences des imaginaires religieux et politiques en Amérique latine, seront développées en corps de texte d'abord et avant tout les tendances lourdes par pays et leur possible interprétation.
  • 4
    Authenticité dans le sens que lui donne Taylor (1992).
  • 5
    L'énoncé sur la violence dans la nature humaine est traité plus loin.
  • Publication Dates

    • Publication in this collection
      25 Sept 2007
    • Date of issue
      June 2007

    History

    • Accepted
      30 Nov 2006
    • Received
      10 Oct 2006
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