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Images et récits sur l´entrée en institution1 1 Essai rédigé à partir de la recherche "La violence familiale et la violence institutionnelle : la victimisation des personnes âgées", dirigée par Clarice Peixoto. Photos de l'anthropologue Barbara Copque. Voir aussi le film Intramuros, de Clarice Peixoto (36 min., 2015).

Mots-clés:
images de la vieillesse; l'institutionnalisation de la vieillesse; vivre en hospice; la vieillesse démunie

Palavras-chave:
imagens da velhice; institucionalização da velhice; viver em asilo; velhice desfavorecida

L´entrée en institution est le plus souvent perçue comme un acte fréquemment imposé par la famille, ou par une procédure judiciaire. Il y a bien sûr la décision personnelle et volontaire à cause de perte d'autonomie, parce qu´elle rend impossible de vivre seul ou en famille, mais aussi en raison des conditions de vie précaires qui empêchent le maintien des frais du logement, de la nourriture, des médicaments, et d´autres encore.

Alors, comment quitter la maison qui représente une partie de l'identité personnelle et le lieu des relations et de l'histoire familiale ? Comment garder les liens familiaux lorsque le lieu de ces relations disparaît ? Après tout, comment penser l´avenir sans ces références ? Ce sont des pensées qui marquent l'entrée vers ce probable dernier lieu de vie. Un moment douloureux, parfois traumatisant, car le vieux est obligé de quitter ses lieux d'affection et de mémoire, même si il a pris cette décision volontairement. C´est sans doute une épreuve pour toutes les personnes concernées.

L´ensemble de photographies et de récits de quatre vieux qui ont vécu dans un asile public de Rio de Janeiro, révèle les diverses images de l'institutionnalisation et, ainsi, que ces expériences ne sont pas vécues de même façon.

Luís Carlos Cardoso, analyseur de systèmes/informaticien [1936-2015]

Sous l'arbre, c´est ici ... l'arbre et la table à écrire. Ici, c´est plutôt pour lire, je passe mon temps à lire. Je suis un millionnaire du temps. Mon temps est merveilleux parce que je peux l´employer comme je le veux. Je cherche seulement à l´utiliser par la lecture, l'écriture et les études, parce que je suis toujours en train d´étudier.

Je me suis dégoûté du monde et je ne voulais plus avoir de contact avec le monde. Alors, je me suis mis dans une situation de ne plus quitter la maison, je ne m´approchais même pas de la fenêtre. C´est aussi pour cela que je suis dans un fauteuil roulant. La gardienne de l'immeuble en a porté plainte au tribunal, au Ministère public, en disant que j´étais un vieillard abandonné. Un jour, j´étais à la maison lorsque l´huissier de justice est arrivé avec le Samu [pompiers] et une infirmière, ils m'ont fait quitter la maison et m'ont amené ici.

Je me suis marié deux fois et j'ai une fille qui vit à São Paulo. Mon fils a été élevé par ma première épouse. Elle l'a éduqué à sa façon, je n´ai pas interféré dans quoi que ce soit ! Je leur ai seulement assuré la sécurité financière, j´ai payé la pension. Donc, j´ai un problème avec cet enfant parce qu'il ne me cherche jamais, je n´existe pas pour lui.

Je ne pense pas que je sois vieux. J´ai pris de l´âge, mais je ne suis pas vieux, puisque je ne parle pas tout seul. Il y en a qui ronflent et qui parlent tout seuls. Moi, non ! Il y a une différence entre être vieux et avoir de l´âge. Le vieux est celui qui a renoncé à la vie et n'attend que la mort.

Si vous voulez faire quelque chose de bien pour les vieux, à chaque fois que vous en voyez un, touchez-le, embrassez-le, ne faites pas que lui serrer la main, faites aussi une caresse. C'est le manque de contact qui fait le vieux, car il est très difficile pour une personne âgée de recevoir de l'affection. Et s´il est dans un fauteuil roulant, c'est encore pire, les gens ne s´approchent pas.

Maraliza Barbosa, instrumentiste en chirurgie [1923-2012]

Ça fait 29 ans que je suis sur ce fauteuil roulant. Aujourd'hui, je suis âgée de 88 ans. Je suis née au Pernambouc. Alors, j´étais au volant, je venais du Pernambouc à Rio .... et l'accident est arrivé à la frontière entre Minas et Bahia. Je suis restée sous les débris de la voiture. Depuis cette date, je vis ici

Je n´étais pas seule, Dieu était avec moi.

J´ai voyagé beaucoup, beaucoup même. J´ai gagné beaucoup d´argent et voilà où je suis aujourd´hui.

Je ne me suis jamais mariée, mais j´ai élevé 18 filleuls, qui vivent presque tous à l´étranger. Ici, à Rio, il y en a seulement huit, les autres sont au Canada, à Boston, en Floride et à Luanda. Celui de Luanda doit arriver à la fin du mois.

Quand ils sont à Rio ils viennent me voir, ils m'appellent.

Eh bien, je n´arrête pas, je sors de temps en temps. Quand je veux sortir, je sors, je ne reste pas ici. Je sors le matin et reviens l'après-midi: je vais à Copacabana, au Fort de Copacabana, je vais voir qui je veux. Hier, je suis allée voir mes amies de Miracema, mes filleuls qui habitent là-bas. Alors, je suis allé leur rendre visite, ça faisait de nombreuses années que je ne les avais pas visités. Je suis allée avec 'taxi Coop', des taxis qui prennent des personnes en fauteuil roulant.

Je n´ai pas de famille.

Maman, papa, mon grand-père, mes arrière-grands-parents sont tous morts.

Je n´ai personne. Plus personne, il n'y a que moi.

La famille, c´est moi.

Marco Antônio, ex-interne de l´hôpital psychiatrique judiciaire [?-2014]

J´ai eu un accès de folie chez moi! J'ai fait ce coup à ma famille et je me suis retrouvé au Heitor Carrilho. Je n´aime pas rappeler ça! Ça s´est passé avec quelqu´un d'autre de la famille.

Mais, je ne veux pas en parler, ça m'ennuie.

Je suis resté en prison 47 ans, j´avais 16 ans d'âge. À la prison Frei Caneca, au Engenho de Dentro, on m´a fait subir des électrochocs. Puis on m'a amené ici. Si Dieu le veut, je vais rester ici pour la vie, n´est-ce pas?

Je suis célibataire. J´ai un neveu, une sœur et un neveu. Je parle avec eux au téléphone. Ma sœur dit qu'elle va venir me voir, mais elle est très occupée.

Ici, je ne fais rien. Je suis retraité, je n´ai aucune envie de faire quoi que ce soit.

Je suis trop paresseux. J´ai une seule envie : rester couché !

Maria Lobato, couturière. [1918-2015]

Je ne sais pas si ça fait 25 ou 23 ans que je vis ici. Ma fiche est là.

Après le décès de mon mari, je n´ai pas voulu rester seule. Pas d'enfant. Alors, pas question de vivre avec la famille ! Un jour, j´étais en train de réfléchir sur ma vie: que dois-je en faire, de ma vie? Et il m'est venue l´idée de vivre dans l´Abri Cristo Redentor ! Je ne le connaissais pas, je suis venue voir. Et trois mois après que je suis devenue veuve, je suis rentrée ici.

Je suis venue cachée de ma famille, qui ne l'accepte pas jusqu´à aujourd´hui !

Nous étions cinq frères, presque tous sont morts.

Il me reste un frère, qui vient ici de temps en temps.

Je vivais au Leblon, vous connaissez la Cruzada São Sebastião qui est là-bas ?

J´étais couturière et je ne voulais pas m´arrêter, ainsi je continue à le faire ici aussi, dans l'Abri Cristo Redentor. Et je ne me suis jamais arrêtée.

Fin de parcours

Pendant ces quatre années de recherche dans l´Abri Cristo Redentor, je me suis rendue compte que ce qui conduit les gens à décider de vivre dans les institutions publiques est la conjonction de plusieurs facteurs : la santé, les relations familiales, le contexte social et financier, l´absence de solutions alternatives, entre autres.

Rupture pour les uns, nouvelle étape de vie pour les autres. De toute façon, pour la majorité de ces personnes, l´entrée en institution est un passage obligé, très souvent associé à un éloignement de la famille et de l´environnement.

Fiche Tecnique:

Recherche: La violence familiale et la violence institutionnelle: la victimisation des personnes vieillissantes (2008-2013)

Direction: Clarice E. Peixoto

Photographies: Barbara Copque

Production & Réalisation: INARRA/UERJ

Subventions: CNPq, CAPES, FAPERJ et Prociência/UERJ.

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    Essai rédigé à partir de la recherche "La violence familiale et la violence institutionnelle : la victimisation des personnes âgées", dirigée par Clarice Peixoto. Photos de l'anthropologue Barbara Copque. Voir aussi le film Intramuros, de Clarice Peixoto (36 min., 2015).

Publication Dates

  • Publication in this collection
    June 2016
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