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Comptabilités médiévales et rationalité économique: Retour sur une croyance historienne

Medieval Accounting and Economic Rationality: Reflections on a Historical Belief

Résumé

L’intérêt des sciences sociales pour les comptabilités anciennes a été ravivé par les changements qui affectent le capitalisme depuis quelques décennies. La généalogie des pratiques comptables est scrutée avec soin et des attentes très contemporaines suscitent des relectures de la genèse médiévale des comptabilités, faisant de ces dernières des pratiques intimement liées à la culture européenne et occidentale. Elles stimulent un retour des grands récits qui, depuis plus d’un siècle et la controverse Weber/Sombart, racontent les origines et le sens des pratiques comptables, en les liant aux premières manifestations de l’esprit capitaliste. L’article s’intéresse aux flux et reflux de la croyance des médiévistes en une rationalité capitaliste médiévale s’exprimant dans les comptabilités, pour les inscrire dans leurs contextes intellectuels. Il en montre des constantes, mais aussi des angles morts, notamment documentaires et éditoriaux, en s’appuyant sur des travaux récents et sur l’étude du cas particulier des comptes d’un couturier parisien du XVe siècle, Colin de Lormoye. Il tente d’esquisser de nouvelles pistes d’analyse, à distance des grands écrits téléologiques. La ratio comptable de ces acteurs est-elle la manifestation du génie européen de la Renaissance ou bien une pratique de l’écrit ancrée dans un fonctionnement social spécifique ?

Mots-clés:
Comptabilités; rationalité; Moyen Âge

Abstract

The interest of social scientists in ancient accounting has been revived by the changes that capitalism underwent in the past decades. This has led to a careful scrutiny of the genealogy of accounting practices, with very contemporary expectations prompting a reexamination of the medieval genesis of accounting. These developments have encouraged a return to the grand narratives which, for more than a century and since the Weber/Sombart controversy, have explored the origins and meaning of accounting practices, linking them to the first manifestations of the spirit of capitalism. The article considers the ebb and flow of medievalists’ belief in a medieval capitalist rationality, which would have been expressed in accountancy, and resituates these ideas in their intellectual contexts. Drawing on recent research and on a study of the accounts of a 15th century Parisian couturier, Colin de Lormoye, the article reveals both the documentary and editorial constants and blind spots. It attempts to sketch out new avenues of analysis, moving away from grand teleological writings. The article raises the question of whether the accounting ratio of these actors constitutes a manifestation of the European genius of the Renaissance or are a writing practice anchored in specific social functioning.

Keywords:
Accounting; rationality; Middle Ages

Il lui semblait même que la connaissance de la comptabilité conférait au monde un aspect nouveau. Il voyait partout surgir débiteurs et créanciers, même quand deux personnes se battaient ou s’embrassaient.

(SVEVO, 2012SVEVO, Italo. La conscience de Zeno. Paris : Le Livre de Poche, 2012., p. 346)

Zeno, le héros de Italo Svevo, ne fut certes pas le premier Européen à découvrir un nouveau monde en s’initiant à la comptabilité. C’est dès le second Moyen Âge que toute l’Europe avait été touchée par un mouvement de déploiement des écrits comptables (KOTT, 2015KOTT, Sébastien. Regard rétrospectif sur une possible « culture comptable ». In : MATTÉONI, Olivier ; BECK, Patrice (Dir.). Classer, dire, compter : Discipline du chiffre et fabrique d’une norme comptable à la fin du Moyen Âge. Paris : IGPDE, 2015, p. 429-434., p. 429) : entre le milieu du XIIe et le XVe siècles, institutions ecclésiastiques et laïques, États et villes,1 1 Deux tableaux historiographiques commodes dans François Menant (2006) et Olivier Mattéoni (2015b). marchands, seigneurs,2 2 Sur le seuil du XIIe siècle pour les comptabilités seigneuriales, voir en particulier Thomas N. Bisson (2014, p. 253). Sur les comptes manoriaux anglais, voir P. D. A. Harvey (1984). mais aussi artisans (KLAPISCH-ZUBER, 1986KLAPISCH-ZUBER, Christiane. Du pinceau à l’écritoire : Les « ricordanze » d’un peintre florentin au XVe siècle. In : BARRAL I ALTET, Xavier. (Dir.). Artistes, artisans et production artistique au Moyen Âge. V. 1 - Les hommes. Paris : Picard, 1986, p. 567-576.; 2001 ; BORDINI, 2009BORDINI, Simone. Il bisogno di ricordare : Cronachistica e memorialistica nel Medioevo Emiliano. Bologne : CLUEB, 2009.; PINELLI, 2015PINELLI, Paola. Commercinati tuttofare : Il mondo delle piccole botteghe a Prato fra XIV e XV secolo. In : FONDAZIONE Istituto internazionale di Storia Economica “F. Datini” Prato. Il commercio al minuto : Domanda e offerta tra economia formale e informale. Secc. XIII-XVIII. Florence : Firenze University Press, 2015, p. 259-276.), salariés (MENEGHIN, 2014MENEGHIN, Alessia. La tavola di un salariato fiorentino nel XV secolo : Dai ricordi di Piero Puro « donzello » della Parte Guelfa. Archivio Storico Italiano, v. 172, n. 2, p. 249-275, apr./giugno 2014.), paysans (BALESTRACCI, 1984BALESTRACCI, Duccio. La zappa e la retorica : Memorie familiari di un contadino toscano del Quattrocento. Florence : Salimbeni, 1984.; HAUTEFEUILLE, 2006HAUTEFEUILLE, Florent. Livre de compte ou livre de raison : Le registre d’une famille de paysans quercynois, les Guitard de Saint-Anthet (1417-1526). In : COQUERY, Natacha ; MENANT, François ; WEBER, Florence (Dir.). Écrire, compter, mesurer : Vers une histoire des rationalités pratiques. Paris : Éd. Rue d’Ulm ; Presses de l’ENS, 2006, p. 231-247.; PICCINNI, 2008PICCINNI, Gabriella. Libri contabilità privata e di memorie in Siena : Considerazioni in merito all’esistenza, alla conservazione e alla scomparsa (XIII-XV secolo). Bullettino Senese di Storia Patria, v. 115, p. 164-198, 2008., p. 190 ; DYER, 2012DYER, Christopher. A Country Merchant, 1495-1520 : Trading and Farming at the End of the Middle Ages. Oxford : Oxford University Press, 2012.), se mettent à tenir des comptes et papiers de gestion, des Îles britanniques (DE ROOVER, 1937DE ROOVER, Raymond. Aux origines d’une technique intellectuelle : La formation et l’expansion de la comptabilité à partie double. Annales d’histoire économique et sociale, v. 9, n. 44, p. 171-193, mars 1937., p. 189 ; JAMES, 1956JAMES, Margery K.. A London Merchant of the Fourteenth Century. Economic History Review, v. 8, n. 3, p. 364-376, 1956.)3 3 Sur le marchand nommé Gilbert Maghfeld, Dewez (2014) ; présentation orale de Mathieu Arnoux, « Une comptabilité commerciale avant la partie double : Le livre de comptes de Gilbert Maghfeld, 1373-1395 », Séminaire Entreprises, régions de productions et marchés en Europe (XIIIe-XVIIe siècle), Paris, 2014. à l’Italie, des Flandres et de l’Empire (PENNDORF, 1913PENNDORF, Balduin. Geschichte der Buchhaltung in Deutschland. Leipzig : G. A. Gloeckner, 1913.; DE ROOVER, 1937, p. 173-175 ; p. 183-185 ; p. 189-191 ; SIGNORI ; MÜNTZ, 2012SIGNORI, Gabriela ; MÜNTZ, Marc (Éd.). Das Geschäftsbuch des Konstanzer Goldschmiedes Steffan Maignow. Ostfildern : Jan Thorbecke, 2012.; SIGNORI, 2014) à la péninsule ibérique (VELA I AULESA, 2003VELA I AULESA, Carles. L’obrador d’un apotecari medieval segons el llibre de comptes de Francesc ses Canes (Barcelona, 1378-1381). Barcelone : Institució Milá i Fontanals, 2003.). L’intérêt des historiens de l’économie pour ces comptabilités médiévales est ancien et paraît intimement lié aux évolutions du capitalisme contemporain. Les historiens ont ainsi avidement recherché le sens du développement de ce type de comptabilités au second Moyen Âge, depuis la célèbre controverse qui opposa il y a un siècle Werner Sombart et Max Weber : c’est aux premières manifestations de l’esprit capitaliste qu’il faudrait l’attribuer. On montrera d’abord que cette croyance séculaire a été et reste particulièrement tenace parmi les médiévistes français en dépit des solides études qui auraient dû l’envoyer au cimetière des idées reçues. On esquissera ensuite de nouvelles pistes d’analyse de ces comptabilités, à partir de quelques travaux récents.

Comptabilités médiévales et rationalité capitaliste

Pour Sombart (1921SOMBART, Werner. Der moderne Kapitalismus : Historisch-systematische Darstellung des gesamteuropäischen Wirtschaftslebens von seinen Anfängen bis zur Gegenwart. V. II.1. Munich ; Leipzig : Duncker & Humblot, 1921., p. 118), la comptabilité à partie double seule signait l’émergence d’un véritable esprit de calcul capitaliste, dont les premiers foyers étaient les compagnies marchandes italiennes médiévales. Pour Weber (2003WEBER, Max. L’éthique protestante et l’esprit du capitalisme suivi d’autres essais. Paris : Gallimard, 2003., p. 61), l’avènement de l’esprit capitaliste était fondamentalement lié à la Réforme et se manifestait notamment par la tenue de comptes des recettes et dépenses, objectivant les résultats du labeur personnel et permettant de planifier l’activité en vue d’un résultat économique. Dans la controverse Sombart/Weber sur les origines du capitalisme, les comptabilités anciennes et l’élaboration intellectuelle qu’elles supposent occupaient ainsi une place stratégique. Le lien que Weber établit entre l’esprit capitaliste et l’éthique du protestantisme a suscité un tir de barrage continu parmi les médiévistes (GROSSEIN, 2005GROSSEIN, Jean-Pierre. Die Protestantische Ethik und der “Geist” des Kapitalismus : Elemente zur Geschichte ihrer Rezeption in Frankreich. In: GRAF, Friedrich Wilhelm; SCHLUCHTER, Wolfgang. (Éd.). Asketischer Protestantismus und der “Geist” des modernen Kapitalismus. Tübingen : Moh Siebeck, 2005, p. 281-296., p. 286-287).4 4 Pour une vue condensée de la controverse chez les modernistes voir Yannick Lemarchand, Cheryl McWatters et Laure Pineau-Defois (2014, p. 13-14 ; p. 20-21). Ces derniers n’ont pas pour autant été sombartiens et se sont plutôt souciés de remonter dans le temps la date de l’émergence du capitalisme.

Le médiéviste belge Henri Pirenne (1951PIRENNE, Henri. Histoire économique de l’Occident médiéval. Paris : Desclée de Brouwer, 1951.), actif dans l’entre-deux-guerres, reprochait ainsi aux deux savants allemands d’ignorer l’existence d’un capitalisme dès le Xe siècle et de généraliser à l’Europe l’histoire économique de leur propre pays - on reconnaît là une certaine forme d’antigermanisme caractéristique de sa génération. Son argumentation tenait moins à l’analyse des comptabilités, qu’à la mise en évidence de « l’instruction des marchands au Moyen Âge » (PIRENNE, 1929PIRENNE, Henri. L’instruction des marchands au Moyen Âge. Annales d’histoire Économique et Sociale, v. 1, n. 1, p. 13-28, janv. 1929.), un angle d’attaque contestant l’idée d’une incompétence des marchands médiévaux que l’on retrouve plus de vingt ans après chez Amintore Fanfani (1951FANFANI, Amintore. La préparation intellectuelle et professionnelle à l’activité économique en Italie du XIVe au XVIe siècle. Le Moyen Âge, v. 57, p. 326-346, 1951.).

Un important passeur de Sombart en France fut André-Emile Sayous (1929SAYOUS, André-Émile. Les transformations des méthodes commerciales dans l’Italie médiévale. Annales d’histoire Économique et Sociale, v. 1, n. 2, p. 161-176, avril 1929.) qui, formé à l’Université de Berlin, étudia le commerce médiéval de Marseille, Barcelone, Montpellier et publia, « comme économiste », dans la suite directe du numéro inaugural des Annales dans lequel était paru l’article de Pirenne.5 5 Rappelons qu’on trouve également dans ce premier numéro des Annales d’histoire économique et sociale une notice sur Max Weber par Maurice Halbwachs (1929, p. 81-88) proposant notamment un résumé de L'Éthique protestante. En 1932, il rédigea la préface pour l’édition française de L’apogée du capitalisme chez Payot et il s’employa à discuter les thèses de Sombart dans plusieurs articles (FEBVRE, 1932FEBVRE, Lucien. Une critique utile : Les origines du capitalisme moderne à Gênes et W. Sombart. Annales d’histoire Économique et Sociale, v. 4, n. 15, p. 318-319, 1932.). À titre personnel, il lui arriva de se pencher sur des livres de comptes, en particulier pour son article de 1932 sur la banque italienne au XIIIe siècle (SAYOUS, 1932SAYOUS, André-Émile. Les opérations des banquiers italiens en Italie et aux foires de Champagne pendant le XIIIe siècle. Revue Historique, v. 170, p. 1-31, juil./déc. 1932.) et il s’intéressa aux contrats commerciaux, aux formes juridiques des sociétés marchandes, aux techniques de la banque et du change, afin de démontrer que les marchands des XIIe-XIVesiècles étaient déjà des capitalistes (SAYOUS, 1930).

C’est à un autre article de la revue des Annales, signé en 1937 par Raymond de Roover, un historien formé à la comptabilité,6 6 Sur la formation et la carrière de Raymond de Roover, voir David Herlihy (1972). que l’on doit la discussion approfondie des idées sombartiennes. De Roover (1937, p. 193) reprochait à Sombart de n’avoir vu dans les comptabilités antérieures à la partie double qu’un « fouillis », mais il partageait avec lui une vision essentiellement téléologique de l’évolution des comptabilités et la haute valeur accordée à l’invention de la technique de la partie double. Il en datait l’émergence plus tôt et la considérait comme une des contributions essentielles à ce qu’il appelait la « révolution commerciale » de la fin du XIIIesiècle. Les travaux de De Roover sur les comptabilités, la banque, les institutions financières, ont eu une influence décisive sur les historiens de l’économie médiévale à partir des années 1950. Pourtant, dès 1949, Basil S. Yamey (1949YAMEY, Basil S.. Scientific Bookkeeping and the Rise of Capitalism. Economic History Review, v. 1, n. 2/3, p. 99-113, 1949.) avait contredit, sur la base d’une étude de la technique comptable elle-même, l’idée que la comptabilité en partie double permette le calcul capitaliste. Mais sa démonstration ne semble pas avoir été rapidement connue des médiévistes et le renom des travaux de De Roover grandit, l’association entre comptabilité en partie double et calcul capitaliste s’ancrant dans la vulgate médiéviste. Dans son ouvrage sur Les hommes d’affaires italiens du Moyen Âge, Yves Renouard (1949RENOUARD, Yves. Les hommes d’affaires italiens du Moyen Âge. Paris : Armand Colin, 1949., p. 71-72 ; p. 76 ; p. 102 ; p. 107) évoque ainsi « l’individualisme » et « l’esprit d’entreprise » des capitalistes génois qui ont fait la «révolution» commerciale de 1300, puis inventé la partie double. Pour Jacques Heers (1959HEERS, Jacques. Le livre de comptes de Giovanni Piccamiglio, homme d’affaires Génois, 1456-1459. Paris : SEVPEN, 1959., p. 11 ; p. 37 ; 2012, p. 195-201), les comptes de Giovanni Piccamiglio, « homme d’argent », « ‘capitaliste’ si l’on veut » lui permettaient «de se faire une idée exacte de la marche de son ‘entreprise’» . Et pour Philippe Wolff (1954WOLFF, Philippe. Commerces et marchands de Toulouse (vers 1350-vers 1450). Paris : Plon, 1954., p. 523 ; 1952, p. 137), les comptes laissés par Jean Lapeyre constituaient « un rudiment de compte de patrimoine », décrivant l’évolution du stock d’étoffe du drapier et renseignant « le chef d’entreprise (…) sur la marche de ses affaires ».

Les connaissances de Wolff (1954WOLFF, Philippe. Commerces et marchands de Toulouse (vers 1350-vers 1450). Paris : Plon, 1954., p. 54) en matière de comptabilité provenaient non seulement de l’article de De Roover (1937), mais aussi de l’opuscule de Jean Fourastié (1943FOURASTIÉ, Jean. La comptabilité. Paris : PUF, 1943.), La comptabilité, paru dans la collection Que sais-je ? et qui avait été salué par Lucien Febvre (1944FEBVRE, Lucien. Techniques : Comment classifier les techniques ? Mélanges d’histoire sociale, n. 5, p. 71-74, 1944., p. 74) au nom des Annales. Le volume de Fourastié s’appuyait pour sa partie historique sur les travaux de De Roover, ce qui confirme le caractère nodal de ces derniers. Il trouvait place dans une vaste transformation des cadres de l’économie française, à laquelle l’auteur avait pris directement part comme membre du cabinet du ministre des Finances Yves Bouthillier au printemps 1942 : il s’agissait de construire les outils nécessaires à l’économie dirigée voulue par l’État français et d’imposer à toutes les entreprises du pays une norme comptable définie dans le Plan comptable général (BOULAT, 2010BOULAT, Régis. Jean Fourastié, un expert en comptabilité. Comptabilités, n. 1, p. 1-16, 2010.). Fourastié, qui était aussi devenu enseignant au Conservatoire national des arts et métiers (CNAM) à la fin de l’année 1940, appartenait à ces cercles qui, depuis les années 1920, croyaient dans la régénération de la France et de l’Europe par les techniciens, ingénieurs, économistes ou juristes, et qui, pour certains, regardèrent avec bienveillance le changement politique en Allemagne puis l’occupation (BRUNETEAU, 2016BRUNETEAU, Bernard. Les “collabos” de l’Europe nouvelle. Paris : CNRS Éd., 2016., p. 326). Bénéficiant du témoignage de Malinski, son prédécesseur au CNAM chassé en application du Statut des juifs, il vit la procédure entamée contre lui classée sans suite par la commission d’épuration du ministère des Finances à l’automne 1944 et fut appelé par Jean Monnet au Commissariat au Plan (BOULAT, 2008). Au sortir de la seconde guerre mondiale, il apparaissait comme le principal expert français de la comptabilité et son ouvrage de référence fut plusieurs fois réédité, progressivement expurgé des passages relatifs au modèle comptable allemand adopté par le régime de Vichy (BENSADON, 2015BENSADON, Didier. Discipliner, contrôler, informer : Normalisation comptable et consolidation des comptes en France au XXe siècle. In : MATTÉONI, Olivier ; BECK, Patrice (Dir.). Classer, dire, compter : Discipline du chiffre et fabrique d’une norme comptable à la fin du Moyen Âge. Paris : IGPDE, 2015, p. 443-461., p. 448-449). Fourastié concevait la comptabilité à la fois comme une véritable connaissance et comme une « ingénierie » (ARMATTE, 2010ARMATTE, Michel. La science économique comme ingénierie : Quantification et modélisation. Paris : Presses des Mines, 2010., p. 15-17). Exposant clairement ses principes généraux, faisant brièvement l’historique de cette « technique », son ouvrage a séduit les historiens de l’économie comme Wolff, qui lui emprunta la notion de « compte de patrimoine ».

Le regard des médiévistes du milieu du XXe siècle sur les comptabilités est ainsi lié à un contexte épistémologique particulier, qui enjambe les années de guerre et qui transcende les engagements politiques, mélange de critique de la pensée libérale, d’intérêt pour les économies dirigées et les « technosciences » sous l’impulsion d’un État entrepreneur de science (PESTRE, 2014PESTRE, Dominique. Conclusion. In : PESTRE, Dominique (Dir.). Le gouvernement des technosciences : Gouverner le progrès et ses dégâts depuis 1945. Paris : La Découverte, 2014, p. 285-315.). C’est au cours des mêmes années qu’une impulsion décisive est donnée à la statistique en France (DESROSIÈRES, 2010DESROSIÈRES, Alain. La politique des grands nombres : Histoire de la raison statistique. Paris : La Découverte, 2010., p. 200-203). Comme l’affirme J. Chezleprêtre (1943CHEZLEPRÊTRE, J.. Préface. In : FOURASTIÉ, Jean. La comptabilité. Paris : PUF, 1943, p. 5-6., p. 6) dans la préface à la première édition de l’ouvrage de Fourastié, on croit alors que la comptabilité est « l’image chiffrée des faits dont elle décrit l’histoire et [qu’]elle doit projeter sur eux une aveuglante clarté ». C’est cette croyance dans l’efficacité économique et la supériorité cognitive d’une technique mathématique que Fourastié (1943, p. 115 ; p. 36) projette sur le passé de celle-ci en évoquant le « début de l’ère capitaliste », le développement du crédit et le passage de la comptabilité simple à la comptabilité en partie double au Moyen Âge.

Cette croyance a durablement marqué l’historiographie économique, pas seulement francophone, devenant un passage obligé de chaque synthèse d’histoire de l’économie médiévale. En 1974, la traduction française de l’ouvrage de Roberto S. Lopez (1974LOPEZ, Roberto S.. La Révolution commerciale dans l’Europe médiévale. Paris : Aubier-Montaigne, 1974., p. 151-152 ; p. 229) sur La révolution commerciale dans l’Europe médiévale réaffirme avec force que la tenue des comptes a permis au marchand, surtout le marchand italien réputé très en avance sur ses voisins, de « se retrouver dans ses affaires en cours, contrôler les opérations de ses associés et agents, tirer profit de l’expérience passée pour planifier l’avenir », la partie double lui promettant « une réussite plus brillante encore ». L’opinion enthousiaste de De Roover, Fourastié, Wolff, Heers, Lopez pour les comptabilités est partagée par Jean Favier7 7 Jean Favier (1987, p. 446) résume avec lyrisme l’idée partagée par deux ou trois générations de médiévistes: « l’homme d’affaires est apparu, défini par cet outillage intellectuel qu’il se donne à lui-même pour dépasser les horizons que lui ouvraient les techniques de sa victoire sur le temps et l’espace. (…) Il a créé la science d’une analyse systématique des structures et des mouvements qui a pratiquement suffi au monde économique jusqu’aux plans comptables de notre siècle ». et par Christopher Dyer (2012HEERS, Jacques. La naissance du capitalisme au Moyen Âge : Changeurs, usuriers et grands financiers. Paris : Perrin, 2012., p. 95) et est restée prégnante dans le savoir médiéviste (CONTAMINE, 2003CONTAMINE, Philippe. L’économie médiévale. Paris : Armand Colin, 2003., p. 237).

Toutefois, depuis les années 1990, des médiévistes ont commencé à douter de ces évidences. Bernard Chevalier (1996CHEVALIER, Bernard. Michau Dauron de Bourges, marchand et receveur des finances sous Louis XI. In : GOLDMAN, Philippe ; RIBAULT, Jean-Yves ; ROTH, Christian-E.. En Berry, du Moyen Age à la Renaissance : Pages d’histoire et d’histoire de l’art offertes à Jean-Yves Ribault. Bourges : Société d’archéologie et d’histoire du Berry, 1996, p. 93-98., p. 97) ne voyait dans les papiers de Michel Dauron que « son aide-mémoire », avec lequel il « ne peut avoir une claire vision de la marche de ses affaires ». Il est vrai que le marchand berrichon l’a avoué lui-même dans son registre: « Et par ma foy loyalement je ne sauroye dire comme tout va ne comme il se pourra bien conduyre. Dieu par sa grace vueille estre le conducteur » (cité par CHEVALIER, 1996CHEVALIER, Bernard. Michau Dauron de Bourges, marchand et receveur des finances sous Louis XI. In : GOLDMAN, Philippe ; RIBAULT, Jean-Yves ; ROTH, Christian-E.. En Berry, du Moyen Age à la Renaissance : Pages d’histoire et d’histoire de l’art offertes à Jean-Yves Ribault. Bourges : Société d’archéologie et d’histoire du Berry, 1996, p. 93-98., p. 97). Pour Henri Bresc (2013BRESC, Henri (Éd.). Le livre de raison de Paul de Sade (Avignon, 1390-1394). Paris : Éd. du Comité des Travaux Historiques et Scientifiques, 2013., p. 24), Paul de Sade n’avait quant à lui tenu qu’un « aide-mémoire pratique, plus utile pour calculer les possibilités de crédit que pour faire des bilans ». Même s’ils mettent en cause les compétences individuelles des acteurs étudiés et ne prétendent pas revenir sur les comptabilités médiévales en général, ces deux historiens manifestent un scrupule et un scepticisme nouveaux, qui contrastent avec l’enthousiasme de leurs prédécesseurs.

Ces scrupules émanant de spécialistes n’empêchent pourtant pas la montée en puissance de lectures culturalistes très spéculatives, qui proposent, un siècle après Sombart et Weber, de nouveaux grands récits téléologiques de l’invention médiévale des comptabilités. En 1997, Alfred W. Crosby (2003CROSBY, Alfred W.. La mesure de la réalité : La quantification dans la société occidentale (1250-1600). Paris : Allia, 2003., p. 30 ; p. 200 ; p. 205) a ainsi fait de la comptabilité en partie double l’un des éléments clés du « tournant de la quantification » pris par les sociétés européennes entre 1250 et 1350, à côté de l’horloge mécanique, des portulans et de la perspective. Selon lui, un « tournant calculatoire » aurait alors accouché d’un « nouveau modèle » scientifique et technologique grâce à des hommes eux-mêmes nouveaux, extérieurs aux trois ordres de la société féodale : les marchands et changeurs, dont le sens des affaires impliquait la précision et le maniement des nombres.8 8 La comptabilité Datini était selon lui « un miracle de rationalité et de netteté » (CROSBY, 2003, p. 207). Remarque à mettre en balance avec les appréciations de Jérôme Hayez (2019). Crosby est en effet convaincu que la comptabilité en partie double eut pour effet de permettre aux marchands européens d’obtenir une connaissance exacte de leurs affaires et de mieux les contrôler. Elle aurait contribué de façon décisive à l’avance prise par les Occidentaux et à leur conquête du monde, en façonnant des modes de pensée qui les auraient rendus capables de progrès scientifiques et techniques, administratifs et commerciaux, maritimes et militaires. Elle serait ainsi révélatrice d’un Zeitgeist conquérant et spécifique d’une supposée nature humaine occidentale.

En 2005, le sociologue américain James Aho a livré une interprétation un peu différente des origines des comptabilités. Selon lui, les comptabilités auraient partie liée aux pratiques de la confession et seraient nées du sens de l’endettement des marchands médiévaux à l’égard de Dieu. Ces marchands se seraient trouvés dans une situation morale difficile, en raison des tendances peccamineuses de leur activité, une situation qui nécessitait qu’ils se justifient devant l’Église, mais aussi devant Dieu et leur conscience. Aho (2005, p. XIV ; p. 84-86) conceptualise ainsi la comptabilité comme une des formes de la confession qu’il tient, dans une inspiration foucaldienne, comme une « technologie de construction sociale de la subjectivité moderne ».

Ces interprétations de la genèse médiévale des comptabilités, malgré leurs nuances, ont ceci de commun qu’elles font des pratiques comptables des pratiques intimement liées à la culture européenne et occidentale, qu’elles ignorent leur diversité - en particulier celles des administrations seigneuriales et princières - et qu’elles évacuent totalement les rapports sociaux et politiques qui s’inscrivaient avec elles. Leur succès signale en tout état de cause le renouveau d’un intérêt, ravivé par les changements qui affectent le capitalisme depuis quelques décennies et qui se traduisent notamment dans les comptabilités d’entreprises et publiques (SUPIOT, 2015SUPIOT, Alain. La gouvernance par les nombres : Cours au Collège de France (2012-2014). Paris : Fayard, 2015.; CHIAPELLO, 2005CHIAPELLO, Ève. Les normes comptables comme institution du capitalisme : Une analyse du passage aux normes IFRS en Europe à partir de 2005. Sociologie du Travail, v. 47, n. 3, p. 362-382, juil./sept. 2005.; JUBÉ, 2011JUBÉ, Samuel. Droit social et normalisation comptable. Paris : LGDJ, 2011.; BOUSSARD, 2013BOUSSARD, Valérie. Qui crée la création de valeur ? La Nouvelle Revue du Travail, v. 3, [s.p.], 2013.).

Lire autrement les comptabilités médiévales

Ce survol d’un siècle d’histoire des comptabilités médiévales montre que les travaux anciens, précis et argumentés, de Basil S. Yamey (1949YAMEY, Basil S.. Scientific Bookkeeping and the Rise of Capitalism. Economic History Review, v. 1, n. 2/3, p. 99-113, 1949.) n’ont jamais été réellement pris au sérieux par les médiévistes français. Pierre Gervais (2012GERVAIS, Pierre. Crédit et filières marchandes au XVIIIe siècle. Annales : Histoire, Sciences Sociales, v. 67, n. 4, p. 1011-1048, oct./déc. 2012.) en a rappelé récemment l’importance et dans la perspective tracée par Yamey, a remis en cause la fonction de calcul économique des comptabilités pour lui préférer une réflexion sur les usages relationnels de celles-ci au XVIIIe siècle. Pour lui, comme pour d’autres modernistes (LEMARCHAND ; MCWATTERS ; PINEAU-DEFOIS, 2014LEMARCHAND, Yannick ; MCWATTERS, Cheryl ; PINEAU-DEFOIS, Laure. The Current Account as Cognitive Artefact : Stories and Accounts of la Maison Chaurand. In : GERVAIS, Pierre ; LEMARCHAND, Yannick ; MARGAIRAZ, Dominique (Dir.). Merchants and Profit in the Age of Commerce, 1680-1830. Londres : Pickering & Chatto, 2014, p. 13-31.), même chez les grands marchands de l’époque moderne qui avaient recours, pour certains, à la comptabilité en partie double, peu de calculs de profit étaient faits, alors que la technique de la partie double les rendait possibles, la balance des comptes était rarement réalisée et l’identification des sources du profit jamais effectuée (GERVAIS, 2014bGERVAIS, Pierre. Why Profit and Loss Didn’t Matter : The Historicized Rationality of Early Modern Merchant Accounting. In : GERVAIS, Pierre ; LEMARCHAND, Yannick ; MARGAIRAZ, Dominique (Dir.). Merchants and Profit in the Age of Commerce, 1680-1830. Londres : Pickering & Chatto, 2014b, p. 33-52.). Chez les autres utilisateurs de livres de comptes, en général des journaux et comptes courants à partie simple, le calcul de profit était tout simplement impossible. La technique de la partie double n’était utilisée par les grands marchands que dans le but de suivre les flux complexes du crédit, le plus souvent gratuit, et de pouvoir réaliser de temps en temps un état de leurs relations de crédit. En effet, dans des marchés segmentés et incertains (DUPLEISSIS, 2014DUPLEISSIS, Robert S.. Conclusion : Reorienting Early Modern Economic History. Merchant Economy, Merchant Capitalism and the Age of Commerce. In: GERVAIS, Pierre; LEMARCHAND, Yannick; MARGAIRAZ, Dominique (Dir.). Merchants and Profit in the Age of Commerce, 1680-1830. Londres : Pickering & Chatto, 2014, p. 171-180.), les marchands se préoccupaient de contrôler des segments de marchés en se constituant en réseaux et cartels, aucun marchand ne pouvant espérer accomplir seul une tâche aussi complexe et exigeant des expertises pointues : les livres de comptes leur servaient principalement à contrôler et à renforcer les réseaux relationnels indispensables pour maîtriser les filières d’approvisionnement en biens de qualité ; ils fonctionnaient comme des carnets d’adresses, des listes de personnes compétentes, solidaires et redevables en cas de besoin (GERVAIS, 2014a). De ces études, on peut tirer deux leçons : d’une part, dans les documents de gestion anciens, il y a loin de la possibilité à la réalisation d’un calcul ; d’autre part, les comptabilités prennent sens en étant insérées dans des relations sociales et elles sont des objets qui inscrivent certaines actions de la part de partenaires de transactions (GRIHL, 2016). Il ne s’agit donc pas seulement d’outils mettant en œuvre des techniques intellectuelles, mathématiques, soit des objets d’histoire culturelle, mais il s’agit aussi de messages adressés, prenant leur signification dans des relations qui expliquent les composantes textuelles et matérielles de ces messages, donc des objets d’histoire sociale. On ne craindra donc pas d’étendre aux comptabilités marchandes et artisanales les remarques d’Armand Jamme sur les comptabilités institutionnelles médiévales :

la comptabilité obéit fondamentalement à une logique et à un processus de mathématisation du réel. Mais ce réel, parce que révolu, est recomposé et structuré, une opération qui implique et comporte une série de distorsions et d’enjolivements, parce que tout registre de comptes entre dans une stratégie de communication, même s’il s’agit d’une communication interne. Tout exercice comptable présente de ce fait, et même narre, parfois de façon quelque peu subliminale, ce que son commanditaire veut fondamentalement que soit l’histoire du mandat d’un officier, en charge ou coresponsable de mouvements financiers plus ou moins complexes, étendus sur un territoire déterminé.9 9 JAMME, Armand. Histoire médiévale et comptabilités : Renouveau d’un champ historiographique, renouvellement des perspectives d’édition. In : Discussions : Pourquoi publier des textes médiévaux au XXI e siècle ? Disponible dans : https://perspectivia.net/publikationen/discussions/9-2014/jamme_histoire. Consulté le 9 déc. 2022.

Détaillons quelque peu cet aspect, souvent négligé par les utilisateurs des comptabilités anciennes qui n’y voient parfois qu’une réserve de données chiffrées qu’il suffirait d’extraire et de copier pour réaliser des calculs, calculs que les médiévaux n’avaient pas effectués en général, mais qui révéleraient une rationalité économique que l’historien serait seul à même de faire surgir. Les comptabilités sont avant toute chose des messages, des textes adressés par des agents à d’autres agents, dans des situations et pour des buts bien spécifiques. Ce sont ces situations et ces buts qui conditionnent la mise en forme et la construction des informations que l’historien est susceptible d’y trouver. Toute comptabilité doit donc être passée au crible d’une analyse critique méthodique classique : qui procède au recueil des informations ? À quel type d’acteur (quel profil social notamment) a-t-on affaire ? Comment procède-t-il pour recueillir les informations ? Pourquoi, pour qui et à quelles fins procède-t-il à ce compte? Ce questionnement de base de l’analyse documentaire ne doit pas être négligé en raison de la fausse impression de familiarité que l’historien peut éprouver face à un type de document qui paraît proche de la rationalité contemporaine et de son obsession de la quantification. Tout document comptable doit être réinséré dans la configuration sociale qui l’a produit à titre de message, pour être correctement utilisé, sauf à risquer des contre-sens dans l’exploitation des chiffres qu’il recèle : les comptes ne sont jamais des documents transparents sur la réalité économique, mais ils la formatent d’une façon singulière et en construisent une image déformée.

Au second Moyen Âge, la tenue de comptes paraît en fait s’intégrer à plusieurs types de configurations sociales.10 10 Raymond De Roover (1937) en avait mis en avant trois : le crédit, l’association et le mandat. Dans bien des cas, ils servent à rendre des comptes d’une gestion à un tiers : soit une autorité de tutelle (cas qu’évoque Armand Jamme), soit un mandant (cas des comptes tenus pour des tiers, en particulier des femmes11 11 Comme les comptes de Jeanne Ratault, tenus par Jean Dilais (BOISLISLE, 1878) ; ou encore les livres de comptes de Catherine Ginoust et Catherine Genestier édités par Marie Rose Bonnet (2005, p. 65-75). ), soit des associés (cas des comptes de compagnies marchandes). Un objectif essentiel de la tenue des comptes est ainsi le contrôle d’un ou de plusieurs partenaire(s) : il faut pouvoir démontrer, lors de la reddition des comptes, que la gestion a été conforme aux objectifs et impératifs que se sont fixés ces partenaires ou que l’un a fixés à l’autre. Toute comptabilité institutionnelle s’insère ainsi dans des rapports de gestion, qui sont fondamentalement des rapports sociaux, politiques : si l’on est face à des comptabilités seigneuriales, il s’agit de rapports hiérarchiques, dans lesquels un gestionnaire doit rendre compte de sa gestion à un seigneur; le compte est construit pour produire un effet sur cette tutelle qui consiste bien souvent à dégager la responsabilité du gestionnaire dans les éventuels échecs de la gestion, à manifester l’obéissance du gestionnaire à son seigneur etc. C’est ce que Thomas N. Bisson (2014BISSON, Thomas N.. La crise du XIIe siècle : Pouvoir et seigneurie à l’aube du gouvernement européen. Paris : Les Belles Lettres, 2014., p. 266-274) appelle « comptabilité probatoire » et qui, selon lui, apparaît au XIIe siècle et fait suite aux comptabilités qu’il appelle « prescriptives » existant depuis l’époque carolingienne (inventaires, polyptyques etc.).

Les comptes manoriaux anglais, si précoces, permettent ainsi aux régisseurs des domaines de rendre compte annuellement de leur gestion auprès des auditeurs représentant les intérêts des maîtres des domaines. L’un de leurs buts principaux est de prouver que les agents locaux ne font pas de profits illicites aux dépens des maîtres et d’établir, le cas échéant, la responsabilité de ces agents locaux dans les résultats de l’exploitation (BAILEY, 2002BAILEY, Mark. The English Manor c. 1200-c. 1500. Manchester; New York : Manchester University Press, 2002.; DEWEZ, 2014DEWEZ, Harmony. Connaître par les nombres : Cultures et écritures comptables au prieuré cathédral de Norwich (1256-1344). Thèse (Doctorat en Histoire Médiévale) - Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, Paris, 2014., p. 5). Les comptes des différentes caisses du chapitre cathédral de Paris étaient en principe rendus annuellement par leurs gestionnaires devant les chanoines réunis lors d’un des chapitres généraux : l’inscription de leur synthèse dans les procès-verbaux des réunions enregistrés par le notaire du chapitre poursuit la même finalité.12 12 Exemples parmi d’autres : ARCHIVES NATIONALES (AN), Paris. Comptes de Jean Hays rendus pour les offices des anniversaires, des heures, des matines, du vin et des stations, 1403. LL109B, p. 288-289 ; Comptes de Aubert le Prongneux officier des anniversaires pour les années 1424-1428, 1428. LL113, p. 373-375. L’étude de la gestion du chapitre Notre-Dame de Paris aux XIIe-XVe siècles est un des objectifs du projet e-NDP actuellement en cours et a fait l’objet d’une présentation au séminaire e-NDP du 14 décembre 2021. SÉMINAIRES. In : e-NDP: Notre Dame et son cloître. Disponible dans : https://endp.hypotheses.org/seminaires. Consulté le 9 déc. 2022. En ce sens, la comptabilité y importe moins que la reddition des comptes, la responsabilité administrative et comptable face à une instance de contrôle.13 13 Ce que John Sabapathy (2014) appelle l’accountability. La comptabilité médiévale de l’Hôtel-­Dieu de Paris émane d’une institution dirigée par un maître et une prieure qui sont tenus de rendre chaque année leurs comptes séparés à l’autorité de tutelle, le chapitre cathédral (JEHANNO, 2012JEHANNO, Christine. À la recherche de ceux qui écrivirent les comptes de l’Hôtel-Dieu de Paris à la fin du Moyen Âge. Paris et Île-de-France : Mémoires, v. 63, p. 233-254, 2012., p. 233). Les comptes des artisans parisiens au service des rois de France, notamment des couturiers, servent à justifier certaines dépenses de l’hôtel royal.14 14 Catalogués par Raymond Cazelles (1984, p. 60-65). Certains ont été édités dans Leber (1838, p. 79-89). De manière plus générale, Olivier Mattéoni (2015aMATTÉONI, Olivier. Compter et « conter » : Ordre, langue et discours des comptes. Rapport de synthèse. In : MATTÉONI, Olivier ; BECK, Patrice (Dir.). Classer, dire, compter : Discipline du chiffre et fabrique d’une norme comptable à la fin du Moyen Âge. Paris : IGPDE, 2015a, p. 283-303., p. 295-299 ; 2015b, p. 19-22) a bien démontré le caractère fondamental de la procédure de reddition des comptes qui se trouve à la racine de la tenue et de la forme des comptabilités royales, princières et municipales : c’est un mode d’exercice du pouvoir et une des figures du jugement. Le développement des pratiques comptables a ainsi partie liée avec le développement de la compétition politique seigneuriale pour l’extraction rentière et avec celui des administrations fisco-étatiques au second Moyen Âge (EPURESCU-PASCOVICI, 2020EPURESCU-PASCOVICI, Ionut (Éd.). Accounts and Accountability in Late Medieval Europe : Records, Procedures, and Socio-Political Impact. Turnhout : Brepols, 2020.).

Cette fonction de contrôle n’est pas propre aux comptes émanant d’institutions princières et seigneuriales et n’est pas toujours synonyme de hiérarchie. Elle est également inhérente aux comptabilités des compagnies marchandes et artisanales qui assurent, avec les correspondances commerciales, la communication indispensable entre associés des compagnies. Elle y revêt toutefois un accent spécifique, car elle est inscrite par les partenaires dans une relation de coopération et de réciprocité (LEMARCHAND, 2015LEMARCHAND, Yannick. Quelques singularités de la normalisation comptable sur la longue durée. In : MATTÉONI, Olivier ; BECK, Patrice (Dir.). Classer, dire, compter : Discipline du chiffre et fabrique d’une norme comptable à la fin du Moyen Âge. Paris : IGPDE, 2015, p. 435-441., p. 437). Ainsi la comptabilité du marchand de cuir pisan Bartolomeo di Tingo pour les années 1385-1389 est-elle tenue dans le cadre d’une association avec trois artisans du cuir (ANTONI, 1973ANTONI, Tito. I costi industruali di una azienda conciaria della fine del Trecento (1384-1388). Bollettino Storico Pisano, v. 42, p. 9-52, 1973., p. 25-28). Les « deux livres de commerce » des années 1300-1318 étudiés par Isidore Loeb (1887LOEB, Isidore. Deux livres de commerce du commencement du XIVe siècle. Revue des Études Juives, v. 8, n. 16, p. 161-196, 1887., p. 161-162) sont les comptes d’une association de marchands juifs de Vesoul. Les centaines de livres de comptes du fonds Datini correspondent à l’activité des diverses associations commerciales auxquelles participe Francesco Datini, disséminées en plusieurs agences et représentées par des facteurs. Ils permettent de solder la balance des crédits et des dettes entre les associés dans les mois ou les années suivant la fin de l’association (HAYEZ, 2005HAYEZ, Jérôme. L’Archivio Datini, de l’invention de 1870 à l’exploration d’un système d’écrits privés. Mélanges de l’École française de Rome : Moyen Âge, v. 117, n. 1, p. 121-191, 2005., p. 171) et répondent, avec plus ou moins de succès (HAYEZ, 2019), à l’exigence de clarté et de raison que supposent la réussite de la compagnie commune et le maintien de liens amicaux entre les associés (NANNI, 2010NANNI, Paolo. Ragionare tra mercanti : Per una rilettura della personalità di Francesco di Marco Datini (1335ca-1410). Pise: Pacini, 2010., p. 90 ; p. 137 ; p. 166).

En-dehors de ces deux grandes catégories de comptabilités, institutionnelles et marchandes, la tenue de comptes peut être prescrite dans d’autres circonstances et faire l’objet d’un contrôle juridictionnel : il en est ainsi des comptes de tutelle des mineurs15 15 Comme ceux inventoriés par Gabriella Piccinni (2008, p. 169 ; p. 172 ; p. 174 ; et ses remarques, p. 191). et des comptes d’exécution testamentaire des défunts. Au total, le contrôle, qu’il soit hiérarchique ou mutuel, explique bien souvent la tenue d’une comptabilité médiévale.

Mais il arrive aussi que soient tenus des comptes personnels, dont l’existence s’explique autrement que par une procédure de contrôle ou une délégation de gestion : c’est le cas aussi bien du génois Giovanni Piccamiglio, dont les comptes ont été étudiés par Jacques Heers (1959HEERS, Jacques. Le livre de comptes de Giovanni Piccamiglio, homme d’affaires Génois, 1456-1459. Paris : SEVPEN, 1959., p. 11), que du berrichon Michel Dauron (CHEVALIER, 1996CHEVALIER, Bernard. Michau Dauron de Bourges, marchand et receveur des finances sous Louis XI. In : GOLDMAN, Philippe ; RIBAULT, Jean-Yves ; ROTH, Christian-E.. En Berry, du Moyen Age à la Renaissance : Pages d’histoire et d’histoire de l’art offertes à Jean-Yves Ribault. Bourges : Société d’archéologie et d’histoire du Berry, 1996, p. 93-98., p. 96-97). Le surgissement de ce type de comptes doit être analysé comme une étrangeté digne d’intérêt. Si à Rome, au Ier siècle avant notre ère, le système fiscal prévoyait d’évaluer le patrimoine des citoyens et leur imposait de produire un état de leur fortune immobilière et mobilière et de tenir un registre d’encaissements et de débours (ANDREAU, 2015ANDREAU, Jean. La vie financière dans le monde romain : Les métiers de manieurs d’argent (IVe siècle av. J.-C.-IIIe siècle ap. J.-C.). Rome : École Française de Rome, 2015., p. 616), aucune obligation de ce type n’est véritablement attestée à l’époque médiévale.16 16 Raymond De Roover (1937, p. 192), alléguait les travaux de Balduin Penndorf sur Luca Pacioli (1933) et de Heinrich Sieveking (1909) sur Gênes, pour affirmer qu’avant 1458, à Florence, les marchands devaient présenter des inventaires aux autorités fiscales. La démonstration n’est toutefois guère convaincante. L’exemple de Trévise, étudié par Matthieu Scherman (2013SCHERMAN, Matthieu. Familles et travail à Trévise à la fin du Moyen Âge (vers 1434-vers 1509). Rome : École française de Rome, 2013., p. 327), plaide toutefois pour la prise en considération de cas locaux spécifiques où la tenue de comptabilités par les contribuables était encouragée, mais non rendue obligatoire, par un système fiscal qui prenait en considération dettes et créances des contribuables. Si ce n’est pour des raisons fiscales, est-ce que des motifs juridiques expliqueraient la tenue de comptes personnels ?

L’idée a été sérieusement discutée par Paolo Nardi (1979NARDI, Paolo. Studi sul banchiere nel pensiero dei glossatori. Milan: A. Giuffrè, 1979.), qui a montré que l’élaboration doctrinale de l’usage juridique des écrits n’émanant pas de notaires publics fut très difficile aux XIIe et XIIIe siècles. Au XIVe siècle, le jurisconsulte Balde érigea certaines écritures marchandes en écritures quasi authentiques, occupant un statut intermédiaire entre écriture publique et écriture privée, du fait de la garantie apportée par l’appartenance corporative des marchands et par leur propre fama (FORTUNATI, 1996FORTUNATI, Maura. Scrittura e prova : I libri di commercio nel diritto medievale e moderno. Rome : Fondazione Sergio Mochi Onory, 1996., p. 29-34 ; PERGIOVANNI, 1991PERGIOVANNI, Vito. Un trattatello sui mercanti di Baldo degli Ubaldi. In : ASCHERI, Mario ; MAFFEI, Domenico (Dir.). Scritti di storia del diritto offerti dagli allievi a Domenico Maffei. Padoue : Antenore, 1991, p. 235-254., p. 246-247). Cette évolution doctrinale entre XIIIe et XIVe siècles reflète la participation croissante des marchands à la vie politique des cités de l’Italie centro-septentrionale, qui se manifeste aussi dans l’élaboration d’une écriture propre, apparue à Florence entre 1270 et 1320, la mercantesca, différenciée de la cancelleresca des notaires, et qui confère une identité sociale, voire une véritable crédibilité aux lettres et autres écrits des marchands (ORLANDELLI, 1959ORLANDELLI, Gianfranco. Osservazioni sulla scrittura mercantesca nei secoli XIV e XV. In: STUDI in onore di Riccardo Filnagieri. V. 1. Naples : L’Arte Tipografica, 1959, p. 445-460.). Dès lors, les comptabilités marchandes y valaient-elles comme preuves en justice ? Il semble bien qu’elles aient été assez aisément admises dans les tribunaux comme preuves contre leurs rédacteurs. Mais il semble aussi que la fides pro se, c’est-à-dire la foi à leur accorder en faveur de leurs rédacteurs, fut difficilement admise et que c’est le recours à des notaires pour les authentifier qui permettait de les admettre dans la procédure (FORTUNATI, 1996, p. 8-9). Les statuts du tribunal de la Mercanzia de Florence de 1324, précisés en 1394, imposèrent aux marchands florentins la tenue de livres de comptes, une certaine normalisation de leur composition et fixèrent la procédure d’utilisation de ces livres en justice. Mais l’étude de la pratique du tribunal révèle aussi que lorsque les écritures marchandes n’étaient pas suffisamment claires ou restaient insuffisantes à la manifestation de la vérité, le recours au témoignage était prégnant (QUERTIER, 2019QUERTIER, Cédric. Le tanneur, le cordonnier et l’apothicaire : Comment des artisans prouvent-ils leurs transactions ? (Pise-Florence, 1375). In : CLAUSTRE, Julie (Dir.). Transiger : Éléments d’une ethnographie des transactions médiévales. Paris : Éd. de la Sorbonne, 2019, p. 307-352.). La situation était quelque peu différente à Sienne : aucune obligation légale n’y imposait aux marchands la tenue de livres, à l’exception de l’enregistrement, rendu obligatoire par un statut de 1335, des prêts sur gages, qui n’étaient pas spécifiques des marchands et qui étaient partout surveillés, soit parce qu’ils étaient pratiqués par des Juifs soit parce qu’ils étaient considérés avec suspicion comme pouvant donner lieu à du recel. Pourtant dès les années 1309-1312, à Sienne, les livres de marchands se voyaient en pratique attribuer une certaine foi publique. Pour Gabriella Piccinni (2008PICCINNI, Gabriella. Libri contabilità privata e di memorie in Siena : Considerazioni in merito all’esistenza, alla conservazione e alla scomparsa (XIII-XV secolo). Bullettino Senese di Storia Patria, v. 115, p. 164-198, 2008., p. 186-190), qui a bien montré le nombre et la qualité des comptes privés siennois conservés ou attestés, ce sont les faillites retentissantes de plusieurs compagnies siennoises dans le premier tiers du XIVe siècle qui expliqueraient la fréquente tenue de livres commerciaux. Ces scandales auraient révélé aux créanciers et aux associés l’utilité des comptes en cas de faillite d’une compagnie. Et en 1470, la Mercanzia de Sienne fixa les règles de tenue des livres de certains travailleurs citadins et ruraux, afin qu’ils puissent faire valoir leurs droits dans les litiges portant sur les rapports de travail. Au total donc, même en Toscane la valeur juridique des comptabilités était étroitement circonscrite.

Qu’en était-il ailleurs ? Christopher Dyer (2012DYER, Christopher. A Country Merchant, 1495-1520 : Trading and Farming at the End of the Middle Ages. Oxford : Oxford University Press, 2012., p. 99) doute que les comptes de John Heritage aient eu la moindre valeur en common law. Carles Vela i Aulesa (2003, p. 19-20) considère que le livre de comptes de l’épicier barcelonais Francesc ses Canes avait un caractère strictement privé. Philippe Wolff (1954WOLFF, Philippe. Commerces et marchands de Toulouse (vers 1350-vers 1450). Paris : Plon, 1954., p. 521) constate certes qu’en 1423, le ferratier Pierre Jean Marty présenta au procès de Bernard de Roaix un papier copié sur son livre de raison et comportant des reconnaissances de dettes qui avaient été rédigées à la première personne et écrites de la main même de Bernard de Roaix. Mais dans ce cas, c’est moins la comptabilité du créancier que les reconnaissances de dettes signées de ses débiteurs qu’elle renferme qui détiennent une valeur probatoire. Il en est de même du manuel de Paul de Sade, qui pouvait être présenté en justice puisqu’il comportait « une reconnaissance de dette écrite de la main d’un marchand d’Orange » (BRESC, 2013BRESC, Henri (Éd.). Le livre de raison de Paul de Sade (Avignon, 1390-1394). Paris : Éd. du Comité des Travaux Historiques et Scientifiques, 2013., p. 24). Dans ces deux cas, c’est moins la tenue de comptes que la détention d’écrits signés de partenaires économiques qui revêt une valeur probatoire.

Au total, aucune règle de droit médiéval ne paraît expliquer à elle seule la tenue de comptes personnels. D’une part, il semble plutôt que c’est la tenue de ces comptes qui ait fait évoluer les règles de droit (comme dans l’exemple de Sienne), à des vitesses d’ailleurs très variables d’un lieu à l’autre. D’autre part, il semble surtout qu’une forme écrite suivant des normes partagées par un groupe social ait constitué un indice de crédibilité pour celui qui l’exhibait en justice. Dans les procès, la frontière paraît floue entre la force de l’écrit produit par une partie et la fama de celui qui le produisait. L’exemple toscan suggère que la détention d’un livre de compte traduit la force du groupe auquel appartient la personne, un groupe apte à la défendre et à l’appuyer dans ses revendications et dans la défense de ses intérêts. C’est donc la structuration sociopolitique locale qui pourrait contribuer à expliquer le succès de l’écrit comptable.

Dès lors, on peut comprendre le développement des papiers d’artisans,17 17 Comme celui du tailleur florentin Antonio d’Agnolo (1445-1455) cité par Carole Collier Frick (2002, p. 65). tels ceux du couturier parisien Colin de Lormoye dans la première moitié du XVe siècle (CLAUSTRE, 2021CLAUSTRE, Julie. Faire ses comptes au Moyen Âge : Les mémoires de besogne de Colin de Lormoye. Paris : Les Belles Lettres, 2021.), comme des outils de gestion des relations avec leurs partenaires de transactions et comme des supports d’élaboration d’une dignité sociale face aux autres groupes sociaux locaux maniant l’écrit à leur profit. À Paris, les écrits comptables personnels et livres de boutique étaient appelés « papiers marchands » et, au-delà des fragments conservés de Colin de Lormoye, on en retrouve la mention dans des documents judiciaires et testamentaires des années 1390 à 1480 : vendeurs de volailles,18 18 AN, Paris. Registres des sentences civiles du Châtelet, 5 juin 1414. Y 5228, f. 14. bouchers (DESCAMPS, 2012DESCAMPS, Benoît. Qu’ils comparent demain a 8 heures en l’ostel du Maistre pour veoir son papier ou sont escriptes les parties. Les bouchers parisiens et leurs écrits. Paris et Île-de-France : Mémoires, t. 63, p. 285-302, 2012.), boulangers,19 19 AN, Paris. Registres des sentences civiles du Châtelet, 10 sept. 1454. Y 5232, f. 123. tonneliers,20 20 AN, Paris. Registres des sentences civiles du Châtelet, 19 oct. 1454. Y 5232, f. 161. pelletiers,21 21 ARCHIVES DE L’ASSISTANCE PUBLIQUE-HÔPITAUX DE PARIS (AP-HP), Le Kremlin-­Bicêtre. Inventaire des biens de Emery Pellerin, 1483. Fonds de l’Hôtel-Dieu de Paris, liasse 14, pièce n. 145. Voir aussi Yvonne-Hélène Lemaresquier-Kesteloot (1997, p. 350-352). cordonniers (BRUNEL ; TARDY, 2016BRUNEL, Ghislain ; TARDY, Romain (Éd.). Paris, l’Église et le roi, 1112-1516 : Un siècle d’acquisitions de documents médiévaux (1892-1992). Paris : Archives de Paris, 2016., p. 380), épiciers,22 22 AN, Paris. Congrégation de Saint-Lazare. Titres de propriétés à Paris, 1428. S 6630, liasse 3, rouleau d’enquête, avant-dernier témoignage. Voir Éloïse Régnier (2000, p. 202 ; p. 205). femmes sans activité (CHAIGNE, 2012CHAIGNE, Marion. Les femmes et l’écrit d’après leurs testaments à Paris au début du XVe siècle. Paris et Île-de-France : Mémoires, t. 63, p. 302-319, 2012.) tenaient de tels documents. C’est le signe d’une acculturation profonde de l’écrit dans le milieu artisanal et boutiquier parisien. De fait, les institutions parisiennes tenaient des comptes au moins depuis le XIIIe siècle.23 23 JEHANNO, Christine. Documents comptables (fiscaux, et censiers). In : Ménestrel. Médiévistes sur le net: Sources, travaux et références en ligne. Disponible dans : http://www.menestrel.fr/?-Documents-comptables-fiscaux-et-censiers-. Consulté le 9 déc. 2022. La monarchie tenait des comptes depuis les années 1190-1203 (BALDWIN, 1986BALDWIN, John W.. The Government of Philip Augustus : Foundations of French Royal Power in the Middle Ages. Berkeley : University of California Press, 1986., p. 144). Un grand nombre de Parisiens avaient de ces comptes institutionnels un usage passif, comme censitaires des seigneurs et contribuables du roi, et certains d’entre eux, un usage actif, comme fournisseurs et collecteurs d’impôts : les artisans retenus au service des hôtels royaux et princiers laissaient des comptes dont on trouve encore la trace dans les archives royales et princières (LACHAUD, 2006LACHAUD, Frédérique. Documents financiers et histoire de la culture matérielle : Les textiles dans les comptes des hôtels royaux et nobiliaires (France et Angleterre, XIIe-XVe siècle). Bibliothèque de l’École des Chartes, v. 164, p. 71-96, 2006., p. 87); les membres des métiers pouvaient être étroitement associés à la levée de certains impôts, comme cet impôt royal sur les tanneurs en 1338, qui fut levé par deux membres du métier, ayant produit avec l’aide d’un clerc un compte et des quittances.24 24 BIBLIOTHÈQUE NATIONALE DE FRANCE (BnF), Paris. Documents sur l’administration financière en France, du XIIIe au XVe siècle et sous le règne de Louis XIV. III Comptes originaux, 1328-1337. Département des Manuscrits, Clairambault 471, p. 175-179. Voir aussi Céline Chevaillier (1997, p. 156).

Ces papiers de gestion revêtaient parfois une utilité probatoire : soit ils étaient produits devant un tribunal ou un enquêteur pour faire la preuve de dettes ou de paiements, soit ils étaient mentionnés pour faciliter la tâche d’héritiers ou d’exécuteurs testamentaires dans des successions. Les usages juridiques de ces papiers sont ainsi ceux qui ont permis de garder leur trace, mais il ne faut pas pour autant les réduire à ces usages. En effet d’une part, la coutume parisienne et le style du tribunal de la prévôté royale ne prévoyaient aucune obligation de tenir de tels papiers pour prouver des créances et les archives de ce tribunal montrent bien qu’ils n’étaient nullement indispensables : des poursuites pour dette, parfois même des emprisonnements pour dette, s’engageaient au XVe siècle sans que le moindre papier ne soit produit par les créanciers (CLAUSTRE, 2007CLAUSTRE, Julie. Dans les geôles du roi : L’emprisonnement pour dette à Paris à la fin du Moyen Âge. Paris : Publications de la Sorbonne, 2007., p. 177 ; p. 288 ; p. 298-299).25 25 La situation n’est pas différente au Parlement : si en 1367, l’examen du papirum et des lettres d’un changeur parisien, Pierre de Nesle, a été ordonné afin de départager les parties, l’arrêt n’est que partiellement favorable à sa veuve et le tribunal ne parait pas pleinement certain du contenu des écrits produits, selon Pierre-Clément Timbal (1973, p. 448-450). Georges Huisman (1912) ne donne aucun élément. De manière plus générale, en dépit de la diffusion des tabellions et notaires, ce n’est qu’en 1566 que la législation royale efface la règle « témoins passent lettres » : jusqu’à cette date, le témoignage est tenu pour une preuve meilleure que l’écrit.26 26 Sur les rapports entre notariat médiéval et droit au XVesiècle, voir Kouky Fianu (2016, p. 86-89). L’écrit est encore difficilement séparable des personnes et peine à imposer sa vérité, même s’il se diffuse rapidement.

Selon le Ménagier de Paris (PICHON, 1992PICHON, Jérôme (Éd.). Le ménagier de Paris : Traité de morale et d’économie domestique composé vers 1393 par un bourgeois parisien. Lille : R. Lehoucq, 1992.), ces écrits devaient être utilisés par les serviteurs des bourgeoises dans leurs rapports avec les artisans et marchands, pour suppléer la mémoire défaillante des uns et des autres et pacifier leurs relations.27 27 « encores vault-il mieulx taille ou escripture que soy attendre du tout à sa mémoire, car les créditeurs cuident tousjours plus et les debteurs moins, et de ce naissent débas, haines et lais reprouches » (in PICHON, 1992, p. 56). La seule inscription sur parchemin, papier ou taille, était ainsi gage de paix quotidienne.

Si l’on étudie finement les fragments du livre de boutique de Colin de Lormoye,28 28 Pour ce qui suit, Julie Claustre (2021). on s’aperçoit que ce type d’écrit n’avait nullement vocation à comptabiliser les recettes et dépenses de la boutique et à faire la balance de l’activité du tailleur : nulle mention de salaires, d’achats de fil, de ciseaux… Les rares listes de dépenses présentes correspondent à deux types de situations singulières, étrangères à son métier : un compte de la tutelle qu’il exerce sur un dénommé Colin Pasté et une liste de dépenses qu’il a effectuées lors d’un voyage chez un parent. Le livre ne liste pas non plus les recettes du tailleur. Il comporte principalement les factures, appelées « mémoires de besogne », qu’il établissait au fil des saisons et des années pour ses clients : des listes des vêtements qu’il façonnait et de leurs prix, bien souvent cancellées, c’est-à-dire considérées comme réglées, ponctuées de manière irrégulière des paiements des clients (« reçu... ») et conclues plus rarement encore par des sommes facturées. De loin en loin le couturier établissait avec tel ou tel client ce qui s’appelait alors à Paris un « compte », c’est-à-dire une balance de leurs rapports financiers : c’était le cas en particulier avec le client qui était aussi le maître d’école de son fils, Jehan Boucard. Un tel livre, tenu pendant plus de trente ans, servait donc à suivre non pas la marche de la boutique, son équilibre, sa santé financière, son profit, mais les relations de l’artisan avec chaque client, l’état de ces relations, à la manière d’un carnet d’adresses et de créances.29 29 Ceci corrobore les analyses de Martha Howell (2010, p. 12). Le choix d’une structure bâtie autour des factures personnelles dressées pour les clients fait la part belle aux produits de l’activité du tailleur (types de vêtements, matières, couleurs) et à ses gestes, faisant du livre de boutique un écrit professionnel dans lequel l’artisan explicite son travail à ses contemporains.30 30 Voir aussi Julie Claustre (2018). C’est en ce sens qu’il était le lieu d’élaboration de sa dignité sociale, à une époque de diffusion du medium écrit. Le couturier savait pourtant bien calculer - son aisance mathématique est évidente (CLAUSTRE, 2021CLAUSTRE, Julie. Faire ses comptes au Moyen Âge : Les mémoires de besogne de Colin de Lormoye. Paris : Les Belles Lettres, 2021., p. 143-146) - et il était attentif à ses intérêts matériels - il savait faire de bonnes opérations quand il se faisait payer en nature (CLAUSTRE, 2021, p. 216-218). Mais ses papiers de boutique n’avaient pour finalité ni un calcul de profit ni un développement de son activité. Quoique objectivée en une gestion écrite, sa rationalité économique n’était pas capitaliste.31 31 Cela rejoint certaines remarques de Chris Wickham (2007, p. 45).

La croyance des médiévistes en une rationalité capitaliste médiévale s’exprimant dans les comptabilités a ainsi marqué une bonne partie du XXe siècle, transcendant les écoles historiques et au prix d’une certaine cécité tant face à des historiens de la technique comptable que face à l’hétérogénéité des comptabilités médiévales. C’est par le retour à quelques documents comptables, institutionnels, marchands et artisanaux, à la pratique minutieuse de leur édition et de leur critique, que depuis les années 1990 des médiévistes ont remis en question ce grand récit de la transformation médiévale de l’économie européenne. La ratio comptable des médiévaux apparaît moins désormais comme la manifestation du génie européen de la Renaissance que comme un ensemble de pratiques de l’écrit et du chiffre ancrées dans le développement administratif des seigneuries et États et dans les changements des formes de la compétition sociale induits par l’adoption croissante du medium écrit à partir du XIIe siècle.

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  • WOLFF, Philippe. Commerces et marchands de Toulouse (vers 1350-vers 1450). Paris : Plon, 1954.
  • YAMEY, Basil S.. Scientific Bookkeeping and the Rise of Capitalism. Economic History Review, v. 1, n. 2/3, p. 99-113, 1949.
  • 1
    Deux tableaux historiographiques commodes dans François Menant (2006MENANT, François. Les transformations de l’écrit documentaire entre le XIIe et le XIIIe siècle. In : COQUERY, Natacha ; MENANT, François; WEBER, Florence (Dir.). Écrire, compter, mesurer : Vers une histoire des rationalités pratiques. Paris : Éd. Rue d’Ulm; Presses de l’ENS, 2006, p. 33-50.) et Olivier Mattéoni (2015bMATTÉONI, Olivier. Introduction. In : MATTÉONI, Olivier ; BECK, Patrice (Dir.). Classer, dire, compter : Discipline du chiffre et fabrique d’une norme comptable à la fin du Moyen Âge. Paris : IGPDE, 2015b, p. 9-27.).
  • 2
    Sur le seuil du XIIe siècle pour les comptabilités seigneuriales, voir en particulier Thomas N. Bisson (2014BISSON, Thomas N.. La crise du XIIe siècle : Pouvoir et seigneurie à l’aube du gouvernement européen. Paris : Les Belles Lettres, 2014., p. 253). Sur les comptes manoriaux anglais, voir P. D. A. Harvey (1984HARVEY, P. D. A.. Manorial Records. Londres : British Records Association, 1984.).
  • 3
    Sur le marchand nommé Gilbert Maghfeld, Dewez (2014DEWEZ, Harmony. Connaître par les nombres : Cultures et écritures comptables au prieuré cathédral de Norwich (1256-1344). Thèse (Doctorat en Histoire Médiévale) - Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, Paris, 2014.) ; présentation orale de Mathieu Arnoux, « Une comptabilité commerciale avant la partie double : Le livre de comptes de Gilbert Maghfeld, 1373-1395 », Séminaire Entreprises, régions de productions et marchés en Europe (XIIIe-XVIIe siècle), Paris, 2014.
  • 4
    Pour une vue condensée de la controverse chez les modernistes voir Yannick Lemarchand, Cheryl McWatters et Laure Pineau-Defois (2014LEMARCHAND, Yannick ; MCWATTERS, Cheryl ; PINEAU-DEFOIS, Laure. The Current Account as Cognitive Artefact : Stories and Accounts of la Maison Chaurand. In : GERVAIS, Pierre ; LEMARCHAND, Yannick ; MARGAIRAZ, Dominique (Dir.). Merchants and Profit in the Age of Commerce, 1680-1830. Londres : Pickering & Chatto, 2014, p. 13-31., p. 13-14 ; p. 20-21).
  • 5
    Rappelons qu’on trouve également dans ce premier numéro des Annales d’histoire économique et sociale une notice sur Max Weber par Maurice Halbwachs (1929HALBWACHS, Maurice. Max Weber : Un homme, une œuvre. Annales d’histoire Économique et Sociale, v. 1, n. 1, p. 81-88, janv. 1929., p. 81-88) proposant notamment un résumé de L'Éthique protestante.
  • 6
    Sur la formation et la carrière de Raymond de Roover, voir David Herlihy (1972HERLIHY, David. Raymond de Roover : Historian of Mercantile Capitalism. Journal of European Economic History, v. 1, n. 3, p. 755-762, Winter 1972.).
  • 7
    Jean Favier (1987FAVIER, Jean. De l’or et des épices : Naissance de l’homme d’affaires au Moyen Âge. Paris : Fayard, 1987., p. 446) résume avec lyrisme l’idée partagée par deux ou trois générations de médiévistes: « l’homme d’affaires est apparu, défini par cet outillage intellectuel qu’il se donne à lui-même pour dépasser les horizons que lui ouvraient les techniques de sa victoire sur le temps et l’espace. (…) Il a créé la science d’une analyse systématique des structures et des mouvements qui a pratiquement suffi au monde économique jusqu’aux plans comptables de notre siècle ».
  • 8
    La comptabilité Datini était selon lui « un miracle de rationalité et de netteté » (CROSBY, 2003CROSBY, Alfred W.. La mesure de la réalité : La quantification dans la société occidentale (1250-1600). Paris : Allia, 2003., p. 207). Remarque à mettre en balance avec les appréciations de Jérôme Hayez (2019HAYEZ, Jérôme. Échanges marchands et non marchands dans une boutique d’armuriers-merciers : L’agence Datini d’Avignon vers 1386. In : CLAUSTRE, Julie (Dir.). Transiger : Éléments d’une ethnographie des transactions médiévales. Paris : Éd. de la Sorbonne, 2019, p. 429-478.).
  • 9
    JAMME, Armand. Histoire médiévale et comptabilités : Renouveau d’un champ historiographique, renouvellement des perspectives d’édition. In : Discussions : Pourquoi publier des textes médiévaux au XXI e siècle ? Disponible dans : https://perspectivia.net/publikationen/discussions/9-2014/jamme_histoire. Consulté le 9 déc. 2022.
  • 10
    Raymond De Roover (1937) en avait mis en avant trois : le crédit, l’association et le mandat.
  • 11
    Comme les comptes de Jeanne Ratault, tenus par Jean Dilais (BOISLISLE, 1878BOISLISLE, Arthur de. Les comptes d’une dame parisienne sous Louis XI (1463-1467). Annuaire-Bulletin de la Société de l’Histoire de France, v. 15, n. 2, p. 209-240, 1878.) ; ou encore les livres de comptes de Catherine Ginoust et Catherine Genestier édités par Marie Rose Bonnet (2005BONNET, Marie Rose. Livres de raison et de comptes en Provence : Fin du XIVe siècle-début du XVIe siècle. Aix-en-Provence : Université de Provence, 2005., p. 65-75).
  • 12
    Exemples parmi d’autres : ARCHIVES NATIONALES (AN), Paris. Comptes de Jean Hays rendus pour les offices des anniversaires, des heures, des matines, du vin et des stations, 1403. LL109B, p. 288-289 ; Comptes de Aubert le Prongneux officier des anniversaires pour les années 1424-1428, 1428. LL113, p. 373-375. L’étude de la gestion du chapitre Notre-Dame de Paris aux XIIe-XVe siècles est un des objectifs du projet e-NDP actuellement en cours et a fait l’objet d’une présentation au séminaire e-NDP du 14 décembre 2021. SÉMINAIRES. In : e-NDP: Notre Dame et son cloître. Disponible dans : https://endp.hypotheses.org/seminaires. Consulté le 9 déc. 2022.
  • 13
    Ce que John Sabapathy (2014SABAPATHY, John. Officers and Accountability in Medieval England, 1170-1300. Oxford : Oxford University Press, 2014.) appelle l’accountability.
  • 14
    Catalogués par Raymond Cazelles (1984CAZELLES, Raymond. Catalogue de comptes royaux des règnes de Philippe VI et de Jean II. V. 1. Paris : Imprimerie Nationale, 1984., p. 60-65). Certains ont été édités dans Leber (1838LEBER, Constant. Collection des meilleurs dissertations, notices et traités particuliers relatifs à l’histoire de France composée, en grande partie, de pièces rares, ou qui n’ont jamais été publiées séparément, pour servir à compléter toutes les collections de mémoires sur cette matière. T. 19. Paris : G.-A. Dentu, 1838., p. 79-89).
  • 15
    Comme ceux inventoriés par Gabriella Piccinni (2008PICCINNI, Gabriella. Libri contabilità privata e di memorie in Siena : Considerazioni in merito all’esistenza, alla conservazione e alla scomparsa (XIII-XV secolo). Bullettino Senese di Storia Patria, v. 115, p. 164-198, 2008., p. 169 ; p. 172 ; p. 174 ; et ses remarques, p. 191).
  • 16
    Raymond De Roover (1937, p. 192), alléguait les travaux de Balduin Penndorf sur Luca Pacioli (1933PACIOLI, Luca. Abhandlung über die Buchhaltung, 1494 : Nach dem italienischen Original von 1494 ins Deutsche übersetzt und mit einer Einleitung über die italienische Buchhaltung im 14. und 15. Jahrhundert und Paciolis Leben und Werk versehen von Balduin Penndorf. Stuttgart : C. E. Poeschel, 1933.) et de Heinrich Sieveking (1909SIEVEKING, Heinrich. Aus Genueser Rechnungs- und Steuerbüchern : Ein Beitrag zur mittelalterlichen Handels- und Vermögensstatistik. Vienne : Hölder, 1909.) sur Gênes, pour affirmer qu’avant 1458, à Florence, les marchands devaient présenter des inventaires aux autorités fiscales. La démonstration n’est toutefois guère convaincante.
  • 17
    Comme celui du tailleur florentin Antonio d’Agnolo (1445-1455) cité par Carole Collier Frick (2002FRICK, Carole Collier. Dressing Renaissance Florence : Families, Fortunes, and Fine Clothing. Baltimore; Londres: Johns Hopkins University Press, 2002., p. 65).
  • 18
    AN, Paris. Registres des sentences civiles du Châtelet, 5 juin 1414. Y 5228, f. 14.
  • 19
    AN, Paris. Registres des sentences civiles du Châtelet, 10 sept. 1454. Y 5232, f. 123.
  • 20
    AN, Paris. Registres des sentences civiles du Châtelet, 19 oct. 1454. Y 5232, f. 161.
  • 21
    ARCHIVES DE L’ASSISTANCE PUBLIQUE-HÔPITAUX DE PARIS (AP-HP), Le Kremlin-­Bicêtre. Inventaire des biens de Emery Pellerin, 1483. Fonds de l’Hôtel-Dieu de Paris, liasse 14, pièce n. 145. Voir aussi Yvonne-Hélène Lemaresquier-Kesteloot (1997, p. 350-352).
  • 22
    AN, Paris. Congrégation de Saint-Lazare. Titres de propriétés à Paris, 1428. S 6630, liasse 3, rouleau d’enquête, avant-dernier témoignage. Voir Éloïse Régnier (2000RÉGNIER, Éloïse. Étude topographique et sociale de l’îlot Sainte-Opportune : Entre les rues de la Limace et de la Cordonnerie, des Lavandières, de Maleparole et des Bourdonnais. Mémoire (Maîtrise en Histoire Médiévale) - Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, Paris, 2000., p. 202 ; p. 205).
  • 23
    JEHANNO, Christine. Documents comptables (fiscaux, et censiers). In : Ménestrel. Médiévistes sur le net: Sources, travaux et références en ligne. Disponible dans : http://www.menestrel.fr/?-Documents-comptables-fiscaux-et-censiers-. Consulté le 9 déc. 2022.
  • 24
    BIBLIOTHÈQUE NATIONALE DE FRANCE (BnF), Paris. Documents sur l’administration financière en France, du XIIIe au XVe siècle et sous le règne de Louis XIV. III Comptes originaux, 1328-1337. Département des Manuscrits, Clairambault 471, p. 175-179. Voir aussi Céline Chevaillier (1997CHEVAILLIER, Céline. Étude topographique et sociale d’un quartier à l’ouest de la place de Grève (1300-1500). Mémoire (Maîtrise en Histoire) - Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, Paris, 1997., p. 156).
  • 25
    La situation n’est pas différente au Parlement : si en 1367, l’examen du papirum et des lettres d’un changeur parisien, Pierre de Nesle, a été ordonné afin de départager les parties, l’arrêt n’est que partiellement favorable à sa veuve et le tribunal ne parait pas pleinement certain du contenu des écrits produits, selon Pierre-Clément Timbal (1973TIMBAL, Pierre-Clément. Les obligations contractuelles dans le droit français des XIIIe et XIVe siècles d’après la jurisprudence du Parlement. T. 1. Paris : Éd. du CNRS, 1973., p. 448-450). Georges Huisman (1912HUISMAN, Georges. La Juridiction de la municipalité parisienne : De Saint Louis à Charles VII. Paris : Erenest Leroux, 1912.) ne donne aucun élément.
  • 26
    Sur les rapports entre notariat médiéval et droit au XVesiècle, voir Kouky Fianu (2016FIANU, Kouky. Promettre, confesser, s’obliger : Devant Pierre Christofle, notaire royal à Orléans (1437). Paris : École nationale des chartes, 2016., p. 86-89).
  • 27
    « encores vault-il mieulx taille ou escripture que soy attendre du tout à sa mémoire, car les créditeurs cuident tousjours plus et les debteurs moins, et de ce naissent débas, haines et lais reprouches » (in PICHON, 1992PICHON, Jérôme (Éd.). Le ménagier de Paris : Traité de morale et d’économie domestique composé vers 1393 par un bourgeois parisien. Lille : R. Lehoucq, 1992., p. 56).
  • 28
    Pour ce qui suit, Julie Claustre (2021CLAUSTRE, Julie. Faire ses comptes au Moyen Âge : Les mémoires de besogne de Colin de Lormoye. Paris : Les Belles Lettres, 2021.).
  • 29
    Ceci corrobore les analyses de Martha Howell (2010HOWELL, Martha. Commerce before Capitalism in Europe 1300-1600. Cambridge : Cambridge University Press, 2010., p. 12).
  • 30
    Voir aussi Julie Claustre (2018CLAUSTRE, Julie. « Un ordre si particulier... » : Les factures d’un couturier du XVe siècle. In : CHAMBODUC DE SAINT PULGENT, Diane; DEJOUX, Marie (Dir.). La fabrique des sociétés médiévales méditerranéennes : Les Moyen Âge de François Menant. Paris : Éd. de la Sorbonne, 2018, p. 393-405.).
  • 31
    Cela rejoint certaines remarques de Chris Wickham (2007WICKHAM, Chris. What Has Marxism Done for Medieval History and What Can It Still Do. In : WICKHAM, Chris (Éd.). Marxist History-­Writing for the Twenty-First Century. Oxford ; New York : Oxford University Press, 2007, p. 32-48., p. 45).

Publication Dates

  • Publication in this collection
    09 Oct 2023
  • Date of issue
    May-Aug 2023

History

  • Received
    09 Dec 2022
  • Accepted
    28 Mar 2023
Pós-Graduação em História, Faculdade de Filosofia e Ciências Humanas, Universidade Federal de Minas Gerais Av. Antônio Carlos, 6627 , Pampulha, Cidade Universitária, Caixa Postal 253 - CEP 31270-901, Tel./Fax: (55 31) 3409-5045, Belo Horizonte - MG, Brasil - Belo Horizonte - MG - Brazil
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