Acessibilidade / Reportar erro

Circulation des intellectuels et réception des nouvelles sciences humaines françaises au Brésil: 1908-19321 1 . Je remercie Christophe Charle pour la lecture attentive et les corrections de la version française de cet article.

Résumé

L’objectif est de montrer que les missions scientifiques françaises au Brésil ont joué un rôle fondamental dans l’enracinement des sciences humaines françaises dans les décennies précédant la fondation des universités dans les années 1930. Dans le contexte des disputes entre la France et les Etats-Unis pour la domination culturelle et scientifique en Amérique latine, la stratégie des professeurs français a été d’établir des relations sociales et des pratiques de diffusion culturelle et scientifique dans des environnements socialement et intellectuellement dominants. Ces initiatives ont été couronnées de succès grâce à l’homologie de position entre les professeurs français et les éducateurs du cercle intellectuel de São Paulo - ce qui a contribué à la distanciation relative des éducateurs par rapport aux élites dirigeantes. Je conclus que la circulation des sciences de l’homme françaises s’est heurtée à des barrières au sein même du champ éducatif, dictées par l’esprit anti-durkheimien grandissant.

Mots-clés:
Georges Dumas; Missions scientifiques françaises; Éducateurs réformistes; Sciences de l’homme

Resumo

Trata-se de mostrar que as missões científicas francesas no Brasil tiveram um papel fundamental de enraizamento das ciências do homem francesas nas décadas que antecederam a fundação das universidades nos anos 1930. No contexto das disputas entre França e Estados Unidos pela dominação cultural e científica na América Latina, a estratégia dos professores franceses foi estabelecer relações sociais e práticas de difusão cultural e científica nos meios social e intelectualmente dominantes. Essas iniciativas foram bem-sucedidas graças à homologia de posição entre os professores franceses e os educadores do círculo intelectual de São Paulo - o que contribuiu para o distanciamento relativo dos educadores em relação às elites dirigentes. Concluo que a circulação das ciências do homem francesas encontrou barreiras dentro do próprio campo educacional, ditadas pelo crescente espírito antidurkheimiano.

Palavras-chave:
Georges Dumas; Missões científicas francesas; Educadores reformistas; Ciências do homem

Abstract

This article aims to show that the French scientific missions in Brazil had a fundamental role in rooting the French human sciences in the decades before the foundation of universities in the 1930s. In the context of the disputes between France and the United States for cultural and scientific domination in Latin America, the strategie of French teachers was to establish social relations and practices of cultural and scientific diffusion in socially and intellectually dominant milieus. These initiatives were successful thanks to the homology of position between French teachers and educators in the intellectual circle of São Paulo - which contributed to the relative distance between educators and the ruling elites. I conclude that the circulation of the French social sciences encountered barriers within the educational field itself, dictated by the growing anti-Durkheimian spirit.

Keywords:
Georges Dumas; French scientific missions; reformist eductors, human sciences

Le professeur français a parlé de la préparation scientifique des enseignants développée à l’Ecole Normale Supérieure, où il a travaillé, et dans d’autres écoles en France, ainsi que de l’enseignement supérieur dans son pays. [...] Le professeur Ovídio [...] a rappelé aux personnes présentes que la critique, alors récente, de Gustave Le Bon sur les méthodes d’enseignement du français avait été démontée par la conférence du professeur Drouin. La conférence et les propos de M. Campos ont été largement applaudis, par l’assistance et une partie de la colonie française qui était présente.

Session de la Société d’éducation de São Paulo en 1924. Dans: Nery, 2008Nery, Ana Clara Bortoleto. (2008), A Sociedade de Educação de São Paulo: Embates no campo educacional (1922-1931). São Paulo, Unesp., p. 37.

Introduction

Dans cet article, j’analyse certains aspects des relations intellectuelles entre la France et le Brésil en me fondant sur la circulation des psychologues et sociologues français dans le pays dans la période précédant la fondation des universités. J’adopte une approche qui échappe à la fois à la clé de lecture de l’histoire des idées et à la clé de lecture purement institutionnelle, en soulignant le rôle des réseaux de sociabilité et des projets éducatifs communs, fondés sur les institutions scolaires et culturelles, qui organisent l’une des voies d’introduction des sciences humaines françaises au Brésil. Je cherche à articuler les études sur l’éducation et les études sur l’histoire des sciences sociales - ce qui est peu pratiqué en raison de la spécialisation disciplinaire et de l’institutionnalisation de ces sciences dans l’enseignement supérieur. Par conséquent, l’objectif est de brouiller un peu ces frontières afin de montrer une trace de continuité dans le processus d’incorporation et d’institutionnalisation de ces sciences au Brésil.

Dans le contexte du mouvement international appelé “Éducation Nouvelle” et des réformes survenant simultanément dans l’enseignement primaire et secondaire et dans les écoles normales en France et au Brésil dans les années 1920, il s’agit de montrer que les relations établies entre les élites intellectuelles des deux pays, conditionnées par leur position dans leurs contextes nationaux respectifs, ont abouti à l’incorporation de la sociologie et de la psychologie scientifique françaises dans le pays. Comme ces relations scientifiques et intellectuelles sont dissymétriques, entre un pays dominant et un pays dominé, les stratégies des enseignants français et des éducateurs réformistes brésiliens étaient différentes mais complémentaires. Les professeurs français ont dû construire une carrière internationale pour des raisons de civisme et pour obtenir une reconnaissance scientifique à l’étranger: l’université française est dans une situation précaire dans l’entre-deux-guerres et les nouvelles sciences humaines françaises perdent du terrain face à leurs homologues anglo-saxonnes. Les éducateurs réformistes brésiliens, eux, avaient besoin d’établir des relations externes pour légitimer leur nouvelle formation et ériger des barrières contre les “autodidactes” ou les “dilettantes”. Ce processus conduit à la reconnaissance d’affrontements impliquant des groupes intellectuels étrangers et à l’utilisation de ces oppositions à des fins de légitimation dans le contexte national.

Une grande partie de la production intellectuelle et des affrontements de cette période se fait par le biais de la presse en raison de l’expansion du marché culturel - dont l’analyse est fondamentale pour la compréhension de l’histoire intellectuelle de cette période. Au Brésil, l’activité journalistique n’était pas une pratique incompatible avec l’activité scientifique elle-même, mais l’un de ses fondements, puisque même les revues scientifiques nouvellement créées reproduisaient des articles déjà publiés dans la presse. En outre, l’accès des élites locales à la presse étrangère leur a permis de suivre les débats intellectuels dans d’autres pays et d’y prendre position - une réaction associée à leur position dans le champ du pouvoir national. D’autre part, les éducateurs réformistes ont également lu les revues scientifiques étrangères les plus spécialisées, en essayant d’établir dans le pays un marché de diffusion et de consommation restreinte dans le domaine des “sciences de l’éducation” - biologie, psychologie et sociologie. Ainsi, ils ont accumulé des références et des préférences qui ensuite ont été inscrites dans les institutions de formation et d’exercice professionnelle brésiliennes.

Dans le contexte du mouvement international pour l’éducation nouvelle, avec des impacts spécifiques dans chaque pays, les publications dans le domaine des nouvelles sciences humaines se sont développées entre une tendance “pure” ou “théorique” et une autre “appliquée” ou “empirique” - des genres qui sont associés à la production, respectivement, de la France et des Etats-Unis dans les années 1920. En d’autres termes, le débat sur les sciences de l’homme dans l’entre-deux-guerres était nécessairement imprégné de valeurs politiques associées à la nation et à la discussion entre pays dominants pour une définition légitime dans le domaine de ces sciences. Dans le cas du Brésil, cette opposition a acquis des contours spécifiques: le cercle intellectuel du journal O Estado de S. Paulo et de l’École Normale de São Paulo a adhéré au modèle français, tandis que le cercle de l’École Normale de Pernambuco et du Collège Pedro ii s’est tourné vers le modèle américain. De sorte que les différends entre les pays dominants ont été reproduits dans une certaine mesure dans le contexte national.

C’est pourquoi l’enracinement des sciences humaines françaises au Brésil doit être compris à la lumière de plusieurs processus nationaux et internationaux. Tout d’abord, il est entendu que les missions scientifiques sont porteuses à la fois des intérêts de l’Etat français et des intérêts liés à la position des professeurs français dans l’enseignement supérieur et dans les hiérarchies disciplinaires - une position dominante d’un point de vue institutionnel, mais dominée par le manque de légitimité des nouvelles sciences humaines par rapport aux disciplines traditionnelles au niveau national et menacée par les sciences sociales nord-américaines au niveau international. Deuxièmement, il est entendu que la position des éducateurs brésiliens - dominants en termes sociaux, mais dominés dans le champ du pouvoir - a suscité des stratégies qui ont abouti à la différenciation croissante des élites dirigeantes, parmi lesquelles se distinguent les investissements dans la diffusion de la psychologie et de la sociologie de l’éducation. Troisièmement, et c’est le point central, l’homologie de position entre les professeurs français et un groupe spécifique d’éducateurs réformistes, issus du cercle de São Paulo, a favorisé l’affinité d’intérêts pour l’institutionnalisation des nouvelles sciences humaines françaises (Bourdieu, 1984Bourdieu, Pierre. (1984), Homo academicus. Paris, Éd. Minuit. ; 2002). Cette homologie a créé des conditions propices au travail des intermédiaires culturels des deux pays - conférences, articles, traductions, chroniques de journaux, etc. - afin de légitimer les sciences françaises dans le combat contre les sciences d’origine américaine. Je conclus que ces actions ont obtenu une victoire partielle en raison de la diversification croissante des modèles étrangers diffusés dans le pays - en particulier à partir des missions d’éducateurs brésiliens aux États-Unis depuis la seconde moitié des années 1920.

Dans la première section, j’aborde les intérêts politiques associés aux missions françaises - la concurrence avec l’Allemagne et les États-Unis - afin de montrer qu’il s’agit d’une dimension fondamentale mais non suffisante, pour comprendre les relations scientifiques et intellectuelles entre les deux pays. Dans la deuxième section, je discute le rôle central joué par Georges Dumas (1966-1946) dans la constitution des réseaux au Brésil et j’identifie trois groupes de partisans qui ont occupé des positions dans le champ du pouvoir - parmi eux les éducateurs réformistes. Dans la troisième section, j’analyse les textes publiés par des professeurs français dans la presse dans le but de diffuser les sciences humaines françaises et montre son rôle dans la lutte contre le modèle éducatif nord-américain. Dans la quatrième section, j’identifie les institutions dans lesquelles le modèle éducatif français s’est enraciné et, en particulier, la différenciation progressive de cet accueil entre les groupes dominants dans le champ du pouvoir, partisans de la “culture française”, et les éducateurs liés aux écoles normales, partisans de la “science française”. Enfin, j’analyse les pratiques éditoriales des éducateurs réformistes afin de montrer que la traduction d’auteurs étrangers doit être comprise comme résultat des missions françaises des années 1920 mais aussi comme une stratégie pour légitimer leurs propres trajectoires. Chaque section explore progressivement les différentes dimensions des relations internationales - politique, social et culturel - à travers lesquelles il s’agit de comprendre cette réception à partir de conditionnements internationaux, nationaux et locaux.

Les missions scientifiques françaises au Brésil: ambassadeurs et chercheurs

Les études sur les relations scientifiques entre la France et le Brésil caractérisent généralement les missions françaises comme faisant partie de la “diplomatie intellectuelle” en raison de la participation directe ou indirecte de l’État français à ces initiatives (Petitjean, 1989Petitjean, Patrick. (1989), “Le Groupement des Universités et Grandes Écoles de France pour les relations avec l’Amérique Latine et la création d’Instituts à Rio, São Paulo et Buenos Aires (1907/1940)”. In: D’Ambrósio, Ubiratan. Anais do 2º Congresso Latino-Americano de História da Ciência e da Tecnologia. São Paulo, Nova Stella, pp. 428-442. ; Charle, 1994Charle, Christophe. (1994), “Ambassadeurs ou chercheurs ? Les relations internationales de professeurs de la Sorbonne sous la iiie République”. Genèses, [s. l.], 14: 42-62. Disponível em https://www.persee.fr/doc/genes_1155-3219_1994_num_14_1_1212.
https://www.persee.fr/doc/genes_1155-321...
; Hamburger 1996 ; Suppo, 2001Suppo, Rogelio Hugo. (2001), La politique culturelle française au Brésil entre les années 1920-1950. Paris, tese de doutorado, Paris iii.). Cependant, les missions scientifiques de courte durée ont été peu étudiées et généralement considérées comme peu importantes pour l’enracinement d’une science ou d’une pratique scientifique étrangère dans le pays (Massi, 1989Massi, Fernanda. (1989), “Franceses e norte-americanos nas Ciências Sociais brasileiras (1930-1960)”. In: Miceli, Sergio (org.). História das Ciências Sociais no Brasil. São Paulo, Vértice.). De plus, la fonction diplomatique qu’ils exerçaient semble avoir exclu les transferts proprement scientifiques - d’autant plus si l’on considère qu’il n’y avait pas de centres d’enseignement supérieur dans les nouvelles sciences de l’homme au Brésil. Cependant, le rôle de l’“ambassadeur” et celui du “chercheur” ne sont pas mutuellement exclusifs, de sorte qu’il est nécessaire d’analyser de plus près les fonctions exercées par les professeurs français dans les années 1920, sans lesquelles il n’y aurait probablement pas de missions universitaires dans la décennie suivante (Charle, 1994 ; Charle et al., 2004).

La mobilité internationale des enseignants français vers les États-Unis et l’Amérique latine, qui débute peu avant la première guerre mondiale, est motivée par la rivalité avec l’Allemagne, ce qui révèle l’importance du nationalisme à cette époque. Dans les années 1920, la présence française au Brésil implique clairement un conflit avec les États-Unis pour la définition légitime de la structure et de la fonction du système éducatif, de la formation des enseignants et des “sciences de l’éducation” - y compris les nouvelles sciences de l’homme (Charle et al., 2004Charle, Christophe; Schriewer, Jürgen & Wagner, Peter (org.). (2004), Transnational intellectual networks: forms of academic knowledge and the search for cultural identities. Frankfurt/Main, Campus Verlag. ; Silva, 2011Silva, André F. C. (2011), A trajetória científica de Henrique da Rocha Lima e as relações Brasil-Alemanha (1901-1956). Rio de Janeiro, tese de doutorado em História das Ciências e da Saúde, Casa de Oswaldo Cruz, Fiocruz. ; Rocha, 2016Rocha, Ana Cristina S. M. (2016), Experiências norte-americanas e projetos de educação no Distrito Federal e em São Paulo (1927-1935): Anísio Teixeira, Noemi Silveira, Isaías Alves e Lourenço Filho. Rio de Janeiro, tese de doutorado em História das Ciências e da Saúde, Fundação Oswaldo Cruz, Casa de Oswaldo Cruz, Fiocruz.). Les enseignants français devaient proposer des cours et des modèles alternatifs à celui déjà établi dans certaines écoles normales - inspiré du pragmatisme américain. Ainsi, il revenait aux professeurs de psychologie et de sociologie universitaire une tâche des plus essentielles et des plus difficiles - transplanter un modèle éducatif et un ensemble de catégories scientifiques dans un pays étranger - à un moment où le centre de la production scientifique dans ce domaine se déplaçait vers les Etats-Unis (Paicheler, 1992).

La France et les Etats-Unis étaient également opposés en termes de politique d’internationalisation. Contrairement au modèle américain, dans lequel la circulation internationale était principalement financée par de grandes institutions philanthropiques, les missions françaises étaient principalement liées à l’État, qui a agi directement ou indirectement en faveur de la domination intellectuelle française au Brésil depuis le début du vingtième siècle. Entre 1908 et 1917, les activités étaient centralisées par l’Université de Paris, tandis que dans l’entre-deux-guerres, le Ministère des Affaires Étrangères a centralisé toutes les actions, ce qui a entraîné une action beaucoup plus large et diversifiée en termes géographique et disciplinaire. L’attente derrière cette politique d’État peut être observée dans une publication du Parti Radical français: la domination intellectuelle et scientifique en Amérique latine serait un moyen de domination politique et économique dans la région (Dumas, 1924). Ainsi, l’échange d’informations entre les professeurs français et les membres du Ministère des Affaires Étrangères sur les initiatives des pays “rivaux”, les États-Unis et l’Allemagne, dans le domaine scientifique et éducatif est constant - un sujet présent dans la correspondance diplomatique tout au long de cette période2 2 . Voir, par exemple, l’extrait d’une lettre envoyée par Georges Dumas au Ministère des Affaires Étrangères : “Il serait injuste de dire que les nord-américains travaillent contre nous, mais on peut dire qu’ils répandent une culture de base morale et pratique et une connaissance de l’anglais qui ne prépare pas les étudiants à recevoir et à aimer notre influence. À Rio, on entend dans des milieux plus ou moins américanisés [...] que nous avons besoin d’hommes d’action et de réalité, et si les jeunes acceptent cette philosophie pratique et simpliste, nous les perdrons certainement”. Cf. Dumas au Ministère des Affaires Étrangères. mae. 1917. Sur les relations avec l’Allemagne, voir : Silva, 2013, et Muñoz, 2020. . Ainsi, on observe un processus contradictoire d’expansion des espaces internationaux d’échanges scientifiques et intellectuels basé en grande partie sur la compétition et l’exportation de modèles et de pratiques scientifiques et intellectuelles nationales (Charle, 1994Charle, Christophe. (1994), “Ambassadeurs ou chercheurs ? Les relations internationales de professeurs de la Sorbonne sous la iiie République”. Genèses, [s. l.], 14: 42-62. Disponível em https://www.persee.fr/doc/genes_1155-3219_1994_num_14_1_1212.
https://www.persee.fr/doc/genes_1155-321...
; 2004 ; Heilbron et al., 2009Heilbron, Johan et al. (2009), “Internationalisation des sciences sociales: les leçons d’une histoire transnationale”. In: Sapiro, Gisèle. L’espace intellectuel en Europe: De la formation des États-nations à la mondialisation xixe-xxie siècle. Paris, La Découverte, pp. 319-346.).

L’ampleur des missions scientifiques françaises révèle l’importance de l’investissement du gouvernement français3 3 . Les deux principaux instituts qui encouragent et financent cette circulation sont l’Institut franco-brésilien de haute culture (1922-1938), basé à Rio de Janeiro, et l’Institut technique franco-pauliste (1925-1928). Les missions de Piéron et Fauconnet à São Paulo, mentionnées ci-dessous, ont eu lieu dans le cadre de l’itfp - clairement en phase avec les orientations des élites dirigeantes qui réclamaient des “sciences appliquées”. Cf. Suppo, 2001; Petitjean, 1989; Vercesi, 2010. . Entre 1908 et 1938, environ 55 professeurs des facultés de médecine, de littérature, de sciences et de droit, ainsi que du Collège de France, sont venus au Brésil pour des cours de deux mois4 4 . Cf. Suppo (2001) pour la liste des professeurs français et des professeurs brésiliens qui se sont rendus en France - puisque l’Institut franco-brésilien de la haute culture a couvert la circulation dans les deux sens. . Le choix des noms était suggéré par le pays hôte et leur venue dépendait de l’acceptation du professeur invité et de Georges Dumas - qui proposait de nouveaux noms en cas d’impossibilité. En raison de la médiation de Dumas dans la sélection des candidats, il n’est pas étonnant que la majorité absolue des personnes recrutées soient issues des facultés de médecine et de lettres, domaines de sa formation, ce qui lui permet de rentabiliser son capital social et symbolique en France et de favoriser son élection à l’Académie des sciences morales et politiques et à l’Académie de médecine5 5 . Dumas a été élu membre libre de l’Académie de Médecine en 1926 et membre titulaire de l’Académie des Sciences Morales et Politiques en 1933. Dans les deux cas, ses “services rendus à la France” ont été soulignés par ceux qui ont proposé sa candidature. . Le contrat des professeurs pour venir au Brésil s’élevait à 25 000 francs (répartis à parts égales entre les deux gouvernements) - correspondant à environ quatre mois de salaire d’un professeur en fin de carrière à l’époque - ce qui rendait le voyage économiquement intéressant, compte tenu du fait que les cours avaient lieu pendant les vacances scolaires en France. Malgré les avantages matériels et symboliques, il faut tenir compte des intérêts spécifiques des enseignants français, associés à la discipline et à la position de leur discipline dans le contexte français - intérêts qui ne sont pas toujours convergents avec l’expansion de la “culture française”.6 6 . Depuis les années 1910, la psychologie expérimentale française jouissait déjà d’un certain prestige aux États-Unis - étant donné que les études de Binet et Simon avaient été largement diffusées et adaptées aux intérêts de l’école nord-américaine. Dans le cas de la sociologie, le dialogue s’est établi avec les concurrents de Durkheim - Tarde et Worms - ce qui a produit une atmosphère anti-durkheimienne jusque dans les années 1930. Cela explique peut-être que la première traduction américaine des Règles de la méthode sociologique date de 1938 - un an après la traduction brésilienne. (Cf. Paicheler, 1992; Tournès, 2007; Turner, 2010; Platt, 1995). .

Réseaux francophiles et affinités scientifiques: ingénieurs, médecins et éducateurs

Georges Dumas a joué un rôle clé en tant qu’intermédiaire culturel dans les relations France-Brésil, depuis sa première visite dans le pays en 1908 jusqu’à la fin des années 1930. Sa figure est centrale à la fois parce qu’il centralise objectivement les relations institutionnelles entre les gouvernements et les systèmes éducatifs des deux pays, et parce qu’il possède les propriétés sociales et intellectuelles propres à un pays comme le Brésil - dont les carrières et les compétences académiques n’étaient pas encore professionnalisées et strictement délimitées. Philosophe et psychiatre, mais aussi normalien et professeur à la Sorbonne, Dumas est devenu “psychologue” à une époque où cette dénomination accréditait à la fois des activités littéraires et scientifiques. Ses cours à la Sorbonne étaient donnés à l’Hôpital Sainte Anne, à la manière de Jean-Marie Charcot, et étaient suivis par la “bonne société” parisienne, les intellectuels et les universitaires. Parmi ses étudiants, quelques médecins brésiliens - Manuel Bomfim et Maurício de Medeiros -, de qui est venue l’invitation pour une première visite au Brésil, en 19087 7 . On a supposé que Dumas a été choisi parce qu’il avait écrit sur Auguste Comte. En fait, sa thèse secondaire porte sur Comte, et il publie un ouvrage sur Comte et Saint-Simon en 1906. Comte est le sujet de ses premiers cours au Brésil, dans lesquels il plaide abondamment en faveur du Comte scientifique au détriment du fondateur de la religion de l’humanité. Ses cours ont suscité des protestations et provoqué l’indignation des milieux positivistes orthodoxes. Sur l’invitation de Dumas, cf. Melo & Campos, 2014. . Tout indique que l’hexis corporelle de Dumas lui-même a compté dans le choix de son nom par l’université française8 8 . En fait, Dumas est venu par l’intermédiaire d’une institution fondée en 1907, le Groupement des Universités et Grandes Écoles de France pour les relations avec l’Amérique Latine. Sur le Groupement, voir Suppo (2001) et Petitjean (1989; 2011). : natif du sud de la France, aux manières méditerranéennes et aux traits “latins”, il incarnait un “français à la brésilienne” - célébré par les journaux de l’époque comme un signe de proximité entre les deux pays. Du côté français, cette proximité est perçue avec condescendance: Dumas est dépeint par ses collègues français comme une sorte de “chef d’orchestre” des intellectuels brésiliens et un “grand serviteur de la cause française” 9 9 . La notice nécrologique de Pierre Janet, professeur au Collège de France, collègue et grand ami de Dumas, est assez explicite à cet égard : “Son principal effort a été d’organiser les relations scientifiques et culturelles entre les pays d’Amérique du Sud et la France. [...] Ils ont facilement accepté les conditions proposées par lui, ont suivi ses directives, même avec des difficultés [...]. Dumas est arrivé avec des solutions toutes faites, avec des programmes bien préparés. C’est la conduite des patrons, car elle évite le travail de réflexion et de choix à ceux qui écoutent, en levant leurs doutes. Comme il les a informés qu’il reviendrait l’année suivante, cela a imposé la continuité de l’effort et le suivi du travail”. Janet sur Dumas. Archives du Collège de France. Fonds Pierre Janet. 55 - cdf - 18 a - c. . Ainsi, il était un “intermédiaire culturel” d’un genre particulier: il occupait une position dominante dans le champ universitaire en tant que professeur de la Sorbonne, mais exerçait des fonctions subordonnées dans le champ scientifique de son propre pays. 10 10 . Dumas a également été éditeur de manuels de psychologie et sa veine pédagogique se distingue de toutes ses activités académiques. L’ensemble des nécrologies souligne le rôle du “gestionnaire intellectuel” ou du “professeur” - en plus de son caractère diplomatique - des traits qui occupent une position dominée dans la hiérarchie scientifique.

Les professeurs français, recrutés en général dans les positions dominantes de l’enseignement supérieur français, avaient de faibles attentes vis-à-vis de leurs collègues brésiliens. Si l’on considère uniquement les professeurs de psychologie et de sociologie, cinq professeurs - de la Sorbonne ou du Collège de France - sont venus au Brésil dans les années 1920, un groupe aux propriétés intellectuelles très similaires, qui participait aux mêmes cercles intellectuels et publiait dans les mêmes revues11 11 . Parmi les cinq professeurs figurent trois psychologues - Georges Dumas, Henri Piéron et Pierre Janet - un sociologue - Paul Fauconnet - et le philosophe Lucien Lévy-Bruhl. Pierre Janet et Lucien Lévy-Bruhl étaient au Brésil à l’occasion des célébrations du centenaire de l’indépendance, en 1922. . Diplômés de l’École Normale Supérieure, agrégés et titulaires de deux doctorats (en philosophie et sciences ou en philosophie et médecine), ils avaient tous les atouts du point de vue des hiérarchies scientifiques et intellectuelles. Issus de familles aux trajectoires ascendantes de l’école républicaine, ils lui doivent tout et sont prêts à exercer des fonctions diplomatiques. Cependant, en tant que praticiens des nouvelles sciences humaines, la sociologie et la psychologie, leur position était dominée dans le champ disciplinaire, ils étaient donc en lutte pour la légitimation et l’institutionnalisation de ces sciences contre les disciplines traditionnelles, l’histoire et la philosophie, à tous les niveaux de l’enseignement. Ils luttaient pour la fin de la philosophie spiritualiste et de la philosophie morale - centrée sur la conscience individuelle ou la conscience morale - au nom de l’étude objective des faits (psychologiques ou sociaux). Cette position et les affrontements auxquels ils se livrent renforcent leur intérêt pour la circulation internationale car c’est l’occasion de se faire un nom à partir de la périphérie du système scientifique international.

Du côté brésilien, l’adhésion des élites dirigeantes aux initiatives du gouvernement français dans le domaine de l’éducation n’était pas naturelle, car il existait de nombreuses différences entre les systèmes éducatifs des deux pays. Dans le cas du Brésil, l’enseignement primaire était décentralisé, les institutions publiques d’enseignement secondaire étaient rares et désorganisées et, de plus, il n’y avait pas d’universités constituées ; quant à la formation des enseignants, il n’y avait pas de concours ou de programmes standardisés, et les carrières n’étaient pas professionnalisées. En outre, les relations entre les intellectuels et l’État étaient très différentes dans les deux pays. Dans le cas du Brésil, les trajectoires des éducateurs et des enseignants de l’enseignement secondaire et supérieur cumulent généralement d’autres fonctions dirigeantes: dans l’administration publique, dans la production intellectuelle libre, dans la politique et même dans la vie économique du pays. Du point de vue idéologique, ce rapprochement se heurte également à des obstacles: compte tenu de l’esprit nationaliste en vigueur, on craint toute initiative à connotation impérialiste de la part des pays centraux12 12 . Un point sensible a été le Lycée Franco-Brésilien de São Paulo, dont la fondation a été conditionnée par la restriction du nombre d’enseignants et de directeurs français. En 1921, Dumas exprime ces contraintes : “M. Dumas a tenu à rapporter qu’il ne s’agissait absolument pas d’introduire en Amérique Latine l’enseignement pur de la langue française, mais de s’associer à une œuvre commune dans laquelle les français concourraient [pour] certains points, comme dans l’enseignement des humanités, de la rhétorique et de la philosophie sur le modèle de l’enseignement national français”. (Havas)”. Dumas, Correio Paulistano, 10 janvier 1921. .

La première génération qui a accueilli Dumas et la plus réceptive à ses initiatives était issue de l’enseignement supérieur - ingénierie, médecine et droit - et connaissait la production intellectuelle française pour avoir étudié en Europe ou participé à des congrès internationaux avant même l’arrivée de Dumas. Il est toutefois nécessaire de différencier ces milieux en fonction de la position sociale et intellectuelle de leurs membres, car ce facteur a interféré avec les modes de circulation des œuvres françaises dans le domaine de l’éducation. Le milieu des ingénieurs est composé de grands propriétaires ou directeurs de sociétés dans le domaine des infrastructures (eau, électricité, gaz, assainissement, chemins de fer, etc.) et représente le groupe le plus aisé parmi les amis de Dumas. Nombre d’entre eux étaient diplômés d’écoles d’ingénieurs ou de beaux-arts à l’étranger, notamment en France ou en Belgique et, une fois au Brésil, ont exprimé leur francophilie principalement par le biais du mécénat ou de parrainages divers afin de transplanter dans le pays le style de vie assimilé à l’étranger. Ainsi, les institutions qu’ils ont fondées, que ce soit l’Union scolaire franco-pauliste (1908), qui a financé des cours sur le Brésil à la Sorbonne, ou le Lycée Franco-Brésilien de São Paulo 13 13 . A l’origine du Lycée se trouve une alliance entre le capital national et international qui s’est exprimée à travers des réseaux de relations personnelles et professionnelles. L’un des parrains du Lyceu, Quellenec, ingénieur en chef de la Compagnie du Canal de Suez et membre du conseil d’administration de la Rio Light Co., est un collègue d’Alfredo Maia - ancien secrétaire des Travaux Publics du gouvernement de l’état de São Paulo et vice-président de la compagnie de chemin de fer E. F. Sorocabana et Sorocabana. Antônio Francisco de Paula Souza, père du directeur du Lycée, Ruy de Paula Souza, avait été ministre de l’Industrie et des Travaux Publics et directeur de la surintendance des Travaux Publics de l’état de São Paulo en même temps qu’Alfredo Maia. (1923), avaient pour but de diffuser la langue et la culture entre les deux pays14 14 . Les principaux membres de l’Union Scolaire Franco-Brésilienne sont : Ramos de Azevedo (Polytechnique); Ruy de Paula Souza et mc Buarque (École Normale); Reynaldo Porchat (Droit); Américo Brasiliense et João Frederico de Borba (Pharmacie); José Carlos de Macedo Soares et Oscar de Sá Campelo (Commerce); Otávio Teixeira Mendes et Francisco Dias Martins (Agriculture). Sur les activités de l’Union Scolaire, cf. Jornal do Commercio, 14 août 1921. Les principaux financeurs du Lycée étaient les suivants, par ordre d’importance du parrainage : Société Anonyme Française des Lycées Franco-Brésiliens; Ramos de Azevedo; Lineu de Paula Machado; Victor da Silva Freire; Luiz A. C. Galvão; Carlos Botelho; Arnaldo Dumont Villares; José de Sampaio Moreira; Alfredo Pujol; Luiz Betim Paes Leme; Pio de Almeida Prado; Ruy de Paula Souza; Sénateur Vicente de Paula de Almeida Prado; José V. de Almeida Prado Júnior; Lupercio Teixeira Camargo; Julio de Mesquita; João Alves Lima . Cf. Vercesi, 2010, p. 26. . Dans ce milieu, nous trouvons de nombreuses personnalités ayant des liens directs ou indirects avec des sociétés qui se disputaient l’espace dans les grandes entreprises du secteur des travaux publics à São Paulo et Rio de Janeiro - par exemple, avec la Cia. Docas de Santos, concurrente de la Canadian São Paulo Light Co15 15 . Prenez, par exemple, la Cia Docas de Santos, dont les partenaires étaient Cândido Graffée et l’héritier Guilherme Guinle. Lineu de Paula Machado a épousé Celina Guinle, la sœur de Guilherme, et est devenue l’associée de Guilherme dans la Banque Boavista; Alberto Faria, beau-père d’Afrânio Peixoto et d’Alceu Amoroso Lima, était administrateur de cette société. Un autre exemple sont les partenariats dans les entreprises urbaines dans le domaine de l’infrastructure formés par Francisco Ramos de Azevedo, Vitor da Silva Freire et Antônio Francisco de Paula Souza - collègues de l’École Polytechnique de São Paulo - qui ont également occupé des postes à la direction du Secrétariat des Travaux Publics de l’état de São Paulo. Cf. Campos, 2007. Sur les grandes entreprises d’infrastructure au Brésil, voir Weid (1989), Campos (2007) et Lamarão (2012). . Ce moyen est présent dans certaines institutions centrales pour les éducateurs, comme la Ligue Nationaliste de São Paulo16 16 . Sur les “ingénieurs éducateurs” d’Association Brésilienne de l’Éducation, cf. Carvalho, 1986, et Gomes, 2015. . Cependant, ce n’était pas le milieu le plus intéressé par l’apport des nouvelles sciences humaines à l’éducation, puisque leurs activités professionnelles et pédagogiques - à l’École Polytechnique ou au Lycée des Arts et Métiers - les impliquaient dans les sciences appliquées. La promotion de l’éducation française, dans ce milieu, était une forme de distinction sociale.

Le second groupe est composé principalement de médecins liés à Faculté de Médicine du Rio de Janeiro et à l’Hôpital National des Aliénés, qui ont été chargés d’inviter Dumas dans le pays17 17 . Dumas a été invité par Maurício de Medeiros, à la suggestion de Juliano Moreira, président de la Société de Psychiatrie, Neurologie et Médecine Légale. Cf. Muñoz, 2018; Melo, 2016; Cerqueira, 2014. . Ce groupe connaissait la production intellectuelle française dans les domaines de la psychophysiologie, de la psychiatrie et de la médecine légale avant l’arrivée de Dumas, et certains avaient même participé à des congrès et publié à l’étranger, comme Juliano Moreira et Afrânio Peixoto. Ils ont bénéficié du travail des pionniers - Nina Rodrigues, Teixeira Brandão et Franco da Rocha18 18 . Entre 1884 et 1906, ces trois auteurs ont publié huit textes (cinq articles, deux comptes rendus et une présentation) dans les Annales Médico-Psychologiques - la plus importante revue de psychophysiologie de l’époque en France. Toutes portaient sur diverses maladies mentales, des épidémies collectives de folie ou des institutions d’asile au Brésil. Ce point est important car il permet de différencier la réception du français par les “médecins-éducateurs” de celle des “éducateurs réformateurs” : les premiers sont des professeurs de l’enseignement supérieur, praticiens de la médecine hospitalière, entretiennent des publications dans des revues internationalement prestigieuses et dialoguent avec diverses écoles scientifiques - notamment de l’Allemagne et des Etats-Unis. Cf. Muñoz, 2018. - qui avaient déjà publié en France et diffusé au Brésil des auteurs principalement français et italiens. Mais Juliano Moreira et Afrânio Peixoto ont dépassé ce circuit: ils avaient une préférence pour les théories et les approches allemandes, ont publié dans de nombreuses revues internationales et ont fondé une revue spécialisée en psychiatrie19 19 . Entre 1907 et 1914, Afrânio Peixoto, Juliano Moreira, Ulisses Viana, Antonio Penafiel et Raul Leitão da Cunha ont publié 5 articles, 2 critiques et 1 communication dans les Annales Médico-Psychologiques. Outre Afrânio Peixoto et Juliano Moreira, Maurício de Medeiros, qui avait étudié avec Dumas à Paris, et Miguel Ozório de Almeida figuraient également parmi les membres de ce groupe. Au Brésil, ce groupe a fondé les Archivos brasileiros de psychiatria, neurologia e sciencias affins, en 1905, dont le nom a été changé en Archivos brasileiros de psychiatria, neurologia e medicina legal, avec la création de la Société Brésilienne de Psychiatrie, Neurologie et Médecine Légale, en 1907. Cf. Facchinetti, 2010 et Muñoz, 2018. . Certains médecins de ce milieu sont devenus membres de l’Académie Brésilienne des Sciences, de l’Académie Brésilienne des Lettres et de l’Académie Nationale de Médecine - trois académies qui, ce n’est pas un hasard, ont élu Dumas comme membre correspondant en 1916, 1922 et 1925, respectivement. Malgré des relations très étroites avec Dumas, ils ne publient pas dans sa revue - le Journal de Psychologie Normale et Pathologique n’a publié que huit revues bibliographiques et deux communications de ce groupe entre 1906 et 1926 - ce qui montre la relative indépendance de leurs pratiques d’internationalisation20 20 . Les communications sont de Medeiros e Albuquerque (1924), frère de Maurício de Medeiros, et Miguel Ozório de Almeida (1926) et ont été réalisés à la Société de Psychologie - dirigée par le groupe lié à Dumas. . Un seul de ces médecins a établi un partenariat scientifique au point de faire des recherches et de publier des articles en co-auteur avec un chercheur français - Miguel Ozório de Almeida, qui a publié des articles avec Henri Piéron en France (Melo, 2016Melo, Carolina S. B. de. (2016), Légitimation, application et formation: les missions scientifiques françaises au Brésil dans le domaine de la psychologie (1908-1947). Paris, tese de doutorado, École des Hautes Études en Sciences Sociales. ; Melo & Campos, 2014 ; Souza, 2015Souza, Letícia Pumar Alves de. (2015), A ciência e seus fins: internacionalismo, universalismo e autonomia na trajetória do fisiologista Miguel Ozório de Almeida (1890-1953). Rio de Janeiro, tese de doutorado em História das Ciências e da Saúde, Casa de Oswaldo Cruz, Fiocruz.). Issus de familles moins aisées par rapport au groupe des ingénieurs, ils faisaient tout de même partie du milieu socialement dominant en raison de la rareté de leur formation supérieure, un capital intellectuel qui assurait à nombre d’entre eux des mariages convenables21 21 . Le cas d’Afrânio Peixoto est exemplaire à cet égard. Issu d’une famille aisée - son père était propriétaire d’une extraction de diamants, mais entre en crise -, sa trajectoire ultérieure exprime une relative rareté des ressources. C’est du moins ce que l’on peut déduire de sa conversation avec Francisco Alves, qui lui a conseillé d’écrire un manuel d’éducation pour récolter des fonds et faire le voyage rêvé en Europe. Cf. Dictionnaire historico-biographique des sciences de la santé au Brésil. Une analyse préliminaire nous amène à identifier certains réseaux d’interdépendance entre les milieux de la médecine et de l’ingénierie. La famille Guinle a également parrainé deux laboratoires à Rio de Janeiro : le laboratoire d’analyse clinique de l’Hospice des Alienés, dirigé par Afrânio Peixoto, et le laboratoire de physiologie des frères Miguel et Álvaro Ozório de Almeida. Afrânio est un membre de la famille d’Alberto de Faria, directeur de la Cia. Docas de Santos, et Miguel et Álvaro est les fils de Gabriel Ozório de Almeida, un autre directeur de la Cia. Docas de Santos. En outre, la société de Guinle et Graffée a utilisé l’espace de la Gazetta de Notícias et du journal O Estado de S. Paulo pour ses intérêts commerciaux. Afrânio et Alberto de Faria sont membres de l’Académie Brésilienne des Lettres. Cf. tb Sanglard 2008. . Afrânio Peixoto et Miguel Ozório sont devenus, respectivement, recteur et vice-recteur de l’Université du District Fédéral à Rio de Janeiro - ce qui montre la continuité entre ce milieu et les projets de fondation d’une université. Maurício de Medeiros a participé à la mission brésilienne en France pendant la Première Guerre mondiale et a assumé de nombreuses fonctions publiques dans le domaine de l’hygiène et de la santé publique. En général, les activités de ces docteurs étaient axées sur l’enseignement et la recherche (pure ou appliquée), mais aussi sur l’administration publique et la politique. Leurs relations avec Dumas et les scientifiques français étaient intenses, mais à l’exception de Piéron, aucun développement important pour l’avenir des sciences sociales dans l’enseignement supérieur ne peut être observé22 22 . Dans le laboratoire de Miguel et Álvaro Ozório de Almeida, de nombreux professeurs français ont travaillé dans les années 1920, notamment Henri Piéron, Henri Laugier, Emile Gley et Louis Lapicque. Ozório de Almeida a publié deux articles en France avec Piéron. Cf. Melo, 2016. . Dans le domaine des études médicales, Dumas n’était peut-être pas considéré par eux comme un spécialiste de la psychiatrie - la revue brésilienne de psychiatrie n’a publié pratiquement aucun article de lui et plusieurs des auteurs allemands (Munõz, 2020).

Ainsi, alors que les “ingénieurs-éducateurs” se sont impliqués dans les missions françaises principalement en tant que mécènes ou philanthropes, les “médecins-éducateurs” ont établi des relations institutionnelles avec les professeurs français. Cependant, la vision hygiéniste ou sanitaire du social n’est pas celle diffusée par Dumas, qui prêche la collaboration entre la psychologie scientifique et la sociologie durkheimienne23 23 . On traite conjointement la psychologie scientifique et la sociologie durkheimienne, car c’est dans cette collaboration que Dumas et son entourage ont investi dans les années 1920. Il est important de souligner que l’internationalisation de la psychologie scientifique a été facilitée par sa plus grande imprégnation dans les sciences naturelles. En revanche, la sociologie durkheimienne était plus fortement associée à la culture française. Cf. Charle, 2004. . Un troisième groupe, les “éducateurs réformateurs” - généralement des diplômés en droit, mais pas en exercice - qui enseignaient dans les écoles normales primaires et secondaires, où les nouvelles sciences humaines ont pris racine, sont devenus les principaux médiateurs de la circulation des sciences françaises au Brésil.

À partir de 1912, les cours de Dumas et, plus tard, ceux d’autres professeurs français, ont lieu à l’École Normale de São Paulo, où il établit des solides relations avec plusieurs familles liées au Partido Republicano Paulista - parmi lesquelles la famille Mesquita, propriétaire du journal O Estado de S. Paulo, dont les enfants y étudient.24 24 . En 1912, Dumas a donné un cours de douze conférences à l’École Normale de São Paulo. La deuxième conférence portait précisément sur la relation entre la psychologie et la pédagogie. Cf. O Estado de S. Paulo, 1er septembre 1912. Parmi les participants figuraient des membres du gouvernement de l’état de São Paulo, des enseignants de l’École Normale et des membres de l’Union Scolaire Franco-Pauliste, tels que Ruy de Paula Souza, Vergueiro Steidel, Cyridião Buarque et Oscar Campelo. Cf. http://www.histedbr.fe.unicamp.br/navegando/fontes_escritas/3_Imperio/1846_escola_normal.pdf. Dumas se rapproche de la famille Mesquita et d’un groupe de collaborateurs du journal, impliqués dans la question de l’éducation par l’impact direct ou indirect sur leurs activités culturelles et professionnelles. L’École Normale de São Paulo était une institution associée à la Ligue Nationaliste de São Paulo et à la Société d’Éducation de São Paulo - des associations libres qui visaient à influencer l’agenda des réformes éducatives. Nombre des agents qui circulent dans ces institutions sont les collègues de Dumas depuis 1908 - un réseau de sociabilité qui détient tous les atouts - sociaux, politiques et intellectuels - pour interférer dans la politique éducative de l’état de São Paulo25 25 . En 1908, à l’occasion de sa première mission, Dumas visite l’École Polytechnique et la Faculté de Droit de São Paulo - initiant ainsi des contacts avec Frederico Vergueiro Steidel, Silva Telles, Silva Freire, Ramos de Azevedo, Francisco de Paula Souza, Reynaldo Porchat, Alfredo Pujol, Mendes de Almeida et Dino Bueno. Sur l’importance du journal O Estado de S. Paulo dans la vie culturelle et éducative de São Paulo, cf. Miceli, 2001; Santos, 2018; Nery, 2008, et Limongi, 1989. . D’où la collaboration de Dumas au journal Correio Paulistano entre 1909 et 1914, ainsi qu’à la réforme de l’éducation de Sampaio Dória en 1920. Nombre d’entre eux ont collaboré à la fondation du Lycée Franco-Brésilien de São Paulo 26 26 . En 1924, première année de fonctionnement du Lycée, le conseil pédagogique était composé de Frederico Vergueiro Steidel (Faculté de Droit), du professeur Rodolpho Batista S. Thiago (École Polytechnique), du professeur Ovídio Pires de Campos (Faculté de Médecine), du professeur J. Itapura de Miranda (Gymnase de São Paulo), du professeur Antônio Sampaio Doria (École Normale) et du professeur français Drouin. Cf. , 18 janvier 1924. Sampaio Dória et Frederico Vergueiro Steidel étaient membres de la Ligue Nationaliste; Ruy de Paula Souza et Victor da Silva Freire, qui ont parrainé le Lyceu, étaient membres de la Société d’Éducation de São Paulo (1929). . Ce groupe comprenait, outre la famille Mesquita, Fernando de Azevedo, Lourenço Filho, Sampaio Doria et Rui de Paula Souza. Tout au long des années 1920, les trois premiers étaient directeurs de l’Instruction Publique, respectivement dans le District Fédéral, au Ceará et à São Paulo, et le quatrième était directeur du Lycée Franco-Brésilien de São Paulo27 27 . Le projet de fonder un lycée à São Paulo remonte à 1916, et Dumas pensait initialement construire quatre lycées au Brésil. Cf. Kovacevic, 2019, p. 53-54. Les actifs initiaux ont été donnés par le Parlement, et une autre partie provient de banques, de sociétés françaises et de maisons ayant des intérêts au Brésil. En raison du manque de ressources, il a fallu chercher des mécènes au Brésil et diviser l’administration du Lyceu - accordée par le gouvernement de São Paulo, le gouvernement fédéral et des mécènes privés. . Les trajectoires des éducateurs réformistes s’inscrivent dans deux positions sociales possibles: ils sont membres des élites dirigeantes, familles de politiciens traditionnels ou propriétaires d’entreprises dans le domaine des infrastructures, comme dans le cas de Rui de Paula Souza et Fernando de Azevedo, ou membres des classes moyennes urbaines montantes grâce au capital scolaire, comme dans le cas de Lourenço Filho et Sampaio Doria28 28 . Les familles de Ruy de Paula Souza et de Fernando de Azevedo étaient, respectivement, propriétaires du secteur des infrastructures urbaines - chemins de fer (sp) et transports (rj). Leurs familles ont probablement entretenu des relations, puisque Francisco de Paula Souza était un associé de la Compagnie Chemin de Fer Sorocabana, et Francisco Eugênio de Azevedo était un associé de la Compagnie Ferro-Carril Guarany. Après une période d’instabilité économique familiale, Fernando de Azevedo épouse, à l’âge de 23 ans, Elisa Assumpção do Amarante Cruz, fille du médecin militaire et actionnaire de la Banque União de S. Paulo, Luiz Gonzaga do Amante Cruz. Le père de Lourenço Filho était un petit commerçant, et celui de Sampaio Doria était major dans l’ancienne armée impériale. Tous deux ont enseigné pendant leurs années de formation. Cf. Miceli, 2001. . Les bien nés quittent l’entreprise familiale pour embrasser la carrière d’éducateur, ce qui représente un mouvement vers le bas dans le champ du pouvoir - en emportant avec eux tous les bénéfices des capitaux familiaux hérités. Ceux qui bénéficient d’une bonne volonté culturelle et d’un diplôme supérieur s’élèvent avec l’expansion de l’État dans le domaine de l’éducation (Miceli, 2001Miceli, Sérgio. (2001), Intelectuais à brasileira. São Paulo, Companhia das Letras.). Certaines propriétés scolaires distinguent ce groupe: trois sont diplômés de la Faculté de Droit de São Paulo - où ils ont rencontré certains des fondateurs de l’Union Scolaire Franco-Paulista, comme Reynaldo Porchat et Frederico Steidel -, et tous ont été enseignants ou directeurs de l’École Normale de São Paulo. Quant au domaine d’enseignement, ils sont devenus professeurs de psychologie et de pédagogie (Doria et Lourenço Filho), de psychologie et de latin (Fernando de Azevedo et Lourenço Filho) et de lettres modernes - français (Paula Souza) 29 29 . Exception faite de Ruy de Paula Souza - qui a fait toute sa formation à Paris - et a obtenu une licence ès Lettres à la Sorbonne. Au Brésil, il a fréquenté l’École de Mines de Ouro Preto. Paula Souza, contrairement aux autres, était de la même génération que Dumas et a pu entrer en contact avec lui lorsqu’elle était étudiante à Paris. . Par une formation hybride, lettres classiques et sciences modernes, ils ont acquis les dispositions nécessaires pour sympathiser avec leurs homologues français et leurs propositions sur les sciences de l’homme.

En comparant les propriétés sociales et intellectuelles des éducateurs réformistes avec celles des professeurs français, on observe que les premiers occupaient une position socialement dominante par rapport aux français et, à leur tour, en ce qui concerne leur capital culturel spécifique, ils étaient dominés, car l’ensemble des titres français représentait une barrière insurmontable même pour les familles brésiliennes aisées. Bien qu’ils occupent des positions opposées du point de vue social et intellectuel, il existe une homologie de position entre eux: les professeurs français occupent une position dominée dans les hiérarchies disciplinaires en France, de même que les éducateurs brésiliens dans le champ du pouvoir au Brésil. Ainsi, l’accueil favorable réservé aux sciences humaines françaises peut être attribué à l’homologie de position qui permet des élections mutuelles. Pour la fraction des groupes dirigeantes ayant des fonctions éducatives, notamment les éducateurs réformistes de São Paulo, les missions françaises ont permis de légitimer de nouvelles pratiques (scientifiques, éducatives, éditoriales, administratives) devant les soi-disant “dilettantes” et les politiciens “purs” (Limongi, 1989Limongi, Fernando. (1989), “Mentores e clientelas da Universidade de São Paulo”. In: Miceli, Sergio (org.). (1989), História das Ciências Sociais no Brasil - 1. São Paulo, Vértice, pp. 111-187.).

Les professeurs de français dans la presse de São Paulo: cours et conférences

Les cours et conférences de Dumas au Brésil ont été publiés dans les journaux de São Paulo dès le début des missions scientifiques en 1908. Le volume de ces publications nous permet d’avoir une idée de l’énorme investissement du professeur français dans la diffusion de la philosophie et les sciences de l’homme françaises, ainsi que de la familiarité des lecteurs avec ses textes après des années de collaboration 30 30 . Entre 1909 et 1914, Dumas a été chroniqueur pour le Correio Paulistano et a écrit environ deux cents chroniques durant cette période. Les journaux vantent Dumas comme l’”Einstein de la Sorbonne” et l’”ami du Brésil” - un éblouissement que l’on ne retrouve pas dans son cercle le plus proche. . Il s’agit d’une dimension de la circulation des idées généralement peu prise en compte en raison peut-être de la difficulté d’accès aux documents, mais qui était fondamentale en tant que stratégie pour familiariser le lecteur avec les auteurs et les œuvres étrangers, ainsi qu’avec les questions d’éducation internationale. Entre 1908 et 1918, les contributions de Dumas sont plus littéraires et pittoresques, tandis que dans la période suivante, après la Première Guerre, elles deviennent plus sérieuses et scientifiques.

Dès les premiers cours, on constate que Dumas adhère à la politique culturelle de l’État français en promouvant la sociologie durkheimienne et la psychologie scientifique française, ainsi que le modèle éducatif français. Le cours qu’il a donné à l’École Normale de São Paulo en 1912 comprenait plusieurs sessions sur la psychologie et la pédagogie, ainsi que sur les réformes éducatives en France. Dans les années 1920, les cours sur les réformes éducatives et les sciences de l’homme françaises sont encore plus fréquents, car ils figurent dans l’agenda politique des intellectuels de São Paulo. Les cours, publiés dans le journal O Estado de S. Paulo, ont donné naissance à la chronique mensuelle de Dumas et, quelques années plus tard, à celle de Paul Fauconnet, sociologue et professeur à la Sorbonne. Dumas et Fauconnet ont écrit chacun une cinquantaine de chroniques pour ce journal au cours de cette décennie31 31 . Dumas a commencé la collaboration en 1923 et l’a terminée en 1930 - absent en 1924 et 1925, où il a été remplacé par Albert Thibaudet. Fauconnet a commencé cette collaboration en 1927 et l’a terminée en 1930. . En outre, les professeurs français ont mené de nombreuses activités dans le pays: ils ont publié des ouvrages et des préfaces ; ils ont orienté leurs collègues et conseillé des réformes ; ils ont élaboré le projet du Lycée Franco-Brésilien de São Paulo et des universités dans les années 1930 ; enfin, ils ont nommé des professeurs français pour occuper des postes dans l’enseignement secondaire et universitaire. Leurs activités s’adressaient à la fois à un large public, à l’élite cultivée, et à un public restreint d’éducateurs et de professeurs de l’enseignement supérieur. Un investissement intense et diversifié, réalisé collectivement, qui indique que la légitimation des nouvelles sciences humaines françaises au Brésil n’a pas été un processus spontané ou naturel, c’est-à-dire, le résultat direct des affinités linguistiques et du mode de vie d’une élite francisée.

Le dialogue entre les professeurs français et les éducateurs brésiliens a été facilité par le processus, simultané dans les deux pays, d’institutionnalisation des nouvelles sciences humaines dans les écoles normales primaires. En France, après l’institutionnalisation de ces sciences dans les universités, il s’agissait d’investir dans la diffusion scientifique à des fins d’éducation civique ou de culture scientifique. À partir de la réforme de 1920, l’expansion de la sociologie dans le programme des écoles normales primaires a produit une demande de nouveaux manuels et a dynamisé le pôle pédagogique du champ de l’édition - jusqu’alors dominé par l’histoire et la philosophie. Les manuels de sociologie étaient publiés soit par des durkheimiens stricts, soit par des anti durkheimiens inspirés par la psychologie sociale française (Geiger, 1979Geiger, Roger. (1979) “La sociologie dans les écoles normales primaires: Histoire d’une controverse”. Revue Française de Sociologie, 20-1: 257-267. Les Durkheimiens. Etudes et documents réunis par Philippe Besnard. ; Terral 2005Terral, Hervé. (2005), “Paul Lapie (1869-1927): universitaire et bâtisseur de l’école laïque”. Carrefours de l’Éducation, 1 (19): 121-137., 2008 ; Savoye, 2007Savoye, Antoine. (2007), “La science de l’éducation face à la réforme des lycées (France, 1920-1939)”. Symposium “Science(s) de l’éducation et République face à face. Théorisations contrastées d’une discipline indisciplinée (fin du 19e- 20e)”.). Dans l’enseignement secondaire, le conflit opposait les défenseurs de l’enseignement des humanités classiques à ceux des sciences modernes, les premiers porteurs d’une vision nationaliste - qui opposait les humanités françaises aux sciences allemandes - et les deuxièmes d’une vision plus internationaliste de l’enseignement. Ainsi, le débat entre philosophes et sociologues, qui recoupe dans une certaine mesure l’affrontement entre catholiques et laïques, est la devise qui guide les collections éditoriales et les réformes de cette décennie (Geiger, 1979 ; Savoye, 2007).

Les manuels français ont été largement diffusés hors de France. Au Brésil, on les trouve dans les références bibliographiques des ouvrages de psychologie et de sociologie de l’éducation des années 1920 et 1930 - comme ceux de Hesse et Gleyse (1920) et de Bouglé et Raffard (1926). De plus, les réformes françaises y ont également été largement commentées et débattues - au point de constituer dans le champ idéologique brésilien des positions pour ou contre certains auteurs et réformes en France. Ainsi, les groupes et les arguments utilisés en France pour et contre la sociologie durkheimienne et la psychologie scientifique ont été mobilisés dans des conflits locaux. Malgré les énormes différences entre le système éducatif en France et au Brésil, l’institutionnalisation des sciences humaines dans les écoles normales du Brésil était la voie possible pour leur institutionnalisation dans les universités du futur - un processus inverse à celui qui s’est produit en France32 32 . Ce processus ne s’est pas déroulé sans tensions et solutions négociées avec les écoles confessionnelles françaises au Brésil. Les enseignants français ont dû adopter une position en France et une autre au Brésil : en France, ils ont défendu la loi de 1905 de séparation entre l’Église et l’État; au Brésil, ils ont soutenu les écoles confessionnelles françaises. Cf. Suppo, 2001. .

Les conférences et chroniques de Dumas de l’époque indiquent quelles sont les causes prioritaires dans le domaine de l’éducation: l’“école unique” comme antidote à la “lutte des classes” scolaire 33 33 . Le mouvement de l’École Unique en France ne doit pas être confondu avec le mouvement de l’Éducation Nouvelle - qui avait une portée internationale. Ce mouvement préconise la suppression du cours primaire dans les lycées afin que tous les élèves des écoles publiques entrent dans le système par les écoles primaires. À cette époque, les lycéens - issus des classes aisées - fréquentent l’école primaire dans le lycée même, tandis que les classes populaires fréquentent l’école primaire et l’école primaire supérieure, générant une séparation entre les classes sociales. Cf. Dumas, oesp, 19 août 1928. ; l’enseignement secondaire guidé par le “désintéressement” et visant à la “culture de l’esprit” contre l’enseignement “utile” et “professionnel” ; le rôle central des facultés des lettres et des sciences dans l’université, dont les objectifs seraient de former des consommateurs et des producteurs de science et de culture, ainsi que des enseignants pour l’enseignement secondaire et supérieur34 34 . La suggestion de Dumas comprenait également la création de facultés d’éducation sur le modèle de l’École Normale Supérieure française. À cet égard, voir la mention par Sampaio Doria de la participation de Dumas à la réforme des écoles normales de São Paulo : “En 1920, lors des réunions promues par le professeur Sampaio Doria à la Direction Générale de l’Éducation, vous, Monsieur le professeur George [sic] Dumas, vous efforçant, selon vos nobles manières, d’apparaître comme un simple collaborateur secondaire, avez apporté un précieux contingent au projet d’une faculté d’éducation, une école supérieure destinée au perfectionnement pédagogique des enseignants et à la diffusion de la culture générale. La faculté d’éducation, bien qu’elle ait été créée par une loi de l’état de São Paulo, n’est pas allée au-delà du papier. Mais la graine est restée”. Almeida Júnior, séance spéciale pour la nomination de Dumas comme docteur honoraire à l’Université de São Paulo - 11 juin 1937. Cf. l’Annuaire de l’usp de 1938. Tout indique que, le projet n’ayant pas abouti, Dumas a mis en garde contre le fait qu’une faculté d’éducation à l’orientation “strictement pratique” pourrait compromettre la fondation d’une faculté des lettres. . Dumas, cependant, n’ose pas défendre l’idée que le Brésil doit copier les institutions françaises - ce qui reviendrait à affronter l’esprit nationaliste des élites dirigeantes ; il investit dans l’invention d’une tradition commune, celle des pays “latins”, dont le but serait de préserver leur “tradition culturelle” en opposition aux nations à “pouvoir économique” 35 35 . L’invention d’une tradition de l’Amérique Latine comme région de haute culture fait partie de la rhétorique de presque tous les professeurs français de cette période. “L’Amérique Latine, région de vieille culture, comprend que pour être plus forte, pour affermir sa personnalité, il lui suffit d’organiser sa propre force, d’être latine au sens le plus complet du terme, et c’est pourquoi [...] toutes les nations que j’ai visitées perfectionnent leur enseignement secondaire pour recruter plus largement leurs élites, pour renforcer leur esprit national, pour valoriser toute leur richesse intellectuelle et aussi pour préparer les chefs à la lutte économique dans laquelle ils sont engagés. L’Amérique Latine, avec l’amélioration de son enseignement secondaire, n’a pas à créer un capital intellectuel, mais à obtenir un rendement méthodique du capital que la plupart des nations qui la composent possèdent depuis longtemps - certaines depuis plusieurs siècles.” Dumas, oesp, 17 novembre 1928 et 25 août 1927. . Il s’est inspiré de la vieille opposition entre peuples latins et anglo-saxons, une rhétorique essayiste de la fin du xixe siècle, afin de souligner la distance entre l’Amérique latine et l’Amérique anglo-saxonne.

De leur côté, les conférences et les chroniques de Fauconnet étaient presque toutes consacrées au thème de l’éducation et avaient un biais plus spécialisé, puisqu’il était titulaire de la chaire de sciences de l’éducation à la Sorbonne36 36 . Fauconnet est président du “Groupe français” de la Ligue Internationale pour l’Éducation Nouvelle, fondée en 1921, et Henri Piéron en est le vice-président. . Comme Dumas, il a défendu le mouvement réformiste français appelé “École unique”, c’est-à-dire l’école primaire obligatoire pour tous les élèves de l’enseignement public, en vue de lutter contre les inégalités générées par le système scolaire français. Il a également défendu le mouvement pour l’”éducation nouvelle” en promouvant des études biologiques et psychologiques sur les enfants et les adolescents, mais a revendiqué un rôle central pour la sociologie - tant dans la formation des enseignants que dans la définition des politiques publiques en matière d’éducation. L’éducation étant un fait social, affirma-t-il, il reviendrait à la sociologie d’établir les “fins” de l’éducation selon chaque civilisation ou pays. En outre, il considérait avec suspicion la célébration de l’“autonomie” et de la “liberté” de l’enfant parce que fondée sur une “fausse science”, la psychologie nord-américaine, bien qu’il ait identifié dans cette clameur un aspect positif - la modération des tendances autoritaires de l’éducation traditionnelle. Enfin, il ne considère pas comme adéquate l’orientation pragmatique de la pédagogie de l’”éducation nouvelle” - principalement lorsqu’elle est appliquée aux niveaux les plus avancés de la scolarité37 37 . Sur la réception des idéaux français et nord-américains parmi les milieux de l’Éducation Nouvelle, voir Bomeny, 2001, p. 45, et Nascimento, 2012, p. 94. Le mouvement pour l’École Unique en France était distinct de ce mouvement, mais tous deux proposaient de démocratiser l’accès à l’éducation, de rationaliser la sélection des élèves, de moderniser la formation des enseignants et d’institutionnaliser la psychologie et la sociologie à tous les niveaux de l’enseignement. . L’enseignant, défendait-il, est un représentant de la société dans la classe et c’est à lui que revient la formation de l’individu selon ce qui est déterminé par chaque société - une conception de l’autorité étrangère à la spontanéité de la pédagogie nord-américaine. Ainsi, en hiérarchisant deux modèles d’enseignement et deux sciences, la sociologie et la psychologie, Fauconnet met en opposition deux civilisations, la française et l’américaine.38 38 . Parmi les différents courants de l’Éducation Nouvelle, il accorde une plus grande attention à la conception suisse de “l’École Active”. Cette opposition est exacerbée lorsqu’il aborde l’enseignement secondaire: le modèle français est le meilleur car il est fondé sur le “désintéressement” par opposition à l’“utile” et au “professionnel”, dont la fonction devrait être la formation d’une “culture générale”. Cependant, il admet que la culture de l’esprit peut être atteinte aussi bien par les humanités classiques (grecques-latines) que par les humanités modernes (langue et littérature modernes et sciences), bien qu’en France il se place du côté des modernes.

Ces débats ont eu un impact direct sur les réformes brésiliennes à la mesure que visaient clairement à répondre à une demande locale. Le Lycée Franco-Brésilien de São Paulo avait été construit sur une base “classique”, et Fauconnet a dû faire des contorsions pour maintenir des bonnes relations avec ses fondateurs: en France, pays dont l’enseignement secondaire était traditionaliste, il était bon de développer l’enseignement moderne ; dans les nouveaux pays comme le Brésil, on pouvait mettre l’accent sur l’enseignement classique39 39 . “La question des humanités ne se pose pas dans les mêmes termes pour chaque pays et pour chaque époque. Il peut y avoir un excès ici et une carence là. Sans contradiction, je peux à la fois demander qu’un régime très exclusif des humanités soit modéré en France et qu’ailleurs, au Brésil par exemple, une place plus large lui soit ouverte.” Fauconnet, oesp, 09/05/1928. . On peut également observer son attention à la demande locale des éducateurs lorsque Fauconnet traite de l’enseignement supérieur: les écoles normales primaires et secondaires doivent être fusionnées et, en même temps, abriter une institution supérieure de formation culturelle et scientifique, c’est-à-dire une faculté d’éducation. Sans l’enseignement supérieur, il ne serait pas possible de former des enseignants du secondaire. En outre, il devrait y avoir une équivalence matérielle et symbolique entre la carrière de l’enseignant secondaire et celle de l’enseignant universitaire - en plus de la liberté du professorat, du dévouement exclusif et de la recherche. Enfin, les universités devraient relever de la compétence des états de la fédération et non du gouvernement fédéral40 40 . En 1930, le tirage du journal O Estado de São Paulo était d’environ 100 000 exemplaires par jour. Les suggestions de Fauconnet étaient nombreuses : il a préconisé que le Conseil de l’Université intègre des membres de la société civile, en plus des étrangers, et que les professeurs agissent plus activement dans la société, en devenant des formateurs de l’opinion publique. Fauconnet, oesp, 12/10/1927. . Ainsi, nous observons un processus d’adaptation constant, plus ou moins conscient, entre les exigences d’une fraction des élites brésiliennes et les préférences des professeurs français.

Dans le contexte de la circulation internationale des sciences de l’homme, la diffusion de la sociologie durkheimienne a eu plusieurs fonctions: remettre en cause la conception de l’”éducation nouvelle” nord-américaine au profit de la vision française - plus dirigiste et intellectualiste - et combattre la psychologie sociale nord-américaine au nom de la sociologie française. Il est donc compréhensible que Dumas et Fauconnet aient publié tant de chroniques dans les journaux sur la sociologie durkheimienne et que Fauconnet ait écrit la préface de la traduction brésilienne d’Éducation et sociologie (1929) - le premier ouvrage de Durkheim traduit au Brésil. La diffusion d’un Durkheim “pédagogue” et “scientifique” a combattue ces deux fronts. Dans son livre Education et sociologie, Durkheim s’oppose aux “spontanéistes” et aux “individualistes” en matière d’éducation41 41 . En défendant l’idée que l’éducation varie selon la structure sociale d’un pays, l’auteur s’est nécessairement écarté de la base naturaliste et psychologisante des nord-américains. Cf. Durkheim, 1929. . Sans nier le travail des éducateurs sur la structure biologique et psychologique des individus, Fauconnet renforce la vision durkheimienne: la sociologie va au-delà du conditionnement physiologique ou psychologique des individus et, plus encore, rend compte de ce conditionnement. Ces sciences pourraient se compléter, mais jamais se remplacer42 42 . “Parce que la psychologie est manifestement incompétente quand il s’agit de dire non pas ce qu’est l’enfant, qui reçoit l’éducation, sa manière propre d’assimiler et de réagir, mais la nature même de la civilisation que l’éducation transmet et l’appareil qu’elle emploie pour la transmettre.” Fauconnet, 1929, pp. 12-13. .

Henri Piéron s’est également rendu au Brésil à deux reprises au cours des années 1920. Il a été professeur au Collège de France, chef du laboratoire de psychologie physiologique à la Sorbonne et directeur de L’Année psychologique. Spécialiste de la psychologie expérimentale et de la psychologie appliquée à l’éducation et au travail, il a apporté une contribution importante au Traité de Psychologie de Dumas - largement utilisé par les éducateurs brésiliens. Cependant, la psychologie expérimentale et appliquée occupait une position dominée par rapport à la psychologie philosophique en France. Ainsi, il a consacré une partie de son temps à des missions probablement parce que, outre le devoir civique, il avait besoin de reconnaissance à l’étranger pour renforcer sa carrière en France. Ses publications lui permettaient de répondre aux demandes des médecins et des éducateurs brésiliens: avec Miguel Ozório de Almeida, professeur à la Faculté de Médecine de Rio de Janeiro, il effectue des recherches conjointes et publie des articles en France ; dans le cas de Lourenço Filho, professeur à l’École Normale de São Paulo, la relation est entre maître et disciple, et il devient le mentor de ses recherches et de ses écrits43 43 . Les lettres des deux à Henri Piéron sont révélatrices en ce sens. Cf. Piéron. Institut de Psychologie. Université Paris Descartes, Fonds Piéron. Cf. Souza, 2015; Melo, 2016. . Piéron n’a pas écrit de chroniques dans le journal, comme Dumas et Fauconnet, peut-être en raison du caractère biologique et spécialisé de sa production intellectuelle, mais ses cours ont été publiés sous forme de livre par la collection de l’École Normale de São Paulo, en plus d’avoir un livre traduit par la collection de l’éducateur Lourenço Filho - sur psychotechnique et psychologie de l’éducation (Piéron 1927a, 1927b). Dans le cas de la psychologie appliquée, Piéron défend l’étude des “attitudes” de l’individu (aptitudes), une approche qui s’oppose, dans une certaine mesure, à celle utilisée dans les tests de “qi” pour mesurer l’intelligence utilisée par la psychologie nord-américaine44 44 . Il est important de noter que les disciplines “expérimentales” et “appliquées” avaient un plus grand potentiel de circulation en raison de leur plus grande autonomie par rapport à la culture national d’origine ou au champ de production. Dans un contexte nationaliste, tel que celui des années 1920, la sociologie durkheimienne était désavantagée par son association avec la culture française (qui pouvait être lue comme “impérialiste”) par rapport à la psychologie expérimentale, dont le fondement naturaliste pouvait être apprécié comme “universel”. Cf. Charle, 2004. . Sa critique est toutefois nuancée, même s’il fait l’éloge des pionniers français - Alfred Binet et Théodore Simon - dans toutes les découvertes ultérieures des nord-américains. Piéron a obtenu une grande reconnaissance au Brésil: il a été élu membre correspondant de l’Académie des Sciences et de l’Académie Nationale de Médecine et, en retour, il a soutenu la candidature de plusieurs collègues brésiliens comme correspondants étrangers dans plusieurs sociétés scientifiques françaises. Ainsi, ces nominations étaient des expressions de reconnaissance mutuelle et complétaient le travail symbolique des missions. Donc, à la mesure que les échanges établis par les scientifiques dans les missions des années 1920 ont contribué aux recherches des professeurs brésiliens, elles peuvent également être traités comme des expéditions scientifiques sans préjudice de leur caractère diplomatique (Petitjean, 1989Petitjean, Patrick. (1989), “Le Groupement des Universités et Grandes Écoles de France pour les relations avec l’Amérique Latine et la création d’Instituts à Rio, São Paulo et Buenos Aires (1907/1940)”. In: D’Ambrósio, Ubiratan. Anais do 2º Congresso Latino-Americano de História da Ciência e da Tecnologia. São Paulo, Nova Stella, pp. 428-442.). Ils sont le résultat d’intérêts associés aux trajectoires des deux groupes.

Des humanités classiques aux humanités modernes

La réception des sciences humaines françaises, on l’a dit, était plus positive parmi les éducateurs réformistes de São Paulo, car c’est avec eux que les professeurs français ont réalisé un intense travail intellectuel et institutionnel - agissant dans les réformes de l’éducation, à l’École Normale de São Paulo, au Lycée Franco-Brésilien, et dans les collections éditoriales coordonnées par ce groupe. L’enracinement local des théories éducatives et des catégories scientifiques françaises a permis à ces éducateurs de se légitimer à la fois auprès des élites dirigeantes de São Paulo et des éducateurs concurrents des autres états de la fédération à une époque de concentration croissante des fonctions éducatives par l’État. Ce sont là quelques-uns des facteurs conditionnant les changements observés dans les préférences des éducateurs de São Paulo à la fin des années 1920, qui ont conduit les éducateurs à adopter la “science française”.

Les années 1920 au Brésil sont caractérisées par de nombreuses transformations dans le domaine de l’éducation: réformes du système éducatif, institutionnalisation de nouvelles chaires dans les écoles normales et les lycées, publication de nouveaux manuels scolaires, concours, etc. Cet ensemble de pratiques a été à la fois le résultat et le promoteur du mouvement scolaire qui, grosso modo, peut être caractérisé par trois traits principaux: la pédagogie centrée sur l’élève, l’étude scientifique des enfants et des adolescents et les écoles expérimentales. Le mouvement a contribué à la légitimité des nouvelles sciences humaines car la formation des enseignants était basée sur la biologie, la psychologie et la sociologie de l’éducation. Pour les éducateurs réformateurs, il était essentiel de défendre les sciences de l’éducation car elles constituaient une barrière contre les enseignants dits “dilettantes” ou “autodidactes” - dont beaucoup étaient nommés par le pouvoir politique45 45 . Sur l’importance de la réforme Fernando de Azevedo dans le District Fédéral pour mettre fin à la “politisation” dans le recrutement des enseignants, cf. Vidal et al., 2020. Voir également Santos (2013) et Godoi (2014). . Cependant, les références bibliographiques utilisées dans les manuels brésiliens étaient majoritairement nord-américaines et, lorsqu’elles étaient européennes, il s’agissait des auteurs suisses, italiens, allemands et russes. Ainsi, les professeurs français ont été confrontés à un mouvement d’opinion pédagogique très défavorable - notamment pour la diffusion de la sociologie durkheimienne, dont le dialogue avec la pédagogie nord-américaine était tendu -, de sorte que les fondements scientifiques du mouvement pour l’”éducation nouvelle” étaient loin de faire consensus (Vidal, 2013Vidal, Diana Gonçalves. (2013), “80 anos do Manifesto dos Pioneiros da Educação Nova: questões para debate”. Educação e Pesquisa, São Paulo, 39 (3): 577-588.).

En ce sens, la préférence pour le modèle d’éducation et les sciences de l’homme françaises pour les éducateurs de São Paulo n’était pas quelque chose de spontané. Dans le cercle des éducateurs de São Paulo, les trajectoires scolaires et pédagogiques indiquent deux institutions principales comme source de leur formation intellectuelle. A la Faculté de Droit de São Paulo, on a inculqué la culture littéraire et l’engagement politique - dispositions contraires au durkheimisme strict ; à l’École Normale de São Paulo, la culture scientifique était plus valorisée - encore plus dans le domaine de la psychologie, en raison de son laboratoire -, mais les pratiques et les conceptions pédagogiques étaient principalement nord-américaines (Warde, 2003Warde, Mirian Jorge. (2003), “O itinerário de formação de Lourenço Filho por descomparação”. Revista Brasileira de História da Educação, 5: 125-167.). Fernando de Azevedo et Lourenço Filho méritent d’être mis en avant dans le cercle de São Paulo car ils sont les principaux agents de la transition entre ces deux écoles et les sciences humaines françaises. Fernando de Azevedo - essayiste, classiciste et critique littéraire au début de sa vie intellectuelle - est l’auteur qui s’est le plus approprié le référentiel sociologique durkheimien (Nascimento, 2012Nascimento, Alessandra Santos. (2012), Fernando de Azevedo: Dilemas na institucionalização da sociologia no Brasil. São Paulo, Cultura Acadêmica.). Son contact avec le durkheimisme a peut-être eu lieu lorsqu’il s’est installé à São Paulo, en 1919, moment à partir duquel il est entré à l’École Normale de São Paulo, a rencontré Lourenço Filho et a commencé à collaborer au journal O Estado de S. Paulo. En 1921, il est déjà présent à la réunion qui célèbre le projet du futur Lycée Franco-Brésilien de São Paulo. En tant que directeur de l’Instruction Publique du District Fédéral, entre 1927 et 1930, il a institué un concours de professeur de l’École Normale du District Fédéral et a y fondé une chaire de sociologie. En 1931, il est invité par Lourenço Filho à enseigner la sociologie à l’École Normale de São Paulo et, en 1933, il institue la chaire de sociologie dans toutes les écoles normales de São Paulo (Vidal, 2013Vidal, Diana Gonçalves. (2013), “80 anos do Manifesto dos Pioneiros da Educação Nova: questões para debate”. Educação e Pesquisa, São Paulo, 39 (3): 577-588., Vidal et al., 2020). Lourenço Filho est devenu un grand admirateur de la psychologie scientifique française, même si, comme il l’a lui-même déclaré, il était un adepte de la psychologie nord-américaine depuis l’époque de l’École Normale de Piracicaba (Lourenço Filho, 1956). Sa venue à l’École Normale de São Paulo, au début des années 1920, où il occupait la chaire de psychologie et de pédagogie, a permis la réactivation du laboratoire de psychologie expérimentale, où se déroulaient les cours des professeurs français (Monarcha, 2001Monarcha, Carlos. (2001), Lourenço Filho e a organização da psicologia aplicada à educação. Brasília, Inep. ; 2009). En 1924, il publie une critique élogieuse du Traité de Psychologie de Dumas - qui prône une psychologie physiologique et pathologique française, ainsi qu’une collaboration avec la sociologie durkheimienne. (Lourenço Filho, oesp, 1924). Entre le point de départ et le point d’arrivée de ces deux trajectoires, il y a eu deux étapes intellectuelles importantes concernant les missions françaises: la fondation du Lycée et d’une collection éditoriale.

La fondation du Lycée Franco-Brésilien de São Paulo a organisé les relations entre les éducateurs de São Paulo et les enseignants français autour d’un projet pédagogique (Suppo, 1999 ; Vercesi, 2010Vercesi, Maria Elena de Abreu. (2010), O Lyceu Franco-Brasileiro São Paulo. São Paulo, dissertação de mestrado. Faculdade de Educação da Pontifícia Universidade Católica de São Paulo, puc-sp. ; Kovacevic, 2019Kovacevic, Gisele Schiavetti Basilio. (2019), A política cultural francesa e o Lyceu Franco-Brasileiro S. Paulo como um modelo de ensino secundário para o Brasil - (1916-1951). São Paulo, dissertação de mestrado, Faculdade de Educação da Pontifícia Universidade Católica de São Paulo, puc-sp.). Le modèle d’enseignement était fondé, suivant les lycées de France, sur le “désintéressement” et la “culture générale”, c’est-à-dire qu’il avait pour but la formation de l’esprit sans souci de l’entrée dans l’enseignement supérieur - se démarquant ainsi à la fois des fonctions de l’enseignement primaire et des facultés professionnels. Il s’agissait d’un aspect central du système éducatif français, dont la mise en œuvre au Brésil n’était pas quelque chose de simple pour des raisons institutionnelles et professionnelles, mais aussi pour des raisons politiques et idéologiques, puisqu’il était associé à l’“étranger” et à l’“élitisme”46 46 . À l’époque, l’enseignement secondaire était subordonné à l’enseignement supérieur et se limitait à la préparation aux facultés professionnels - il n’avait donc pas d’identité propre. Le fait qu’il n’y ait pas d’enseignement supérieur spécialisé dans les domaines littéraires, c’est-à-dire des enseignants dédiés à l’enseignement secondaire, a éternisé le système. Cf. Nagle, 2006, p. 303, et Nagle, 2009. . Le groupe d’éducateurs du cercle du journal O Estado de S. Paulo a adhéré au projet du Lycée, mais des restrictions ont dû être apportées au projet original en raison de ce que Mesquita Filho a appelé le “nationalisme exacerbé” du système éducatif brésilien (Pontes, 2010Pontes, José Alfredo Vidigal. (2010), Júlio de Mesquita Filho. Recife, Fundação Joaquim Nabuco, Massangana., p. 153 ; Vercesi, 2010, p. 83). Le gouvernement fédéral n’a accordé aux professeurs français que les matières des “humanités classiques” (latin et grec), modernes (langue et littérature françaises) et la philosophie - outre la méthode d’enseignement (Vercesi, 2010 ; Medeiros, 2005Medeiros, Valéria A. (2005), Antonio de Sampaio Dória e a modernização do ensino em São Paulo nas primeiras décadas do século xx. São Paulo, tese de doutorado, Faculdade de Educação da Pontifícia Universidade Católica de São Paulo, puc-sp.).

En France, ce modèle de formation donnait accès aux grandes écoles et à l’université, mais au Brésil il suscitait une controverse quant à sa fonction. Les débats sur l’enseignement des “humanités classiques” ont eu lieu dans les associations éducatives et dans les établissements d’enseignement - avec une large diffusion par les journaux (Nery, 2008Nery, Ana Clara Bortoleto. (2008), A Sociedade de Educação de São Paulo: Embates no campo educacional (1922-1931). São Paulo, Unesp. ; Carvalho, 1986Carvalho, Marta Maria Chagas de. (1986), Molde nacional e fôrma cívica: higiene, moral e trabalho no projeto da associação brasileira de educação (1924-1931). São Paulo, tese de doutorado, Faculdade de Educação da Universidade de São Paulo.). D’un côté, les “amis de Dumas”, tels que Victor da Silva Freire, Franco da Rocha, Ruy de Paula Souza, Fernando de Azevedo et la famille Mesquita - tous membres de la Société d’Éducation de São Paulo et fondateurs du Lycée - défendaient les humanités classiques. Selon eux, l’enseignement de ces matières était fondamental pour la formation des élites dirigeantes. Ainsi, ils ont défendu la culture générale en utilisant de termes tels que “formation”, “esprit” et “désintéressement” afin de combattre la conception instrumentale de l’enseignement, associée aux termes “instruction”, “pratique” et “utilitaire” 47 47 . “Ce qui différencie l’enseignement américain de l’enseignement français repose exactement sur cette distinction substantielle : le premier tend vers la méthode de l’autorité, de la statistique ou des formules scientifiques (caractère informatif), tandis que le second vise plutôt à profiter de la “capacité formative” de chaque sujet pour éveiller et développer l’esprit d’analyse, le sens de l’observation, la curiosité intellectuelle et la pénétration psychologique”. Ruy de Paula Souza. “Liceo Franco-Brasileiro”. oesp, 10 mars. 1925. . En 1924, le professeur d’un lycée français, Marcel Drouin, prononce une conférence à la Société d’Éducation de São Paulo dans laquelle il défend une formation “humaniste” pour l’“élite” contre les défenseurs de l’éducation “utile” et “professionnelle” (Nery, 2008, p. 37). De l’autre côté, un important cercle intellectuel, formé par les membres de la direction de l’Association Brésilienne de l’Éducation, dans sa section de Rio de Janeiro, était contraire au modèle français48 48 . Le Lycée Français de Rio de Janeiro n’a pas rencontré les mêmes problèmes, car il n’était pas structuré selon le modèle des lycées français, c’est-à-dire qu’il ne proposait pas l’enseignement des humanités classiques. . Partisans de l’enseignement utilitaire et professionnel, ils s’inspirent de Gustave Le Bon, auteur qui critiquait le système éducatif français et, en particulier, l’enseignement du latin et du grec, qu’il associait à la psychologie décadente du “peuple latin”, adorateur de “bibelots inutiles”49 49 . Le Bon est peut-être l’auteur qui a le plus nui aux objectifs éducatifs des missions françaises. Porteur d’une trajectoire d’outsider dans le domaine universitaire, il devient un détracteur de la France et des “races latines”. Il était un essayiste défenseur du libéralisme économique, de l’enseignement privé et des peuples “anglo-saxons”. Sa Psychologie de l’éducation (1902) préconise une éducation professionnelle visant la réussite individuelle. “L’école européenne représente l’ignorance la plus grossière de l’enfant et de la nature humaine. Il moule les cerveaux sans honte ni pudeur; il supprime l’originalité et nivelle les personnalités comme une machine à égaliser. L’école américaine exalte l’individualité, la libère pour qu’elle manifeste ses propres qualités [...] tout en conservant sa liberté d’appréciation, de discernement, d’originalité et de responsabilité.” Le Bon, 1902, p. 74. Cf. Consolim, 2008; Carvalho 1987. . Le Bon était un grand admirateur de l’enseignement nord-américain, d’où son importance dans ce débat. La vision pragmatique de l’enseignement était associée parmi les éducateurs du Rio de Janeiro aux sciences humaines nord-américaines50 50 . Dans l’une des propositions sur l’enseignement de la sociologie, diffusée par la commission de l’enseignement secondaire, elle suggère un cours visant à préparer à la “vie pratique” et recommande de mettre l’accent sur les “sciences appliquées”. Dans la liste des sujets et des références bibliographiques, on peut identifier l’orientation psychologisante et individualiste, ainsi que l’accent mis sur les “problèmes sociaux”. La psychologie sociale et les lois de l’imitation introduisent le cours. D’abord on mentionne des auteurs américains et allemands et ensuite Durkheim et Lévy-Bruhl. La nécessité d’une “sociologie générale” est défendue, car la sociologie n’est pas encore assez scientifique. L’accent est mis sur la dimension appliquée de la sociologie. Cf. “Programme de sociologie. Programme secondaire - bases pour une réforme”, apud Carvalho, p. 147. .

Les conceptions du groupe de São Paulo ont été synthétisées dans l’Enquête du journal O Estado de S. Paulo publié en 1926 (Azevedo, 1960Azevedo, Fernando de. (1960), A educação na encruzilhada. 2 ed. São Paulo, Melhoramentos, vol. 4). L’enseignement secondaire doit promouvoir un cours de “culture générale (non encyclopédique)”, “intégral”, “sans préoccupations professionnelles”, “non spécialisé” pour la formation des “classes moyennes” - en opposition à l’orientation nord-américaine, qui valorisait l’éducation pour son “degré d’utilité immédiate” pour les masses51 51 . “Dans l’éducation, l’examen reste la seule idole pour laquelle l’élève et sa famille font de grands sacrifices de solidarité. Mais ici, comme dans d’autres pays d’Amérique, se dessine déjà clairement la réaction salutaire contre la superstition de l’utilité à tout prix, qui a élevé au rang d’idéal, dans l’organisation et le fonctionnement de l’enseignement secondaire, la rapidité à l’accomplir avec le moins d’effort possible. Azevedo, 1960, p. 263. . Le modèle proposé était clairement défini à partir de l’opposition entre l’Europe et les États-Unis, entre “industrialisme” et “culture” - selon l’opposition entre pouvoir économique et pouvoir culturel52 52 . Ainsi, la solution pour l’enseignement secondaire est une combinaison “éclectique” d’humanités classiques, de sciences et de langues et littératures modernes. L’éducation doit avoir les fonctions suivantes : la formation de l’esprit (langue, littérature et sciences), la formation de la conscience nationale (langue et littérature nationales, histoire et géographie nationales) et universelle (histoire de la civilisation, géographie générale, philosophie ou histoire de la pensée). Cf. Azevedo, [1926] 1960, p. 265. . Ces références étaient fondées sur l’idéologie de la latinité: les “humanités classiques” étaient la marque de la nationalité française contre la “science allemande”, ainsi que la marque de l’Amérique Latine contre l’industrialisme nord-américain. Au nom de cette opposition, Azevedo se réfère positivement à la réforme de 1923 de Léon Bérard en France, qui a rendu les humanités classiques obligatoires dans les écoles secondaires, mais a également supprimé la sociologie dans les écoles normales primaires53 53 . Bergson est du côté de Bérard contre les durkheimiens et, donc, contre les professeurs français en mission au Brésil. En général, les anti-durkheimiens, y compris les catholiques, sont les partisans de Bergson. Cf. la lettre de Bergson à Bouglé. Cf. Bergson, Bérard & Besnard, 1979. . La défense des humanités classiques par le groupe fondateur du Lycée a poussé les professeurs français, adversaires de Bérard en France, à adapter leurs positions au contexte brésilien54 54 . Dumas, “Les idées de M. Henri Bergson sur l’enseignement secondaire”. oesp, 8 juillet 1923. .

Mais les préférences du groupe de São Paulo étaient sur le point de perdre certains de ses partisans vers la fin des années 1920. Les préférences étaient les mêmes pendant que les éducateurs s’identifiaient au groupe socialement dominant dans le champ du pouvoir - les patrons du Lycée. En d’autres termes, tant que les liens qui les unissaient aux familles propriétaires étaient plus forts que ceux qui les constituaient en tant qu’éducateurs, c’est-à-dire en tant que dominés dans le champ du pouvoir. Pendant un certain temps, les préférences de ces familles propriétaires, composées des amis ingénieurs, médecins et juristes de Dumas, se sont inconsciemment imposées aux éducateurs. La fondation du Lycée Rio Branco avec la collaboration de Sampaio Doria et Lourenço Filho - socialement dominés par rapport à Fernando de Azevedo et Ruy de Paula Souza - indique que les éducateurs liés à l’École Normale de São Paulo se sont éloignés du projet du Lycée Franco-Brésilien en raison de ses airs aristocratiques (Medeiros, 2005Medeiros, Valéria A. (2005), Antonio de Sampaio Dória e a modernização do ensino em São Paulo nas primeiras décadas do século xx. São Paulo, tese de doutorado, Faculdade de Educação da Pontifícia Universidade Católica de São Paulo, puc-sp. ; Vercesi, 2010Vercesi, Maria Elena de Abreu. (2010), O Lyceu Franco-Brasileiro São Paulo. São Paulo, dissertação de mestrado. Faculdade de Educação da Pontifícia Universidade Católica de São Paulo, puc-sp. ; Kovacevic, 2019Kovacevic, Gisele Schiavetti Basilio. (2019), A política cultural francesa e o Lyceu Franco-Brasileiro S. Paulo como um modelo de ensino secundário para o Brasil - (1916-1951). São Paulo, dissertação de mestrado, Faculdade de Educação da Pontifícia Universidade Católica de São Paulo, puc-sp.). Quelques années plus tard, dans le Manifeste des Pionniers pour l’Éducation Nouvelle (Azevedo et al., [1932] 2010), la rupture s’exprime: les éducateurs ne mentionnent pas la formation en “humanités classiques” comme nécessaire à la culture générale, mais seulement en “humanités modernes” (langue et littérature modernes), ce qui révèle un déplacement et une démarcation des intérêts des élites politiques dominantes au nom d’intérêts proprement éducatifs - dans la lignée des orientations de Piéron et Fauconnet55 55 . Les signatures du Manifeste indiquent un rapprochement entre les éducateurs de Rio de Janeiro et de São Paulo. En effet, Fernando de Azevedo, dans sa gestion du District Fédéral, s’est rapproché de certains membres de l’abe de Rio de Janeiro, comme Francisco Venâncio Filho et Edgar Sussekind, signataires du Manifeste (Carvalho, 1987). On notera cependant l’absence de deux grands noms de l’éducation de l’époque : Antônio Carneiro Leão et Gilberto Freyre - ce qui est probablement dû aux différends dans le domaine de la sociologie entre les courants français et nord-américains. . Fernando de Azevedo avait abandonné ses écrits littéraires pour adhérer au durkheimisme strict. Lourenço Filho a pris ses distances avec les sciences nord-américaines pour adhérer à la psychologie scientifique de Piéron - ce qui est claire dans sa correspondance avec lui56 56 . Lettre de Lourenço Filho à Piéron : “En tant que sud-américain, plus proche de la culture française, je suis un peu déçu de tout ce que je vois et entends. Les tendances des praticiens de la psychologie me semblaient très étroites, analytiques et fragmentées. Il y a un manque d’esprit de synthèse ou, si vous me le permettez, de philosophie. Je ne dis pas d’une philosophie aprioriste, mais du point de vue de la culture générale, d’un sens humain d’interprétation et de valorisation. L’enseignement secondaire me semble quelque peu monstrueux. Le système des crédits, permettant une spécialisation précoce et une fragmentation des études, me semble une solution très simpliste face à un problème aussi profond.” Cf. Fonds Piéron. Institut de Psychologie. Lourenço Filho à Piéron. New York, 1er janvier 1935. . Les changements observés dans les prises de position des deux auteurs se sont produits dans la même période où ils étaient à la tête d’un projet éditorial réalisé en partenariat avec les professeurs français.

La collection Bibliotheca de Educação et la circulation de l’éducation nouvelle

Dans les années 1920, les éducateurs réformateurs ont également investi dans des collections éditoriales dans le domaine des sciences de l’éducation - une des stratégies pour marquer leur position dans le débat entre les préférences et les références étrangères. Certaines études ont déjà mentionné la relation entre la circulation internationale et les premières collections dans le domaine de l’éducation au Brésil (Toledo & Carvalho, 2017 ; Vidal & Rabelo, 2019Vidal, Diana G. & Rabelo, Rafaela S. (jan.-abr. 2019), “A criação de Institutos de Educação no Brasil como parte de uma história conectada da formação de professores”. Cadernos de História da Educação, 18 (1): 208-220.), mais ici il s’agit de montrer que la collection dirigée par Lourenço Filho, avec le soutien de Fernando de Azevedo, privilégie le volet européen de l’éducation nouvelle en raison de la collaboration des professeurs français.

Le marché de l’édition étant en pleine expansion, une fenêtre d’opportunité a été créée pour les milieux intellectuels déjà familiarisés avec l’univers des auteurs, traducteurs et éditeurs en raison de leur travail pédagogique ou journalistique. La maison d’édition Melhoramentos, qui publiait plusieurs éducateurs liés à l’École Normale de São Paulo, possédait une collection de livres pour enfants dirigée par un ancien inspecteur de l’École - Arnaldo de Oliveira Barreto - qui a probablement servi de médiateur pour le contact entre la maison d’édition et Lourenço Filho57 57 . Il est possible que Fernando de Azevedo et Arnaldo Barreto se soient rencontrés à Rio de Janeiro, puisque tous deux se sont installés dans la ville au même moment et sont allés travailler au Lloyd Brésilien. Barreto dans les écoles professionnelles et Azevedo dans le secteur du chargement. Barreto est mort en 1925, mais il est possible qu’il ait été très proche de Lourenço Filho et de Fernando de Azevedo. Cf. Maziero, 2015. . La collection Bibliotheca de Educação était un phénomène éditorial (Monarcha, 1997Monarcha, Carlos. (org.). (1997), “Lourenço Filho e a Biblioteca de Educação”. In: Lourenço Filho: outros aspectos, mesma obra. Campinas, Mercado de Letras, pp. 27-57. ; Oliveira, 2015). Si l’on considère les quatre premières années de la collection, entre 1927 et 1930, on constate que les auteurs traduits sont les professeurs français et leurs réseaux européens qui, à cette époque, investit l’Amérique Latine. Cette préférence pour le courant franco-suisse de l’École Nouvelle est aussi une stratégie de combat, car elle se fait au détriment du courant nord-américain58 58 . Cela ne veut pas dire que Lourenço Filho s’est exclusivement inspiré des auteurs français. Bien au contraire. Il suffit de consulter ses publications pour constater que ses références bibliographiques sont majoritairement nord-américaines. Néanmoins, son adhésion à psychologie scientifique française est indéniable à partir du dialogue qu’il établit avec Piéron. “Comme ses leçons et ses démonstrations trouvaient déjà en pleine activité des noyaux d’application à l’éducation et à l’organisation du travail, elles furent suivies avec empressement. Piéron a eu l’occasion de proposer non seulement des principes et des techniques de psychologie appliquée, mais aussi la discussion de problèmes méthodologiques, ce qui a grandement influencé l’orientation des études de ses disciples de l’époque, parmi lesquels Roberto Mange, Lourenço Filho et Noemy Rudolfer”. Cf. Lourenço Filho, 1956, p. 283. . Outre Lourenço Filho et Fernando de Azevedo, les éducateurs de ce cercle ont participé de diverses manières à l’entreprise: Sud Menucci est devenu responsable des comptes rendus des œuvres dans le journal O Estado de S. Paulo et Sampaio Doria a été le premier auteur brésilien à publier dans la collection.

Entre 1927 et 1930, la collection a publié douze auteurs au total, dont six étrangers. Les six auteurs traduits sont Henri Piéron (1927), Édouard Claparède (1928), Émile Durkheim (1929Durkheim, Émile. (1929), Educação e Sociologia. Introdução de Paul Fauconnet, “A obra pedagógica de Durkheim”. Tradução de Lourenço Filho. São Paulo, Melhoramentos. Bibliotheca de Educação, vol. 5.), Adolphe Ferrière (1929), Théodore Simon/Alfred Binet (1929) et John Dewey (1930)59 59 . Entre 1927 et 1930, la collection Melhoramentos a publié annuellement les volumes suivants : 1 (1927), 4 (1928), 5 (1929) et 2 (1930). Cf. Oliveira, 2015. . Trois d’entre eux étaient allés au Brésil à cette époque par le biais des missions, comme Piéron (1923 et 1926), Simon (1929) et Claparède (1930), et les autres ont été répandus dans le pays par Piéron et Fauconnet. Les auteurs européens appartenaient au cercle intellectuel qui a fondé la Ligue internationale de l’éducation nouvelle en 192160 60 . Ferrière et Fauconnet étaient, respectivement, rédacteur en chef et rédacteur pour la France de la revue Pour l’Ère Nouvelle, publiée par la Ligue Internationale de l’Éducation Nouvelle. Ferrière était en mission en Amérique Latine et est arrivé au Brésil après avoir traversé plusieurs pays, mais n’a pas pu débarquer à cause de la révolution de 1930. Edouard Claparède et Adolphe Ferrière étaient membres de l’Institut Jean-Jacques Rousseau, à Genève, et étaient très proches de Piéron et Dumas. Claparède a collaboré à un chapitre du Traité de Psychologie de Dumas. Cf. Dumas à Claparède, Archives de Genève. Sur Claparède, cf. Ruchat, 2015. . John Dewey a été le seul auteur nord-américain traduit lors de cette première période, à la suite des contacts établis par l’éducateur Anísio Teixeira lors de son séjour aux États-Unis (Carvalho, 2000 ; Toledo & Carvalho, 2017 ; Oliveira, 2015Oliveira, Priscila M. (2015), Lourenço Filho e a coleção biblioteca de educação: uma análise dos prefácios escritos por esse educador. São Carlos, dissertação de mestrado, ppg Educação/Cech, Universidade Federal de São Carlos, ufscar. ; Rocha, 2016Rocha, Ana Cristina S. M. (2016), Experiências norte-americanas e projetos de educação no Distrito Federal e em São Paulo (1927-1935): Anísio Teixeira, Noemi Silveira, Isaías Alves e Lourenço Filho. Rio de Janeiro, tese de doutorado em História das Ciências e da Saúde, Fundação Oswaldo Cruz, Casa de Oswaldo Cruz, Fiocruz. ; 2019).

Les ouvrages étrangers de cette collection portent d’autres marques du travail nécessaire à la légitimation des éducateurs réformateurs: traductions et préfaces. Parmi les six ouvrages étrangers mentionnés ci-dessus, quatre ont été traduits par Lourenço Filho - à l’exception de Ferrière, traduit par Noemy Silveira Rudolfer, et Dewey, par Anísio Teixeira61 61 . Pour justifier le choix d’Anísio Teixeira comme traducteur, Lourenço Filho affirme qu’il était un ami et un disciple de Dewey. C’est-à-dire que le traducteur n’était pas un professionnel de la traduction, mais un disciple. Cf. Oliveira, 2015, p. 88. - et cinq ont été préfacés par lui 62 62 . Lourenço Filho a préfacé 27 des 29 œuvres de la collection. Cf. Oliveira, 2015. La préface de Lourenço Filho aux Tests de Binet et Simon révèle le dialogue actif avec les auteurs européens. La traduction du volume est justifiée par la “révision de l’échelle de Binet pour les enfants de São Paulo, travail que nous effectuons depuis environ cinq ans [...]”. Cf. Lourenço Filho, 1920, p. 6. . Certaines préfaces ont été rédigées sur la base du matériel biographique et bibliographique envoyé à Lourenço Filho par les auteurs eux-mêmes. En d’autres termes, dans ses premières années, la collection est le fruit d’un échange constant entre les éducateurs réformistes et les professeurs étrangers, dont le résultat est principalement la diffusion de la sociologie durkheimienne et de la psychologie expérimentale française, ainsi que de la psychologie de l’enfance pratiquée à l’Institut Jean-Jacques Rousseau en Suisse. Le premier ouvrage de Durkheim traduit au Brésil, Education et sociologie, a été préfacé par Paul Fauconnet, avec qui Lourenço Filho correspondait. La préface de Fauconnet, en phase avec les travaux de Durkheim, critiquait la pédagogie nord-américaine pour son caractère technique, c’est-à-dire pour l’absence de préoccupation pour les rapports entre l’école et la société, et soutenait que la considération des “moyens” - la psychologie appliquée à l’éducation - devait être subordonnée aux “fins sociales” établies par chaque société et, bien sûr, par la sociologie. Les préfaces de Lourenço Filho expriment la même conception de la relation entre la psychologie et la sociologie - à travers le binôme “moyens” et “fins”63 63 . Le dépassement de la psychologie par la sociologie est décrit par Lourenço Filho : “Le progrès des sciences naturelles et, en particulier, le développement des études psychologiques ont obligé les pédagogues à revoir leurs théories traditionnelles. D’autre part, la transformation sociale des derniers temps, imposant de nouveaux problèmes à la cogitation des politiciens et des sociologues, devait compliquer cette réaction naturaliste par une réaction critique ayant un sens clairement social. La crise a fini par impliquer non seulement les problèmes des ‘moyens’, mais aussi le problème essentiel des ‘fins’ de l’éducation”. Lourenço Filho, Préface à Claparède, 1928. . Défendre la prédominance de la sociologie sur la psychologie représentait une position claire: l’adhésion à la “théorie” au détriment de la “technique” ou aux sciences sociales européennes au détriment du modèle nord-américain. En ce qui concerne la circulation des ouvrages étrangers, les volumes de Binet/Simon, Piéron et Durkheim sont les plus réimprimés - un indicateur que les ouvrages français ont trouvé une demande plus élevée parmi les étudiants des écoles normales.

La publication de ces traductions a produit comme contrepartie la pratique d’envoyer les œuvres des éducateurs brésiliens aux professeurs français. Dès qu’ils publiaient leurs propres œuvres, ils envoyaient aux professeurs à la recherche d’une critique dans une revue étrangère ou d’un commentaire flatteur à publier dans la deuxième édition 64 64 . Les éducateurs ont également envoyé des articles à publier à l’étranger. Voir, par exemple, l’article de Fernando de Azevedo dans la revue L’Ére Nouvelle - dirigée par Ferrière (Vidal & Rabelo, 2019; Vidal et al., 2020). . Si l’on prend l’exemple de deux œuvres, l’une de Lourenço Filho et l’autre de Fernando de Azevedo, l’on observe que toutes les deux contiennent une liste d’auteurs étrangers avec des passages élogieux sur ses livres65 65 . M. B. Lourenço Filho, Introdução ao estudo da Escola Nova. São Paulo, Melhoramentos, [1930] 1978; Fernando Azevedo, Princípios de Sociologia. São Paulo, Companhia Editora Nacional, [1935] 1939. Fernando de Azevedo a envoyé son travail à Célestin Bouglé, qui lui a répondu en promettant un compte rendu dans les Annales Sociologiques, ce qui n’a pas eu lieu. Cf. Bouglé à Azevedo. ieb. Lourenço Filho envoie à Piéron son ouvrage Testes abc [1933] et obtient une notice dans L’Année psychologique. Cf. L’Année psychologique, 1933-2 - n. 1975. . Dans l’ouvrage de Lourenço Filho (1930), les premiers de la liste sont Fauconnet, Piéron et Claparède, dans cet ordre ; le seul auteur nord-américain apparaît en dernier. Dans l’ouvrage de Fernando de Azevedo (1935), les sociologues durkheimiens apparaissent en premier, et il n’y a aucune référence à des auteurs nord-américains. Ainsi, la reconnaissance recherchée par ces éducateurs était orientée vers l’Europe et non vers les États-Unis. C’est notamment de la France qu’ils entendaient obtenir les éloges nécessaires à des fins de légitimation locale.

Dans les années 1920, défendre la sociologie durkheimienne n’était pas une tâche facile. Dans plusieurs pays, il existait un mouvement critique de Durkheim basé sur les mêmes arguments et références bibliographiques: Gabriel Tarde, René Worms, Henri Bergson et la psychologie sociale nord-américaine. En d’autres termes, certaines théories ont circulé dans l’espace transnational en même temps que leurs concurrents locaux, s’inscrivant dans les conflits étrangers en s’associant à des pôles distincts. Depuis la seconde moitié des années 1920, certains cours de sociologie avaient déjà adopté des références théoriques nord-américaines - le cas du Colégio Pedro ii et de l’École Normale de Pernambuco (Leão, 1940Leão, Antônio Carneiro. (1940), Fundamentos de sociologia. São Paulo, Melhoramentos. ; Meucci, 2007Meucci, Simone. (2007), “Entre a escola nova e a oligarquia: a institucionalização da sociologia na Escola Normal de Pernambuco - 1929-1930”. Cronos, 8 (2): 451-474. ; Soares, 2015Soares, Jefferson da Costa. (2015), “A construção do currículo de sociologia no colégio Pedro ii (1925-1941)”. Cadernos de História da Educação, 14 (1): 95-113.). De la même manière, les manuels de sociologie de Fernando de Azevedo (1935) et d’Antônio Carneiro Leão (1940) représentaient des prises de positions opposées dans les débats sur la définition légitime et la fonction des sciences humaines66 66 . Dans Principes de sociologie, Durkheim est l’auteur central et le principal représentant de la sociologie scientifique. Sur l’inspiration durkheimienne des manuels de sociologie, cf. Nascimento, pp. 70 et s. . En fait, le cercle des anti-durkheimiens dans le pays a été beaucoup plus étendu que celui des durkheimiens, limité au cercle des éducateurs de São Paulo, oppositions qui seront renouvelés avec l’institutionnalisation des sciences sociales dans les universités pendant les années 1930.

Considérations finales

Les missions scientifiques françaises des années 1920 ont contribué à établir une tradition d’études en sciences humaines avant même la fondation des universités brésiliennes. J’ai souligné qu’il était nécessaire de considérer l’importance de leurs fonctions scientifiques, en dépit de leurs fonctions diplomatiques, car les professeurs français avaient intérêt à se légitimer dans l’espace scientifique transnational. En outre, j’ai indiqué que les réformes éducatives et le mouvement de l’éducation nouvelle au Brésil ont produit une demande interne des élites dirigeantes pour des modèles institutionnels et des programmes pédagogiques dans lesquels les sciences humaines étaient inscrites. La convergence d’intérêts entre les professeurs français et les éducateurs de São Paulo a été possible parce que les deux groupes occupaient une position subordonnée, respectivement, dans le champ universitaire et dans le champ du pouvoir - et étaient dépendants de la légitimation des nouvelles sciences humaines dans leurs contextes nationaux respectifs. Le travail des intermédiaires culturels a fait circuler des œuvres et des auteurs, des théories et des méthodes, des modèles et de politiques d’éducation - des catégories qui se sont répandues principalement parmi les enseignants et les étudiants de l’École Normale de São Paulo. Les manifestations publiques des éducateurs montrent que, dans cette période, leurs préférences se redéfinissent et s’orientent vers les sciences de l’homme françaises dans un contexte de rivalité entre les éducateurs réformistes eux-mêmes.

Face à la littérature sur la mobilité internationale des enseignants à cette période, j’ai essayé de montrer la spécificité des processus concomitants de circulation des personnes et des textes - ancrés dans deux champs nationaux distincts et dans leurs positions respectives dans l’espace transnational. Ainsi, les relations de rivalité entre la France, l’Allemagne et les Etats-Unis sont une partie de l’explication des missions françaises au Brésil. Par rapport à la circulation des théories, il faut également considérer les positions et les oppositions au sein de chaque espace national, car les théories ou les écoles ne circulent pas de manière isolée, mais en conjonction avec les critiques de leurs opposants dans le champ de la production en s’associant aux intérêts des groupes intellectuels étrangers. En ce sens, il est important de situer la position des agents à la fois dans le champ de la production et dans le champ de la réception. Ainsi, l’investissement des psychologues et des sociologues français au Brésil se comprend à partir de la crise de l’université française et, en particulier, des sciences humaines à cette époque. Si, d’une part, la conquête d’un public en Amérique Latine passait par l’exploitation du capital symbolique représenté par la culture française, d’autre part, les intérêts des sociologues et des psychologues dépassaient cette dimension. Le poids de l’investissement scientifique vis-à-vis le diplomatique dépendait aussi du type de trajectoire intellectuelle dans le pays d’origine - orientée vers l’accumulation du pouvoir universitaire (Dumas) ou l’accumulation du capital scientifique (Piéron).

Dans un espace transnational marqué par l’inégalité des ressources sociales et intellectuelles, les positions dans le champ de réception ne manquent pas de porter les marques de la domination - la recherche d’une légitimité culturelle ou scientifique par référence à l’étranger. En ce sens, l’“importation” de modèles étrangers - institutionnels, pédagogiques, théoriques - a servi autant à la distinction sociale qu’à la légitimité scientifique. Ces dispositions peuvent être identifiées dans des proportions différentes dans les trajectoires des élites dirigeants brésiliens - en fonction de la position dominante ou dominée dans le champ du pouvoir. Malgré la courte durée des missions scientifiques, des relations structurées et hiérarchiques ont été établies et des préférences et les références bibliographiques ont été définies - au contraire des lectures spontanées inspirées par le contact immédiat avec les sources écrites. Ainsi, au lieu de chercher des catégories “indigènes” dans l’histoire des sciences sociales au Brésil, il vaut mieux rendre explicites les relations sociales concrètes qui les ont produites.

Referências Bibliográficas

  • Azevedo, Fernando de. (1960), A educação na encruzilhada. 2 ed. São Paulo, Melhoramentos, vol. 4
  • Azevedo, Fernando de. (1939), Princípios de Sociologia. 3. ed. São Paulo, Companhia Editora Nacional, vol. 9.
  • Azevedo, Fernando de et al. ([1932] 2010), Manifesto dos Pioneiros da Escola Nova. Brasília, mec.
  • Bergson, Henri; Bérard, Léon & Besnard, Philippe. (1979), “Lettres de Bergson et de Bérard”. Revue Française de Sociologie, Les Durkheimiens. Études et documents réunis par Philippe Bésnard, 20-1: 268-272.
  • Bomeny, Helena. (2001), Os intelectuais da educação. Rio de Janeiro, Jorge Zahar.
  • Bourdieu, Pierre. (1984), Homo academicus. Paris, Éd. Minuit.
  • Bourdieu, Pierre (dez. 2002), “Les conditions sociales de la circulation internationale des idées”. Actes de la Recherche en Sciences Sociales,145.
  • Campos, Cristina de. (2007), Ferrovias e saneamento em São Paulo: o engenheiro Antônio Francisco de Paula Souza e a construção da rede de infraestrutura territorial e urbana paulista (1870-1893). São Paulo, fau-usp.
  • Carvalho, Marta Maria Chagas de. (1986), Molde nacional e fôrma cívica: higiene, moral e trabalho no projeto da associação brasileira de educação (1924-1931). São Paulo, tese de doutorado, Faculdade de Educação da Universidade de São Paulo.
  • Charle, Christophe. (1994), “Ambassadeurs ou chercheurs ? Les relations internationales de professeurs de la Sorbonne sous la iiie République”. Genèses, [s. l.], 14: 42-62. Disponível em https://www.persee.fr/doc/genes_1155-3219_1994_num_14_1_1212.
    » https://www.persee.fr/doc/genes_1155-3219_1994_num_14_1_1212.
  • Charle, Christophe; Schriewer, Jürgen & Wagner, Peter (org.). (2004), Transnational intellectual networks: forms of academic knowledge and the search for cultural identities. Frankfurt/Main, Campus Verlag.
  • Consolim, Marcia. (2008), “Posfácio: Gustave Le Bon e a Crítica da razão acadêmica”. In: Le Bon, Gustave. Psicologia das multidões. São Paulo, Martins Fontes.
  • Consolim, Marcia. (2018), “Georges Dumas e Marcel Mauss: diálogo sobre a expressão das emoções e dos sentimentos”. In: Consolim, M.; Weiss, R. & Pizarroso, N. (orgs.). Marcel Mauss: relações reais e práticas entre a psicologia e a sociologia. São Paulo, Edusp, pp. 141-164.
  • Durkheim, Émile. (1929), Educação e Sociologia. Introdução de Paul Fauconnet, “A obra pedagógica de Durkheim”. Tradução de Lourenço Filho. São Paulo, Melhoramentos. Bibliotheca de Educação, vol. 5.
  • Fauconnet, Paul. (1929), “A obra pedagógica de Durkheim”. Introdução a: Durkheim, Émile. (1929), Educação e Sociologia. Tradução de Lourenço Filho. São Paulo, Melhoramentos. Bibliotheca de Educação, vol. 5, pp. 5-31.
  • Fauconnet, Paul. “Estrutura e Organização das Universidades Francesas”. O Estado de S. Paulo, 12 de outubro de 1927.
  • Fauconnet, Paul. “A questão das humanidades”. O Estado de S. Paulo, 9 maio 1928.
  • Geiger, Roger. (1979) “La sociologie dans les écoles normales primaires: Histoire d’une controverse”. Revue Française de Sociologie, 20-1: 257-267. Les Durkheimiens. Etudes et documents réunis par Philippe Besnard.
  • Godoi, Lidiany Cristina de Oliveira. (2014), A reforma do ensino no estado de São Paulo: conflitos e disputas (1891-1892). Campinas, tese de doutorado, Faculdade de Educação da Universidade Estadual de Campinas, Unicamp.
  • Gomes, Clecia Aparecida. (2015), Os engenheiros da Associação Brasileira de Educação (abe): confluências entre ideias educacionais e urbanas na cidade do Rio de Janeiro nos anos iniciais do século xx. Campinas, dissertação de mestrado, Instituto de Filosofia e Ciências Humanas da Universidade Estadual de Campinas, Unicamp.
  • Hamburguer, Amélia Império et al. (1996), A ciência nas relações Brasil-França (1850-1950). São Paulo, Edusp/Fapesp.
  • Heilbron, Johan et al. (2009), “Internationalisation des sciences sociales: les leçons d’une histoire transnationale”. In: Sapiro, Gisèle. L’espace intellectuel en Europe: De la formation des États-nations à la mondialisation xixe-xxie siècle. Paris, La Découverte, pp. 319-346.
  • Kovacevic, Gisele Schiavetti Basilio. (2019), A política cultural francesa e o Lyceu Franco-Brasileiro S. Paulo como um modelo de ensino secundário para o Brasil - (1916-1951). São Paulo, dissertação de mestrado, Faculdade de Educação da Pontifícia Universidade Católica de São Paulo, puc-sp.
  • Lamarão, Sérgio T. de N. (2012), A energia elétrica e o parque industrial carioca (1880-1920). Globalización, innovación e construcción de redes técnicas urbanas en América Latina y Europa (1890-1930). Simpósio Internacional, Universidade de Barcelona.
  • Leão, Antônio Carneiro. (1940), Fundamentos de sociologia. São Paulo, Melhoramentos.
  • Le Bon, Gustave. (2008), Psicologia das multidões. São Paulo, Martins Fontes.
  • Le Bon, Gustave. (1902), Psychologie de l’Éducation. Paris, E. Flammarion.
  • Limongi, Fernando. (1989), “Mentores e clientelas da Universidade de São Paulo”. In: Miceli, Sergio (org.). (1989), História das Ciências Sociais no Brasil - 1. São Paulo, Vértice, pp. 111-187.
  • Massi, Fernanda. (1989), “Franceses e norte-americanos nas Ciências Sociais brasileiras (1930-1960)”. In: Miceli, Sergio (org.). História das Ciências Sociais no Brasil. São Paulo, Vértice.
  • Maziero, Maria das Dores S. (2015), Arnaldo de Oliveira Barreto e a Biblioteca Infantil Melhoramentos (1915-1925): Histórias de ternura para mãos pequeninas. Campinas, tese de doutorado, Faculdade de Educação da Universidade Estadual de Campinas, Unicamp.
  • Medeiros, Valéria A. (2005), Antonio de Sampaio Dória e a modernização do ensino em São Paulo nas primeiras décadas do século xx. São Paulo, tese de doutorado, Faculdade de Educação da Pontifícia Universidade Católica de São Paulo, puc-sp.
  • Melo, Carolina S. B. de. (2016), Légitimation, application et formation: les missions scientifiques françaises au Brésil dans le domaine de la psychologie (1908-1947). Paris, tese de doutorado, École des Hautes Études en Sciences Sociales.
  • Melo, Carolina S. B. de & Campos, Regina H. de F. (2014), “Scientific exchanges between France and Brazil in the History of Psychology. The role of Georges Dumas between 1908 and 1946”. Universitas Psychologica, Bogotá, 13 (5): 1681-1695.
  • Meucci, Simone. (2007), “Entre a escola nova e a oligarquia: a institucionalização da sociologia na Escola Normal de Pernambuco - 1929-1930”. Cronos, 8 (2): 451-474.
  • Miceli, Sérgio. (2001), Intelectuais à brasileira. São Paulo, Companhia das Letras.
  • Miceli, Sérgio. (1989), História das Ciências Sociais no Brasil. São Paulo, Vértice/Revista dos Tribunais.
  • Monarcha, Carlos. (org.). (1997), “Lourenço Filho e a Biblioteca de Educação”. In: Lourenço Filho: outros aspectos, mesma obra. Campinas, Mercado de Letras, pp. 27-57.
  • Monarcha, Carlos. (2001), Lourenço Filho e a organização da psicologia aplicada à educação. Brasília, Inep.
  • Monarcha, Carlos. (2009), Brasil arcaico, Escola Nova. São Paulo.
  • Nagle, Jorge. (2006), “A educação na Primeira República”. In: Pinheiro, Paulo Sérgio et al. (orgs.). História geral da civilização brasileira: O Brasil republicano. 8 ed. Rio de Janeiro, Bertrand Brasil, t. iii, vol. 9, pp. 283-318.
  • Nagle, Jorge. (2009), Educação e sociedade na Primeira República. São Paulo, Edusp.
  • Nascimento, Alessandra Santos. (2012), Fernando de Azevedo: Dilemas na institucionalização da sociologia no Brasil. São Paulo, Cultura Acadêmica.
  • Nery, Ana Clara Bortoleto. (2008), A Sociedade de Educação de São Paulo: Embates no campo educacional (1922-1931). São Paulo, Unesp.
  • Oliveira, Priscila M. (2015), Lourenço Filho e a coleção biblioteca de educação: uma análise dos prefácios escritos por esse educador. São Carlos, dissertação de mestrado, ppg Educação/Cech, Universidade Federal de São Carlos, ufscar.
  • Petitjean, Patrick. (1989), “Le Groupement des Universités et Grandes Écoles de France pour les relations avec l’Amérique Latine et la création d’Instituts à Rio, São Paulo et Buenos Aires (1907/1940)”. In: D’Ambrósio, Ubiratan. Anais do 2º Congresso Latino-Americano de História da Ciência e da Tecnologia. São Paulo, Nova Stella, pp. 428-442.
  • Pontes, José Alfredo Vidigal. (2010), Júlio de Mesquita Filho. Recife, Fundação Joaquim Nabuco, Massangana.
  • Rocha, Ana Cristina S. M. (2016), Experiências norte-americanas e projetos de educação no Distrito Federal e em São Paulo (1927-1935): Anísio Teixeira, Noemi Silveira, Isaías Alves e Lourenço Filho. Rio de Janeiro, tese de doutorado em História das Ciências e da Saúde, Fundação Oswaldo Cruz, Casa de Oswaldo Cruz, Fiocruz.
  • Rocha, Ana Cristina S. M. (2019), “Noemy Silveira, Isaías Alves e a psicologia educacional: diálogos entre Brasil, França e eua”. História, Ciências, Saúde - Manguinhos, Rio de Janeiro, 26 (2): 407-425.
  • Ruchat, Martine. (2015), Édouard Claparède: à quoi sert l’éducation. Lausanne, Antipodes.
  • Sanglard, Gisele. (2008), Entre os salões e o laboratório: Guilherme Guinle, a Saúde e a Ciência no Rio de Janeiro, 1920-1940. 20 ed. Rio de Janeiro, Editora Fiocruz.
  • Santos, Heloisa Helena Meirelles dos. (2013), “Escola Normal do Distrito Federal: por trás da modernidade civilizatória da cidade do Rio de Janeiro (1911-1920)”. Revista Contemporânea de Educação, Rio de Janeiro, 8 (15): 135-155.
  • Santos, José Fagner Alves. (2018), Júlio de Mesquita Filho e o projeto de ensino superior paulista: seus escritos, sua atuação (1920-1938). São Paulo, dissertação de mestrado, Faculdade de Educação da Pontifícia Universidade Católica de São Paulo, puc-sp.
  • Savoye, Antoine. (2007), “La science de l’éducation face à la réforme des lycées (France, 1920-1939)”. Symposium “Science(s) de l’éducation et République face à face. Théorisations contrastées d’une discipline indisciplinée (fin du 19e- 20e)”.
  • Silva, André F. C. (2011), A trajetória científica de Henrique da Rocha Lima e as relações Brasil-Alemanha (1901-1956). Rio de Janeiro, tese de doutorado em História das Ciências e da Saúde, Casa de Oswaldo Cruz, Fiocruz.
  • Souza, Letícia Pumar Alves de. (2015), A ciência e seus fins: internacionalismo, universalismo e autonomia na trajetória do fisiologista Miguel Ozório de Almeida (1890-1953). Rio de Janeiro, tese de doutorado em História das Ciências e da Saúde, Casa de Oswaldo Cruz, Fiocruz.
  • Soares, Jefferson da Costa. (2015), “A construção do currículo de sociologia no colégio Pedro ii (1925-1941)”. Cadernos de História da Educação, 14 (1): 95-113.
  • Suppo, Rogelio Hugo. (2001), La politique culturelle française au Brésil entre les années 1920-1950. Paris, tese de doutorado, Paris iii.
  • Terral, Hervé. (2008), Les manuels de Sociologie dans Les Écoles Normales D’instituteurs (1920-1940). In : Trois figures de l’école durkheimienne: Celestin Bouglé, Georges Davy, Paul Fauconnet. L’Harmattan. Dir. Claude Ravellet et Louis Ferraz. Imec, Anamnese, 3, pp. 39-56.
  • Terral, Hervé. (2005), “Paul Lapie (1869-1927): universitaire et bâtisseur de l’école laïque”. Carrefours de l’Éducation, 1 (19): 121-137.
  • Vidal, Diana Gonçalves. (2013), “80 anos do Manifesto dos Pioneiros da Educação Nova: questões para debate”. Educação e Pesquisa, São Paulo, 39 (3): 577-588.
  • Vidal, Diana G. & Rabelo, Rafaela S. (jan.-abr. 2019), “A criação de Institutos de Educação no Brasil como parte de uma história conectada da formação de professores”. Cadernos de História da Educação, 18 (1): 208-220.
  • Vidal, Diana G.; Silva, José C. S. & Abdala, Raquel. (2020), Fernando de Azevedo em releituras. Sobre lutas travadas, investigações realizadas e documentos guardados. São Paulo, Paco.
  • Vercesi, Maria Elena de Abreu. (2010), O Lyceu Franco-Brasileiro São Paulo. São Paulo, dissertação de mestrado. Faculdade de Educação da Pontifícia Universidade Católica de São Paulo, puc-sp.
  • Warde, Mirian Jorge. (2003), “O itinerário de formação de Lourenço Filho por descomparação”. Revista Brasileira de História da Educação, 5: 125-167.
  • Weid, Elisabeth Von der. (1989), A expansão da Rio de Janeiro Tramway Light and Power ou as origens do “Polvo Canadense. Trabalho apresentado no 10º Módulo do Congresso Internacional do Centenário da República Brasileira. Rio de Janeiro, 28 set. 1989. Mesa Redonda “Energia Elétrica, Estado e Sociedade”. Mimeo. Rio de Janeiro, Fundação Casa de Rui Barbosa, pp. 1- 49.
  • 1
    . Je remercie Christophe Charle pour la lecture attentive et les corrections de la version française de cet article.
  • 2
    . Voir, par exemple, l’extrait d’une lettre envoyée par Georges Dumas au Ministère des Affaires Étrangères : “Il serait injuste de dire que les nord-américains travaillent contre nous, mais on peut dire qu’ils répandent une culture de base morale et pratique et une connaissance de l’anglais qui ne prépare pas les étudiants à recevoir et à aimer notre influence. À Rio, on entend dans des milieux plus ou moins américanisés [...] que nous avons besoin d’hommes d’action et de réalité, et si les jeunes acceptent cette philosophie pratique et simpliste, nous les perdrons certainement”. Cf. Dumas au Ministère des Affaires Étrangères. mae. 1917. Sur les relations avec l’Allemagne, voir : Silva, 2013, et Muñoz, 2020.
  • 3
    . Les deux principaux instituts qui encouragent et financent cette circulation sont l’Institut franco-brésilien de haute culture (1922-1938), basé à Rio de Janeiro, et l’Institut technique franco-pauliste (1925-1928). Les missions de Piéron et Fauconnet à São Paulo, mentionnées ci-dessous, ont eu lieu dans le cadre de l’itfp - clairement en phase avec les orientations des élites dirigeantes qui réclamaient des “sciences appliquées”. Cf. Suppo, 2001Suppo, Rogelio Hugo. (2001), La politique culturelle française au Brésil entre les années 1920-1950. Paris, tese de doutorado, Paris iii.; Petitjean, 1989Petitjean, Patrick. (1989), “Le Groupement des Universités et Grandes Écoles de France pour les relations avec l’Amérique Latine et la création d’Instituts à Rio, São Paulo et Buenos Aires (1907/1940)”. In: D’Ambrósio, Ubiratan. Anais do 2º Congresso Latino-Americano de História da Ciência e da Tecnologia. São Paulo, Nova Stella, pp. 428-442.; Vercesi, 2010Vercesi, Maria Elena de Abreu. (2010), O Lyceu Franco-Brasileiro São Paulo. São Paulo, dissertação de mestrado. Faculdade de Educação da Pontifícia Universidade Católica de São Paulo, puc-sp..
  • 4
    . Cf. Suppo (2001Suppo, Rogelio Hugo. (2001), La politique culturelle française au Brésil entre les années 1920-1950. Paris, tese de doutorado, Paris iii.) pour la liste des professeurs français et des professeurs brésiliens qui se sont rendus en France - puisque l’Institut franco-brésilien de la haute culture a couvert la circulation dans les deux sens.
  • 5
    . Dumas a été élu membre libre de l’Académie de Médecine en 1926 et membre titulaire de l’Académie des Sciences Morales et Politiques en 1933. Dans les deux cas, ses “services rendus à la France” ont été soulignés par ceux qui ont proposé sa candidature.
  • 6
    . Depuis les années 1910, la psychologie expérimentale française jouissait déjà d’un certain prestige aux États-Unis - étant donné que les études de Binet et Simon avaient été largement diffusées et adaptées aux intérêts de l’école nord-américaine. Dans le cas de la sociologie, le dialogue s’est établi avec les concurrents de Durkheim - Tarde et Worms - ce qui a produit une atmosphère anti-durkheimienne jusque dans les années 1930. Cela explique peut-être que la première traduction américaine des Règles de la méthode sociologique date de 1938 - un an après la traduction brésilienne. (Cf. Paicheler, 1992; Tournès, 2007; Turner, 2010; Platt, 1995).
  • 7
    . On a supposé que Dumas a été choisi parce qu’il avait écrit sur Auguste Comte. En fait, sa thèse secondaire porte sur Comte, et il publie un ouvrage sur Comte et Saint-Simon en 1906. Comte est le sujet de ses premiers cours au Brésil, dans lesquels il plaide abondamment en faveur du Comte scientifique au détriment du fondateur de la religion de l’humanité. Ses cours ont suscité des protestations et provoqué l’indignation des milieux positivistes orthodoxes. Sur l’invitation de Dumas, cf. Melo & Campos, 2014Melo, Carolina S. B. de & Campos, Regina H. de F. (2014), “Scientific exchanges between France and Brazil in the History of Psychology. The role of Georges Dumas between 1908 and 1946”. Universitas Psychologica, Bogotá, 13 (5): 1681-1695..
  • 8
    . En fait, Dumas est venu par l’intermédiaire d’une institution fondée en 1907, le Groupement des Universités et Grandes Écoles de France pour les relations avec l’Amérique Latine. Sur le Groupement, voir Suppo (2001Suppo, Rogelio Hugo. (2001), La politique culturelle française au Brésil entre les années 1920-1950. Paris, tese de doutorado, Paris iii.) et Petitjean (1989Petitjean, Patrick. (1989), “Le Groupement des Universités et Grandes Écoles de France pour les relations avec l’Amérique Latine et la création d’Instituts à Rio, São Paulo et Buenos Aires (1907/1940)”. In: D’Ambrósio, Ubiratan. Anais do 2º Congresso Latino-Americano de História da Ciência e da Tecnologia. São Paulo, Nova Stella, pp. 428-442.; 2011).
  • 9
    . La notice nécrologique de Pierre Janet, professeur au Collège de France, collègue et grand ami de Dumas, est assez explicite à cet égard : “Son principal effort a été d’organiser les relations scientifiques et culturelles entre les pays d’Amérique du Sud et la France. [...] Ils ont facilement accepté les conditions proposées par lui, ont suivi ses directives, même avec des difficultés [...]. Dumas est arrivé avec des solutions toutes faites, avec des programmes bien préparés. C’est la conduite des patrons, car elle évite le travail de réflexion et de choix à ceux qui écoutent, en levant leurs doutes. Comme il les a informés qu’il reviendrait l’année suivante, cela a imposé la continuité de l’effort et le suivi du travail”. Janet sur Dumas. Archives du Collège de France. Fonds Pierre Janet. 55 - cdf - 18 a - c.
  • 10
    . Dumas a également été éditeur de manuels de psychologie et sa veine pédagogique se distingue de toutes ses activités académiques. L’ensemble des nécrologies souligne le rôle du “gestionnaire intellectuel” ou du “professeur” - en plus de son caractère diplomatique - des traits qui occupent une position dominée dans la hiérarchie scientifique.
  • 11
    . Parmi les cinq professeurs figurent trois psychologues - Georges Dumas, Henri Piéron et Pierre Janet - un sociologue - Paul Fauconnet - et le philosophe Lucien Lévy-Bruhl. Pierre Janet et Lucien Lévy-Bruhl étaient au Brésil à l’occasion des célébrations du centenaire de l’indépendance, en 1922.
  • 12
    . Un point sensible a été le Lycée Franco-Brésilien de São Paulo, dont la fondation a été conditionnée par la restriction du nombre d’enseignants et de directeurs français. En 1921, Dumas exprime ces contraintes : “M. Dumas a tenu à rapporter qu’il ne s’agissait absolument pas d’introduire en Amérique Latine l’enseignement pur de la langue française, mais de s’associer à une œuvre commune dans laquelle les français concourraient [pour] certains points, comme dans l’enseignement des humanités, de la rhétorique et de la philosophie sur le modèle de l’enseignement national français”. (Havas)”. Dumas, Correio Paulistano, 10 janvier 1921.
  • 13
    . A l’origine du Lycée se trouve une alliance entre le capital national et international qui s’est exprimée à travers des réseaux de relations personnelles et professionnelles. L’un des parrains du Lyceu, Quellenec, ingénieur en chef de la Compagnie du Canal de Suez et membre du conseil d’administration de la Rio Light Co., est un collègue d’Alfredo Maia - ancien secrétaire des Travaux Publics du gouvernement de l’état de São Paulo et vice-président de la compagnie de chemin de fer E. F. Sorocabana et Sorocabana. Antônio Francisco de Paula Souza, père du directeur du Lycée, Ruy de Paula Souza, avait été ministre de l’Industrie et des Travaux Publics et directeur de la surintendance des Travaux Publics de l’état de São Paulo en même temps qu’Alfredo Maia.
  • 14
    . Les principaux membres de l’Union Scolaire Franco-Brésilienne sont : Ramos de Azevedo (Polytechnique); Ruy de Paula Souza et mc Buarque (École Normale); Reynaldo Porchat (Droit); Américo Brasiliense et João Frederico de Borba (Pharmacie); José Carlos de Macedo Soares et Oscar de Sá Campelo (Commerce); Otávio Teixeira Mendes et Francisco Dias Martins (Agriculture). Sur les activités de l’Union Scolaire, cf. Jornal do Commercio, 14 août 1921. Les principaux financeurs du Lycée étaient les suivants, par ordre d’importance du parrainage : Société Anonyme Française des Lycées Franco-Brésiliens; Ramos de Azevedo; Lineu de Paula Machado; Victor da Silva Freire; Luiz A. C. Galvão; Carlos Botelho; Arnaldo Dumont Villares; José de Sampaio Moreira; Alfredo Pujol; Luiz Betim Paes Leme; Pio de Almeida Prado; Ruy de Paula Souza; Sénateur Vicente de Paula de Almeida Prado; José V. de Almeida Prado Júnior; Lupercio Teixeira Camargo; Julio de Mesquita; João Alves Lima . Cf. Vercesi, 2010Vercesi, Maria Elena de Abreu. (2010), O Lyceu Franco-Brasileiro São Paulo. São Paulo, dissertação de mestrado. Faculdade de Educação da Pontifícia Universidade Católica de São Paulo, puc-sp., p. 26.
  • 15
    . Prenez, par exemple, la Cia Docas de Santos, dont les partenaires étaient Cândido Graffée et l’héritier Guilherme Guinle. Lineu de Paula Machado a épousé Celina Guinle, la sœur de Guilherme, et est devenue l’associée de Guilherme dans la Banque Boavista; Alberto Faria, beau-père d’Afrânio Peixoto et d’Alceu Amoroso Lima, était administrateur de cette société. Un autre exemple sont les partenariats dans les entreprises urbaines dans le domaine de l’infrastructure formés par Francisco Ramos de Azevedo, Vitor da Silva Freire et Antônio Francisco de Paula Souza - collègues de l’École Polytechnique de São Paulo - qui ont également occupé des postes à la direction du Secrétariat des Travaux Publics de l’état de São Paulo. Cf. Campos, 2007Campos, Cristina de. (2007), Ferrovias e saneamento em São Paulo: o engenheiro Antônio Francisco de Paula Souza e a construção da rede de infraestrutura territorial e urbana paulista (1870-1893). São Paulo, fau-usp.. Sur les grandes entreprises d’infrastructure au Brésil, voir Weid (1989Weid, Elisabeth Von der. (1989), A expansão da Rio de Janeiro Tramway Light and Power ou as origens do “Polvo Canadense. Trabalho apresentado no 10º Módulo do Congresso Internacional do Centenário da República Brasileira. Rio de Janeiro, 28 set. 1989. Mesa Redonda “Energia Elétrica, Estado e Sociedade”. Mimeo. Rio de Janeiro, Fundação Casa de Rui Barbosa, pp. 1- 49.), Campos (2007) et Lamarão (2012Lamarão, Sérgio T. de N. (2012), A energia elétrica e o parque industrial carioca (1880-1920). Globalización, innovación e construcción de redes técnicas urbanas en América Latina y Europa (1890-1930). Simpósio Internacional, Universidade de Barcelona.).
  • 16
    . Sur les “ingénieurs éducateurs” d’Association Brésilienne de l’Éducation, cf. Carvalho, 1986Carvalho, Marta Maria Chagas de. (1986), Molde nacional e fôrma cívica: higiene, moral e trabalho no projeto da associação brasileira de educação (1924-1931). São Paulo, tese de doutorado, Faculdade de Educação da Universidade de São Paulo., et Gomes, 2015Gomes, Clecia Aparecida. (2015), Os engenheiros da Associação Brasileira de Educação (abe): confluências entre ideias educacionais e urbanas na cidade do Rio de Janeiro nos anos iniciais do século xx. Campinas, dissertação de mestrado, Instituto de Filosofia e Ciências Humanas da Universidade Estadual de Campinas, Unicamp..
  • 17
    . Dumas a été invité par Maurício de Medeiros, à la suggestion de Juliano Moreira, président de la Société de Psychiatrie, Neurologie et Médecine Légale. Cf. Muñoz, 2018; Melo, 2016Melo, Carolina S. B. de. (2016), Légitimation, application et formation: les missions scientifiques françaises au Brésil dans le domaine de la psychologie (1908-1947). Paris, tese de doutorado, École des Hautes Études en Sciences Sociales.; Cerqueira, 2014.
  • 18
    . Entre 1884 et 1906, ces trois auteurs ont publié huit textes (cinq articles, deux comptes rendus et une présentation) dans les Annales Médico-Psychologiques - la plus importante revue de psychophysiologie de l’époque en France. Toutes portaient sur diverses maladies mentales, des épidémies collectives de folie ou des institutions d’asile au Brésil. Ce point est important car il permet de différencier la réception du français par les “médecins-éducateurs” de celle des “éducateurs réformateurs” : les premiers sont des professeurs de l’enseignement supérieur, praticiens de la médecine hospitalière, entretiennent des publications dans des revues internationalement prestigieuses et dialoguent avec diverses écoles scientifiques - notamment de l’Allemagne et des Etats-Unis. Cf. Muñoz, 2018.
  • 19
    . Entre 1907 et 1914, Afrânio Peixoto, Juliano Moreira, Ulisses Viana, Antonio Penafiel et Raul Leitão da Cunha ont publié 5 articles, 2 critiques et 1 communication dans les Annales Médico-Psychologiques. Outre Afrânio Peixoto et Juliano Moreira, Maurício de Medeiros, qui avait étudié avec Dumas à Paris, et Miguel Ozório de Almeida figuraient également parmi les membres de ce groupe. Au Brésil, ce groupe a fondé les Archivos brasileiros de psychiatria, neurologia e sciencias affins, en 1905, dont le nom a été changé en Archivos brasileiros de psychiatria, neurologia e medicina legal, avec la création de la Société Brésilienne de Psychiatrie, Neurologie et Médecine Légale, en 1907. Cf. Facchinetti, 2010 et Muñoz, 2018.
  • 20
    . Les communications sont de Medeiros e Albuquerque (1924), frère de Maurício de Medeiros, et Miguel Ozório de Almeida (1926) et ont été réalisés à la Société de Psychologie - dirigée par le groupe lié à Dumas.
  • 21
    . Le cas d’Afrânio Peixoto est exemplaire à cet égard. Issu d’une famille aisée - son père était propriétaire d’une extraction de diamants, mais entre en crise -, sa trajectoire ultérieure exprime une relative rareté des ressources. C’est du moins ce que l’on peut déduire de sa conversation avec Francisco Alves, qui lui a conseillé d’écrire un manuel d’éducation pour récolter des fonds et faire le voyage rêvé en Europe. Cf. Dictionnaire historico-biographique des sciences de la santé au Brésil. Une analyse préliminaire nous amène à identifier certains réseaux d’interdépendance entre les milieux de la médecine et de l’ingénierie. La famille Guinle a également parrainé deux laboratoires à Rio de Janeiro : le laboratoire d’analyse clinique de l’Hospice des Alienés, dirigé par Afrânio Peixoto, et le laboratoire de physiologie des frères Miguel et Álvaro Ozório de Almeida. Afrânio est un membre de la famille d’Alberto de Faria, directeur de la Cia. Docas de Santos, et Miguel et Álvaro est les fils de Gabriel Ozório de Almeida, un autre directeur de la Cia. Docas de Santos. En outre, la société de Guinle et Graffée a utilisé l’espace de la Gazetta de Notícias et du journal O Estado de S. Paulo pour ses intérêts commerciaux. Afrânio et Alberto de Faria sont membres de l’Académie Brésilienne des Lettres. Cf. tb Sanglard 2008Sanglard, Gisele. (2008), Entre os salões e o laboratório: Guilherme Guinle, a Saúde e a Ciência no Rio de Janeiro, 1920-1940. 20 ed. Rio de Janeiro, Editora Fiocruz..
  • 22
    . Dans le laboratoire de Miguel et Álvaro Ozório de Almeida, de nombreux professeurs français ont travaillé dans les années 1920, notamment Henri Piéron, Henri Laugier, Emile Gley et Louis Lapicque. Ozório de Almeida a publié deux articles en France avec Piéron. Cf. Melo, 2016Melo, Carolina S. B. de. (2016), Légitimation, application et formation: les missions scientifiques françaises au Brésil dans le domaine de la psychologie (1908-1947). Paris, tese de doutorado, École des Hautes Études en Sciences Sociales..
  • 23
    . On traite conjointement la psychologie scientifique et la sociologie durkheimienne, car c’est dans cette collaboration que Dumas et son entourage ont investi dans les années 1920. Il est important de souligner que l’internationalisation de la psychologie scientifique a été facilitée par sa plus grande imprégnation dans les sciences naturelles. En revanche, la sociologie durkheimienne était plus fortement associée à la culture française. Cf. Charle, 2004Charle, Christophe; Schriewer, Jürgen & Wagner, Peter (org.). (2004), Transnational intellectual networks: forms of academic knowledge and the search for cultural identities. Frankfurt/Main, Campus Verlag..
  • 24
    . En 1912, Dumas a donné un cours de douze conférences à l’École Normale de São Paulo. La deuxième conférence portait précisément sur la relation entre la psychologie et la pédagogie. Cf. O Estado de S. Paulo, 1er septembre 1912. Parmi les participants figuraient des membres du gouvernement de l’état de São Paulo, des enseignants de l’École Normale et des membres de l’Union Scolaire Franco-Pauliste, tels que Ruy de Paula Souza, Vergueiro Steidel, Cyridião Buarque et Oscar Campelo. Cf. http://www.histedbr.fe.unicamp.br/navegando/fontes_escritas/3_Imperio/1846_escola_normal.pdf.
  • 25
    . En 1908, à l’occasion de sa première mission, Dumas visite l’École Polytechnique et la Faculté de Droit de São Paulo - initiant ainsi des contacts avec Frederico Vergueiro Steidel, Silva Telles, Silva Freire, Ramos de Azevedo, Francisco de Paula Souza, Reynaldo Porchat, Alfredo Pujol, Mendes de Almeida et Dino Bueno. Sur l’importance du journal O Estado de S. Paulo dans la vie culturelle et éducative de São Paulo, cf. Miceli, 2001Miceli, Sérgio. (2001), Intelectuais à brasileira. São Paulo, Companhia das Letras.; Santos, 2018Santos, José Fagner Alves. (2018), Júlio de Mesquita Filho e o projeto de ensino superior paulista: seus escritos, sua atuação (1920-1938). São Paulo, dissertação de mestrado, Faculdade de Educação da Pontifícia Universidade Católica de São Paulo, puc-sp.; Nery, 2008Nery, Ana Clara Bortoleto. (2008), A Sociedade de Educação de São Paulo: Embates no campo educacional (1922-1931). São Paulo, Unesp., et Limongi, 1989Limongi, Fernando. (1989), “Mentores e clientelas da Universidade de São Paulo”. In: Miceli, Sergio (org.). (1989), História das Ciências Sociais no Brasil - 1. São Paulo, Vértice, pp. 111-187..
  • 26
    . En 1924, première année de fonctionnement du Lycée, le conseil pédagogique était composé de Frederico Vergueiro Steidel (Faculté de Droit), du professeur Rodolpho Batista S. Thiago (École Polytechnique), du professeur Ovídio Pires de Campos (Faculté de Médecine), du professeur J. Itapura de Miranda (Gymnase de São Paulo), du professeur Antônio Sampaio Doria (École Normale) et du professeur français Drouin. Cf. , 18 janvier 1924. Sampaio Dória et Frederico Vergueiro Steidel étaient membres de la Ligue Nationaliste; Ruy de Paula Souza et Victor da Silva Freire, qui ont parrainé le Lyceu, étaient membres de la Société d’Éducation de São Paulo (1929).
  • 27
    . Le projet de fonder un lycée à São Paulo remonte à 1916, et Dumas pensait initialement construire quatre lycées au Brésil. Cf. Kovacevic, 2019Kovacevic, Gisele Schiavetti Basilio. (2019), A política cultural francesa e o Lyceu Franco-Brasileiro S. Paulo como um modelo de ensino secundário para o Brasil - (1916-1951). São Paulo, dissertação de mestrado, Faculdade de Educação da Pontifícia Universidade Católica de São Paulo, puc-sp., p. 53-54. Les actifs initiaux ont été donnés par le Parlement, et une autre partie provient de banques, de sociétés françaises et de maisons ayant des intérêts au Brésil. En raison du manque de ressources, il a fallu chercher des mécènes au Brésil et diviser l’administration du Lyceu - accordée par le gouvernement de São Paulo, le gouvernement fédéral et des mécènes privés.
  • 28
    . Les familles de Ruy de Paula Souza et de Fernando de Azevedo étaient, respectivement, propriétaires du secteur des infrastructures urbaines - chemins de fer (sp) et transports (rj). Leurs familles ont probablement entretenu des relations, puisque Francisco de Paula Souza était un associé de la Compagnie Chemin de Fer Sorocabana, et Francisco Eugênio de Azevedo était un associé de la Compagnie Ferro-Carril Guarany. Après une période d’instabilité économique familiale, Fernando de Azevedo épouse, à l’âge de 23 ans, Elisa Assumpção do Amarante Cruz, fille du médecin militaire et actionnaire de la Banque União de S. Paulo, Luiz Gonzaga do Amante Cruz. Le père de Lourenço Filho était un petit commerçant, et celui de Sampaio Doria était major dans l’ancienne armée impériale. Tous deux ont enseigné pendant leurs années de formation. Cf. Miceli, 2001Miceli, Sérgio. (2001), Intelectuais à brasileira. São Paulo, Companhia das Letras..
  • 29
    . Exception faite de Ruy de Paula Souza - qui a fait toute sa formation à Paris - et a obtenu une licence ès Lettres à la Sorbonne. Au Brésil, il a fréquenté l’École de Mines de Ouro Preto. Paula Souza, contrairement aux autres, était de la même génération que Dumas et a pu entrer en contact avec lui lorsqu’elle était étudiante à Paris.
  • 30
    . Entre 1909 et 1914, Dumas a été chroniqueur pour le Correio Paulistano et a écrit environ deux cents chroniques durant cette période. Les journaux vantent Dumas comme l’”Einstein de la Sorbonne” et l’”ami du Brésil” - un éblouissement que l’on ne retrouve pas dans son cercle le plus proche.
  • 31
    . Dumas a commencé la collaboration en 1923 et l’a terminée en 1930 - absent en 1924 et 1925, où il a été remplacé par Albert Thibaudet. Fauconnet a commencé cette collaboration en 1927Fauconnet, Paul. “Estrutura e Organização das Universidades Francesas”. O Estado de S. Paulo, 12 de outubro de 1927. et l’a terminée en 1930.
  • 32
    . Ce processus ne s’est pas déroulé sans tensions et solutions négociées avec les écoles confessionnelles françaises au Brésil. Les enseignants français ont dû adopter une position en France et une autre au Brésil : en France, ils ont défendu la loi de 1905 de séparation entre l’Église et l’État; au Brésil, ils ont soutenu les écoles confessionnelles françaises. Cf. Suppo, 2001Suppo, Rogelio Hugo. (2001), La politique culturelle française au Brésil entre les années 1920-1950. Paris, tese de doutorado, Paris iii..
  • 33
    . Le mouvement de l’École Unique en France ne doit pas être confondu avec le mouvement de l’Éducation Nouvelle - qui avait une portée internationale. Ce mouvement préconise la suppression du cours primaire dans les lycées afin que tous les élèves des écoles publiques entrent dans le système par les écoles primaires. À cette époque, les lycéens - issus des classes aisées - fréquentent l’école primaire dans le lycée même, tandis que les classes populaires fréquentent l’école primaire et l’école primaire supérieure, générant une séparation entre les classes sociales. Cf. Dumas, oesp, 19 août 1928.
  • 34
    . La suggestion de Dumas comprenait également la création de facultés d’éducation sur le modèle de l’École Normale Supérieure française. À cet égard, voir la mention par Sampaio Doria de la participation de Dumas à la réforme des écoles normales de São Paulo : “En 1920, lors des réunions promues par le professeur Sampaio Doria à la Direction Générale de l’Éducation, vous, Monsieur le professeur George [sic] Dumas, vous efforçant, selon vos nobles manières, d’apparaître comme un simple collaborateur secondaire, avez apporté un précieux contingent au projet d’une faculté d’éducation, une école supérieure destinée au perfectionnement pédagogique des enseignants et à la diffusion de la culture générale. La faculté d’éducation, bien qu’elle ait été créée par une loi de l’état de São Paulo, n’est pas allée au-delà du papier. Mais la graine est restée”. Almeida Júnior, séance spéciale pour la nomination de Dumas comme docteur honoraire à l’Université de São Paulo - 11 juin 1937. Cf. l’Annuaire de l’usp de 1938. Tout indique que, le projet n’ayant pas abouti, Dumas a mis en garde contre le fait qu’une faculté d’éducation à l’orientation “strictement pratique” pourrait compromettre la fondation d’une faculté des lettres.
  • 35
    . L’invention d’une tradition de l’Amérique Latine comme région de haute culture fait partie de la rhétorique de presque tous les professeurs français de cette période. “L’Amérique Latine, région de vieille culture, comprend que pour être plus forte, pour affermir sa personnalité, il lui suffit d’organiser sa propre force, d’être latine au sens le plus complet du terme, et c’est pourquoi [...] toutes les nations que j’ai visitées perfectionnent leur enseignement secondaire pour recruter plus largement leurs élites, pour renforcer leur esprit national, pour valoriser toute leur richesse intellectuelle et aussi pour préparer les chefs à la lutte économique dans laquelle ils sont engagés. L’Amérique Latine, avec l’amélioration de son enseignement secondaire, n’a pas à créer un capital intellectuel, mais à obtenir un rendement méthodique du capital que la plupart des nations qui la composent possèdent depuis longtemps - certaines depuis plusieurs siècles.” Dumas, oesp, 17 novembre 1928 et 25 août 1927.
  • 36
    . Fauconnet est président du “Groupe français” de la Ligue Internationale pour l’Éducation Nouvelle, fondée en 1921, et Henri Piéron en est le vice-président.
  • 37
    . Sur la réception des idéaux français et nord-américains parmi les milieux de l’Éducation Nouvelle, voir Bomeny, 2001Bomeny, Helena. (2001), Os intelectuais da educação. Rio de Janeiro, Jorge Zahar., p. 45, et Nascimento, 2012Nascimento, Alessandra Santos. (2012), Fernando de Azevedo: Dilemas na institucionalização da sociologia no Brasil. São Paulo, Cultura Acadêmica., p. 94. Le mouvement pour l’École Unique en France était distinct de ce mouvement, mais tous deux proposaient de démocratiser l’accès à l’éducation, de rationaliser la sélection des élèves, de moderniser la formation des enseignants et d’institutionnaliser la psychologie et la sociologie à tous les niveaux de l’enseignement.
  • 38
    . Parmi les différents courants de l’Éducation Nouvelle, il accorde une plus grande attention à la conception suisse de “l’École Active”.
  • 39
    . “La question des humanités ne se pose pas dans les mêmes termes pour chaque pays et pour chaque époque. Il peut y avoir un excès ici et une carence là. Sans contradiction, je peux à la fois demander qu’un régime très exclusif des humanités soit modéré en France et qu’ailleurs, au Brésil par exemple, une place plus large lui soit ouverte.” Fauconnet, oesp, 09/05/1928Fauconnet, Paul. “A questão das humanidades”. O Estado de S. Paulo, 9 maio 1928..
  • 40
    . En 1930, le tirage du journal O Estado de São Paulo était d’environ 100 000 exemplaires par jour. Les suggestions de Fauconnet étaient nombreuses : il a préconisé que le Conseil de l’Université intègre des membres de la société civile, en plus des étrangers, et que les professeurs agissent plus activement dans la société, en devenant des formateurs de l’opinion publique. Fauconnet, oesp, 12/10/1927.
  • 41
    . En défendant l’idée que l’éducation varie selon la structure sociale d’un pays, l’auteur s’est nécessairement écarté de la base naturaliste et psychologisante des nord-américains. Cf. Durkheim, 1929Durkheim, Émile. (1929), Educação e Sociologia. Introdução de Paul Fauconnet, “A obra pedagógica de Durkheim”. Tradução de Lourenço Filho. São Paulo, Melhoramentos. Bibliotheca de Educação, vol. 5..
  • 42
    . “Parce que la psychologie est manifestement incompétente quand il s’agit de dire non pas ce qu’est l’enfant, qui reçoit l’éducation, sa manière propre d’assimiler et de réagir, mais la nature même de la civilisation que l’éducation transmet et l’appareil qu’elle emploie pour la transmettre.” Fauconnet, 1929Fauconnet, Paul. (1929), “A obra pedagógica de Durkheim”. Introdução a: Durkheim, Émile. (1929), Educação e Sociologia. Tradução de Lourenço Filho. São Paulo, Melhoramentos. Bibliotheca de Educação, vol. 5, pp. 5-31., pp. 12-13.
  • 43
    . Les lettres des deux à Henri Piéron sont révélatrices en ce sens. Cf. Piéron. Institut de Psychologie. Université Paris Descartes, Fonds Piéron. Cf. Souza, 2015Souza, Letícia Pumar Alves de. (2015), A ciência e seus fins: internacionalismo, universalismo e autonomia na trajetória do fisiologista Miguel Ozório de Almeida (1890-1953). Rio de Janeiro, tese de doutorado em História das Ciências e da Saúde, Casa de Oswaldo Cruz, Fiocruz.; Melo, 2016Melo, Carolina S. B. de. (2016), Légitimation, application et formation: les missions scientifiques françaises au Brésil dans le domaine de la psychologie (1908-1947). Paris, tese de doutorado, École des Hautes Études en Sciences Sociales..
  • 44
    . Il est important de noter que les disciplines “expérimentales” et “appliquées” avaient un plus grand potentiel de circulation en raison de leur plus grande autonomie par rapport à la culture national d’origine ou au champ de production. Dans un contexte nationaliste, tel que celui des années 1920, la sociologie durkheimienne était désavantagée par son association avec la culture française (qui pouvait être lue comme “impérialiste”) par rapport à la psychologie expérimentale, dont le fondement naturaliste pouvait être apprécié comme “universel”. Cf. Charle, 2004Charle, Christophe; Schriewer, Jürgen & Wagner, Peter (org.). (2004), Transnational intellectual networks: forms of academic knowledge and the search for cultural identities. Frankfurt/Main, Campus Verlag..
  • 45
    . Sur l’importance de la réforme Fernando de Azevedo dans le District Fédéral pour mettre fin à la “politisation” dans le recrutement des enseignants, cf. Vidal et al., 2020Vidal, Diana G.; Silva, José C. S. & Abdala, Raquel. (2020), Fernando de Azevedo em releituras. Sobre lutas travadas, investigações realizadas e documentos guardados. São Paulo, Paco.. Voir également Santos (2013Santos, Heloisa Helena Meirelles dos. (2013), “Escola Normal do Distrito Federal: por trás da modernidade civilizatória da cidade do Rio de Janeiro (1911-1920)”. Revista Contemporânea de Educação, Rio de Janeiro, 8 (15): 135-155.) et Godoi (2014Godoi, Lidiany Cristina de Oliveira. (2014), A reforma do ensino no estado de São Paulo: conflitos e disputas (1891-1892). Campinas, tese de doutorado, Faculdade de Educação da Universidade Estadual de Campinas, Unicamp.).
  • 46
    . À l’époque, l’enseignement secondaire était subordonné à l’enseignement supérieur et se limitait à la préparation aux facultés professionnels - il n’avait donc pas d’identité propre. Le fait qu’il n’y ait pas d’enseignement supérieur spécialisé dans les domaines littéraires, c’est-à-dire des enseignants dédiés à l’enseignement secondaire, a éternisé le système. Cf. Nagle, 2006Nagle, Jorge. (2006), “A educação na Primeira República”. In: Pinheiro, Paulo Sérgio et al. (orgs.). História geral da civilização brasileira: O Brasil republicano. 8 ed. Rio de Janeiro, Bertrand Brasil, t. iii, vol. 9, pp. 283-318., p. 303, et Nagle, 2009.
  • 47
    . “Ce qui différencie l’enseignement américain de l’enseignement français repose exactement sur cette distinction substantielle : le premier tend vers la méthode de l’autorité, de la statistique ou des formules scientifiques (caractère informatif), tandis que le second vise plutôt à profiter de la “capacité formative” de chaque sujet pour éveiller et développer l’esprit d’analyse, le sens de l’observation, la curiosité intellectuelle et la pénétration psychologique”. Ruy de Paula Souza. “Liceo Franco-Brasileiro”. oesp, 10 mars. 1925.
  • 48
    . Le Lycée Français de Rio de Janeiro n’a pas rencontré les mêmes problèmes, car il n’était pas structuré selon le modèle des lycées français, c’est-à-dire qu’il ne proposait pas l’enseignement des humanités classiques.
  • 49
    . Le Bon est peut-être l’auteur qui a le plus nui aux objectifs éducatifs des missions françaises. Porteur d’une trajectoire d’outsider dans le domaine universitaire, il devient un détracteur de la France et des “races latines”. Il était un essayiste défenseur du libéralisme économique, de l’enseignement privé et des peuples “anglo-saxons”. Sa Psychologie de l’éducation (1902) préconise une éducation professionnelle visant la réussite individuelle. “L’école européenne représente l’ignorance la plus grossière de l’enfant et de la nature humaine. Il moule les cerveaux sans honte ni pudeur; il supprime l’originalité et nivelle les personnalités comme une machine à égaliser. L’école américaine exalte l’individualité, la libère pour qu’elle manifeste ses propres qualités [...] tout en conservant sa liberté d’appréciation, de discernement, d’originalité et de responsabilité.” Le Bon, 1902, p. 74. Cf. Consolim, 2008Consolim, Marcia. (2008), “Posfácio: Gustave Le Bon e a Crítica da razão acadêmica”. In: Le Bon, Gustave. Psicologia das multidões. São Paulo, Martins Fontes.; Carvalho 1987.
  • 50
    . Dans l’une des propositions sur l’enseignement de la sociologie, diffusée par la commission de l’enseignement secondaire, elle suggère un cours visant à préparer à la “vie pratique” et recommande de mettre l’accent sur les “sciences appliquées”. Dans la liste des sujets et des références bibliographiques, on peut identifier l’orientation psychologisante et individualiste, ainsi que l’accent mis sur les “problèmes sociaux”. La psychologie sociale et les lois de l’imitation introduisent le cours. D’abord on mentionne des auteurs américains et allemands et ensuite Durkheim et Lévy-Bruhl. La nécessité d’une “sociologie générale” est défendue, car la sociologie n’est pas encore assez scientifique. L’accent est mis sur la dimension appliquée de la sociologie. Cf. “Programme de sociologie. Programme secondaire - bases pour une réforme”, apud Carvalho, p. 147.
  • 51
    . “Dans l’éducation, l’examen reste la seule idole pour laquelle l’élève et sa famille font de grands sacrifices de solidarité. Mais ici, comme dans d’autres pays d’Amérique, se dessine déjà clairement la réaction salutaire contre la superstition de l’utilité à tout prix, qui a élevé au rang d’idéal, dans l’organisation et le fonctionnement de l’enseignement secondaire, la rapidité à l’accomplir avec le moins d’effort possible. Azevedo, 1960Azevedo, Fernando de. (1960), A educação na encruzilhada. 2 ed. São Paulo, Melhoramentos, vol. 4, p. 263.
  • 52
    . Ainsi, la solution pour l’enseignement secondaire est une combinaison “éclectique” d’humanités classiques, de sciences et de langues et littératures modernes. L’éducation doit avoir les fonctions suivantes : la formation de l’esprit (langue, littérature et sciences), la formation de la conscience nationale (langue et littérature nationales, histoire et géographie nationales) et universelle (histoire de la civilisation, géographie générale, philosophie ou histoire de la pensée). Cf. Azevedo, [1926] 1960, p. 265.
  • 53
    . Bergson est du côté de Bérard contre les durkheimiens et, donc, contre les professeurs français en mission au Brésil. En général, les anti-durkheimiens, y compris les catholiques, sont les partisans de Bergson. Cf. la lettre de Bergson à Bouglé. Cf. Bergson, Bérard & Besnard, 1979.
  • 54
    . Dumas, “Les idées de M. Henri Bergson sur l’enseignement secondaire”. oesp, 8 juillet 1923.
  • 55
    . Les signatures du Manifeste indiquent un rapprochement entre les éducateurs de Rio de Janeiro et de São Paulo. En effet, Fernando de Azevedo, dans sa gestion du District Fédéral, s’est rapproché de certains membres de l’abe de Rio de Janeiro, comme Francisco Venâncio Filho et Edgar Sussekind, signataires du Manifeste (Carvalho, 1987). On notera cependant l’absence de deux grands noms de l’éducation de l’époque : Antônio Carneiro Leão et Gilberto Freyre - ce qui est probablement dû aux différends dans le domaine de la sociologie entre les courants français et nord-américains.
  • 56
    . Lettre de Lourenço Filho à Piéron : “En tant que sud-américain, plus proche de la culture française, je suis un peu déçu de tout ce que je vois et entends. Les tendances des praticiens de la psychologie me semblaient très étroites, analytiques et fragmentées. Il y a un manque d’esprit de synthèse ou, si vous me le permettez, de philosophie. Je ne dis pas d’une philosophie aprioriste, mais du point de vue de la culture générale, d’un sens humain d’interprétation et de valorisation. L’enseignement secondaire me semble quelque peu monstrueux. Le système des crédits, permettant une spécialisation précoce et une fragmentation des études, me semble une solution très simpliste face à un problème aussi profond.” Cf. Fonds Piéron. Institut de Psychologie. Lourenço Filho à Piéron. New York, 1er janvier 1935.
  • 57
    . Il est possible que Fernando de Azevedo et Arnaldo Barreto se soient rencontrés à Rio de Janeiro, puisque tous deux se sont installés dans la ville au même moment et sont allés travailler au Lloyd Brésilien. Barreto dans les écoles professionnelles et Azevedo dans le secteur du chargement. Barreto est mort en 1925, mais il est possible qu’il ait été très proche de Lourenço Filho et de Fernando de Azevedo. Cf. Maziero, 2015Maziero, Maria das Dores S. (2015), Arnaldo de Oliveira Barreto e a Biblioteca Infantil Melhoramentos (1915-1925): Histórias de ternura para mãos pequeninas. Campinas, tese de doutorado, Faculdade de Educação da Universidade Estadual de Campinas, Unicamp..
  • 58
    . Cela ne veut pas dire que Lourenço Filho s’est exclusivement inspiré des auteurs français. Bien au contraire. Il suffit de consulter ses publications pour constater que ses références bibliographiques sont majoritairement nord-américaines. Néanmoins, son adhésion à psychologie scientifique française est indéniable à partir du dialogue qu’il établit avec Piéron. “Comme ses leçons et ses démonstrations trouvaient déjà en pleine activité des noyaux d’application à l’éducation et à l’organisation du travail, elles furent suivies avec empressement. Piéron a eu l’occasion de proposer non seulement des principes et des techniques de psychologie appliquée, mais aussi la discussion de problèmes méthodologiques, ce qui a grandement influencé l’orientation des études de ses disciples de l’époque, parmi lesquels Roberto Mange, Lourenço Filho et Noemy Rudolfer”. Cf. Lourenço Filho, 1956, p. 283.
  • 59
    . Entre 1927 et 1930, la collection Melhoramentos a publié annuellement les volumes suivants : 1 (1927), 4 (1928), 5 (1929) et 2 (1930). Cf. Oliveira, 2015Oliveira, Priscila M. (2015), Lourenço Filho e a coleção biblioteca de educação: uma análise dos prefácios escritos por esse educador. São Carlos, dissertação de mestrado, ppg Educação/Cech, Universidade Federal de São Carlos, ufscar..
  • 60
    . Ferrière et Fauconnet étaient, respectivement, rédacteur en chef et rédacteur pour la France de la revue Pour l’Ère Nouvelle, publiée par la Ligue Internationale de l’Éducation Nouvelle. Ferrière était en mission en Amérique Latine et est arrivé au Brésil après avoir traversé plusieurs pays, mais n’a pas pu débarquer à cause de la révolution de 1930. Edouard Claparède et Adolphe Ferrière étaient membres de l’Institut Jean-Jacques Rousseau, à Genève, et étaient très proches de Piéron et Dumas. Claparède a collaboré à un chapitre du Traité de Psychologie de Dumas. Cf. Dumas à Claparède, Archives de Genève. Sur Claparède, cf. Ruchat, 2015Ruchat, Martine. (2015), Édouard Claparède: à quoi sert l’éducation. Lausanne, Antipodes..
  • 61
    . Pour justifier le choix d’Anísio Teixeira comme traducteur, Lourenço Filho affirme qu’il était un ami et un disciple de Dewey. C’est-à-dire que le traducteur n’était pas un professionnel de la traduction, mais un disciple. Cf. Oliveira, 2015Oliveira, Priscila M. (2015), Lourenço Filho e a coleção biblioteca de educação: uma análise dos prefácios escritos por esse educador. São Carlos, dissertação de mestrado, ppg Educação/Cech, Universidade Federal de São Carlos, ufscar., p. 88.
  • 62
    . Lourenço Filho a préfacé 27 des 29 œuvres de la collection. Cf. Oliveira, 2015Oliveira, Priscila M. (2015), Lourenço Filho e a coleção biblioteca de educação: uma análise dos prefácios escritos por esse educador. São Carlos, dissertação de mestrado, ppg Educação/Cech, Universidade Federal de São Carlos, ufscar.. La préface de Lourenço Filho aux Tests de Binet et Simon révèle le dialogue actif avec les auteurs européens. La traduction du volume est justifiée par la “révision de l’échelle de Binet pour les enfants de São Paulo, travail que nous effectuons depuis environ cinq ans [...]”. Cf. Lourenço Filho, 1920, p. 6.
  • 63
    . Le dépassement de la psychologie par la sociologie est décrit par Lourenço Filho : “Le progrès des sciences naturelles et, en particulier, le développement des études psychologiques ont obligé les pédagogues à revoir leurs théories traditionnelles. D’autre part, la transformation sociale des derniers temps, imposant de nouveaux problèmes à la cogitation des politiciens et des sociologues, devait compliquer cette réaction naturaliste par une réaction critique ayant un sens clairement social. La crise a fini par impliquer non seulement les problèmes des ‘moyens’, mais aussi le problème essentiel des ‘fins’ de l’éducation”. Lourenço Filho, Préface à Claparède, 1928.
  • 64
    . Les éducateurs ont également envoyé des articles à publier à l’étranger. Voir, par exemple, l’article de Fernando de Azevedo dans la revue L’Ére Nouvelle - dirigée par Ferrière (Vidal & Rabelo, 2019Vidal, Diana G. & Rabelo, Rafaela S. (jan.-abr. 2019), “A criação de Institutos de Educação no Brasil como parte de uma história conectada da formação de professores”. Cadernos de História da Educação, 18 (1): 208-220.; Vidal et al., 2020).
  • 65
    . M. B. Lourenço Filho, Introdução ao estudo da Escola Nova. São Paulo, Melhoramentos, [1930] 1978; Fernando Azevedo, Princípios de Sociologia. São Paulo, Companhia Editora Nacional, [1935] 1939. Fernando de Azevedo a envoyé son travail à Célestin Bouglé, qui lui a répondu en promettant un compte rendu dans les Annales Sociologiques, ce qui n’a pas eu lieu. Cf. Bouglé à Azevedo. ieb. Lourenço Filho envoie à Piéron son ouvrage Testes abc [1933] et obtient une notice dans L’Année psychologique. Cf. L’Année psychologique, 1933-2 - n. 1975.
  • 66
    . Dans Principes de sociologie, Durkheim est l’auteur central et le principal représentant de la sociologie scientifique. Sur l’inspiration durkheimienne des manuels de sociologie, cf. Nascimento, pp. 70 et s.

Publication Dates

  • Publication in this collection
    18 June 2021
  • Date of issue
    Jan-Apr 2021

History

  • Received
    20 July 2020
  • Accepted
    24 Aug 2020
Departamento de Sociologia da Faculdade de Filosofia, Letras e Ciências Humanas da Universidade de São Paulo Av. Prof. Luciano Gualberto, 315, 05508-010, São Paulo - SP, Brasil - São Paulo - SP - Brazil
E-mail: temposoc@edu.usp.br