Dans Pascal et la philosophie, nous avons qualifié de première anthropologie l'anthropologie que Pascal met en œuvre dans la "Conférence à Port-Royal" et qui fait le projet de l'Apologie. Fondée sur l'opposition augustinienne de la grandeur et de la misère, cette anthropologie est "abstraite", au sens où elle envisage une nature humaine donnée de façon purement théorique. Par seconde anthropologie, nous entendons désigner l'ensemble des réflexions pascaliennes qui ne sauraient entrer dans la problématique séculaire de la vraie religion: y faisant œuvre absolument originale, Pascal met au jour les concepts fondamentaux d'imagination, de justice et de force, de divertissement ou de gloire. Avec eux, la seconde anthropologie est dé-théologisée: la théologie n'est ni à son principe ni à sa fin, comme apologétique. Pascal y envisage non seulement l'homme pour lui-même, mais les hommes dans leurs déterminations concrètes, existentielles, et non seulement en fonction d'une nature humaine, fût-elle contradictoire. A la pensée de l'homme comme paradoxe s'est alors substituée celle de l'homme dans sa finitude. A partir de la lecture des fragments La 620, 470 et 806 et du thème existentiel de la gloire, le présent article esquisse une caractérisation positive de la seconde anthropologie: elle révèle que l'homme se découvre habité par un autre sujet en lui, l'imagination. Par là même, la seconde anthropologie s'avère être une pensée de l'aliénation, une pensée de la pensée comme aliénation.
Anthropologie; Pensée; Imagination; Aliénation